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Politique de la concurrence

La politique de la concurrence désigne les politiques publiques mises en œuvre par les pouvoirs publics pour garantir une concurrence économique libre et non faussée entre les entreprises. Souvent sectorielle, la politique de la concurrence passe par l'élimination ou la restriction des comportements qui pourraient nuire à une fixation compétitive des prix (monopole, cartel, etc.) La politique de la concurrence est menée dans l'optique d'un accroissement de la croissance et du bien-être des citoyens, ainsi que d'une allocation optimale des ressources.

La politique de la concurrence moderne date de la fin du XIXe siècle, et commence véritablement aux États-Unis avec le Sherman Antitrust Act (1890) qui permet de briser le monopole de la Standard Oil. Si de telles politiques sont mises en œuvre dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, notamment en Allemagne sous l’impulsion notamment des ordolibéraux, elle ne se généralise qu'à partir du traité de Rome de 1957 au niveau de l’Union européenne.

Concept

La politique de la concurrence renvoie à l'ensemble des décisions de politique économique prises par la puissance publique sur la base du droit de la concurrence. Cette politique tire sa raison d'être du rôle que joue la concurrence dans l'augmentation de la croissance économique et de la productivité globale des facteurs, ainsi que dans la baisse des prix à la consommation[1].

En tant qu'elle vise le maintien ou la création d'une situation de concurrence de marché, la politique de concurrence permet la mise en compétition d'entreprises dans la fourniture de biens et services, ce qui doit assurer une baisse des prix. Aussi, la concurrence entre les entités économiques les incite à innover et à mieux utiliser leurs facteurs de production. Ainsi, la concurrence doit déboucher sur une meilleure allocation des capitaux dans l'économie[1].

La politique de la concurrence est toutefois confrontée à une incertitude quant au degré de concurrence optimal à adopter. Si un gain de concurrence permet de faire baisser les prix et d'améliorer la productivité de l'économie, certains économistes remarquent qu'un supplément de concurrence peut devenir défavorable à la croissance à partir d'un certain niveau[1].

Outils

Indices de concentration

La politique de la concurrence évalue le niveau de la concurrence dans un pays ou dans une zone économique sur la base de certains instruments de mesure. Les indices de concentration, tels que l'indice de Herfindahl-Hirschmann, sont particulièrement utilisés car ils permettent d'estimer la part de marché des plus importantes entreprises d'un secteur[1].

Interdiction de fusions

Les autorités de concurrence peuvent interdire des fusions et acquisitions qui auraient pour conséquence de donner naissance à une entreprise qui disposerait d'un pouvoir de marché trop élevé, c'est-à-dire qui réduirait significativement la concurrence sur le marché[1].

Critères d'admissibilité des aides d’État

Les aides d’État sont des subventions à la production accordée par les puissances publiques. Elles ont la capacité à modifier l'équilibre concurrentiel par le biais d'une favorisation des entreprises aidées. Des zones économiques intégrées, comme l'Union européenne, exigent ainsi qu'au-delà d'un certain montant, les aides d'Etat soient notifiées à une autorité centrale (en l’occurrence, la Commission européenne), chargée de les valider[1].

Fondements

Quel « efficiency-mix » pour les politiques de la concurrence ?

Pour Brodley[2], il est possible de distinguer trois sortes d’efficience :

  • Une efficience productive
  • Une efficience dynamique ou d’innovation qui vise Ă  la crĂ©ation de nouveaux produits et de nouvelles technologies
  • Une efficience allocative

La combinaison de ces diverses efficiences peut conduire pour Michel Glais[3] Ă  trois types de politique de la concurrence :

  • L’une va « privilĂ©gier la maximisation de la richesse sociale sans s’inquiĂ©ter de sa rĂ©partition entre producteurs et consommateurs ». C’est plutĂ´t l’optique de l’école de Chicago.
  • L’autre va privilĂ©gier la lutte contre le pouvoir du marchĂ© et favoriser l’efficience allocative. C’est plutĂ´t l’optique de l’école structuraliste de Harvard.
  • Enfin, il est aussi possible de « reconnaĂ®tre la nĂ©cessitĂ© de protĂ©ger, en longue pĂ©riode, l’intĂ©rĂŞt des consommateurs » mais d’«accepter que, dans certains cas, l’accroissement du bien-ĂŞtre de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble l’emporte sur l’intĂ©rĂŞt Ă  court terme des acheteurs finals ». Ce serait plutĂ´t[4] la voie prise par les autoritĂ©s de la concurrence de nos jours[5].

L’école de Harvard

En réalité, il a existé deux écoles à Harvard qui se sont intéressées à la politique de la concurrence : la Harvard School of Law au début du vingtième siècle et la Harvard School of Government autour d’Edward Mason à partir de la fin des années trente. Dans les deux cas, c’est un peu sommaire de les appeler de Harvard car d’autres universités ont également travaillé sur ce sujet.

Concernant la Harvard School of Law, des juristes comme Oliver Wendell Holmes, Louis Brandeis et Roscoe Pound qui en fut le doyen de 1915 à 1936, ont compris qu’au-delà du domaine économique, le laissez-faire constituait d’abord un défi à leur conception des lois et qu’il conduisait la Cour suprême des États-Unis à renier la tradition des lois de Lord Coke[6] pour deux raisons :

  • Les juges de la Cour suprĂŞme, Ă  la fin du XIXe siècle, sous l’influence du laissez-faire Ă  la Herbert Spencer, pensaient que leur mission Ă©tait d’abord de protĂ©ger les droits naturels des hommes contre l’État et la sociĂ©tĂ© laissant de facto l’homme concret dĂ©sarmĂ© face aux grandes entreprises qu’elle assimilait Ă  des personnes humaines de façon Ă  leur appliquer la clause dite du due process[7]. Ce faisant elle empĂŞchait l’adoption de toute mesure sociale venant contrebalancer leur pouvoir et Ă©tait donc un obstacle au principe des « check and balance ».
  • D’autre part, le laissez-faire pris dans un sens extrĂŞme Ă  la Herbert Spencer suppose de s’en remettre Ă  une force supĂ©rieure censĂ©e nous conduire vers le meilleur des mondes possibles. Or dans la tradition de la loi de ces juristes les lois ne sont ni des forces aveugles qui s’imposent aux hommes, ni l’incarnation d’une raison naturelle toute puissante, elles sont trouvĂ©es Ă  travers l’expĂ©rience et la raison entendue comme incluant un effort sur soi, un certain dĂ©tachement des passions[7].

L’école structuraliste dite de Harvard, est venue d’une certaine façon dans un second temps donner aux juristes la théorie économique sur laquelle ils peuvent s’appuyer quand ils ont à trancher des cas concrets. Elle a été marquée par la personnalité et les travaux d’Edward Mason et ceux de Joe Bain. La thèse structuraliste est bien illustrée par le modèle SCP d’Edward Mason où la structure du marché (S) influence le comportement des firmes (C) et les performances des firmes (P)[8]. Les structuralistes ont une vision de la concurrence proche des néo-classiques et comme eux, ils voient la concentration des firmes comme quelque chose dont il convient de se méfier car pour eux cela conduit les firmes à accroître leurs profits au détriment du consommateur. Par ailleurs, ils mettent l’accent sur l’inefficience de la primauté des décisions managériales sur l’intérêt des actionnaires, ils développent la théorie de l’inefficience-X et se méfient des diversifications conglomérales[9]. Enfin, ils ne croient pas que le libre jeu du marché permette de remettre en question les positions dominantes. Pour la théorie des marchés contestables développée par William Baumol John Panzar et R. Willig, il n’est pas nécessaire d’avoir un grand nombre d’acteurs, la menace d’entrée de nouvelles firmes suffit. Pour John Panzar[10], cette théorie s’inscrit dans la continuité des travaux d’Henry Demsetz et donc peut être perçue comme relevant de l’école de Chicago

L’école de Chicago

L’approche structuraliste d’Harvard va être contestée par l’école de Chicago dont les principaux auteurs sont Bork, Richard Posner, George Stigler et Henry Demsetz. Trois idées sont avancées[11] :

  • Le monopole peut ĂŞtre une structure de marchĂ© naturelle en prĂ©sence de fortes Ă©conomies d’échelles.
  • La concentration industrielle n’est que le rĂ©sultat d’un processus de sĂ©lection. La rente dont dispose les vainqueurs n’est qu’une juste rĂ©compense qui doit disparaĂ®tre rapidement sous l’effet de la concurrence. Ils ne croient pas au paradoxe de la concurrence selon lequel une concurrence laissĂ©e sans règle s’autodĂ©truirait[12].
  • Le pouvoir de marchĂ© est propice Ă  l’innovation Ă  la Joseph Schumpeter.

Pour Michel Glais[3], « aux yeux de ces économistes le principe de concurrence représente la loi naturelle et efficace du fonctionnement des sociétés organisées ».

Mise en oeuvre de la politique de concurrence

Organisation et textes fondateurs

Les États-Unis ont été pionniers en matière de concurrence avec l’adoption dès du Sherman Act suivi en 1914 du Clayton Act et du Federal Trade Commission Act. Suivront le Robinson-Patman Act de 1936 sur la discrimination par les prix, et au niveau du contrôle des concentrations, le Celler-Kefauver Act (1950) et le Hart Scott-Rodina Act de 1976[13]. Aux États-Unis, deux autorités sont principalement chargées de la concurrence : la Federal Trade Commission et la division Antitrust du Department of Justice (DOJ). Cette dernière à la différence de ce qui se passe en Europe peut engager des poursuites pénales[14]. D’une manière générale, les autorités judiciaires, sont très présentes tout au long de la procédure. Par ailleurs, « les victimes de comportement anticoncurrentiels peuvent engager un class action et la règle du « triple dommage » (treble damages) permet au plaignant de recevoir jusqu’à trois fois le montant du préjudice qu’il a subi »[14].

Les grandes phases

David Encoua et Roger Guesnerie[15] distinguent plusieurs phases :

  • La mise en place des premières lois fĂ©dĂ©rales. La Cour SuprĂŞme tentant d’en limiter la portĂ©e car elle Ă©tait convaincue du bien-fondĂ© du « laissez faire ».
  • Une certaine mise en sommeil (1915-1936). Notamment avec le National Industrial Recovery Act (NIRA) des dĂ©buts du New Deal.
  • Une pĂ©riode activiste liĂ©e Ă  l’influence de l’école structuraliste de Harvard (1936-1972). Ă€ partir de 1936, Franklin Delano Roosevelt va mettre en Ĺ“uvre une politique de la concurrence très active qui sera poursuivie jusqu’en 1972[16].
  • Une pĂ©riode marquĂ©e par l’influence de l’École de Chicago (1973-1992) avec une très grande focalisation sur l’efficacitĂ© Ă©conomique.
  • La synthèse post Chicago et l’apport de la thĂ©orie des jeux.

À la suite d'un rapport du MIT intitulé Made in America: Regaining the Production Edge (1989) écrit notamment par Dertouzos, Lester et Robert Solow, le National Cooperative Research and Production Act (NRCPA) de 1993 qui lui-même faisait suite au National Cooperative Research Act (NCRA) de 1984, a posé le principe que les accords de coopération en recherche et développement devaient être évalués en appliquant la règle de raison[17]. Enfin, en 1997 les lignes directrices sur le traitement des opérations de concentration ont été assouplies de même que celles portant sur la propriété intellectuelle[18].

Politiques de la concurrence dans l’Union européenne

L’Europe se dote avec le traité de Rome d’une politique de la concurrence dont le but est de « déterminer des règles de concurrence permettant d’aboutir à un marché intégré, indépendamment des règles en vigueur dans chaque État membre, en veillant à ce que le droit communautaire couvre les droits nationaux des États membres[19]. Le texte de ce traité doit beaucoup à Pierre Uri et à Hans von der Groeben qui fut le premier commissaire allemand chargé de la concurrence. Pour Jacques Rueff[20] le marché institutionnel des communautés européennes devait « rassembler les partis que préoccupent, avant tout la liberté de la personne et ceux qui, tout en refusant la contrainte des volontés individuelles, veulent, dans la répartition, moins d’inégalité et plus de justice[21]. Sur le plan théorique donc la législation européenne de la concurrence est fortement marquée par l'approche structuraliste[22].

Organisation

En Europe, c’est la Direction générale de la concurrence (DG Competition) dirigée le commissaire européen compétent qui est chargée d’instruire les dossiers. Les décisions de la commission européenne sont susceptibles de recours devant le Tribunal ou devant la Cour de justice de l'Union européenne. La censure de plusieurs décisions de la commission européenne par le tribunal de première instance en 2002 (affaires Airtour - -, Schneider Legrand - -, et Tetra-Laval - ) a fait l'objet d'une double analyse :

  • Pour Marie-Anne Frison-Roche[23] elle traduit la volontĂ© de la juridiction europĂ©enne de ne pas s'en tenir Ă  un contrĂ´le procĂ©dural mais Ă  affirmer « son pouvoir de mener une analyse substantielle des concentrations, laquelle se substitue aux analyses de la Commission ».
  • Laurent Cohen-Tanugi[24] fait un constat assez proche mais souligne Ă©galement que la dĂ©cision du tribunal devrait amener la Commission Ă  plus prendre en compte les thĂ©ories Ă©conomiques de l'Ă©cole de Chicago.

Les décisions européennes s’appliquent à des entreprises dont le siège social n’est pas forcément en Europe. C’est ainsi que le juge communautaire le a validé la décision de la Commission condamnant Microsoft pour infraction aux règles de la concurrence[25]. Certains[26] voient dans ce jugement un manque de prise en compte de l'innovation et d'une certaine façon, pour eux une trop grande prise en compte des thèses structuralistes.

Les ententes et les cartels

Tout partage de marché, toute fixation de quota de production, toute entente sur les prix entre entreprises sont interdits en vertu de l’article 81 du Traité de Rome[28]. Sont donc interdites les ententes horizontales intervenant entre opérateurs situés au même stade du processus économique (cartel) ainsi que les ententes verticales conclues entre opérateurs situés à des stades différents du processus économique.

En réalité certains accords verticaux vont être évalués à la lumière d’une « règle de raison », c’est-à-dire que l’on va étudier si les avantages économiques seront supérieurs ou non aux inconvénients.

Les abus de position dominante

L’article 82 du Traité de Rome n’interdit pas les positions dominantes, il n’en interdit que l’abus. Sont considérés comme abusifs :

  • des prix abusifs
  • les accords de vente exclusif
  • Les primes de fidĂ©litĂ© visant Ă  dĂ©tourner les fournisseurs de leurs concurrents.

La notion d'abus de position dominante doit beaucoup à l'école structuraliste de Harvard. Si certains veulent une évolution vers les thèses de l'école de Chicago d'autres tel Paul Fabra[29] s'en inquiètent et souhaitent à ce que la position dominante continue à se juger par rapport au nombre de concurrents. Ils tiennent l'évolution présente comme un encouragement à ce qu'ils appellent les « investisseurs prédateurs ». En 2006, la CCIP (Chambre de commerce et d'industrie de Paris) a publié une étude sur les évolutions souhaitables pour elle de l'article 82[30].

Les aides d'État

Les aides d’État sont contraires aux articles 87 et 88 du traitĂ© de Rome. Toutes les aides susceptibles d'affecter ou de menacer d'affecter les Ă©changes entre les États membres sont concernĂ©es (les subventions, les bonifications d’intĂ©rĂŞt et les exonĂ©rations d’impĂ´t…) si elles dĂ©passent 200 000 euros. Le contrĂ´le des aides est en application de l’article 88 de la compĂ©tence exclusive de la Commission. Celle-ci peut soit obliger l’État Ă  ordonner la restitution de l’aide soit subordonner l’aide Ă  des engagements prĂ©cis. Toutefois, des dĂ©rogations sont permises dans trois cas prĂ©cis :

  • favoriser le dĂ©veloppement Ă©conomique de rĂ©gions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas
  • promouvoir la rĂ©alisation d'un projet important d'intĂ©rĂŞt europĂ©en commun ou remĂ©dier Ă  une perturbation grave de l'Ă©conomie d'un État membre
  • promouvoir la culture et l'intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral.

On parle bien d'« aides d'État » et non d'« aide de l'État ».

Les services d’intérêts économiques généraux

L’article 86[31] du traité de Rome assujettit les entreprises publiques gérant les services d'intérêts économiques généraux aux règles de la concurrence. Toutefois ce texte n'a longtemps eu qu'une portée symbolique. La situation va changer quand les États-Unis vont déréglementer le transport aérien sous la présidence de Jimmy Carter et vont démanteler en 1984 ATT qui détenait le monopole des télécommunications aux États-Unis. Peu à peu, l'Europe verra l'intérêt de telles politiques et à son tour commencera à introduire de la concurrence en faisant appliquer les textes dans les secteurs du transport aérien et des infrastructures essentielles[32] : chemin de fer, lignes téléphoniques et électriques notamment.

Les concentrations [33]

Le contrôle des concentrations a été tardivement généralisé dans le droit de la CEE, puisqu’il a fallu attendre pour cela l’adoption en 1989 du règlement no 4064/89 remplacé depuis en 2004 par le règlement no 139/2004. Le contrôle des concentrations occupe maintenant une place importante car les rapprochements d'entreprises ont le plus souvent un caractère communautaire[34]. D'une manière générale, si les interdictions pures et simples sont rares, il est fréquemment demandé aux entreprises de se soumettre à un certain nombre de conditions afin de garantir le maintien d'une concurrence loyale. Par exemple lors de la fusion Air France KLM en , les entreprises ont dû céder des créneaux aériens afin de ne pas réduire la concurrence sur certaines destinations.

La complémentarité de la politique de la concurrence avec les autres politiques économiques

Politiques industrielles et commerciales

En Europe, la politique de la concurrence vise également à favoriser l'intégration des économies européennes par la lutte contre le cloisonnement des marchés nationaux et le renforcement d'un marché intérieur sans frontières. La protection de l'intégrité du marché exige une lutte contre les pays qui pratiquent le dumping de leurs produits. Un produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers l'Union européenne est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d'opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur[35].

La compétitivité extérieure a été privilégiée sous les administrations Bush - Reagan (Webb-Pomerene Act) de manière à exempter les ententes d'entreprises américaines à l'export.

En Europe, elle a permis le façonnage de quelques champions nationaux (Airbus, Ariane, mais n'a pu empêcher les OPA hostiles d'Alcan sur Péchiney en 2003, de Mittal sur Arcelor en 2006 et de General Electric sur la branche énergie d'Alstom entre 2015 et 2018.

Politiques de la protection de l'environnement et le développement des territoires

  • la promotion des PME : la Commission europĂ©enne considère que les PME sont plus profitables pour l'Ă©conomie (innovation, emploi) mais les preuves font dĂ©faut. D’un point de vue tĂ©lĂ©ologique, l'utilisation d’une politique de concurrence pour privilĂ©gier les PME n'est optimale que si la vocation d’une politique de la concurrence est l'allocation des ressources et non un soutien au dĂ©veloppement.

Politique sociale

La politique de concurrence peut parfois être assouplie en fonction des contraintes sociales mais le remède est parfois pire que le mal. La tolérance des cartels de crise peut ainsi permettre le maintien d'entreprises inefficace au détriment de certaines qui auraient de toute façon survécu. Mais il convient de préciser que le marché ne force pas toujours les entreprises les moins efficaces vers la sortie avant les plus efficaces (des questions financières).

Les critiques adressées aux politiques de la concurrence

La critique de certains libéraux

Pour eux les mécanismes censés garantir la concurrence :

  • seraient inefficaces car rarement respectĂ©s ;
  • en partie incompatibles avec les fondements de la thĂ©orie libĂ©rale :
    • la propriĂ©tĂ© privĂ©e : briser les cartels nĂ©cessiterait de modifier les droits de propriĂ©tĂ© d'une partie de l'entreprise qui se trouverait scindĂ©e,
    • la libre entreprise : le patron serait soumis Ă  des règles ayant prĂ©cisĂ©ment pour but d'Ă©viter que son entreprise devienne trop puissante.

Plus profondément, certains libéraux, comme Pascal Salin, mettent en évidence que les politiques de concurrence sont fondées sur la théorie de la concurrence pure et parfaite, qui est elle-même incapable de rendre compte des mécanismes réels de l'économie[36]. Ainsi, les politiques de la concurrence chercheraient non pas à faire profiter l'ensemble des acteurs économiques d'une réelle concurrence, mais à forcer l'économie à se plier à un cadre irréaliste. Dans cette vision critique, la seule notion de concurrence qui rende compte des mécanismes réels de l'économie serait celle de la libre entrée sur les marchés : il s'agit d'une vision dynamique. À l'inverse, la théorie de la concurrence pure et parfaite n'appelle concurrence que la situation dans laquelle les producteurs (comme les acheteurs) sont suffisamment nombreux et donc petits par rapport à la taille du marché pour n'avoir aucun pouvoir d'influencer les prix. C'est la théorie atomistique, qui est une vision statique. Les réglementations qui en découlent vont ainsi se préoccuper de définir un marché pertinent, pour en mesurer la taille, et déterminer la part de marché du producteur, qui si elle est trop importante sera considérée comme une position dominante. Certains des comportements de ce producteur seront alors qualifiés d'abusifs et sanctionnés comme tels.

La critique antilibérale

  • Les coĂ»ts liĂ©s Ă  la production : dans un système concurrentiel, chaque entreprise peut choisir de dĂ©velopper ses propres infrastructures (bâtiments, centres de recherche, usines, parfois rĂ©seaux…). Dans de nombreux cas, les gaspillages peuvent ĂŞtre considĂ©rables. The Economist Ă©mettait ainsi l'hypothèse que « la cause ultime de la crise dans le secteur des tĂ©lĂ©communications [en 2002] est que trop de concurrents ont dĂ©cidĂ© de construire d'Ă©normes rĂ©seaux pour lesquels la demande Ă©tait faible »[37].
  • Les coĂ»ts du maintien de la situation de concurrence : les Ă©tudes empiriques consacrĂ©es aux tentatives de faire fonctionner un « marchĂ© parfait », conforme Ă  la thĂ©orie Ă©conomique standard, tĂ©moignent de l'hypercentralisation des dĂ©cisions qu'un tel mode de fonctionnement implique[38].

Notes et références

  1. Jean Dalbard, Théo Iberrakene, Alexandre Ouizille et Gaël Giraud, Politiques économiques, (ISBN 978-2-275-09190-7 et 2-275-09190-4, OCLC 1269223257, lire en ligne)
  2. cité in Glais 2003, p. 21
  3. Glais, 2003, p. 21
  4. C’est ce que Michel Glais (2003, p. 22) appelle le bilan économique)
  5. Michel Glais, 2005, p. 27
  6. Clavé, 2005a, p. 96
  7. Clavé, 2005a, p. 99
  8. Combe, 2002, p. 14
  9. Michel Glais, 2003, p. 22
  10. John Panzar, 1987, p. 543
  11. Combe, 2002, p. 15
  12. Michel Glais, 2003, p. 21
  13. Emmanuel combe, 2003, p. 30
  14. Combe, 2003, p. 29
  15. Encaoua et Guesnerie, 2006, p. 26-35
  16. Encaoua et Guesnerie, 2006, p. 27
  17. Encaoua et Guesnerie, 2006, p. 30
  18. Encaoua et Guesnerie, 2006, p. 34
  19. Encaoua et Guesnerie, 2006, p. 33
  20. Rueff 1957, p. 7-8, « Au « laissez-passer » total, ils ont préféré un marché limité au domaine géographique dans lequel la création des Institutions sans lesquelles le marché ne pourrait, ni exister, ni durer, était possible… Le marché institutionnel est ainsi l’aboutissement et le couronnement de l’effort de rénovation de la pensée libérale, qui, a pris naissance il y a une vingtaine d’année, qui sous le nom de néo-libéralisme ou de libéralisme social, voire de socialisme libéral a pris conscience, progressivement, de ses aspirations et des méthodes susceptibles de les satisfaire
  21. Rueff, 1957, p. 9
  22. Glais, 2003, p. 23
  23. Marie-Anne Frison-Roche "L'encerclement juridictionnel du contrôle des concentrations" Les Échos des 11 et 12 avril 2003
  24. Laurent Cohen-Tanugi, « Contrôle des concentrations : le temps des réformes », Les Échos du 29 octobre 2002
  25. Sylvie Goulard, « Microsoft, ou l’Europe par la preuve », Le Monde du 27/09/07
  26. voir notamment Claire Vanini Fondation Robert Schuman Lire en ligne
  27. Lire en ligne
  28. Version consolidé du Traité instituant la Communauté européenne : Article 81
  29. Paul Fabra, « L'Europe dépossédée », Les Échos des 28 et 29 octobre 2005
  30. Étude CCIP Lire en ligne
  31. Version consolidé du Traité instituant la Communauté européenne : Article 86
  32. Pour Glais, 1998, une infrastructure essentielle doit avoir un caractère indispensable et incontournable, doit être très difficilement duplicable et se trouve sous le contrôle fonctionnel d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises en situation de monopole
  33. lire en ligne
  34. Pour plus de précisions Lire en ligne
  35. Règlement communautaire anti-dumping du 22 décembre 1995 (Journal officiel des Communautés européennes du 6 mars 1996 - Règlement n°384)article 1.2
  36. La Concurrence, Pascal Salin, 1995, Que sais-je ?, Presses universitaires de France
  37. The Economist,
  38. Voir par exemple, Garcia Marie-France, « La construction sociale d'un marché parfait : le marché au cadran de Fontaines en Sologne », Actes de la recherche en sciences sociales, no 65, 1986, p. 2-13.

Bibliographie

  • Michel Glais, « État, marchĂ© et concurrence : Les fondements d’une politique de la concurrence », Cahiers français « Concurrence et rĂ©gulation des marchĂ©s », no 313,‎
  • Emmanuel Combe, 2005, Économie et politique de la concurrence, Dalloz.
  • Emmanuel Combe, La Politique de la concurrence, La DĂ©couverte, 2016
  • Yves-Alexandre de Montjoye, Jacques CrĂ©mer, Heike Schweitzer, Competition policy in the digital era, 2019, Rapport pour la Commission europĂ©enne, lien
  • (en) Thomas Philippon, The Great Reversal : How America Gave Up on Free Markets, Harvard University Press,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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