Paule Minck
Adèle Pauline Mekarski, dite Paule Minck (ou Mink), née le à Clermont-Ferrand et morte le à Paris[1], est une femme de lettres, journaliste et oratrice socialiste, communarde et féministe.
Naissance | |
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Décès |
(Ă 61 ans) 16e arrondissement de Paris |
SĂ©pulture |
Columbarium du Père-Lachaise (depuis le ) |
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Adèle Pauline Mekarski |
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Journaliste, militante pour les droits des femmes, communarde, militante, Ă©crivaine |
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Biographie
D’origine polonaise par son père, le comte Jean Nepomucène Mekarski, cousin du roi Stanislas II de Pologne, saint-simonien[2] réfugié en France en 1831 à la suite de la répression de la révolution polonaise et française par sa mère, Jeanne-Blanche Cornelly de La Perrière[3], sœur de l’ingénieur Louis Mékarski, Paule Mink reçut, ainsi que ses deux frères, une solide instruction[2] de son père réduit, pour subsister, à travailler comme fondé de pouvoir dans une perception[4].
Début dans le socialisme révolutionnaire et le féminisme
Après un mariage avec le prince et ingénieur polonais Bohdanowicz, dont elle a deux filles, elle est obligée de gagner sa vie comme journaliste, à la suite de leur séparation[2]. Ardente républicaine depuis l’âge de seize ans[4], elle est tout naturellement hostile au Second Empire, et se tourne vers le socialisme révolutionnaire, après avoir pris conscience, à travers les conférences de Maria Deraismes, de la nécessité de lutter pour le droit des femmes, et notamment de celui des travailleuses[2] - [5]. Elle est animée par des idées radicales, notamment un fort anticléricalisme, qui l'amène à défendre la législation du divorce, contre la représentation sacrée du mariage[6].
On a dit [...] que le mariage, c'Ă©tait l'institution divine; c'est pour cela que nous n'en voulons pas, parce que nous ne voulons ni de Dieu, ni de puissances[7].
Montée à Paris en 1867[3], elle milite, dans les dernières années de l’Empire, aux côtés d’André Léo, tout en gagnant sa vie avec des travaux d’aiguille et en donnant des cours de langue[3].
En 1868, elle fonde une organisation mutualiste féministe révolutionnaire nommée la « Société fraternelle de l’ouvrière »[8], adhère à l'association Internationale des travailleurs, en défendant les droits des femmes au travail salarié et l’égalité salariale. Elle collabore avec Maria Deraismes à une série de conférences publiques sur le travail des femmes restées dans les annales pour avoir été les premières réunions publiques autorisées sous l’Empire[4]. En 1869, elle cofonde, avec Maria Deraismes, Louise Michel et Léon Richer, la Société pour la revendication des droits civils des femmes, qu'elle préside et lance le journal républicain les Mouches et l’Araignée[9], qui se voit interdit de parution par le pouvoir dès le deuxième numéro[4]. Dans ce journal, elle critique Napoléon III, le comparant à une araignée dévorant le peuple[5], le peuple étant représenté par les mouches dans son discours.
Participation Ă la Commune de Paris
Lorsque la guerre de 1870 éclate, elle organise la défense d’Auxerre contre les Prussiens, ce qui lui vaut de se voir offrir la légion d’honneur, mais qu’elle refuse[4]. En 1871, lors de la Commune de Paris, tandis qu’André Léo collabore avec l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, elle ouvre une école professionnelle gratuite à l’église Saint-Pierre de Montmartre[10] et anime le Club de la victoire qui se reunit à l'église de Saint-Sulpice rive gauche[3]. Elle intervient aussi dans des réunions du Club de Notre-Dame-de-la-Croix à Menilmontant, du Club de Saint-Nicolas-Des-Champs et du Club de la Delivrance à l'église de la Trinité[6] et participe en outre à l'organisation d'un corps d'ambulances. Dans ces espaces de démocratie directe, toute personne souhaitant y prendre la parole en avait la possibilité. Benoit Malon, plus proche d'un socialisme modéré, décrit ces églises reconverties en espaces de réunion comme des lieux où « des orateurs improvisés prêchaient [...] la sainte révolte des pauvres, des exploités, des opprimés [...] et surexcitaient les énergies pour le combat décisif. »[11]
Minck collabore au journal Paris libre de Pierre Vésinier[12] et fait partie, avec Louise Michel, du Comité de vigilance de Montmartre présidé par Sophie Poirier[13].
Propagandiste énergique, elle anime des clubs révolutionnaires aussi bien à Paris qu'en province[4] : c'est là qu'elle se trouve, envoyée en mission par la Commune[12], pendant la Semaine sanglante[3].
Exil en Suisse
Elle parvient ainsi à échapper à la répression et s’enfuit en Suisse, cachée dans le tender d’une locomotive[4]. Elle vit en Suisse et à Genève misérablement[12] entre 1871 et 1880 , en donnant des leçons[12], en faisant des travaux d'aiguille et en rédigeant des articles de presse[5]. Elle est condamnée par contumace à être déportée en Nouvelle Calédonie (sentence dont écope Louise Michel, qui est elle par contre déportée). Lors d'une conférence à Genève elle clame
Nous sommes des pétroleuses et c'est avec honneur que nous revendiquons ce titre[14].
George Favon à Genève viendra au secours de refugiés et refugiées de la Commune de 1871. On a retrouvé chez lui une lettre que Paule Minck adresse à la Tribune de Genève pour réfuter des accusations portées contre elle. Le journal la décrit ainsi :
Si la révolution se fait, on pourra bien l'appeler la révolution des femmes, car elle aura été conduite par deux mégères de distinction : Louise Michel et Paule Minck. Je ne sais trop qui est la plus folle de ces spécimens du beau sexe[15].
Elle ne reviendra en France qu’à la proclamation de l’amnistie des Communards[4]. Initialement blanquiste[16], elle s'oriente vers les positions de Bakounine et fait la connaissance de Jules Guesde, également émigré en Suisse[12], tout en correspondant activement avec des militantes féministes et franc-maçonnes comme Marie Bonnevial[17].
Retour en France et engagements politiques
De retour en France, en 1880, elle séjourne à Lyon, Marseille et Montpellier[12]. Dix ans après la répression de la Commune, Minck continue à défendre ses idées révolutionnaires :
« On avait cru que cette commune était finie. Non ! Elle est plus vivante que jamais [...] c'est nous qui, en 1871, avons sauvé la République [...] Il faut que nous ayons la liberté absolue, si on ne veut pas la donner, il faut la prendre. Ce que nous voulons, c'est la république démocratique[18]. »
Déléguée, la même année, au Congrès du Havre de la Fédération du Parti des travailleurs socialistes de France, elle milite pour un égal accès à l'instruction et elle défend ardemment le collectivisme socialiste contre le mutualisme proudhonien, en prenant la parole, malgré le président qui tente de l’arrêter en déclarant que la question a déjà été décidée, continuant à occuper le podium jusqu’à ce qu’au milieu d’un tumulte incroyable, l’on soit obligé d’ajourner le congrès[4].
L’année suivante, en 1881, elle prend fait et cause pour une nihiliste russe qui a commis un attentat contre le tsar de Russie, ce qui lui vaut d'être emprisonnée. Pour ne pas être expulsée de France, elle épouse un ouvrier anarchiste, Negro[19], afin d'obtenir la nationalité française. Il reconnaît les deux filles qu'elle a eu avec le peintre Jean-Baptiste Noro et ont deux enfants, Lucifer Blanqui Vercingétorix, mort en bas âge, et Spartacus Blanqui Révolution, renommé Maxime par le tribunal[20].
Elle donne des conférences, et c’est en assistant à l’une d’entre, le , à Saint-Chamond, que Ravachol achèvera de se convaincre d’abandonner des idées religieuses déjà entamées par la lecture du Juif errant d’Eugène Sue[21] - [22] - [23].
Elle participa activement au Parti ouvrier français, fondé en 1882 par Jules Guesde. Sa candidature de facto aux législatives de 1893 dans le VIe arrondissement de Paris fut relatée par Le Petit Journal du , quotidien tirant, à l’époque, à un million d’exemplaires :
« Après avoir fait, par deux fois différentes, sa déclaration de candidature, [elle] a reçu de M. le préfet de la Seine une déclaration officielle lui disant qu’il ne peut accepter sa déclaration, les femmes n’ayant pas les droits de citoyen.
Mme Paule Minck a décidé de passer outre et de faire quand même acte de candidat afin d’établir par des faits le principe de l’égalité de la femme.
Hier soir, en effet, dans une réunion électorale tenue salle Octobre, l’assemblée, très nombreuse, a acclamé la candidature de protestation de la citoyenne Paul [sic] Minck[24]. »
Journalisme engagé
En 1888, elle fut rédactrice en chef au journal perpignanais le Socialiste des Pyrénées-Orientales, avant de revenir à Paris où elle fut une des principales rédactrices du journal fondé par Maurice Barrès La Cocarde, paru de 1894 à 1895[25]. Elle collabora également à la Petite République, à l’Aurore, ainsi qu’au quotidien féministe la Fronde, fondé en par Marguerite Durand.
En , elle avait fait jouer deux petites pièces au Théâtre-Social : Qui l'emportera ? et le Pain de la honte. Au cours de l’affaire Dreyfus, elle s’engagea aux côtés des dreyfusards. Elle avait été reçue à la loge maçonnique mixte du Droit humain[26].
À sa mort, elle est incinérée au cimetière du Père-Lachaise, où se presse une foule de socialistes, anarchistes, féministes[27], le , lors de la journée internationale des travailleurs. Ses cendres sont déposées dans une concession gratuite du columbarium du Père-Lachaise (case no 1029). La concession est renouvelée jusqu'en 1931 avant d'être reprise par l'administration[28].
Le journal Le Progrès lui rend hommage dans un article du 18 mai 1901 intitulé « Paule Minck et la Païva », qui se termine par ces mots : « La courtisane élève encore des palais avec l'or prélevé sur la misère et l'on raille la femme qui revendique des droits égaux à ceux des hommes »[29].
Journal de Paul Léautaud au 12 mai 1929 : « Hier matin, visite de la fille de Paule Minck […]. Cette pauvre femme toujours dans la misère noire. Donné 20 francs. »
Hommages et postérité
En 2019 à Genève, dans le cadre du projet « 100elles », l'association l'Escouade renomme temporairement une rue à son nom[30]. En 2021, à l'occasion du 150e anniversaire de la Commune de Paris, un jardin public du 20e arrondissement de Paris est inauguré sous le nom de « jardin Paule-Minck »[31].
Écrits
- « Pétard féminin », Le coup de feu, no 2, octobre 1885, p. 11, lire en ligne sur Gallica
- « La femme en Algérie », Le coup de feu, no 5, janvier 1886, p. 12, lire en ligne sur Gallica
- « Lever d'aurore », Le coup de feu, no 12, août 1886, p. 4, lire en ligne sur Gallica
- « La femme en Algérie », Le coup de feu, no 14, octobre 1886, p. 14, lire en ligne sur Gallica
- « Misère ! », Le coup de feu, no 18, février 1887, p. 4, lire en ligne sur Gallica
- « La semaine terrible », Le coup de feu, no 22, juin 1887, p. 7, lire en ligne sur Gallica
Notes et références
- Acte de décès à Paris 16e, n° 627, vue 21/31.
- Laurence Klejman et Florence Rochefort, L’Égalité en marche : le féminisme sous la Troisième République, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques : Des femmes, , 356 p., 21 cm (ISBN 978-2-7210-0382-9, OCLC 470770293, lire en ligne), p. 41.
- François Bodinaux, Dominique Plasman et Michèle Ribourdouille, « On les disait « pétroleuses » », sur Le Libertaire (consulté le ).
- Charles Sowerwine (préf. Madeleine Rebérioux), Les femmes et le socialisme : un siècle d’histoire, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, , xxvii, 285, 24 cm (ISBN 978-2-7246-0416-0, OCLC 919980273, lire en ligne).
- « Paule MINCK ou (Mink) », sur 100 Elles* (consulté le )
- Carolyn J. Eichner, Franchir les barricades, Les Femmes dans la Commune de Paris, Paris, Editions de la Sorbonne, (ISBN 9791035105228), p. 177
- Alain Dalotel (dir), Paule Minck, communarde et feministe, Syros, (ISBN 978-2901968535), p. 143
- « Paule Minck : Militante féministe révolutionnaire », sur Amis et Passionnés du Père-Lachaise (consulté le ).
- Les mouches représentaient le peuple français et l’araignée l’Empereur.
- (en) D. Barry, Women and Political Insurgency: France in the Mid-Nineteenth Century, Springer, (ISBN 978-0-230-37436-2, lire en ligne), p. 121
- Benoit Malon, La troisième défaite du prolétariat français, Nauchatel, G. Guillaume Fils, (lire en ligne), p. 270
- Claude Willard, Les guesdistes : le mouvement socialiste en France, 1893-1905, Paris, Éditions sociales, , 770 p. (lire en ligne), p. 635.
- Jean Braire, Sur les traces des communards: enquĂŞte dans les rues du Paris d'aujourd'hui, Amis de la Commune, (lire en ligne)
- Bard, Christine (1965-....). et Chaperon, Sylvie (1961-....)., Dictionnaire des féministes : France, XVIIIe – XXIe siècle, Paris, PUF, 1700 p. (ISBN 978-2-13-078720-4 et 2130787207, OCLC 972902161, lire en ligne)
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- Dany Stive, « Paule Mink (1839-1901) : Passionnément femme, féministe et socialiste », L'Humanité,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Registre journalier d'inhumation du Père-Lachaise, 1er mai 1901, no 2664, page 23
- « Le Progrès », sur Gallica, (consulté le ).
- « Paule MINCK ou (Mink) », sur 100 Elles* (consulté le ).
- Geplu, « Inauguration du jardin Paule Minck », sur hiram.be, (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- Alain Dalotel (dir.), Communarde et féministe (1839-1901) : les mouches et les araignées, le travail des femmes et autres textes, Paris, Syros, coll. « Mémoire des femmes », , 183 p. (ISBN 978-2-901968-53-5, ISSN 0182-340X, lire en ligne).
- Charles Maurras, « Madame Paule Minck », Gazette de France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « Paule Minck : militante féministe révolutionnaire », sur Amis et passionnés du Père Lachaise, (consulté le ).
- Xavière Gauthier, « Minck [ou Mink] Paule », in Bard, Christine (dir.), Dictionnaire des féministes. France XVIIIe – XXIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 2017, p. 998-1000. (ISBN 9782130787204)
Liens externes
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