Patagonie rebelle
En Argentine, il est dâusage de nommer Patagonie rebelle (en espagnol : Patagonia rebelde) ou Patagonie tragique (Patagonia trĂĄgica) la lutte menĂ©e entre 1920 et 1921 par des travailleurs insurgĂ©s, principalement anarcho-syndicalistes, dans la province de Santa Cruz, en Patagonie argentine.
ou Patagonie tragique
Date | Novembre 1920 â dĂ©cembre 1921 |
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Lieu | Province argentine de Santa Cruz |
RĂ©sultat | RĂ©pression violente dâune grĂšve insurrectionnelle, avec exĂ©cution sommaire de 1500 ouvriers grĂ©vistes. |
Le conflit dĂ©buta par une grĂšve des journaliers agricoles et des ouvriers de lâindustrie de la viande, qui se termina dans un premier temps par la conclusion dâun accord avec le patronat sur la base dâune plateforme de revendications des travailleurs. Cependant, lorsquâil apparut que le patronat nâavait pas lâintention de respecter lâaccord signĂ©, et que dĂ©jĂ des mesures de rĂ©torsion Ă©taient prises Ă lâencontre des meneurs de la grĂšve, le conflit social dĂ©gĂ©nĂ©ra en une grĂšve insurrectionnelle, qui fut durement rĂ©primĂ©e par les troupes de lâArmĂ©e argentine dĂ©pĂȘchĂ©es sur place par le gouvernement central dâHipĂłlito Yrigoyen, alors prĂ©sident en exercice, et commandĂ©es par le lieutenant-colonel HĂ©ctor Benigno Varela[1]. Lors de cette rĂ©pression, fĂ©roce et disproportionnĂ©e, quelque 1 500 ouvriers furent passĂ©s par les armes. Un an plus tard, Varela pĂ©rit dans un attentat Ă la bombe perpĂ©trĂ© Ă titre de vengeance par Kurt Gustav Wilckens, anarchiste allemand.
Déroulement des événements
La FĂ©dĂ©ration ouvriĂšre rĂ©gionale argentine (FORA) avait fondĂ© Ă RĂo Gallegos, dans la province de Santa Cruz, la Sociedad Obrera (SociĂ©tĂ© ouvriĂšre) de RĂo Gallegos[2], dirigĂ©e par lâanarchiste espagnol Antonio Soto, connu sous le sobriquet de el Gallego (le Galicien) Soto. Santa Cruz Ă©tait une zone de production de laine qui dĂ©pendait de lâexportation et sâappuyait sur la grande propriĂ©tĂ© fonciĂšre de la rĂ©gion dâune part, et sur lâimplantation de sociĂ©tĂ©s frigorifiques anglaises dâautre part. Avec la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale, le prix des exportations primaires de Patagonie sâaffaissa ; la baisse de la demande des stocks de laine accumulĂ©s depuis la fin de la guerre, et la chute du prix de la laine de 9,74 $ Ă 3,08 $, ramenant ce prix Ă son niveau normal de cotation en temps de paix, provoquĂšrent une crise rĂ©gionale. Celle-ci toucha les exploitants des grands domaines et les nĂ©gociants, mais se rĂ©percuta plus durement encore sur les ouvriers lainiers et les journaliers agricoles, qui vivaient dans des conditions misĂ©rables. La journĂ©e de travail normale des ouvriers Ă©tait alors de 12 heures, celle des tondeurs et des muletiers avoisinait les 16 heures, et le dimanche Ă©tait lâunique jour de repos. Les salaires, infimes, Ă©taient souvent payĂ©s sous forme de bons ou en monnaie Ă©trangĂšre, laquelle Ă©tait, lorsquâil sâagissait ensuite de lâĂ©changer dans les commerces, acceptĂ©e en dessous de sa valeur.
Une grĂšve de protestation dĂ©clenchĂ©e en contre lâarbitraire des autoritĂ©s policiĂšres[3], le boycott dĂ©cidĂ© contre trois commerçants liĂ©s Ă la Sociedad Rural, puis lâarrestation des dirigeants de la Sociedad Obrera, exacerba lâantagonisme entre travailleurs et patronat. Des dĂ©lĂ©guĂ©s arrivĂšrent alors de toute la province et discutĂšrent des exigences Ă opposer Ă la Sociedad Rural. Les ouvriers affiliĂ©s Ă la Sociedad Obrera de RĂo Gallegos prĂ©sentĂšrent ensuite au patronat une plateforme de revendications tendant Ă amĂ©liorer leurs conditions de travail.
Entre autres demandes, les ouvriers exigeaient quâil fĂ»t interdit dâhĂ©berger plus de trois hommes dans un logis de 16 m2, que chaque ouvrier eĂ»t droit tous les mois Ă un paquet de bougies[4], et que le samedi fĂ»t jour chĂŽmĂ© ; Ă©taient exigĂ©s en outre une amĂ©lioration des rations alimentaires, un salaire mensuel minimum de 100 pesos, et la reconnaissance de la Sociedad Obrera comme seul reprĂ©sentant lĂ©gitime des travailleurs, ceci impliquant que le dĂ©lĂ©guĂ© nommĂ© comme mĂ©diateur entre les parties en conflit eĂ»t Ă ĂȘtre agrĂ©Ă© comme tel. Ce cahier de revendications fut cependant rejetĂ© par lâorganisation regroupant les propriĂ©taires terriens, la Sociedad Rural. Les travailleurs ripostĂšrent en dĂ©crĂ©tant la grĂšve gĂ©nĂ©rale dans toute la province de Santa Cruz.
PremiĂšre grĂšve
La grĂšve gĂ©nĂ©rale fut dĂ©clarĂ©e le . Le eut lieu une tentative dâassassinat du dirigeant Antonio Soto, mais celui-ci en rĂ©chappa. Le , lors dâune assemblĂ©e Ă la Sociedad Obrera, une nouvelle proposition, sous la forme dâun 2e cahier de revendications, fut transmise Ă la Sociedad Rural, laquelle proposition fut acceptĂ©e par un groupe limitĂ© de propriĂ©taires le . Ă Puerto Deseado et Ă Puerto San JuliĂĄn Ă©galement la grĂšve gĂ©nĂ©rale fut dĂ©crĂ©tĂ©e ; celle-ci, Ă laquelle se joignirent les cheminots et les employĂ©s des grands magasins La AnĂłnima, Ă©tait dirigĂ©e par des anarchistes. Le , la police tua le grĂ©viste Domingo F. Olmedo.
La Sociedad Obrera, rĂ©unie en assemblĂ©e pour discuter de la marche Ă suivre, radicalisa ses positions, la tendance de la FORA du Ve CongrĂšs (anarchiste) lâemportant en effet sur celle de la FORA du IXe CongrĂšs (syndicaliste). Antonio Soto se rendit clandestinement Ă Buenos Aires pour demander appui et solidaritĂ© au CongrĂšs de la FORA qui se tenait Ă ce moment.
Entre-temps, les grĂ©vistes prenaient en otage des policiers, des propriĂ©taires fonciers et des employĂ©s administratifs des Ă©tablissements ruraux, capturant armes et provisions pour les besoins de leurs propres colonnes mobilisĂ©es. JusquâĂ ce moment, des faits de violence graves ne sâĂ©taient pas encore produits, Ă lâexception des actes commis par une bande anarchiste emmenĂ©e par Alfredo Fonte, alias El Toscano, qui avait pris dâassaut un certain nombre de fermes, notamment le domaine El Campamento, assailli le par El Toscano et son associĂ© El 68.
Dans la rĂ©gion du lac Argentino, les ouvriers sâorganisĂšrent en colonnes et, faisant escale dans les diffĂ©rentes exploitations agricoles, sâattachĂšrent Ă y soulever la main-dâĆuvre. Pour se soustraire Ă la rĂ©pression policiĂšre, ils se dĂ©plaçaient sans cesse dâun lieu Ă un autre, pour finalement se diriger sur la ville de RĂo Gallegos. Le , alors quâils approchaient du lieu-dit El Cerrito, la police les attaqua Ă lâarme Ă feu. Lâaffrontement fit plusieurs morts et blessĂ©s parmi les policiers et les ouvriers. Cet incident fut par la suite manipulĂ© par les organes de presse assujettis Ă la Sociedad Rural, au gouverneur Edelmiro Correa FalcĂłn[5] et Ă la Ligue patriotique argentine, pour faire accroire Ă l'opinion publique que la province tout entiĂšre Ă©tait en proie au banditisme anarchiste. Le but de ces milieux Ă©tait dâinciter le gouvernement national prĂ©sidĂ© par HipĂłlito Yrigoyen Ă engager la rĂ©pression contre le mouvement ouvrier.
Le , les ouvriers sâemparĂšrent du domaine agricole La Anita, prenant en otage ses propriĂ©taires et le commissaire Micheri, puis dans la foulĂ©e occupĂšrent la ferme La Primavera. Le , le nouveau gouverneur de Santa Cruz, le capitaine Ăngel Ignacio Yza, de tendance yrigoyĂ©niste, arriva en Patagonie, en remplacement de Correa FalcĂłn. Sa politique cependant en sera une de conciliation, sâefforçant Ă trouver des rĂšglements pacifiques entre les parties. Entre-temps, les troupes de lâarmĂ©e fĂ©dĂ©rale commandĂ©es par le lieutenant-colonel HĂ©ctor Benigno Varela dĂ©barquĂšrent Ă Puerto Santa Cruz le et se mirent aussitĂŽt en route pour RĂo Gallegos.
Le gouverneur Yza et Varela convinrent dâĂ©viter la rĂ©pression et sâentretinrent avec les grĂ©vistes Ă la ferme El Tero le . Les conditions quâils posĂšrent Ă ceux-ci portaient que les armes eussent Ă ĂȘtre dĂ©posĂ©es et les otages relĂąchĂ©s. En contrepartie serait satisfaite une grande partie des revendications des travailleurs, aprĂšs acceptation d'un accord dĂ©jĂ proposĂ© par les patrons aux ouvriers Ă la date du . Ledit accord disposait ce qui suit :
« Art. premier : Les soussignĂ©s sâengagent, dans des dĂ©lais raisonnables imposĂ©s par les circonstances locales et rĂ©gionales, Ă respecter les conditions suivantes dâamĂ©lioration Ă©conomique et dâhygiĂšne :
a.- Les habitations des ouvriers seront spacieuses et ventilĂ©es et rĂ©pondront aux meilleures normes dâhygiĂšne possibles ; en ce qui concerne les cabines, il est convenu que celles-ci seront en bois avec matelas de laine ;
b.- LâĂ©clairage de la salle commune sera Ă charge du patron, ainsi que le chauffage pendant les mois dâhiver ;
c.- En plus du dimanche, les ouvriers pourront chÎmer une demi-journée dans la semaine ;
d.- La nourriture sera saine, abondante et variée ;
e.- Chaque estancia aura une infirmerie de secours, munie dâinstructions rĂ©digĂ©es dans la langue nationale ; Art. deuxiĂšme :
a.- Les patrons sâengagent Ă payer Ă leurs ouvriers un salaire minimum de cent pesos monnaie nationale, en plus du gĂźte et du couvert, sans baisser aucun des salaires qui excĂ©deraient actuellement ce montant ;
b.- Lorsque le nombre des ouvriers est de 15 Ă 25, un aide de cuisine sera embauchĂ©, et deux lorsque le nombre dâouvriers est de 25 Ă 40 ; au-delĂ de 40 ouvriers, lâon embauchera un boulanger ;
c.- Les gardiens de moutons mensuels, qui auront charge de conduire les troupeaux hors des domaines toucheront 12 pesos monnaie nationale par jour, indĂ©pendamment de leurs salaires et aussi longtemps quâils conduiront le troupeau ;
d.- Les gardians mensuels percevront pour chaque poulain dressĂ© 20 pesos monnaie nationale, en sus du salaire fixe qui leur a Ă©tĂ© assignĂ©, et percevront la mĂȘme somme pour chaque taurillon dans les mĂȘmes conditions.
Art. quatriĂšme :
Les patrons sâengagent et reconnaissent de fait les sociĂ©tĂ©s ouvriĂšres lĂ©galement constituĂ©es, ce qui implique quâelles devront jouir de la personnalitĂ© juridique. Les ouvriers pourront appartenir ou non Ă ces associations, attendu que seule entrera en considĂ©ration la bonne conduite de chacun. Art. cinquiĂšme :
Les ouvriers pour leur part sâengagent Ă lever lâactuel arrĂȘt de travail dans les champs, et de retourner au travail selon leurs tĂąches respectives sitĂŽt quâils auront signĂ© le prĂ©sent accord. »
â RĂo Gallegos, 30 janvier 1921[6].
Le lendemain, la grĂšve fut levĂ©e, tandis que rĂ©gnait une atmosphĂšre de triomphe dans la Sociedad Obrera. Cependant, El Toscano et sa bande avaient pour leur part refusĂ© dâaccepter la mĂ©diation et sâen furent se mettre Ă lâabri dans lâintĂ©rieur de la province, en emportant la plupart des armes, pour prĂ©venir leur confiscation. Le conflit toutefois parvint Ă un dĂ©but de solution Ă travers la sanction arbitrale du gouverneur Yza, laquelle fut acceptĂ©e par les parties et homologuĂ©e par le ministĂšre fĂ©dĂ©ral du Travail le .
Ă la suite de lâaccord avec le gouverneur Yza, les troupes de Varela sâen retournĂšrent Ă Buenos Aires en [7]. Lâaccord fut cependant loin dâĂȘtre respectĂ©, le patronat engageant en effet, dans les fermes et dans les ports de la province de Santa Cruz, une sĂ©rie de mesures de rĂ©torsion contre les participants aux grĂšves. Les forces de police, assistĂ©es de milices parapoliciĂšres composĂ©es de membres de la Ligue patriotique du nationaliste Manuel CarlĂ©s, entrĂšrent en action.
IntermĂšde et approfondissement du conflit
Les grands fermiers propriĂ©taires, nĂ©gociants et investisseurs patagoniens, appartenant tous Ă la Sociedad Rural (et appuyĂ©s par la Ligue patriotique et quelques fonctionnaires de police) lancĂšrent lâoffensive contre les autres groupes dâintĂ©rĂȘts qui leur faisaient face : les travailleurs de la SociĂ©tĂ© ouvriĂšre, les radicaux yrigoyĂ©nistes emmenĂ©s par lâavocat et homme politique JosĂ© MarĂa Borrero, et le juge Ismael Viñas, qui sâĂ©taient formellement ralliĂ©s autour de la figure du gouverneur Yza. Ils rĂ©pliquĂšrent aux actions des grands fermiers par le biais de la revue La Verdad (litt. la VĂ©ritĂ©), dirigĂ©e par Borrero, en dĂ©nonçant notamment les contrats lĂ©onins que la sociĂ©tĂ© frigorifique nord-amĂ©ricaine Swift faisait signer aux ouvriers de lâindustrie de la viande. Les ouvriers de la Swift se mirent alors en grĂšve, avec le soutien de la Sociedad Obrera[8]. Le conflit pourtant se solda par le triomphe de la firme frigorifique, laquelle avait Ă©tĂ© aidĂ©e indirectement par Santiago LĂĄzaro et Rogelio Lorenzo, syndicalistes de la FORA du IXe CongrĂšs, dĂ©pĂȘchĂ©s depuis Buenos Aires, qui attaquĂšrent en particulier Antonio Soto, en raison de son style et de ses positions anarchistes proches de la FORA du Ve CongrĂšs. Par la voix de son organe La OrganizaciĂłn Obrera, et par une sĂ©rie dâattaques sous forme de feuilles volantes, la FORA syndicaliste (IXe congrĂšs) sâen prit Ă la Sociedad Obrera de RĂo Gallegos, qui Ă©tait de caractĂšre anarcho-syndicaliste, et incita plusieurs subdivisions sectorielles de celle-ci Ă faire sĂ©cession (les premiers Ă se dĂ©tacher furent les travailleurs graphiques, et ensuite les chauffeurs et les mĂ©caniciens). De la sorte, le monde ouvrier apparut divisĂ©, tandis que le groupe de la FORA du IXe se rapprochait du groupe yrigoyĂ©niste de Borrero et de Yza.
En , les tĂ©lĂ©graphistes de la poste de RĂo Gallegos en grĂšve changĂšrent la composition du comitĂ© et rompirent avec la Sociedad Obrera. Le , Ă lâissue dâune assemblĂ©e rĂ©unie dans le cinĂ©ma Select de RĂo Gallegos, le dirigeant de la FORA syndicaliste Rogelio Lorenzo et son Syndicat autonome de chauffeurs occupĂšrent le siĂšge de la Sociedad Obrera. Un groupe dâadhĂ©rents de celle-ci, emmenĂ©s par Soto, les expulsa des lieux violemment.
Si les dirigeants syndicaux envoyés de Buenos Aires, dont les capacités de mobilisation étaient à peu prÚs nulles, subirent une défaite retentissante lors des assemblées ouvriÚres, la Sociedad Obrera commença néanmoins à donner quelques signes de faiblesse. Bien que ses militants eussent obtenu quelques réussites partielles dans des boycotts dirigés contre un certain nombre de commerçants fortunés, le gouverneur Yza cessa de les considérer comme des interlocuteurs valables, ne reconnaissant plus que les représentants de la FORA syndicaliste.
De son cĂŽtĂ©, le gouvernement chilien sâalarma de lâĂ©ventualitĂ© de devoir faire face Ă des troubles semblables dans le sud du Chili et dĂ©cida de dĂ©ployer, sous les ordres du colonel Carlos Ibåñez del Campo, une importante force de carabiniers autour de la ville de Puerto Natales, prĂšs de la frontiĂšre avec lâArgentine, ce qui donna de lâinquiĂ©tude au gouvernement argentin. De surcroĂźt, le capitaine Elbio Carlos Anaya, chef de compagnie du 10e rĂ©giment de cavalerie, affirma que les carabiniers chiliens chargĂ©s de garder les cols de montagne laissaient aux grĂ©vistes argentins armĂ©s toute latitude dâaller et venir de part et dâautre de la frontiĂšre[9].
La Sociedad Rural commença Ă mobiliser ses influences Ă Buenos Aires et monta une campagne de presse dans les journaux La Prensa, La RazĂłn et La NaciĂłn, pour dĂ©noncer le pĂ©ril anarchiste et le banditisme, et mettre en garde contre la possibilitĂ© que le gouvernement chilien sâemparĂąt de la rĂ©gion de Santa Cruz. ParallĂšlement, la Sociedad Rural sut favoriser lâimmigration de « libres », c'est-Ă -dire de jaunes, lesquels, amenĂ©s en Patagonie Ă partir dâautres rĂ©gions, arrivĂšrent Ă RĂo Gallegos Ă bord du vapeur El Asturiano le et feront lâobjet de violentes agressions de la part des ouvriers locaux. CĂ©dant aux attaques contre sa personne lancĂ©es Ă la fois par la Sociedad Rural, la presse, le gouvernement, le syndicalisme de la FORA du IXe et les forces policiĂšres, Antonio Soto finit par dĂ©missionner comme secrĂ©taire de la SociĂ©tĂ© ouvriĂšre ; lui succĂ©dera alors Antonio Paris, dirigeant ouvrier, cuisinier de profession, jouissant dâun grand prestige. Rogelio Lorenzo, de la FORA syndicaliste, sâappliquait Ă former un comitĂ© autonome de travailleurs ruraux dans lâintĂ©rieur de la province, en particulier dans la zone de Lago Argentino, en submergeant celle-ci de feuilles volantes. Câest pourquoi Soto entreprit de parcourir toute la province de Santa Cruz, Ă©clairant les travailleurs agricoles, les muletiers, les tondeurs, etc. sur la nature du conflit et sur le non-respect, de la part du patronat, de lâaccord signĂ© avec Yza, et faisant ainsi Ă©chouer la manĆuvre de Lorenzo. LâassemblĂ©e organisĂ©e par la FORA syndicaliste le tournera Ă lâĂ©chec total pour ses organisateurs.
Au cours du mois dâoctobre, la situation atteignit un point de non retour. Un des motifs dâexaspĂ©ration du conflit Ă©tait lâaction du groupe El Consejo Rojo (litt. le Conseil rouge), dirigĂ© par Alfredo Fonte alias El Toscano, qui commençait Ă effectuer des attaques, des pillages et des prises dâotages dans les domaines agricoles de la province[10]. DĂ©but octobre, il sâentretint avec Antonio Soto pour lui exposer son dessein : grĂšve gĂ©nĂ©rale, assauts contre les fermes et prises dâotages, par surprise et avec violence. Soto le dĂ©sapprouva, arguant que ce serait lĂ procurer des arguments Ă la Sociedad Rural, et soutint quâil nây eĂ»t Ă faire grĂšve ou Ă mener des actions de boycott que contre les seuls fermiers qui nâavaient pas mis en Ćuvre le paquet de revendications. Le dĂ©saccord sur le mode dâaction aboutit Ă une rupture totale entre les deux hommes. El Toscano fut capturĂ© le par le commissaire Vera, paradoxalement aprĂšs dĂ©nonciation des ouvriers.
Soto partit en campagne et parcourut les environs de Barranca Blanca, El Tero, Mac Cormack, Tapi Aike, Fuentes del Coyle, Cancha Carrera, Primavera, San JosĂ©, Laurita, Rospentek, Punta Alta, Glen Cross, RincĂłn de los Morros, Douglas, Bella Vista, Buitreras, Paso del Medio, Clark, etc. Sâil rĂ©ussit Ă obtenir une adhĂ©sion Ă©crasante parmi les ouvriers agricoles, la Sociedad Obrera resta nĂ©anmoins privĂ©e dâappuis extĂ©rieurs : le juge Viñas faisait face Ă un procĂšs politique Ă Buenos Aires, JosĂ© MarĂa Borrero Ă©tait incarcĂ©rĂ© et observait le silence, les avocats Corminas, Cabral et BeherĂĄn ne paraissaient pas vouloir donner leur appui, et le gouverneur radical privilĂ©giait la FORA syndicaliste comme interlocuteur[11]. En outre, la Sociedad Obrera avait vu sâamenuiser ses forces dans les ports, lesquels faisaient allĂ©geance Ă la FORA syndicaliste. Ă Puerto Deseado les cheminots, et Ă Puerto San JuliĂĄn et Puerto Santa Cruz les dĂ©bardeurs, nâappuyaient pas la grĂšve. Seuls quelques anarchistes comme RamĂłn Outerello soutenaient la Sociedad Obrera, Ă lâexception de Puerto San JuliĂĄn, oĂč le dirigeant Ă©tait un socialiste, Albino ArgĂŒelles. Sur le littoral, le seul appui venait de RĂo Gallegos.
DeuxiĂšme grĂšve
Le , les locaux de la FĂ©dĂ©ration ouvriĂšre de RĂo Gallegos, de Puerto Deseado, de San JuliĂĄn et de Puerto Santa Cruz furent fermĂ©s et dĂ©molis, et les dirigeants ouvriers mis en Ă©tat dâarrestation. Antonio Paris, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la FĂ©dĂ©ration ouvriĂšre, fut dĂ©tenu et torturĂ© par la police, et sera ensuite dĂ©portĂ©, en mĂȘme temps que dâautres responsables ouvriers. Cependant, la grĂšve gĂ©nĂ©rale fut dĂ©crĂ©tĂ©e Ă Santa Cruz. Le tract distribuĂ© par la Sociedad Obrera proclamait :
« GRĂVE GĂNĂRALE
Compte tenu que se poursuivent les vexations Ă lâencontre de nombre de nos camarades, vexations que nous avons rendues publiques dans des avis antĂ©rieurs : le Conseil local, lors dâune rĂ©union qui sâest tenue avec les dĂ©lĂ©guĂ©s qui en font partie, la commission du comitĂ© Mar y Playa (mer et quais) et les comitĂ©s pro-prisonniers et pro-grĂšve reconnus, ont pris la rĂ©solution suivante :
De dĂ©crĂ©ter la grĂšve gĂ©nĂ©rale Ă compter dâaujourdâhui 15 heures (3 heures de lâaprĂšs-midi) et jusquâĂ ce que nos camarades soient remis en libertĂ©, Ă laquelle grĂšve devront prendre part Ă cet effet tous les ouvriers de mer et de manutention, les chauffeurs, les mĂ©caniciens et similaires, le personnel de cuisine, les ouvriers dâimprimerie, les mĂ©tiers divers et tous les travailleurs des champs et du commerce en gĂ©nĂ©ral.
CAMARADES : Croisons-nous les bras, retirons nos outils de travail, et que personne ne se laisse intimider, car il vaut mieux continuer Ă souffrir de la faim en commun pour voir nos justes revendications satisfaites, que dâaller remplir une Ă une les calebasses faites pour mettre en lieu sĂ»r les rapines lĂ©galisĂ©es de nos exploiteurs. »
â LE COMITĂ PRO-GRĂVE[12].
Antonio Soto, qui sĂ©journait dans lâestancia Bella Vista, hissa le drapeau rouge et noir de lâanarchisme et commença Ă pousser Ă la grĂšve et Ă lâoccupation des grands domaines agricoles. DĂ©but novembre, Soto avait soulevĂ© les travailleurs des estancias Buitreras, Alquinta, RincĂłn de los Morros, Glencross, La Esperanza et Bella Vista.
La police lança alors une rapide offensive et mit en dĂ©tention les dirigeants que Soto avait dĂ©pĂȘchĂ©s Ă RĂo Gallegos : Mogilnitzky, Sambucetti et Severino FernĂĄndez furent torturĂ©s et dĂ©portĂ©s sur le vapeur Vicente Fidel LĂłpez, pendant quâĂ©taient incarcĂ©rĂ©s et battus JosĂ© Graña, Domingo Oyola, Restituto Ălvarez et le patron du bar oĂč ils sâĂ©taient trouvĂ©s rĂ©unis, MartĂn Tadich. Cette vague dâarrestations de dirigeants syndicaux dans les villes cĂŽtiĂšres eut pour effet dâisoler le mouvement de grĂšve, qui nĂ©anmoins ne cessa de gagner en ampleur. RamĂłn Outerello, aprĂšs avoir rĂ©ussi Ă Ă©chapper aux autoritĂ©s Ă Puerto Santa Cruz, entama des actions plus agressives quâAntonio Soto, qui ne souhaitait pas affronter lâarmĂ©e et le gouvernement. Outerello entreprit dâorganiser de grandes colonnes dâouvriers et Ă sâemparer dâestancias, tout en faisant mouvement vers les ports, dans une tentative de rompre lâisolement. Dans le domaine agricole allemand Bremen, Ă Laguna Cifre, les grĂ©vistes furent attaquĂ©s par les estancieros, ce qui entraĂźna la mort de deux ouvriers et en blessa plusieurs autres.
Arrivée de Varela
Le prĂ©sident argentin HipĂłlito Yrigoyen dĂ©cida dâenvoyer en Patagonie le 10e rĂ©giment de cavalerie. Celui-ci fut divisĂ© en deux corps, dont le principal Ă©tait commandĂ© par le commandant en chef de lâexpĂ©dition, le lieutenant-colonel Varela, et le second par le capitaine Elbio C. Anaya. Ces troupes se mirent en route le , Ă bord du navire de transport Guardia Nacional.
Le , Varela dĂ©barqua Ă RĂo Gallegos, oĂč il fut informĂ© par les membres de la Sociedad Rural, par les autoritĂ©s policiĂšres et par le gouvernement local, de ce que
« ...lâordre tout entier se trouve subverti, que la garantie individuelle, la garantie du domicile, de la vie et des haciendas, assurĂ©es par notre Constitution, ont cessĂ© dâexister ; que des hommes soulevĂ©s en armes contre la Patrie menacent la stabilitĂ© des autoritĂ©s et se sont ouvertement insurgĂ©s contre le gouvernement national, dĂ©truisant, incendiant, rĂ©quisitionnant chevaux, vivres et tous types de biens... »
â Rapport du lieut.-col. Varela[13]
Varela avait sous ses ordres un contingent de 200 hommes bien Ă©quipĂ©s, tandis que les grĂ©vistes Ă©taient autour de deux milliers, mais pauvrement armĂ©s. Si les raisons qui le portĂšrent Ă agir de la sorte font toujours lâobjet de discussion, quâil le fĂźt par ordre du gouvernement national ou de sa propre initiative, il demeure que câest bien Varela qui instaura la peine du peloton dâexĂ©cution contre les journaliers et ouvriers en grĂšve. En atteste lâavis diffusĂ© par Varela et ainsi libellĂ© :
« Si vous acceptez en cet instant de vous soumettre INCONDITIONNELLEMENT en me remettant les prisonniers et tous les chevaux que vous avez en votre pouvoir, tout en vous prĂ©sentant Ă moi avec vos armes, je VOUS DONNERAI TOUTE ESPĂCE DE GARANTIES POUR VOUS ET POUR VOS FAMILLES, mâengageant Ă vous faire justice dans les rĂ©clamations que vous auriez Ă prĂ©senter contre les autoritĂ©s et de mĂȘme Ă rĂ©gler lâultĂ©rieure situation de vie de tous les travailleurs en gĂ©nĂ©ral. Si dans les 24 heures aprĂšs rĂ©ception par vous de la prĂ©sente communication, je ne reçois pas de rĂ©ponse indiquant que vous acceptez la reddition inconditionnelle de tous les grĂ©vistes insurgĂ©s en armes sur le territoire de Santa Cruz, je PROCĂDERAI :
1° Ă vous soumettre par la force, en ordonnant aux officiers de lâarmĂ©e qui commandent les troupes sous mes ordres de vous considĂ©rer comme ennemis du pays dans lequel vous vivez ;
2° Ă vous tenir pour responsables de la vie de chacune des personnes quâen ce moment vous dĂ©tenez par la force comme prisonniers, ainsi que des malheurs qui pourraient survenir au sein de la population que vous occupez et de celles que vous seriez amenĂ©s Ă occuper par la suite ;
3° Toute personne se trouvant les armes Ă la main et ne pouvant justifier dâune autorisation Ă©crite, signĂ©e par le sous-signĂ©, sera chĂątiĂ©e sĂ©vĂšrement ;
4° Quiconque dirigera un tir sur les troupes sera fusillĂ© Ă lâendroit mĂȘme oĂč il se trouve ;
5° Si, Ă lâeffet de vous soumettre, lâemploi des armes par les troupes apparaĂźt nĂ©cessaire, je vous prĂ©viens quâune fois entamĂ© le combat, il nây aura plus ni pourparlers ni suspension des hostilitĂ©s. » »
â Varela, lieutenant-colonel, commandant en chef du 10e de C.[14].
Au contraire de ce quâaffirmeront par aprĂšs les auteurs des exĂ©cutions pour justifier leur action, le gouvernement chilien collabora bien avec les forces argentines, fermant la frontiĂšre afin dâempĂȘcher le passage des grĂ©vistes et permettant aux troupes argentines de faire des incursions sur le territoire chilien pour accomplir leurs poursuites.
Le , Varela, accompagnĂ© du premier lieutenant Schweizer et de 12 soldats, ayant fait route en direction dâEl Cifre, atteignit la localitĂ© de Paso Ibåñez. Câest lĂ , c'est-Ă -dire Ă un moment oĂč il nâavait pas encore publiĂ© lâavis ci-dessus dĂ©crĂ©tant la peine de mort, que Varela ordonna la premiĂšre exĂ©cution : celle du prisonnier chilien Triviño CĂĄrcamo. Ensuite, il sâen revint Ă RĂo Gallegos. Le , le capitaine Viñas Ibarra, secondĂ© par le sous-lieutenant Frugoni Miranda et appuyĂ© par 50 soldats de troupe, partit pour une expĂ©dition dans le sud de la province, visitant Pali-Aike, Fuentes del Coyle, Primavera, Punta Alta, Cancha Carrera et la cordillĂšre de Los Baguales. Le , attaquant aux abords de Punta Alta une centaine de grĂ©vistes, lesquels nâĂ©taient pourvus que de quelques rares armes Ă feu et Ă©taient quasi tous armĂ©s seulement de couteaux, la troupe tua cinq grĂ©vistes et en fit prisonniers environ 80, dont une moitiĂ© environ sera fusillĂ©e[15].
Outerello et sa colonne de 400 grĂ©vistes se dirigĂšrent sur Paso Ibåñez, localitĂ© cĂŽtiĂšre dans le nord de la province, qui Ă cette Ă©poque-lĂ comptait autour de 800 habitants, et lâoccupĂšrent. Ils emmenĂšrent avec eux, comme otages, un grand nombre de policiers, dâexploitants agricoles et dâadministrateurs de domaine, quâils logĂšrent dans le cinĂ©ma local. AprĂšs avoir rĂ©sistĂ© avec succĂšs aux troupes de la marine, Outerello demanda de parlementer avec Varela, qui arriva le . Les grĂ©vistes requĂ©raient la libertĂ© pour leurs camarades emprisonnĂ©s et pour les dĂ©portĂ©s, et lâapplication du paquet de conditions cosignĂ© par le patronat. Varela leur rĂ©pondit quâils devaient se rendre sans conditions. Alors que les ouvriers dĂ©libĂ©raient (Outerello prĂ©conisait de ne pas se rendre et sâenfuit Ă CañadĂłn LeĂłn, dans lâestancia Bella Vista), Varela les attaqua Ă RĂo Chico, forçant Ă la reddition une colonne dirigĂ©e par Avendaño, quâil fit fusiller en mĂȘme temps que des dizaines de grĂ©vistes. Ensuite, le 1er dĂ©cembre, les soldats tendirent une embuscade au groupe dâOuterello, oĂč ce dernier trouva la mort et avec lui une dizaine dâouvriers ; les troupes de Varela en revanche ne subirent aucune perte[16].
Les troupes commandĂ©es par le capitaine Viñas Ibarra partirent Ă la poursuite des colonnes emmenĂ©es par Antonio Soto. Le , avec 20 hommes, elles franchirent dâun bond le fleuve Santa Cruz et surprirent plus loin un groupe de grĂ©vistes, qui furent contraints de se rendre au lieu-dit El Perro, oĂč seront ensuite exterminĂ©s une vingtaine dâouvriers. Ă Cerro Negro, les troupes de Viñas Ibarra parcoururent la rĂ©gion en la nettoyant de militants et en fusillant ceux-ci sur le lieu mĂȘme oĂč ils se trouvaient. Ensuite, ils marchĂšrent sur la rĂ©gion de Lago Argentino par le chemin de Cordillera de los Baguales. Le , Ă La Leona, une centaine de grĂ©vistes se rendit volontairement, pendant que 80 autres environ suivirent Soto Ă la estancia La Anita. Viñas Ibarra, aprĂšs les avoir rejoints, exigea dâeux une reddition inconditionnelle. Les grĂ©vistes en discutĂšrent lors dâune assemblĂ©e nocturne, tandis que les troupes se prĂ©paraient Ă lâassaut ; lâassemblĂ©e vota pour la reddition, Ă lâencontre de la position des anarchistes, qui ne se fiaient pas Ă lâarmĂ©e. Les grĂ©vistes envoyĂšrent deux Ă©missaires pour sâenquĂ©rir des conditions de la reddition, mais Viñas Ibarra les fusilla sĂ©ance tenante. Finalement, la reddition inconditionnelle eut lieu. Selon plusieurs tĂ©moignages, le nombre de fusillĂ©s oscillerait ici entre 100 et 200. Antonio Soto, qui Ă©tait opposĂ© Ă la reddition, sâenfuit Ă cheval Ă destination du Chili avec 12 camarades. Le , le groupe de Soto traversa la frontiĂšre dans la zone du mont Centinela. Il ne sera jamais rattrapĂ©[17]. Viñas Ibarra sillonnera encore la rĂ©gion du 12 au , capturant et fusillant les derniers grĂ©vistes Ă©pars.
La rĂ©pression se prolongea, et sâĂ©tendit de la rĂ©gion de San JuliĂĄn jusquâĂ CañadĂłn LeĂłn. Le , les troupes dâAnaya partirent de lâestancia San JosĂ© et firent route vers le nord. Vers midi, au terme dâun Ă©change de coups de feu Ă Tapera de CasterĂĄn, de nombreux grĂ©vistes furent faits prisonniers. Bien que les militaires aient dĂ©clarĂ© par la suite que seuls pĂ©rirent le dirigeant Albino ArgĂŒelles et deux grĂ©vistes, câest en fait une centaine de prisonniers qui furent ici fusillĂ©s[18].
Phase finale
La toute derniĂšre colonne de grĂ©vistes Ă rester active sera celle emmenĂ©e par JosĂ© Font, mieux connu comme FacĂłn Grande, dans la zone de Puerto Deseado. Celui-ci divisa ses forces en deux colonnes, lâune de 300 hommes, marchant vers le sud de Puerto Deseado, Ă BahĂa Laura, et lâautre, dirigĂ©e par lui-mĂȘme, vers Pico Truncado. Ils se rendirent maĂźtre de la petite localitĂ© de Las Heras, Ă 300 km env. au nord-ouest de Puerto Deseado, y laissant le dĂ©lĂ©guĂ© Antonio EchevarrĂa, chargĂ© de garder la place. Le , Varela envoya de Puerto Deseado vers ladite localitĂ©, par le train dâexploration, un dĂ©tachement sous les ordres du sous-lieutenant Jonas. Las Heras fut reprise sans rĂ©sistance et Jonas fusilla EchevarrĂa et dâautres meneurs grĂ©vistes. Le , Varela, ayant appris lâexistence dâun campement de grĂ©vistes, se rendit Ă la gare de Tehuelches, Ă mi-chemin entre Puerto Deseado et Las Heras, sur la mĂȘme ligne de chemin de fer du Ferrocarril Nacional PatagĂłnico. Ă son arrivĂ©e se produisit le seul vĂ©ritable acte de rĂ©sistance face Ă lâarmĂ©e dans toute la campagne : lors dâune fusillade, le soldat Salvi fut blessĂ© et le soldat Fischer tuĂ©. Chez les grĂ©vistes, il y eut au moins trois morts et plusieurs blessĂ©s. Varela et son groupe durent se replier sur Jaramillo. De lĂ , il envoya le gĂ©rant de La AnĂłnima, Mario Mesa, parlementer avec FacĂłn Grande, en lui promettant de respecter la vie de tous et dâaccĂ©der Ă leurs demandes sâils se rendaient. Ă lâissue dâune assemblĂ©e, les ouvriers rĂ©solurent de se rendre dans la gare de Tehuelches le . En dĂ©pit de sa promesse, Varela fusilla FacĂłn Grande, Leiva et au moins une demi-centaine dâouvriers. Le dernier groupe de grĂ©vistes une fois exterminĂ©, les troupes de lâarmĂ©e sâemployĂšrent Ă arpenter toute la province de Santa Cruz Ă la recherche de grĂ©vistes dispersĂ©s. LâarmĂ©e les poursuivait, jusquâĂ les attraper et les fusiller sommairement. La campagne sâacheva le ; au total y pĂ©rirent environ 1 500 ouvriers et grĂ©vistes[19].
Répercussion des exécutions
Le dimanche , Ă lâhĂŽtel Argentino, la Sociedad Rural fĂȘtait le Nouvel An par un grandiose hommage au lieutenant-colonel Varela. Le , le vapeur Asturiano, avec Ă son bord Manuel CarlĂ©s, prĂ©sident de la Ligue patriotique, accosta Ă RĂo Gallegos pour rendre hommage et dĂ©corer Varela et ses hommes. Le , le journal La UniĂłn publia una declaration de la Sociedad Rural annonçant la baisse dâun tiers de tous les salaires, c'est-Ă -dire Ă une valeur nominale infĂ©rieure Ă celle des salaires en vigueur durant la premiĂšre grĂšve[20]. Le seul geste de rĂ©probation jamais accompli contre les troupes de rĂ©pression revient aux 5 tauliĂšres du lupanar La Catalana, qui refusĂšrent de servir les soldats stupĂ©faits, en leur criant « assassins »[21].
Les journaux anarchistes, principalement La Antorcha et La Protesta, dĂ©noncĂšrent le massacre dâouvriers prisonniers et les exĂ©cutions sommaires dĂšs le moment oĂč ils avaient lieu. Ils appelĂšrent Ă la solidaritĂ© et Ă la grĂšve, mais les autres organisations ouvriĂšres (lâUGT et la FORA du IXe congrĂšs), dĂ©sireux d'Ă©viter une confrontation avec le gouvernement dâHipĂłlito Yrigoyen, se cantonnĂšrent dans une protestation formelle. Ce nâest que lorsquâelles apprirent lâampleur de la tuerie quâelles sâassociĂšrent aux protestations. Ă lâexception des anarchistes, qui publiĂšrent tĂ©moignages, dĂ©nonciations et listes dâassassinĂ©s, les protestations des autres groupes politiques furent entre tiĂšdes et purement formelles[22]. Il nây eut pas, de la part du gouvernement, dâhonneurs rendus aux vainqueurs, et les actions des troupes ne reçurent pas lâaval officiel ; bientĂŽt, un manteau dâoubli fut jetĂ© sur lâaffaire, par crainte des consĂ©quences politiques. Il y eut certes quelque dĂ©bats et dĂ©nonciations Ă la Chambre des dĂ©putĂ©s Ă partir du , quand le dĂ©putĂ© socialiste Antonio De Tomaso aborda le sujet lors dâune sĂ©ance de lâassemblĂ©e. Les dĂ©nonciations et indignations des dĂ©putĂ©s socialistes furent cependant systĂ©matiquement dĂ©daignĂ©es et peu de mois plus tard lâaffaire retomba dans lâoubli.
EnchaĂźnement de vengeances
Le lieutenant-colonel Varela pĂ©rit dans un attentat perpĂ©trĂ©, selon les sources, le 25[23] ou par un ouvrier anarchiste allemand nommĂ© Kurt Wilckens. Auparavant dĂ©jĂ , Ă plusieurs reprises, celui-ci avait Ă©tĂ© sur le point de lâassassiner, mais chaque fois Varela avait paru accompagnĂ© de ses filles ou dâautres personnes, ce qui avait sur le moment dissuadĂ© Wilckens dâexĂ©cuter lâattentat. Ce jour-lĂ enfin, Varela Ă©tait sorti sans accompagnement ; Wilckens lâattendit Ă quelques mĂštres de lâentrĂ©e de son domicile, situĂ© au no 2461 de la rue Fitz Roy, dans le quartier de Palermo Ă Buenos Aires, et, le voyant sortir, lui lança une bombe aux pieds, qui blessa Varela, puis tira, de son rĂ©volver Colt, quatre coups de feu, c'est-Ă -dire le nombre de balles par lequel Varela avait coutume dâordonner quâon exĂ©cutĂąt ses victimes. Wilckens tenta ensuite de sâenfuir, mais un Ă©clat de la bombe lui avait fracturĂ© le pĂ©ronĂ©, lui rendant la fuite impossible. Une fois dĂ©tenu par la police, il dĂ©clara : « Celui-lĂ ne tuera plus personne. Jâai vengĂ© mes frĂšres »[24].
Kurt Wilckens Ă©tait un anarchiste pacifiste, antialcoolique et vĂ©gĂ©tarien, que le comportement de Varela en Patagonie avait profondĂ©ment indignĂ©. Sans expĂ©rience en matiĂšre dâattentats ni dans le maniement des explosifs, il affirma que son geste fut une action entiĂšrement individuelle, bien que lâon suppose quâil eĂ»t reçu lâaide dâautres anarchistes. Le geste de Wilckens fut saluĂ© par lâensemble du milieu anarchiste dâArgentine, et le retentissement de son acte atteignit jusquâĂ lâAllemagne et les Ătats-Unis, pays dans lequel il avait rĂ©sidĂ©.
Pendant les obsĂšques de Varela, auxquelles assistĂšrent le gĂ©nĂ©ral AgustĂn P. Justo, alors ministre de la Guerre, le docteur Manuel CarlĂ©s, le prĂ©sident Marcelo T. de Alvear et lâancien prĂ©sident HipĂłlito Yrigoyen, un jeune homme appartenant Ă la Ligue patriotique argentine et ci-devant policier de Santa Cruz, dĂ©nommĂ© Ernesto PĂ©rez MillĂĄn TĂ©mperley, profĂ©ra des insultes et menaces Ă lâadresse des journalistes.
Les procureurs requirent contre Wilckens une peine dâemprisonnement de 17 ans. En prison, il se rĂ©tablit de sa blessure et, par son caractĂšre docile, parvint Ă se faire estimer de ses codĂ©tenus et des gardiens, recevant de nombreuses visites et de la lecture. Des journalistes vinrent lâinterroger et il rĂ©digea quelques articles pour le compte de revues anarchistes.
« Ce ne fut pas une vengeance; ce que je voyais en Varela, ce nâĂ©tait pas lâinsignifiant officier. Non, en Patagonie, il Ă©tait tout : gouvernement, juge, bourreau et fossoyeur. Ă travers lui, jâai tentĂ© de blesser lâidole mise Ă nu dâun systĂšme criminel. Mais la vengeance est indigne dâun anarchiste ! Les lendemains, nos lendemains, nâaffirment ni querelles, ni crimes, ni mensonges ; ils affirment la vie, lâamour, les sciences ; Ćuvrons Ă hĂąter lâavĂšnement de ce jour. »
â Kurt Wilckens, lettre du 21 mai 1923.
Le , Wilckens fut assassinĂ© par PĂ©rez MillĂĄn TĂ©mperley dans sa cellule, pendant son sommeil, dâune balle qui lui traversa le poumon gauche. Wilckens succomba le lendemain. Son assassin dĂ©clara aprĂšs son arrestation : « Jâai Ă©tĂ© le subalterne et un parent du commandant Varela. Je viens de venger sa mort ». Le journal CrĂtica vendit ce jour-lĂ plus dâun demi-million dâexemplaires, et lâĂ©vĂ©nement suscita lâindignation des anarchistes et des organisations ouvriĂšres. La FORA appela Ă un arrĂȘt de travail gĂ©nĂ©ral de protestation, et une manifestation convoquĂ©e sur la place Once se solda par deux morts, 17 blessĂ©s et 163 dĂ©tentions cĂŽtĂ© manifestants, et par un officier mort et trois policiers blessĂ©s du cĂŽtĂ© des forces de lâordre. LâUnion syndicale argentine, anciennement FORA du IXe, appuya lâarrĂȘt de travail, mais leva bientĂŽt lâappel Ă la grĂšve.
GrĂące Ă ses influences, PĂ©rez MillĂĄn rĂ©ussit Ă se faire dĂ©clarer dĂ©ment et fut internĂ© Ă lâasile dâaliĂ©nĂ©s de la rue Vieytes, oĂč il mena une vie tranquille, abstraction faite de la rancĆur quâil nourrissait Ă lâĂ©gard de ses camarades de la Ligue patriotique, qui lâavaient abandonnĂ©. Le matin du , PĂ©rez MillĂĄn fut assassinĂ© Ă son tour dâun coup de feu tirĂ© par Esteban Lucich, internĂ© ayant des antĂ©cĂ©dents dâhomicide[25]. Attendu que Lucich nâavait pas lui-mĂȘme de mobile Ă©vident pour commettre le crime, les soupçons des enquĂȘteurs se portĂšrent sur le professeur GermĂĄn Boris Wladimirovich (es), anarchiste dâorigine russe, instigateur en 1919 du premier braquage anarchiste en Argentine, qui, enfermĂ© Ă vie au bagne dâUshuaia, avait simulĂ© la folie pour ĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă la rue Vieytes de Buenos Aires et y venger la mort de Wilckens. Soumis Ă un rude interrogatoire et battu, il nâavouera pas sa participation, pour ne pas compromettre ses appuis Ă lâextĂ©rieur. Vladimirovitch mourra quelques mois plus tard des suites des tortures subies.
Filmographie
Un film de 1974, La Patagonia rebelde, mis en scĂšne par HĂ©ctor Olivera dâaprĂšs un scĂ©nario de lâhistorien Osvaldo Bayer, a pour sujet le massacre de Patagonie. AprĂšs avoir Ă©tĂ© dâabord censurĂ©e par le prĂ©sident dâalors, Juan Domingo PerĂłn, lâĆuvre fut finalement autorisĂ©e, par dĂ©cision du mĂȘme PerĂłn, Ă sortir sur les Ă©crans le de cette mĂȘme annĂ©e[26]. AprĂšs la mort de PerĂłn, le film fut Ă nouveau interdit, le , par le gouvernement dâIsabel PerĂłn[27]. Ce nâest quâavec le retour de la dĂ©mocratie formelle en 1984 quâil put enfin ĂȘtre librement projetĂ©[28]. Le film remporta un Ours d'argent Ă la Berlinale de 1974[29].
En 2006 parut le documentaire La vuelta de Osvaldo Bayer (litt. le Retour dâOsvaldo Bayer), tournĂ© par Eduardo Anguita (es). Ce film recrĂ©e, sous la directive d'Osvaldo Bayer, certains Ă©pisodes particuliers de la rĂ©bellion dont la trace subsiste jusquâĂ aujourdâhui dans le paysage et dans la mĂ©moire collective de la population patagonienne, sous la forme notamment de quelques monuments en partie dĂ©truits, de murs commĂ©moratifs, etc.
Littérature
Dans le rĂ©cit De cĂłmo muriĂł el chilote Otey (litt. De la façon dont mourut le chilote Otey), lâĂ©crivain chilien Francisco Coloane relate un Ă©pisode se situant dans les derniers jours de la grĂšve. Pendant que quelque 850 ouvriers sous le commandement de FacĂłn Grande sâenfuient en direction de la frontiĂšre chilienne et du massif del Paine, 40 autres, parmi lesquels les Chilotes Otey et Rivera, dĂ©cident de mourir pour leurs camarades en restant retranchĂ©s dans un hangar de tonte, pour retarder la marche des hommes de Varela. Au cours du rĂ©cit, les personnages prĂ©sentent leur version des causes et des Ă©vĂ©nements de la grĂšve et discutent Ă©galement de la discrimination dont sont victimes les Chilotes en Patagonie.
Le livre de lâĂ©crivain et historien argentin David Viñas, Los dueños de la tierra (litt. les MaĂźtres de la terre), relate les Ă©vĂ©nements de la Patagonie rebelle par le prisme du mĂ©diateur envoyĂ© par le gouvernement radical pour tenter de rĂ©soudre le conflit pacifiquement, avant lâintervention de lâarmĂ©e.
Pavel OyarzĂșn, romancier et poĂšte chilien originaire de Punta Arenas, est lâauteur dâun roman intitulĂ© El Paso del Diablo (2004), dans lequel il Ă©voque la fuite des ouvriers grĂ©vistes poursuivis par les soldats du 10e rĂ©giment de cavalerie.
Notes et références
- « Gobierno de Hipólito Yrigoyen Historia Argentina Patagonia Rebelde »
- La Sociedad Obrera fut fondĂ©e Ă RĂo Gallegos vers 1918 et disposait dâune imprimerie et dâune Ă©cole. Elle publiait la revue 1° de Mayo (litt. 1er Mai). Elle envoyait des dĂ©lĂ©guĂ©s dans tous les grands domaines agricoles et Ă©tait surveillĂ©e par la police. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia Rebelde, tome I, Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004.
- La Sociedad Obrera avait sollicitĂ© auprĂšs du commissaire Ritchie la permission de rendre un hommage au pĂ©dagogue libertaire Francisco Ferrer y Guardia. Ritchie ayant refusĂ© de donner son autorisation, les ouvriers dĂ©clenchĂšrent une grĂšve de 48 heures. En outre, le 19 octobre, le gouverneur Correa FalcĂłn fit mettre en dĂ©tention les participants Ă une rĂ©union tenue dans le local de la Sociedad Obrera, ce qui donna lieu, en rĂ©action, Ă un arrĂȘt de travail gĂ©nĂ©ral.
- Pendant lâhiver patagonien, les jours sont trĂšs courts et les magasins des propriĂ©taires agricoles faisaient payer jusquâĂ 80 centavos un paquet de bougies qui nâen coĂ»tait que 5. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome I, Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004.
- La Sociedad Obrera avait dénoncé Correa Falcón comme étant le gouverneur par intérim et secrétaire de la Sociedad Rural.
- Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome I, Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004.
- Osvaldo Bayer ainsi que Felipe Pigna relatent lâĂ©pisode suivant : Sa mission accomplie, Varela et son rĂ©giment, le 10e de cavalerie, se disposent Ă partir. Avant de sâembarquer, un grand fermier est pris de doutes sur le maintien de la paix sociale et dit Ă Varela : « Vous vous en allez, et la mĂȘme chose recommencera », Ă quoi Varela rĂ©pondit : « Sâils se soulĂšvent Ă nouveau, je reviendrai et les fusillerai par dizaines ». Cf. Sangrientas huelgas patagĂłnicas, art. de Felipe Pigna, ClarĂn, 12 aoĂ»t 2007.
- La manchette du supplĂ©ment de La Verdad du 11 avril 1921 Ă©tait ainsi conçue : « Crimes de lĂšse-humanitĂ©. Lâexploitation de lâhomme par lâhomme portĂ© au plus degrĂ© de raffinement. » Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome I, Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 37
- Bayer, La Patagonia rebelde (tome II, La Masacre), p. 123. Le 16 novembre 1921 cependant, le gouvernement chilien finit par prendre son parti et autorisa le colonel Varela et sa colonne de 13 soldats Ă emprunter un raccourci Ă travers le territoire chilien, Ă lâest de Puerto Natales, le long de lâactuelle route nationale 9. Cf. Bayer, tome II: La Masacre, p. 131, et Orlando Mario Punzi, La tragedĂa patagĂłnica: historia de un ensayo anarquista, Ă©d. CĂrculo Militar (1991), p. 79
- La bande dâEl Toscano se composait dâErnesto Francisco MartĂn Reith, Allemand ĂągĂ© de 26 ans ; Heerseen Dietrich, Allemand de 26 ans ; Frank Cross, AmĂ©ricain, 37 ans ; ZacarĂas Caro, Argentin de 32 ans, et Santiago DĂaz, Chilien de 22 ans. Ils portaient un brassard rouge, comme symbole du socialisme. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 118-121.
- Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 114-117.
- Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p.145
- Cité par Osvaldo Bayer dans La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), éd. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 160.
- Cité par Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), éd. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 210.
- Selon le journal La UniĂłn de RĂo Gallegos, il y eut Ă Fuentes de Coyle, oĂč Viñas Ibarra avait menĂ© des prisonniers pris Ă Laguna Salada et Punta Alta, quelque 100 morts. Une Ă©tude comparative exhaustive entre le rapport contradictoire de Viñas Ibarra et les dĂ©clarations de plusieurs tĂ©moins se trouve dans Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 167-194.
- Les rapports de Varela et dâAnaya font Ă©tat, cĂŽtĂ© ouvrier, de « morts au combat », mais qui en rĂ©alitĂ© Ă©taient des exĂ©cutions camouflĂ©es. Les divers tĂ©moignages oscillent entre 50 et 200 fusillĂ©s. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 214-238.
- DâaprĂšs le compte rendu militaire de Viñas Ibarra, le bilan de la rencontre Ă©tait de « sept morts et de nombreux blessĂ©s qui rĂ©ussirent Ă se perdre dans lâobscuritĂ© de la nuit », tandis que furent pris « 420 prisonniers insurgĂ©s, cent propriĂ©taires, administrateurs, contremaĂźtres et agents, rĂ©chappĂ©s, 180 armes longues, 700 couteaux ». En rĂ©alitĂ©, les prisonniers furent sĂ©lectionnĂ©s par Viñas Ibarra pour ĂȘtre fusillĂ©s. Edelmiro Correa FalcĂłn, le plus grand ennemi des grĂ©vistes, confirma le nombre de 120 fusillĂ©s Ă La Anita. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 310-311 et 334-348.
- La tĂąche de rĂ©primer les grĂ©vistes de Patagonie incomba aussi en partie au gĂ©nĂ©ral de cavalerie Elbio Carlos Anaya, assistant direct du lieutenant-colonel Varela et lâun des tenants de la ligne dure. Deux dĂ©cennies plus tard, Anaya sera Ă la tĂȘte de la garnison de Campo de Mayo lors du soulĂšvement du 4 juin 1943, deviendra ensuite ministre de la Justice et de lâInstruction publique dans le gouvernement issu de ce coup dâĂtat, participera en 1945 aux tentatives dâĂ©vincer PerĂłn du pouvoir, et se montrera enfin, sous la dictature de Pedro Eugenio Aramburu, un antipĂ©roniste farouche, notamment en dirigeant la Commission 48, qui travaillait sous lâĂ©gide de lâamiral et vice-prĂ©sident Isaac Rojas. Voir Santiago SenĂ©n GonzĂĄlez et FabiĂĄn Bosoer, « Los inquisidores de Evita », ClarĂn, Buenos Aires,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- En Sangrientas huelgas patagĂłnicas. Felipe Pigna, ClarĂn, 12 aoĂ»t 2007.
- Selon le journal La Prensa du 25 janvier 1922, il y eut, au terme de la grĂšve, une forte hausse des prix : « San JuliĂĄn, 24 janvier â le dĂ©tachement de cavalerie qui Ă©tait restĂ© dans la province de Santa Cruz sous le commandement du capitaine Pedro E. Campos, dut se transporter Ă Rio Gallegos, en raison de ce que dans cette localitĂ© la vie sâĂ©tait faite impossible Ă cause du prix Ă©levĂ© atteint par les produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ©. Le phĂ©nomĂšne qui a motivĂ© ce transfert est habituel sur tout le littoral de la Patagonie ; mais, selon les rapports que mâa procurĂ©s le susmentionnĂ© officier, le coĂ»t de la vie dans Santa Cruz a atteint des limites incroyables. »
- Osvaldo Bayer consacre le dernier chapitre de La patagonia rebelde, Tome II (La masacre), Booket, Buenos Aires, 2004, Ă relater ce singulier Ă©pisode.
- Les pĂ©riodiques qui attaquĂšrent Varela, outre celles anarchistes, Ă©taient CrĂtica, La Vanguardia, La Montaña et La Internacional. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome III (Humillados y ofendidos), Booket, Buenos Aires, 2004.
- MarĂa Laura Moreno Sainz, Anarchisme argentin 1890-1930 : contribution Ă une mythanalyse, ANRT, Atelier national de reproduction des thĂšses, 2004, page 156
- Salas Rossenbach, Une odyssĂ©e en Patagonie, Ăditions La DĂ©couvrance, 2014, lire en ligne.
- Selon Felipe Pigna, « PĂ©rez MillĂĄn lisait une lettre de Manuel CarlĂ©s, son chef dans la Ligue patriotique et ami personnel, pendant quâil attendait que Lucich lui apportĂąt le petit dĂ©jeuner. BientĂŽt le Yougoslave entra avec le service. Lorsque MillĂĄn se saisit du plateau, son serviteur sortit un revolver dâentre ses vĂȘtements en lui disant "ceci, câest Wilckens qui te lâenvoie" et lui tira une balle dans le thorax. PĂ©rez MillĂĄn mourut le jour suivant ». Article intitulĂ© Sangrientas huelgas patagĂłnicas paru dans le journal ClarĂn, Buenos Aires, 12 aoĂ»t 2007.
- Magicas Ruinas
- Magicas Ruinas ibid.
- (es) JosĂ© Pablo Feinmann, « Peronismo : filosofĂa polĂtica de una obstinaciĂłn argentina », sur PĂĄgina/12, [PDF]
- Site de la Berlinale
Bibliographie
- La Patagonia trĂĄgica, JosĂ© MarĂa Borrero (1928).
- La Patagonia rebelde (tome I : Los bandoleros), Osvaldo Bayer, Ă©d. Galerna, Buenos Aires (1972). Trad. française : La Patagonie rebelle⯠: 1921-1922, chronique dâune rĂ©volte des ouvriers agricoles en Argentine, traduit par Simone Guittard et Frank Mintz, Acratie, La BussiĂšre, 1996, 300 p., coĂ©d. avec l'Atelier de crĂ©ation libertaire, Lyon, mĂȘme date.
- La Patagonia rebelde (tome II : La masacre), Osvaldo Bayer, Ă©d. Galerna, Buenos Aires (1972).
- La Patagonia rebelde (tome III : Humillados y ofendidos), Osvaldo Bayer, Ă©d. Galerna, Buenos Aires (1974).
- La Patagonia rebelde (tome IV : El vindicador), Osvaldo Bayer, Ă©d. Booket, Buenos Aires (1997).
Articles connexes
Liens externes
- Texte de Felipe Pigna en traduction française sur le site DIAL.
- Bohoslavsky, Ernesto. (2005). Interpretaciones derechistas de la « Patagonia TrĂĄgica » en Argentina, 1920-1974, Historia PolĂtica, UBA-UNICEN-UNLP-UNMdP-UNS-UNSAM.
- Cronodata : chronologie des événements patagoniens de à .
- 1921 : Una historia de la Patagonia argentina ĂditĂ© par le Colegio Secundario Provincial no 21 "JosĂ© Font"; Gobernador Gregores (Santa Cruz). Biographie des protagonistes et tĂ©moignages.
- Felipe Pigna, Sangrientas huelgas patagĂłnicas, dans le journal ClarĂn, Buenos Aires, .
- Los fusilamientos de la Patagonia, El Ortiba, site dâhistoire sociale et politique argentine et amĂ©ricaine. Information gĂ©nĂ©rale abondante sur les faits, textes, film et analyse des Ă©vĂ©nements.
- Chilotes fusillés en Patagonie, Luis Mancilla Pérez.