Philippe Ier (roi des Francs)
Philippe Ier, né le et mort le au château de Melun, est roi des Francs de 1060 à 1108, quatrième de la dynastie dite des Capétiens directs[1].
Philippe Ier | |
Sceau du roi Philippe Ier, Paris, Archives nationales. | |
Titre | |
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Roi des Francs | |
– (47 ans, 11 mois et 25 jours) |
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Couronnement | , en la cathédrale de Reims , en la cathédrale de Laon |
Prédécesseur | Henri Ier |
Successeur | Louis VI |
Biographie | |
Dynastie | Capétiens |
Date de naissance | |
Date de décès | (à 56 ans) |
Lieu de décès | Château de Melun (France) |
Sépulture | Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire |
Père | Henri Ier |
Mère | Anne de Kiev |
Conjoint | Berthe de Hollande (1072-1092) Bertrade de Montfort (1092-1108) |
Enfants | Avec Berthe de Hollande Constance de France Louis VI Henri de France Charles de France Eudes de France Avec Bertrade de Montfort Philippe de France Fleury de France CĂ©cile de France Eustachie de France |
Il est le fils d’Henri Ier, roi des Francs, et d’Anne de Kiev.
Biographie
Prénom
Philippe est sans doute le premier prince en Europe occidentale à recevoir ce prénom, ce qu'il doit probablement à « l'ascendance byzantine[2] » de sa mère Anne de Kiev. Son accession au trône fera de « Philippe » le premier prénom non germanique porté par un roi de France[3].
Ce choix de prénom évoque un « rêve impérial[4] » qui se poursuit à la génération suivante : Philippe donne à son héritier le nom de Louis, référence à Clovis et à Louis le Pieux[2].
Couronnement
Henri Ier, père de Philippe et roi des Francs, sentant ses forces s'affaiblir, décide de faire sacrer son fils de son vivant selon la coutume de l'époque, et donc d'en faire un roi associé comme l'avaient fait Hugues Capet et Robert II envers leur héritier présomptif. Les grands seigneurs du royaume, l'assemblée des grands ainsi que le prélat envoyé par le pape Nicolas II, Hugues de Besançon, approuvent ce « passage de témoin » et Philippe est couronné à Reims le du vivant de son père[5].
Philippe Ier ne règne seul qu'à partir de 1066, car son oncle, le comte de Flandre Baudouin V, assisté de l’archevêque de Reims Gervais de Belleme ainsi que, dans un premier temps, d’Anne de Kiev, exerce la régence de la mort d’Henri Ier, en 1060, jusqu’à 1067. Il sera couronné plusieurs fois dans son règne, par exemple le , par l’évêque Élinand, en la cathédrale Notre-Dame de Laon[6] - [7], comme le voulait la coutume de son temps.
Règne
Sous son règne se dessinent les grandes lignes de la politique des souverains capétiens du XIIe siècle : assurer une base réelle à la puissance royale en consolidant le domaine, et abaisser ou contenir les trop puissants vassaux, chose que son père avait échoué à appliquer, provoquant une forte diminution du prestige et du pouvoir royal.
Agrandissement du domaine royal
Pour agrandir le domaine royal, il s’empare d’une partie du Vermandois, du Gâtinais (1069), du Vexin français (1077). En 1101, il rachète pour une forte somme (60 000 sols d’or) la vicomté de Bourges et la seigneurie de Dun-le-Roi à Eudes Arpin[8], un chevalier qui part à la croisade. Il développe l’administration royale et, pour assurer des revenus à la couronne, dispose des biens de l’Église et vend les charges ecclésiastiques, ce qui lui attire les foudres des réformateurs grégoriens.
En 1071, il soutient Richilde de Hainaut, veuve du comte Baudouin VI de Flandre, et ses fils Arnoul III et Baudouin II contre leur beau-frère et oncle, Robert le Frison. Philippe est défait à la bataille de Cassel en février mais parvient à prendre Saint-Omer en mars. Arnoul III étant mort au cours de la bataille, il conclut la paix avec Robert qu'il reconnaît comme comte de Flandre et, pour consolider cette alliance, il épouse sa belle-fille, Berthe de Hollande (v. 1055 – †), fille de Florent Ier, comte de Hollande, et de Gertrude de Saxe.
Lutte contre le duc de Normandie
Gravure extraite du Nouveau traité de diplomatique de René Prosper Tassin, XVIIIe siècle.
Mais pendant la plus grande partie de son règne, Philippe Ier lutte pour réduire la puissance de son vassal le plus redoutable, Guillaume le Conquérant, duc de Normandie devenu roi d’Angleterre en 1066. Philippe trouve l’appui de Foulques IV le Réchin, comte d’Anjou, et de Robert le Frison, qui se sentent aussi menacés par ce trop puissant voisin.
En 1076, Philippe inflige une grave défaite à Guillaume près de Dol-de-Bretagne. L’année suivante, fort de sa victoire, Philippe Ier s’empare du Vexin français, possession de Simon de Vexin (fils de Raoul de Crépy, beau-père de Philippe Ier[note 1]), qui se fait moine, avec les châtellenies de Mantes et de Pontoise. Guillaume le Conquérant renonce à la Bretagne et fait la paix avec Philippe Ier. Ce dernier reste toutefois inquiet de la menace anglo-normande. Selon une politique qui sera reprise par ses successeurs, il s’efforce de développer les dissensions à l’intérieur de la famille du Conquérant.
En 1078, il prend parti pour Robert Courteheuse ou Courtecuisse, le fils aîné de Guillaume, qui s'est révolté contre son père. Après avoir confié la garde du château de Gerberoy, à côté de Beauvais, à Robert, il semble que Philippe Ier se soit retourné contre ce dernier. On le retrouve en 1079, en train d'assiéger le château en compagnie de Guillaume, qui est blessé au cours du siège. Peu après, Robert Courteheuse obtient le gouvernement de la Normandie. Le roi capétien reçoit en récompense la ville de Gisors située sur la rive droite de l’Epte.
Échec contre les vassaux rebelles
En février 1079, alors que le roi hiverne à Étampes, éclate une rébellion de ses vassaux directs, menée par Hugues Blavons, seigneur du Puiset[9]. Au printemps, l’armée royale est écrasée près du Puiset[10]. Le prestige et l'autorité royale en sont durablement affaiblis.
Dans les années qui suivent la mort de Guillaume le Conquérant (1087), Philippe aide Robert Courteheuse qui essaie de récupérer le trône d’Angleterre dont son frère, Guillaume II le Roux, a hérité. Ce dernier tente, en représailles, de lui prendre le Vexin dans les années 1097–1099, mais échoue au cours de trois campagnes successives.
Frappé d'anathème
Au printemps 1092, Philippe s’entiche de Bertrade de Montfort (†), l’épouse de Foulques IV le Réchin. Il répudie alors Berthe de Hollande et se remarie avec Bertrade de Montfort le . En 1093, il signe une charte prononçant la soumission de l'abbaye Saint-Magloire à celle de l'abbaye de Marmoutier[11]. Le , le concile d’Autun où sont réunis trente-deux évêques prononce l’excommunication du roi, le divorce étant prohibé et à plus forte raison le remariage du vivant de la première épouse, jugé comme un adultère[12]. Le couple royal vit ainsi pendant 10 ans sous le coup de l'anathème de l'Église. Philippe et Bertrade se soumettent lors du concile de Paris en 1104 mais malgré leur serment ils poursuivent leur vie commune[13]. Son excommunication s'accompagne, selon Guibert, d'une perte du don du toucher des écrouelles[14].
Venu en France pour répandre la réforme grégorienne et excommunier le roi à nouveau, le pape Urbain II prêche la première croisade au concile de Clermont le . Le roi excommunié ne peut participer à la croisade dont Hugues de Vermandois, son frère, est l’un des principaux acteurs, avec Raimond IV de Toulouse et Godefroy de Bouillon.
Réconciliation avec la papauté
Philippe laisse le soin des opérations militaires dans le Vexin à son fils Louis VI[15], associé à la couronne en 1098.
Après une controverse au sujet du dépositaire de l’évêché de Beauvais, entre 1100 et 1104, Philippe se réconcilie avec la papauté et il est absous en 1104. En 1107, le pape Pascal II rencontre Philippe et le futur Louis VI à Saint-Denis : l’alliance entre le royaume de France et la papauté contre l’Empire est alors scellée pour un siècle.
- Le roi Philippe Ier et le pape Pascal II représentés dans une enluminure des Grandes Chroniques de France de Charles V, vers 1370-1379. BnF, département des manuscrits, ms. Français 2813, fo 187 ro.
Mort et succession
Le [16], Philippe Ier meurt au château royal de Melun, à 56 ans, après un règne de 48 ans (le troisième plus long règne de l’histoire de France après ceux de Louis XIV (1643–1715) et Louis XV (1715–1774)). Ne voulant pas, en raison de ses fautes, être enterré à côté de ses ancêtres en la basilique Saint-Denis, il a demandé à être inhumé dans l’abbaye de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire. Son fils Louis VI que l’on surnommera « le Gros », âgé de vingt-sept ans, lui succède. Son épouse Bertrade de Montfort, à trente-huit ans, prend le voile à l’abbaye de Fontevraud.
Généalogie
Fratrie
- Robert (1054–1063) ;
- Emma (1055–1109) ;
- Hugues (1057–1102), comte de Vermandois, époux d'Adélaïde de Vermandois. Il est la souche des comtes de Vermandois capétiens.
Ascendance
Descendance
De l’union avec Berthe de Hollande sont issus :
- Constance (v. 1078 – †) épouse d'’Hugues Ier, comte de Champagne, puis de Bohémond Ier d'Antioche ;
- Louis (1081 – †) ; héritier de la couronne de France, régnera sous le nom de Louis VI ;
- Henri (1083 – 1089) ;
- Charles (1085 – 1091) ;
- Eudes (1087 – 1094).
De la seconde union avec Bertrade de Montfort sont issus[17] :
- Philippe (v. 1092 – †apr. ), comte de Mantes, marié vers 1104 à Élisabeth de Montlhéry, fille de Gui II de Montlhéry ;
- Fleury (v. 1095 – †apr. ) épouse l'héritière de Nangis ;
- Cécile (v. 1097 – †apr. ), mariée en 1106 à Tancrède de Hauteville, puis à Pons de Tripoli ;
- Eustachie, souvent mentionnée en généalogie, n'aurait jamais existé[18].
Notes et références
Notes
- Veuve du roi Henri Ier, Anne de Kiev, mère de Philippe Ier a épousé en secondes noces Raoul de Crépy.
Références
- Généalogie de Philippe Ier sur le site Medieval Lands.
- Florian Mazel, Féodalités : 888-1180, Paris, Belin, coll. « Histoire de France » (no 2), , 783 p. (ISBN 978-2-7011-5303-2, présentation en ligne).
- Claude Quétel, Il était une fois la France, Paris, Buchet-Chastel, (ISBN 978-2-283-03398-2, lire en ligne), p. 94.
- Menant et al. 1999, p. 25.
- Fliche 1912, p. 2, [lire en ligne].
- Philippe Ier King of France. Consecrated 25 Dec 1071 at Laon, again 16 May 1098 at Tours, and for a fourth time 25 Dec 1100 at Reims.
- 2e couronnement de Philippe Ier, page 66.
- Paul Joanne, Géographie du département du Cher, 1906, p. 24.
- Tout cet épisode a récemment été mis en lumière par Bernard Gineste, « Eustache de Saint-Père : Appel en justice devant le roi à Étampes (8 février 1079) », dans Corpus Étampois (2007).
- Le récit de cet épisode par Raoul Tortaire, vers 1114, a été édité et traduit par Bernard Gineste dans le Corpus Etampois (2008).
- Charte dont les trois quarts en trois fragments sont conservés aux archives départementales d'Indre-et-Loire, no H.364 liasse de 3 parchemins.
- Jean Verdon, « Mariage et sexualité », in Être chrétien au Moyen Âge. Paris, Perrin, 2018, p. 149-194 (lire en ligne, consulté le 25 mars 2023)
- Achille Luchaire, Les premiers Capétiens, Librairie Jules Tallandier, réédition 1980 (ISBN 2235008585), p. 182-183.
- Bloch, Marc, 1886-1944., ROIS THAUMATURGES., GALLIMARD, (ISBN 2-07-022704-9 et 978-2-07-022704-4, OCLC 417136894, lire en ligne), p 31.
- Michel Parisse et Xavier Barral Ier Altet, Le roi de France et son royaume, autour de l’an Mil, 1987, p. 36.
- Achille Luchaire, op. cit., p. 183.
- Louis Saurel, Ceux qui ont fait la France P.R.E.S., Paris, 1967, « Philippe Ier (1060-1108) », p. 33-34.
- Bernard Gineste, citant Dom Basile Fleureau : Son mariage prétendu avec Jean d'Étampes repose sur une confusion avec Eustachie, fille de Ferry de Châtillon, fondatrice de l'abbaye d'Yerres Corpus Etampois.
Annexes
Sources
- Maurice Prou (éditeur), Recueil des actes de Philippe Ier, roi de France (1059-1108), Paris, Imprimerie Nationale, Librairie C. Klincksieck, coll. « Chartes et diplômes relatifs à l'histoire de France publiés par les soins de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres », , CCL-566 p. (lire en ligne).
- Jules Viard (éd.), Les Grandes Chroniques de France : publiées pour la Société de l'Histoire de France par Jules Viard, t. 5 : Hugues Capet à Louis VI le Gros, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, , XVI-295 p. (lire en ligne).
- Bernard Gineste (éd.), « Eustache de Saint-Père : Appel en justice devant le roi à Étampes () », in Corpus Étampois, 2007, [lire en ligne].
Études historiques.
- Georges Duby, Histoire de France Hachette, t. 1 : Le Moyen Âge : de Hugues Capet à Jeanne d'Arc, 987-1460, Paris, Hachette, , 357 p. (ISBN 2-01-008878-6)Réédition : Georges Duby, Histoire de France Hachette, t. 1 : Le Moyen Âge : de Hugues Capet à Jeanne d'Arc, 987-1460, Paris, Pluriel, coll. « Pluriel », , 510 p. (ISBN 978-2-8185-0156-6).
- (en) Jean Dunbabin, « What's in a Name ? Philip, King of France », Speculum, vol. 68, no 4,‎ , p. 949-968 (DOI 10.2307/2865492, JSTOR 2865492).
- Augustin Fliche, Le règne de Philippe Ier, roi de France (1060-1108), Paris, Société française d'imprimerie et de librairie, , XXIII-600 p., in-8 (lire en ligne).
- Rolf Grosse, « La royauté des premiers Capétiens : « un mélange de misère et de grandeur » ? », Le Moyen Âge, Louvain-la-Neuve / Paris, De Boeck Supérieur, t. CXIV,‎ , p. 255-271 (lire en ligne).
- Olivier Guyotjeannin, « Les actes établis par la chancellerie royale sous Philippe Ier », Bibliothèque de l'École des chartes, Paris / Genève, Librairie Droz, t. 147,‎ , p. 29-48 (lire en ligne).
- Jean-François Lemarignier, Le gouvernement royal aux premiers temps capétiens (987-1108), Paris, A. et J. Picard, , 233 p. (présentation en ligne), [présentation en ligne].
- François Menant, Hervé Martin, Bernard Merdrignac et Monique Chauvin, Les Capétiens : histoire et dictionnaire, 987-1328, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , LXXIX-1220 p. (ISBN 2-221-05687-6, présentation en ligne).
- Bernard Monod, Essai sur les rapports de Pascal II avec Philippe Ier (1099-1108), Paris, Librairie Honoré Champion, , XXVII-163 p. (présentation en ligne, lire en ligne).
- Damien Varenne, Espace d'action et d'influence du pouvoir royal sous le règne de Philippe Ier, sous la direction d'Yves Sassier, mémoire déposé à l'université Paris IV-Sorbonne, 2007.