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Patagonie rebelle

En Argentine, il est d’usage de nommer Patagonie rebelle (en espagnol : Patagonia rebelde) ou Patagonie tragique (Patagonia trĂĄgica) la lutte menĂ©e entre 1920 et 1921 par des travailleurs insurgĂ©s, principalement anarcho-syndicalistes, dans la province de Santa Cruz, en Patagonie argentine.

Patagonie rebelle
ou Patagonie tragique
Ouvriers dĂ©tenus aprĂšs la rĂ©pression et en attente d’ĂȘtre identifiĂ©s.
Ouvriers dĂ©tenus aprĂšs la rĂ©pression et en attente d’ĂȘtre identifiĂ©s.
Date Novembre 1920 – dĂ©cembre 1921
Lieu Province argentine de Santa Cruz
RĂ©sultat RĂ©pression violente d’une grĂšve insurrectionnelle, avec exĂ©cution sommaire de 1500 ouvriers grĂ©vistes.

Le conflit dĂ©buta par une grĂšve des journaliers agricoles et des ouvriers de l’industrie de la viande, qui se termina dans un premier temps par la conclusion d’un accord avec le patronat sur la base d’une plateforme de revendications des travailleurs. Cependant, lorsqu’il apparut que le patronat n’avait pas l’intention de respecter l’accord signĂ©, et que dĂ©jĂ  des mesures de rĂ©torsion Ă©taient prises Ă  l’encontre des meneurs de la grĂšve, le conflit social dĂ©gĂ©nĂ©ra en une grĂšve insurrectionnelle, qui fut durement rĂ©primĂ©e par les troupes de l’ArmĂ©e argentine dĂ©pĂȘchĂ©es sur place par le gouvernement central d’HipĂłlito Yrigoyen, alors prĂ©sident en exercice, et commandĂ©es par le lieutenant-colonel HĂ©ctor Benigno Varela[1]. Lors de cette rĂ©pression, fĂ©roce et disproportionnĂ©e, quelque 1 500 ouvriers furent passĂ©s par les armes. Un an plus tard, Varela pĂ©rit dans un attentat Ă  la bombe perpĂ©trĂ© Ă  titre de vengeance par Kurt Gustav Wilckens, anarchiste allemand.

Déroulement des événements

La FĂ©dĂ©ration ouvriĂšre rĂ©gionale argentine (FORA) avait fondĂ© Ă  RĂ­o Gallegos, dans la province de Santa Cruz, la Sociedad Obrera (SociĂ©tĂ© ouvriĂšre) de RĂ­o Gallegos[2], dirigĂ©e par l’anarchiste espagnol Antonio Soto, connu sous le sobriquet de el Gallego (le Galicien) Soto. Santa Cruz Ă©tait une zone de production de laine qui dĂ©pendait de l’exportation et s’appuyait sur la grande propriĂ©tĂ© fonciĂšre de la rĂ©gion d’une part, et sur l’implantation de sociĂ©tĂ©s frigorifiques anglaises d’autre part. Avec la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale, le prix des exportations primaires de Patagonie s’affaissa ; la baisse de la demande des stocks de laine accumulĂ©s depuis la fin de la guerre, et la chute du prix de la laine de 9,74 $ Ă  3,08 $, ramenant ce prix Ă  son niveau normal de cotation en temps de paix, provoquĂšrent une crise rĂ©gionale. Celle-ci toucha les exploitants des grands domaines et les nĂ©gociants, mais se rĂ©percuta plus durement encore sur les ouvriers lainiers et les journaliers agricoles, qui vivaient dans des conditions misĂ©rables. La journĂ©e de travail normale des ouvriers Ă©tait alors de 12 heures, celle des tondeurs et des muletiers avoisinait les 16 heures, et le dimanche Ă©tait l’unique jour de repos. Les salaires, infimes, Ă©taient souvent payĂ©s sous forme de bons ou en monnaie Ă©trangĂšre, laquelle Ă©tait, lorsqu’il s’agissait ensuite de l’échanger dans les commerces, acceptĂ©e en dessous de sa valeur.

Façade du local de la Sociedad Obrera de Río Gallegos (1920).

Une grĂšve de protestation dĂ©clenchĂ©e en contre l’arbitraire des autoritĂ©s policiĂšres[3], le boycott dĂ©cidĂ© contre trois commerçants liĂ©s Ă  la Sociedad Rural, puis l’arrestation des dirigeants de la Sociedad Obrera, exacerba l’antagonisme entre travailleurs et patronat. Des dĂ©lĂ©guĂ©s arrivĂšrent alors de toute la province et discutĂšrent des exigences Ă  opposer Ă  la Sociedad Rural. Les ouvriers affiliĂ©s Ă  la Sociedad Obrera de RĂ­o Gallegos prĂ©sentĂšrent ensuite au patronat une plateforme de revendications tendant Ă  amĂ©liorer leurs conditions de travail.

Entre autres demandes, les ouvriers exigeaient qu’il fĂ»t interdit d’hĂ©berger plus de trois hommes dans un logis de 16 m2, que chaque ouvrier eĂ»t droit tous les mois Ă  un paquet de bougies[4], et que le samedi fĂ»t jour chĂŽmĂ© ; Ă©taient exigĂ©s en outre une amĂ©lioration des rations alimentaires, un salaire mensuel minimum de 100 pesos, et la reconnaissance de la Sociedad Obrera comme seul reprĂ©sentant lĂ©gitime des travailleurs, ceci impliquant que le dĂ©lĂ©guĂ© nommĂ© comme mĂ©diateur entre les parties en conflit eĂ»t Ă  ĂȘtre agrĂ©Ă© comme tel. Ce cahier de revendications fut cependant rejetĂ© par l’organisation regroupant les propriĂ©taires terriens, la Sociedad Rural. Les travailleurs ripostĂšrent en dĂ©crĂ©tant la grĂšve gĂ©nĂ©rale dans toute la province de Santa Cruz.

PremiĂšre grĂšve

La grĂšve gĂ©nĂ©rale fut dĂ©clarĂ©e le . Le eut lieu une tentative d’assassinat du dirigeant Antonio Soto, mais celui-ci en rĂ©chappa. Le , lors d’une assemblĂ©e Ă  la Sociedad Obrera, une nouvelle proposition, sous la forme d’un 2e cahier de revendications, fut transmise Ă  la Sociedad Rural, laquelle proposition fut acceptĂ©e par un groupe limitĂ© de propriĂ©taires le . À Puerto Deseado et Ă  Puerto San JuliĂĄn Ă©galement la grĂšve gĂ©nĂ©rale fut dĂ©crĂ©tĂ©e ; celle-ci, Ă  laquelle se joignirent les cheminots et les employĂ©s des grands magasins La AnĂłnima, Ă©tait dirigĂ©e par des anarchistes. Le , la police tua le grĂ©viste Domingo F. Olmedo.

La Sociedad Obrera, rĂ©unie en assemblĂ©e pour discuter de la marche Ă  suivre, radicalisa ses positions, la tendance de la FORA du Ve CongrĂšs (anarchiste) l’emportant en effet sur celle de la FORA du IXe CongrĂšs (syndicaliste). Antonio Soto se rendit clandestinement Ă  Buenos Aires pour demander appui et solidaritĂ© au CongrĂšs de la FORA qui se tenait Ă  ce moment.

Le gouverneur Edelmiro Correa FalcĂłn.

Entre-temps, les grĂ©vistes prenaient en otage des policiers, des propriĂ©taires fonciers et des employĂ©s administratifs des Ă©tablissements ruraux, capturant armes et provisions pour les besoins de leurs propres colonnes mobilisĂ©es. Jusqu’à ce moment, des faits de violence graves ne s’étaient pas encore produits, Ă  l’exception des actes commis par une bande anarchiste emmenĂ©e par Alfredo Fonte, alias El Toscano, qui avait pris d’assaut un certain nombre de fermes, notamment le domaine El Campamento, assailli le par El Toscano et son associĂ© El 68.

Dans la rĂ©gion du lac Argentino, les ouvriers s’organisĂšrent en colonnes et, faisant escale dans les diffĂ©rentes exploitations agricoles, s’attachĂšrent Ă  y soulever la main-d’Ɠuvre. Pour se soustraire Ă  la rĂ©pression policiĂšre, ils se dĂ©plaçaient sans cesse d’un lieu Ă  un autre, pour finalement se diriger sur la ville de RĂ­o Gallegos. Le , alors qu’ils approchaient du lieu-dit El Cerrito, la police les attaqua Ă  l’arme Ă  feu. L’affrontement fit plusieurs morts et blessĂ©s parmi les policiers et les ouvriers. Cet incident fut par la suite manipulĂ© par les organes de presse assujettis Ă  la Sociedad Rural, au gouverneur Edelmiro Correa FalcĂłn[5] et Ă  la Ligue patriotique argentine, pour faire accroire Ă  l'opinion publique que la province tout entiĂšre Ă©tait en proie au banditisme anarchiste. Le but de ces milieux Ă©tait d’inciter le gouvernement national prĂ©sidĂ© par HipĂłlito Yrigoyen Ă  engager la rĂ©pression contre le mouvement ouvrier.

Le , les ouvriers s’emparĂšrent du domaine agricole La Anita, prenant en otage ses propriĂ©taires et le commissaire Micheri, puis dans la foulĂ©e occupĂšrent la ferme La Primavera. Le , le nouveau gouverneur de Santa Cruz, le capitaine Ángel Ignacio Yza, de tendance yrigoyĂ©niste, arriva en Patagonie, en remplacement de Correa FalcĂłn. Sa politique cependant en sera une de conciliation, s’efforçant Ă  trouver des rĂšglements pacifiques entre les parties. Entre-temps, les troupes de l’armĂ©e fĂ©dĂ©rale commandĂ©es par le lieutenant-colonel HĂ©ctor Benigno Varela dĂ©barquĂšrent Ă  Puerto Santa Cruz le et se mirent aussitĂŽt en route pour RĂ­o Gallegos.

Le gouverneur Yza et Varela convinrent d’éviter la rĂ©pression et s’entretinrent avec les grĂ©vistes Ă  la ferme El Tero le . Les conditions qu’ils posĂšrent Ă  ceux-ci portaient que les armes eussent Ă  ĂȘtre dĂ©posĂ©es et les otages relĂąchĂ©s. En contrepartie serait satisfaite une grande partie des revendications des travailleurs, aprĂšs acceptation d'un accord dĂ©jĂ  proposĂ© par les patrons aux ouvriers Ă  la date du . Ledit accord disposait ce qui suit :

« Art. premier : Les soussignĂ©s s’engagent, dans des dĂ©lais raisonnables imposĂ©s par les circonstances locales et rĂ©gionales, Ă  respecter les conditions suivantes d’amĂ©lioration Ă©conomique et d’hygiĂšne :
a.- Les habitations des ouvriers seront spacieuses et ventilĂ©es et rĂ©pondront aux meilleures normes d’hygiĂšne possibles ; en ce qui concerne les cabines, il est convenu que celles-ci seront en bois avec matelas de laine ;
b.- L’éclairage de la salle commune sera Ă  charge du patron, ainsi que le chauffage pendant les mois d’hiver ;
c.- En plus du dimanche, les ouvriers pourront chÎmer une demi-journée dans la semaine ;
d.- La nourriture sera saine, abondante et variée ;
e.- Chaque estancia aura une infirmerie de secours, munie d’instructions rĂ©digĂ©es dans la langue nationale ; Art. deuxiĂšme :
a.- Les patrons s’engagent Ă  payer Ă  leurs ouvriers un salaire minimum de cent pesos monnaie nationale, en plus du gĂźte et du couvert, sans baisser aucun des salaires qui excĂ©deraient actuellement ce montant ;
b.- Lorsque le nombre des ouvriers est de 15 Ă  25, un aide de cuisine sera embauchĂ©, et deux lorsque le nombre d’ouvriers est de 25 Ă  40 ; au-delĂ  de 40 ouvriers, l’on embauchera un boulanger ;
c.- Les gardiens de moutons mensuels, qui auront charge de conduire les troupeaux hors des domaines toucheront 12 pesos monnaie nationale par jour, indĂ©pendamment de leurs salaires et aussi longtemps qu’ils conduiront le troupeau ;
d.- Les gardians mensuels percevront pour chaque poulain dressĂ© 20 pesos monnaie nationale, en sus du salaire fixe qui leur a Ă©tĂ© assignĂ©, et percevront la mĂȘme somme pour chaque taurillon dans les mĂȘmes conditions.
Art. quatriĂšme :
Les patrons s’engagent et reconnaissent de fait les sociĂ©tĂ©s ouvriĂšres lĂ©galement constituĂ©es, ce qui implique qu’elles devront jouir de la personnalitĂ© juridique. Les ouvriers pourront appartenir ou non Ă  ces associations, attendu que seule entrera en considĂ©ration la bonne conduite de chacun. Art. cinquiĂšme :
Les ouvriers pour leur part s’engagent Ă  lever l’actuel arrĂȘt de travail dans les champs, et de retourner au travail selon leurs tĂąches respectives sitĂŽt qu’ils auront signĂ© le prĂ©sent accord. »

— Río Gallegos, 30 janvier 1921[6].

Le lendemain, la grĂšve fut levĂ©e, tandis que rĂ©gnait une atmosphĂšre de triomphe dans la Sociedad Obrera. Cependant, El Toscano et sa bande avaient pour leur part refusĂ© d’accepter la mĂ©diation et s’en furent se mettre Ă  l’abri dans l’intĂ©rieur de la province, en emportant la plupart des armes, pour prĂ©venir leur confiscation. Le conflit toutefois parvint Ă  un dĂ©but de solution Ă  travers la sanction arbitrale du gouverneur Yza, laquelle fut acceptĂ©e par les parties et homologuĂ©e par le ministĂšre fĂ©dĂ©ral du Travail le .

À la suite de l’accord avec le gouverneur Yza, les troupes de Varela s’en retournĂšrent Ă  Buenos Aires en [7]. L’accord fut cependant loin d’ĂȘtre respectĂ©, le patronat engageant en effet, dans les fermes et dans les ports de la province de Santa Cruz, une sĂ©rie de mesures de rĂ©torsion contre les participants aux grĂšves. Les forces de police, assistĂ©es de milices parapoliciĂšres composĂ©es de membres de la Ligue patriotique du nationaliste Manuel CarlĂ©s, entrĂšrent en action.

IntermĂšde et approfondissement du conflit

Les grands fermiers propriĂ©taires, nĂ©gociants et investisseurs patagoniens, appartenant tous Ă  la Sociedad Rural (et appuyĂ©s par la Ligue patriotique et quelques fonctionnaires de police) lancĂšrent l’offensive contre les autres groupes d’intĂ©rĂȘts qui leur faisaient face : les travailleurs de la SociĂ©tĂ© ouvriĂšre, les radicaux yrigoyĂ©nistes emmenĂ©s par l’avocat et homme politique JosĂ© MarĂ­a Borrero, et le juge Ismael Viñas, qui s’étaient formellement ralliĂ©s autour de la figure du gouverneur Yza. Ils rĂ©pliquĂšrent aux actions des grands fermiers par le biais de la revue La Verdad (litt. la VĂ©ritĂ©), dirigĂ©e par Borrero, en dĂ©nonçant notamment les contrats lĂ©onins que la sociĂ©tĂ© frigorifique nord-amĂ©ricaine Swift faisait signer aux ouvriers de l’industrie de la viande. Les ouvriers de la Swift se mirent alors en grĂšve, avec le soutien de la Sociedad Obrera[8]. Le conflit pourtant se solda par le triomphe de la firme frigorifique, laquelle avait Ă©tĂ© aidĂ©e indirectement par Santiago LĂĄzaro et Rogelio Lorenzo, syndicalistes de la FORA du IXe CongrĂšs, dĂ©pĂȘchĂ©s depuis Buenos Aires, qui attaquĂšrent en particulier Antonio Soto, en raison de son style et de ses positions anarchistes proches de la FORA du Ve CongrĂšs. Par la voix de son organe La OrganizaciĂłn Obrera, et par une sĂ©rie d’attaques sous forme de feuilles volantes, la FORA syndicaliste (IXe congrĂšs) s’en prit Ă  la Sociedad Obrera de RĂ­o Gallegos, qui Ă©tait de caractĂšre anarcho-syndicaliste, et incita plusieurs subdivisions sectorielles de celle-ci Ă  faire sĂ©cession (les premiers Ă  se dĂ©tacher furent les travailleurs graphiques, et ensuite les chauffeurs et les mĂ©caniciens). De la sorte, le monde ouvrier apparut divisĂ©, tandis que le groupe de la FORA du IXe se rapprochait du groupe yrigoyĂ©niste de Borrero et de Yza.

En , les tĂ©lĂ©graphistes de la poste de RĂ­o Gallegos en grĂšve changĂšrent la composition du comitĂ© et rompirent avec la Sociedad Obrera. Le , Ă  l’issue d’une assemblĂ©e rĂ©unie dans le cinĂ©ma Select de RĂ­o Gallegos, le dirigeant de la FORA syndicaliste Rogelio Lorenzo et son Syndicat autonome de chauffeurs occupĂšrent le siĂšge de la Sociedad Obrera. Un groupe d’adhĂ©rents de celle-ci, emmenĂ©s par Soto, les expulsa des lieux violemment.

Enterrement de l’ouvrier Zacarías Gracián, mai 1921.

Si les dirigeants syndicaux envoyés de Buenos Aires, dont les capacités de mobilisation étaient à peu prÚs nulles, subirent une défaite retentissante lors des assemblées ouvriÚres, la Sociedad Obrera commença néanmoins à donner quelques signes de faiblesse. Bien que ses militants eussent obtenu quelques réussites partielles dans des boycotts dirigés contre un certain nombre de commerçants fortunés, le gouverneur Yza cessa de les considérer comme des interlocuteurs valables, ne reconnaissant plus que les représentants de la FORA syndicaliste.

De son cĂŽtĂ©, le gouvernement chilien s’alarma de l’éventualitĂ© de devoir faire face Ă  des troubles semblables dans le sud du Chili et dĂ©cida de dĂ©ployer, sous les ordres du colonel Carlos Ibåñez del Campo, une importante force de carabiniers autour de la ville de Puerto Natales, prĂšs de la frontiĂšre avec l’Argentine, ce qui donna de l’inquiĂ©tude au gouvernement argentin. De surcroĂźt, le capitaine Elbio Carlos Anaya, chef de compagnie du 10e rĂ©giment de cavalerie, affirma que les carabiniers chiliens chargĂ©s de garder les cols de montagne laissaient aux grĂ©vistes argentins armĂ©s toute latitude d’aller et venir de part et d’autre de la frontiĂšre[9].

La Sociedad Rural commença Ă  mobiliser ses influences Ă  Buenos Aires et monta une campagne de presse dans les journaux La Prensa, La RazĂłn et La NaciĂłn, pour dĂ©noncer le pĂ©ril anarchiste et le banditisme, et mettre en garde contre la possibilitĂ© que le gouvernement chilien s’emparĂąt de la rĂ©gion de Santa Cruz. ParallĂšlement, la Sociedad Rural sut favoriser l’immigration de « libres », c'est-Ă -dire de jaunes, lesquels, amenĂ©s en Patagonie Ă  partir d’autres rĂ©gions, arrivĂšrent Ă  RĂ­o Gallegos Ă  bord du vapeur El Asturiano le et feront l’objet de violentes agressions de la part des ouvriers locaux. CĂ©dant aux attaques contre sa personne lancĂ©es Ă  la fois par la Sociedad Rural, la presse, le gouvernement, le syndicalisme de la FORA du IXe et les forces policiĂšres, Antonio Soto finit par dĂ©missionner comme secrĂ©taire de la SociĂ©tĂ© ouvriĂšre ; lui succĂ©dera alors Antonio Paris, dirigeant ouvrier, cuisinier de profession, jouissant d’un grand prestige. Rogelio Lorenzo, de la FORA syndicaliste, s’appliquait Ă  former un comitĂ© autonome de travailleurs ruraux dans l’intĂ©rieur de la province, en particulier dans la zone de Lago Argentino, en submergeant celle-ci de feuilles volantes. C’est pourquoi Soto entreprit de parcourir toute la province de Santa Cruz, Ă©clairant les travailleurs agricoles, les muletiers, les tondeurs, etc. sur la nature du conflit et sur le non-respect, de la part du patronat, de l’accord signĂ© avec Yza, et faisant ainsi Ă©chouer la manƓuvre de Lorenzo. L’assemblĂ©e organisĂ©e par la FORA syndicaliste le tournera Ă  l’échec total pour ses organisateurs.

Au cours du mois d’octobre, la situation atteignit un point de non retour. Un des motifs d’exaspĂ©ration du conflit Ă©tait l’action du groupe El Consejo Rojo (litt. le Conseil rouge), dirigĂ© par Alfredo Fonte alias El Toscano, qui commençait Ă  effectuer des attaques, des pillages et des prises d’otages dans les domaines agricoles de la province[10]. DĂ©but octobre, il s’entretint avec Antonio Soto pour lui exposer son dessein : grĂšve gĂ©nĂ©rale, assauts contre les fermes et prises d’otages, par surprise et avec violence. Soto le dĂ©sapprouva, arguant que ce serait lĂ  procurer des arguments Ă  la Sociedad Rural, et soutint qu’il n’y eĂ»t Ă  faire grĂšve ou Ă  mener des actions de boycott que contre les seuls fermiers qui n’avaient pas mis en Ɠuvre le paquet de revendications. Le dĂ©saccord sur le mode d’action aboutit Ă  une rupture totale entre les deux hommes. El Toscano fut capturĂ© le par le commissaire Vera, paradoxalement aprĂšs dĂ©nonciation des ouvriers.

Soto partit en campagne et parcourut les environs de Barranca Blanca, El Tero, Mac Cormack, Tapi Aike, Fuentes del Coyle, Cancha Carrera, Primavera, San JosĂ©, Laurita, Rospentek, Punta Alta, Glen Cross, RincĂłn de los Morros, Douglas, Bella Vista, Buitreras, Paso del Medio, Clark, etc. S’il rĂ©ussit Ă  obtenir une adhĂ©sion Ă©crasante parmi les ouvriers agricoles, la Sociedad Obrera resta nĂ©anmoins privĂ©e d’appuis extĂ©rieurs : le juge Viñas faisait face Ă  un procĂšs politique Ă  Buenos Aires, JosĂ© MarĂ­a Borrero Ă©tait incarcĂ©rĂ© et observait le silence, les avocats Corminas, Cabral et BeherĂĄn ne paraissaient pas vouloir donner leur appui, et le gouverneur radical privilĂ©giait la FORA syndicaliste comme interlocuteur[11]. En outre, la Sociedad Obrera avait vu s’amenuiser ses forces dans les ports, lesquels faisaient allĂ©geance Ă  la FORA syndicaliste. À Puerto Deseado les cheminots, et Ă  Puerto San JuliĂĄn et Puerto Santa Cruz les dĂ©bardeurs, n’appuyaient pas la grĂšve. Seuls quelques anarchistes comme RamĂłn Outerello soutenaient la Sociedad Obrera, Ă  l’exception de Puerto San JuliĂĄn, oĂč le dirigeant Ă©tait un socialiste, Albino ArgĂŒelles. Sur le littoral, le seul appui venait de RĂ­o Gallegos.

DeuxiĂšme grĂšve

Le , les locaux de la FĂ©dĂ©ration ouvriĂšre de RĂ­o Gallegos, de Puerto Deseado, de San JuliĂĄn et de Puerto Santa Cruz furent fermĂ©s et dĂ©molis, et les dirigeants ouvriers mis en Ă©tat d’arrestation. Antonio Paris, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la FĂ©dĂ©ration ouvriĂšre, fut dĂ©tenu et torturĂ© par la police, et sera ensuite dĂ©portĂ©, en mĂȘme temps que d’autres responsables ouvriers. Cependant, la grĂšve gĂ©nĂ©rale fut dĂ©crĂ©tĂ©e Ă  Santa Cruz. Le tract distribuĂ© par la Sociedad Obrera proclamait :

« GRÈVE GÉNÉRALE

Compte tenu que se poursuivent les vexations Ă  l’encontre de nombre de nos camarades, vexations que nous avons rendues publiques dans des avis antĂ©rieurs : le Conseil local, lors d’une rĂ©union qui s’est tenue avec les dĂ©lĂ©guĂ©s qui en font partie, la commission du comitĂ© Mar y Playa (mer et quais) et les comitĂ©s pro-prisonniers et pro-grĂšve reconnus, ont pris la rĂ©solution suivante :

De dĂ©crĂ©ter la grĂšve gĂ©nĂ©rale Ă  compter d’aujourd’hui 15 heures (3 heures de l’aprĂšs-midi) et jusqu’à ce que nos camarades soient remis en libertĂ©, Ă  laquelle grĂšve devront prendre part Ă  cet effet tous les ouvriers de mer et de manutention, les chauffeurs, les mĂ©caniciens et similaires, le personnel de cuisine, les ouvriers d’imprimerie, les mĂ©tiers divers et tous les travailleurs des champs et du commerce en gĂ©nĂ©ral.

CAMARADES : Croisons-nous les bras, retirons nos outils de travail, et que personne ne se laisse intimider, car il vaut mieux continuer Ă  souffrir de la faim en commun pour voir nos justes revendications satisfaites, que d’aller remplir une Ă  une les calebasses faites pour mettre en lieu sĂ»r les rapines lĂ©galisĂ©es de nos exploiteurs. »

— LE COMITÉ PRO-GRÈVE[12].

Antonio Soto, qui sĂ©journait dans l’estancia Bella Vista, hissa le drapeau rouge et noir de l’anarchisme et commença Ă  pousser Ă  la grĂšve et Ă  l’occupation des grands domaines agricoles. DĂ©but novembre, Soto avait soulevĂ© les travailleurs des estancias Buitreras, Alquinta, RincĂłn de los Morros, Glencross, La Esperanza et Bella Vista.

La police lança alors une rapide offensive et mit en dĂ©tention les dirigeants que Soto avait dĂ©pĂȘchĂ©s Ă  RĂ­o Gallegos : Mogilnitzky, Sambucetti et Severino FernĂĄndez furent torturĂ©s et dĂ©portĂ©s sur le vapeur Vicente Fidel LĂłpez, pendant qu’étaient incarcĂ©rĂ©s et battus JosĂ© Graña, Domingo Oyola, Restituto Álvarez et le patron du bar oĂč ils s’étaient trouvĂ©s rĂ©unis, MartĂ­n Tadich. Cette vague d’arrestations de dirigeants syndicaux dans les villes cĂŽtiĂšres eut pour effet d’isoler le mouvement de grĂšve, qui nĂ©anmoins ne cessa de gagner en ampleur. RamĂłn Outerello, aprĂšs avoir rĂ©ussi Ă  Ă©chapper aux autoritĂ©s Ă  Puerto Santa Cruz, entama des actions plus agressives qu’Antonio Soto, qui ne souhaitait pas affronter l’armĂ©e et le gouvernement. Outerello entreprit d’organiser de grandes colonnes d’ouvriers et Ă  s’emparer d’estancias, tout en faisant mouvement vers les ports, dans une tentative de rompre l’isolement. Dans le domaine agricole allemand Bremen, Ă  Laguna Cifre, les grĂ©vistes furent attaquĂ©s par les estancieros, ce qui entraĂźna la mort de deux ouvriers et en blessa plusieurs autres.

Arrivée de Varela

H. B. Varela en 1907.

Le prĂ©sident argentin HipĂłlito Yrigoyen dĂ©cida d’envoyer en Patagonie le 10e rĂ©giment de cavalerie. Celui-ci fut divisĂ© en deux corps, dont le principal Ă©tait commandĂ© par le commandant en chef de l’expĂ©dition, le lieutenant-colonel Varela, et le second par le capitaine Elbio C. Anaya. Ces troupes se mirent en route le , Ă  bord du navire de transport Guardia Nacional.

Le , Varela dĂ©barqua Ă  RĂ­o Gallegos, oĂč il fut informĂ© par les membres de la Sociedad Rural, par les autoritĂ©s policiĂšres et par le gouvernement local, de ce que

« ...l’ordre tout entier se trouve subverti, que la garantie individuelle, la garantie du domicile, de la vie et des haciendas, assurĂ©es par notre Constitution, ont cessĂ© d’exister ; que des hommes soulevĂ©s en armes contre la Patrie menacent la stabilitĂ© des autoritĂ©s et se sont ouvertement insurgĂ©s contre le gouvernement national, dĂ©truisant, incendiant, rĂ©quisitionnant chevaux, vivres et tous types de biens... »

— Rapport du lieut.-col. Varela[13]

Varela avait sous ses ordres un contingent de 200 hommes bien Ă©quipĂ©s, tandis que les grĂ©vistes Ă©taient autour de deux milliers, mais pauvrement armĂ©s. Si les raisons qui le portĂšrent Ă  agir de la sorte font toujours l’objet de discussion, qu’il le fĂźt par ordre du gouvernement national ou de sa propre initiative, il demeure que c’est bien Varela qui instaura la peine du peloton d’exĂ©cution contre les journaliers et ouvriers en grĂšve. En atteste l’avis diffusĂ© par Varela et ainsi libellĂ© :

« Si vous acceptez en cet instant de vous soumettre INCONDITIONNELLEMENT en me remettant les prisonniers et tous les chevaux que vous avez en votre pouvoir, tout en vous prĂ©sentant Ă  moi avec vos armes, je VOUS DONNERAI TOUTE ESPÈCE DE GARANTIES POUR VOUS ET POUR VOS FAMILLES, m’engageant Ă  vous faire justice dans les rĂ©clamations que vous auriez Ă  prĂ©senter contre les autoritĂ©s et de mĂȘme Ă  rĂ©gler l’ultĂ©rieure situation de vie de tous les travailleurs en gĂ©nĂ©ral. Si dans les 24 heures aprĂšs rĂ©ception par vous de la prĂ©sente communication, je ne reçois pas de rĂ©ponse indiquant que vous acceptez la reddition inconditionnelle de tous les grĂ©vistes insurgĂ©s en armes sur le territoire de Santa Cruz, je PROCÉDERAI :

1° À vous soumettre par la force, en ordonnant aux officiers de l’armĂ©e qui commandent les troupes sous mes ordres de vous considĂ©rer comme ennemis du pays dans lequel vous vivez ;

2° À vous tenir pour responsables de la vie de chacune des personnes qu’en ce moment vous dĂ©tenez par la force comme prisonniers, ainsi que des malheurs qui pourraient survenir au sein de la population que vous occupez et de celles que vous seriez amenĂ©s Ă  occuper par la suite ;

3° Toute personne se trouvant les armes Ă  la main et ne pouvant justifier d’une autorisation Ă©crite, signĂ©e par le sous-signĂ©, sera chĂątiĂ©e sĂ©vĂšrement ;

4° Quiconque dirigera un tir sur les troupes sera fusillĂ© Ă  l’endroit mĂȘme oĂč il se trouve ;

5° Si, Ă  l’effet de vous soumettre, l’emploi des armes par les troupes apparaĂźt nĂ©cessaire, je vous prĂ©viens qu’une fois entamĂ© le combat, il n’y aura plus ni pourparlers ni suspension des hostilitĂ©s. » »

— Varela, lieutenant-colonel, commandant en chef du 10e de C.[14].

Au contraire de ce qu’affirmeront par aprĂšs les auteurs des exĂ©cutions pour justifier leur action, le gouvernement chilien collabora bien avec les forces argentines, fermant la frontiĂšre afin d’empĂȘcher le passage des grĂ©vistes et permettant aux troupes argentines de faire des incursions sur le territoire chilien pour accomplir leurs poursuites.

Grévistes faits prisonniers par les troupes de Varela.

Le , Varela, accompagnĂ© du premier lieutenant Schweizer et de 12 soldats, ayant fait route en direction d’El Cifre, atteignit la localitĂ© de Paso Ibåñez. C’est lĂ , c'est-Ă -dire Ă  un moment oĂč il n’avait pas encore publiĂ© l’avis ci-dessus dĂ©crĂ©tant la peine de mort, que Varela ordonna la premiĂšre exĂ©cution : celle du prisonnier chilien Triviño CĂĄrcamo. Ensuite, il s’en revint Ă  RĂ­o Gallegos. Le , le capitaine Viñas Ibarra, secondĂ© par le sous-lieutenant Frugoni Miranda et appuyĂ© par 50 soldats de troupe, partit pour une expĂ©dition dans le sud de la province, visitant Pali-Aike, Fuentes del Coyle, Primavera, Punta Alta, Cancha Carrera et la cordillĂšre de Los Baguales. Le , attaquant aux abords de Punta Alta une centaine de grĂ©vistes, lesquels n’étaient pourvus que de quelques rares armes Ă  feu et Ă©taient quasi tous armĂ©s seulement de couteaux, la troupe tua cinq grĂ©vistes et en fit prisonniers environ 80, dont une moitiĂ© environ sera fusillĂ©e[15].

Outerello et sa colonne de 400 grĂ©vistes se dirigĂšrent sur Paso Ibåñez, localitĂ© cĂŽtiĂšre dans le nord de la province, qui Ă  cette Ă©poque-lĂ  comptait autour de 800 habitants, et l’occupĂšrent. Ils emmenĂšrent avec eux, comme otages, un grand nombre de policiers, d’exploitants agricoles et d’administrateurs de domaine, qu’ils logĂšrent dans le cinĂ©ma local. AprĂšs avoir rĂ©sistĂ© avec succĂšs aux troupes de la marine, Outerello demanda de parlementer avec Varela, qui arriva le . Les grĂ©vistes requĂ©raient la libertĂ© pour leurs camarades emprisonnĂ©s et pour les dĂ©portĂ©s, et l’application du paquet de conditions cosignĂ© par le patronat. Varela leur rĂ©pondit qu’ils devaient se rendre sans conditions. Alors que les ouvriers dĂ©libĂ©raient (Outerello prĂ©conisait de ne pas se rendre et s’enfuit Ă  CañadĂłn LeĂłn, dans l’estancia Bella Vista), Varela les attaqua Ă  RĂ­o Chico, forçant Ă  la reddition une colonne dirigĂ©e par Avendaño, qu’il fit fusiller en mĂȘme temps que des dizaines de grĂ©vistes. Ensuite, le 1er dĂ©cembre, les soldats tendirent une embuscade au groupe d’Outerello, oĂč ce dernier trouva la mort et avec lui une dizaine d’ouvriers ; les troupes de Varela en revanche ne subirent aucune perte[16].

Les troupes commandĂ©es par le capitaine Viñas Ibarra partirent Ă  la poursuite des colonnes emmenĂ©es par Antonio Soto. Le , avec 20 hommes, elles franchirent d’un bond le fleuve Santa Cruz et surprirent plus loin un groupe de grĂ©vistes, qui furent contraints de se rendre au lieu-dit El Perro, oĂč seront ensuite exterminĂ©s une vingtaine d’ouvriers. À Cerro Negro, les troupes de Viñas Ibarra parcoururent la rĂ©gion en la nettoyant de militants et en fusillant ceux-ci sur le lieu mĂȘme oĂč ils se trouvaient. Ensuite, ils marchĂšrent sur la rĂ©gion de Lago Argentino par le chemin de Cordillera de los Baguales. Le , Ă  La Leona, une centaine de grĂ©vistes se rendit volontairement, pendant que 80 autres environ suivirent Soto Ă  la estancia La Anita. Viñas Ibarra, aprĂšs les avoir rejoints, exigea d’eux une reddition inconditionnelle. Les grĂ©vistes en discutĂšrent lors d’une assemblĂ©e nocturne, tandis que les troupes se prĂ©paraient Ă  l’assaut ; l’assemblĂ©e vota pour la reddition, Ă  l’encontre de la position des anarchistes, qui ne se fiaient pas Ă  l’armĂ©e. Les grĂ©vistes envoyĂšrent deux Ă©missaires pour s’enquĂ©rir des conditions de la reddition, mais Viñas Ibarra les fusilla sĂ©ance tenante. Finalement, la reddition inconditionnelle eut lieu. Selon plusieurs tĂ©moignages, le nombre de fusillĂ©s oscillerait ici entre 100 et 200. Antonio Soto, qui Ă©tait opposĂ© Ă  la reddition, s’enfuit Ă  cheval Ă  destination du Chili avec 12 camarades. Le , le groupe de Soto traversa la frontiĂšre dans la zone du mont Centinela. Il ne sera jamais rattrapĂ©[17]. Viñas Ibarra sillonnera encore la rĂ©gion du 12 au , capturant et fusillant les derniers grĂ©vistes Ă©pars.

Ultime photographie de José Font, surnommé Facón Grande.

La rĂ©pression se prolongea, et s’étendit de la rĂ©gion de San JuliĂĄn jusqu’à CañadĂłn LeĂłn. Le , les troupes d’Anaya partirent de l’estancia San JosĂ© et firent route vers le nord. Vers midi, au terme d’un Ă©change de coups de feu Ă  Tapera de CasterĂĄn, de nombreux grĂ©vistes furent faits prisonniers. Bien que les militaires aient dĂ©clarĂ© par la suite que seuls pĂ©rirent le dirigeant Albino ArgĂŒelles et deux grĂ©vistes, c’est en fait une centaine de prisonniers qui furent ici fusillĂ©s[18].

Phase finale

La toute derniĂšre colonne de grĂ©vistes Ă  rester active sera celle emmenĂ©e par JosĂ© Font, mieux connu comme FacĂłn Grande, dans la zone de Puerto Deseado. Celui-ci divisa ses forces en deux colonnes, l’une de 300 hommes, marchant vers le sud de Puerto Deseado, Ă  BahĂ­a Laura, et l’autre, dirigĂ©e par lui-mĂȘme, vers Pico Truncado. Ils se rendirent maĂźtre de la petite localitĂ© de Las Heras, Ă  300 km env. au nord-ouest de Puerto Deseado, y laissant le dĂ©lĂ©guĂ© Antonio EchevarrĂ­a, chargĂ© de garder la place. Le , Varela envoya de Puerto Deseado vers ladite localitĂ©, par le train d’exploration, un dĂ©tachement sous les ordres du sous-lieutenant Jonas. Las Heras fut reprise sans rĂ©sistance et Jonas fusilla EchevarrĂ­a et d’autres meneurs grĂ©vistes. Le , Varela, ayant appris l’existence d’un campement de grĂ©vistes, se rendit Ă  la gare de Tehuelches, Ă  mi-chemin entre Puerto Deseado et Las Heras, sur la mĂȘme ligne de chemin de fer du Ferrocarril Nacional PatagĂłnico. À son arrivĂ©e se produisit le seul vĂ©ritable acte de rĂ©sistance face Ă  l’armĂ©e dans toute la campagne : lors d’une fusillade, le soldat Salvi fut blessĂ© et le soldat Fischer tuĂ©. Chez les grĂ©vistes, il y eut au moins trois morts et plusieurs blessĂ©s. Varela et son groupe durent se replier sur Jaramillo. De lĂ , il envoya le gĂ©rant de La AnĂłnima, Mario Mesa, parlementer avec FacĂłn Grande, en lui promettant de respecter la vie de tous et d’accĂ©der Ă  leurs demandes s’ils se rendaient. À l’issue d’une assemblĂ©e, les ouvriers rĂ©solurent de se rendre dans la gare de Tehuelches le . En dĂ©pit de sa promesse, Varela fusilla FacĂłn Grande, Leiva et au moins une demi-centaine d’ouvriers. Le dernier groupe de grĂ©vistes une fois exterminĂ©, les troupes de l’armĂ©e s’employĂšrent Ă  arpenter toute la province de Santa Cruz Ă  la recherche de grĂ©vistes dispersĂ©s. L’armĂ©e les poursuivait, jusqu’à les attraper et les fusiller sommairement. La campagne s’acheva le ; au total y pĂ©rirent environ 1 500 ouvriers et grĂ©vistes[19].

Répercussion des exécutions

Le dimanche , Ă  l’hĂŽtel Argentino, la Sociedad Rural fĂȘtait le Nouvel An par un grandiose hommage au lieutenant-colonel Varela. Le , le vapeur Asturiano, avec Ă  son bord Manuel CarlĂ©s, prĂ©sident de la Ligue patriotique, accosta Ă  RĂ­o Gallegos pour rendre hommage et dĂ©corer Varela et ses hommes. Le , le journal La UniĂłn publia una declaration de la Sociedad Rural annonçant la baisse d’un tiers de tous les salaires, c'est-Ă -dire Ă  une valeur nominale infĂ©rieure Ă  celle des salaires en vigueur durant la premiĂšre grĂšve[20]. Le seul geste de rĂ©probation jamais accompli contre les troupes de rĂ©pression revient aux 5 tauliĂšres du lupanar La Catalana, qui refusĂšrent de servir les soldats stupĂ©faits, en leur criant « assassins »[21].

Les journaux anarchistes, principalement La Antorcha et La Protesta, dĂ©noncĂšrent le massacre d’ouvriers prisonniers et les exĂ©cutions sommaires dĂšs le moment oĂč ils avaient lieu. Ils appelĂšrent Ă  la solidaritĂ© et Ă  la grĂšve, mais les autres organisations ouvriĂšres (l’UGT et la FORA du IXe congrĂšs), dĂ©sireux d'Ă©viter une confrontation avec le gouvernement d’HipĂłlito Yrigoyen, se cantonnĂšrent dans une protestation formelle. Ce n’est que lorsqu’elles apprirent l’ampleur de la tuerie qu’elles s’associĂšrent aux protestations. À l’exception des anarchistes, qui publiĂšrent tĂ©moignages, dĂ©nonciations et listes d’assassinĂ©s, les protestations des autres groupes politiques furent entre tiĂšdes et purement formelles[22]. Il n’y eut pas, de la part du gouvernement, d’honneurs rendus aux vainqueurs, et les actions des troupes ne reçurent pas l’aval officiel ; bientĂŽt, un manteau d’oubli fut jetĂ© sur l’affaire, par crainte des consĂ©quences politiques. Il y eut certes quelque dĂ©bats et dĂ©nonciations Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s Ă  partir du , quand le dĂ©putĂ© socialiste Antonio De Tomaso aborda le sujet lors d’une sĂ©ance de l’assemblĂ©e. Les dĂ©nonciations et indignations des dĂ©putĂ©s socialistes furent cependant systĂ©matiquement dĂ©daignĂ©es et peu de mois plus tard l’affaire retomba dans l’oubli.

EnchaĂźnement de vengeances

L'assassinat de Wilckens par PĂ©rez MillĂĄn (CrĂ­tica, 1923).

Le lieutenant-colonel Varela pĂ©rit dans un attentat perpĂ©trĂ©, selon les sources, le 25[23] ou par un ouvrier anarchiste allemand nommĂ© Kurt Wilckens. Auparavant dĂ©jĂ , Ă  plusieurs reprises, celui-ci avait Ă©tĂ© sur le point de l’assassiner, mais chaque fois Varela avait paru accompagnĂ© de ses filles ou d’autres personnes, ce qui avait sur le moment dissuadĂ© Wilckens d’exĂ©cuter l’attentat. Ce jour-lĂ  enfin, Varela Ă©tait sorti sans accompagnement ; Wilckens l’attendit Ă  quelques mĂštres de l’entrĂ©e de son domicile, situĂ© au no 2461 de la rue Fitz Roy, dans le quartier de Palermo Ă  Buenos Aires, et, le voyant sortir, lui lança une bombe aux pieds, qui blessa Varela, puis tira, de son rĂ©volver Colt, quatre coups de feu, c'est-Ă -dire le nombre de balles par lequel Varela avait coutume d’ordonner qu’on exĂ©cutĂąt ses victimes. Wilckens tenta ensuite de s’enfuir, mais un Ă©clat de la bombe lui avait fracturĂ© le pĂ©ronĂ©, lui rendant la fuite impossible. Une fois dĂ©tenu par la police, il dĂ©clara : « Celui-lĂ  ne tuera plus personne. J’ai vengĂ© mes frĂšres »[24].

Kurt Wilckens Ă©tait un anarchiste pacifiste, antialcoolique et vĂ©gĂ©tarien, que le comportement de Varela en Patagonie avait profondĂ©ment indignĂ©. Sans expĂ©rience en matiĂšre d’attentats ni dans le maniement des explosifs, il affirma que son geste fut une action entiĂšrement individuelle, bien que l’on suppose qu’il eĂ»t reçu l’aide d’autres anarchistes. Le geste de Wilckens fut saluĂ© par l’ensemble du milieu anarchiste d’Argentine, et le retentissement de son acte atteignit jusqu’à l’Allemagne et les États-Unis, pays dans lequel il avait rĂ©sidĂ©.

Manchette de La Protesta.

Pendant les obsĂšques de Varela, auxquelles assistĂšrent le gĂ©nĂ©ral AgustĂ­n P. Justo, alors ministre de la Guerre, le docteur Manuel CarlĂ©s, le prĂ©sident Marcelo T. de Alvear et l’ancien prĂ©sident HipĂłlito Yrigoyen, un jeune homme appartenant Ă  la Ligue patriotique argentine et ci-devant policier de Santa Cruz, dĂ©nommĂ© Ernesto PĂ©rez MillĂĄn TĂ©mperley, profĂ©ra des insultes et menaces Ă  l’adresse des journalistes.

Les procureurs requirent contre Wilckens une peine d’emprisonnement de 17 ans. En prison, il se rĂ©tablit de sa blessure et, par son caractĂšre docile, parvint Ă  se faire estimer de ses codĂ©tenus et des gardiens, recevant de nombreuses visites et de la lecture. Des journalistes vinrent l’interroger et il rĂ©digea quelques articles pour le compte de revues anarchistes.

« Ce ne fut pas une vengeance; ce que je voyais en Varela, ce n’était pas l’insignifiant officier. Non, en Patagonie, il Ă©tait tout : gouvernement, juge, bourreau et fossoyeur. À travers lui, j’ai tentĂ© de blesser l’idole mise Ă  nu d’un systĂšme criminel. Mais la vengeance est indigne d’un anarchiste ! Les lendemains, nos lendemains, n’affirment ni querelles, ni crimes, ni mensonges ; ils affirment la vie, l’amour, les sciences ; Ɠuvrons Ă  hĂąter l’avĂšnement de ce jour. »

— Kurt Wilckens, lettre du 21 mai 1923.

Le , Wilckens fut assassinĂ© par PĂ©rez MillĂĄn TĂ©mperley dans sa cellule, pendant son sommeil, d’une balle qui lui traversa le poumon gauche. Wilckens succomba le lendemain. Son assassin dĂ©clara aprĂšs son arrestation : « J’ai Ă©tĂ© le subalterne et un parent du commandant Varela. Je viens de venger sa mort ». Le journal CrĂ­tica vendit ce jour-lĂ  plus d’un demi-million d’exemplaires, et l’évĂ©nement suscita l’indignation des anarchistes et des organisations ouvriĂšres. La FORA appela Ă  un arrĂȘt de travail gĂ©nĂ©ral de protestation, et une manifestation convoquĂ©e sur la place Once se solda par deux morts, 17 blessĂ©s et 163 dĂ©tentions cĂŽtĂ© manifestants, et par un officier mort et trois policiers blessĂ©s du cĂŽtĂ© des forces de l’ordre. L’Union syndicale argentine, anciennement FORA du IXe, appuya l’arrĂȘt de travail, mais leva bientĂŽt l’appel Ă  la grĂšve.

GrĂące Ă  ses influences, PĂ©rez MillĂĄn rĂ©ussit Ă  se faire dĂ©clarer dĂ©ment et fut internĂ© Ă  l’asile d’aliĂ©nĂ©s de la rue Vieytes, oĂč il mena une vie tranquille, abstraction faite de la rancƓur qu’il nourrissait Ă  l’égard de ses camarades de la Ligue patriotique, qui l’avaient abandonnĂ©. Le matin du , PĂ©rez MillĂĄn fut assassinĂ© Ă  son tour d’un coup de feu tirĂ© par Esteban Lucich, internĂ© ayant des antĂ©cĂ©dents d’homicide[25]. Attendu que Lucich n’avait pas lui-mĂȘme de mobile Ă©vident pour commettre le crime, les soupçons des enquĂȘteurs se portĂšrent sur le professeur GermĂĄn Boris Wladimirovich (es), anarchiste d’origine russe, instigateur en 1919 du premier braquage anarchiste en Argentine, qui, enfermĂ© Ă  vie au bagne d’Ushuaia, avait simulĂ© la folie pour ĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă  la rue Vieytes de Buenos Aires et y venger la mort de Wilckens. Soumis Ă  un rude interrogatoire et battu, il n’avouera pas sa participation, pour ne pas compromettre ses appuis Ă  l’extĂ©rieur. Vladimirovitch mourra quelques mois plus tard des suites des tortures subies.

Filmographie

Photogramme du film La Patagonia Rebelde, d’HĂ©ctor Olivera (Argentine, 1974).

Un film de 1974, La Patagonia rebelde, mis en scĂšne par HĂ©ctor Olivera d’aprĂšs un scĂ©nario de l’historien Osvaldo Bayer, a pour sujet le massacre de Patagonie. AprĂšs avoir Ă©tĂ© d’abord censurĂ©e par le prĂ©sident d’alors, Juan Domingo PerĂłn, l’Ɠuvre fut finalement autorisĂ©e, par dĂ©cision du mĂȘme PerĂłn, Ă  sortir sur les Ă©crans le de cette mĂȘme annĂ©e[26]. AprĂšs la mort de PerĂłn, le film fut Ă  nouveau interdit, le , par le gouvernement d’Isabel PerĂłn[27]. Ce n’est qu’avec le retour de la dĂ©mocratie formelle en 1984 qu’il put enfin ĂȘtre librement projetĂ©[28]. Le film remporta un Ours d'argent Ă  la Berlinale de 1974[29].

En 2006 parut le documentaire La vuelta de Osvaldo Bayer (litt. le Retour d’Osvaldo Bayer), tournĂ© par Eduardo Anguita (es). Ce film recrĂ©e, sous la directive d'Osvaldo Bayer, certains Ă©pisodes particuliers de la rĂ©bellion dont la trace subsiste jusqu’à aujourd’hui dans le paysage et dans la mĂ©moire collective de la population patagonienne, sous la forme notamment de quelques monuments en partie dĂ©truits, de murs commĂ©moratifs, etc.

Littérature

Dans le rĂ©cit De cĂłmo muriĂł el chilote Otey (litt. De la façon dont mourut le chilote Otey), l’écrivain chilien Francisco Coloane relate un Ă©pisode se situant dans les derniers jours de la grĂšve. Pendant que quelque 850 ouvriers sous le commandement de FacĂłn Grande s’enfuient en direction de la frontiĂšre chilienne et du massif del Paine, 40 autres, parmi lesquels les Chilotes Otey et Rivera, dĂ©cident de mourir pour leurs camarades en restant retranchĂ©s dans un hangar de tonte, pour retarder la marche des hommes de Varela. Au cours du rĂ©cit, les personnages prĂ©sentent leur version des causes et des Ă©vĂ©nements de la grĂšve et discutent Ă©galement de la discrimination dont sont victimes les Chilotes en Patagonie.

Le livre de l’écrivain et historien argentin David Viñas, Los dueños de la tierra (litt. les MaĂźtres de la terre), relate les Ă©vĂ©nements de la Patagonie rebelle par le prisme du mĂ©diateur envoyĂ© par le gouvernement radical pour tenter de rĂ©soudre le conflit pacifiquement, avant l’intervention de l’armĂ©e.

Pavel OyarzĂșn, romancier et poĂšte chilien originaire de Punta Arenas, est l’auteur d’un roman intitulĂ© El Paso del Diablo (2004), dans lequel il Ă©voque la fuite des ouvriers grĂ©vistes poursuivis par les soldats du 10e rĂ©giment de cavalerie.

Notes et références

  1. « Gobierno de Hipólito Yrigoyen Historia Argentina Patagonia Rebelde »
  2. La Sociedad Obrera fut fondĂ©e Ă  RĂ­o Gallegos vers 1918 et disposait d’une imprimerie et d’une Ă©cole. Elle publiait la revue 1° de Mayo (litt. 1er Mai). Elle envoyait des dĂ©lĂ©guĂ©s dans tous les grands domaines agricoles et Ă©tait surveillĂ©e par la police. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia Rebelde, tome I, Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004.
  3. La Sociedad Obrera avait sollicitĂ© auprĂšs du commissaire Ritchie la permission de rendre un hommage au pĂ©dagogue libertaire Francisco Ferrer y Guardia. Ritchie ayant refusĂ© de donner son autorisation, les ouvriers dĂ©clenchĂšrent une grĂšve de 48 heures. En outre, le 19 octobre, le gouverneur Correa FalcĂłn fit mettre en dĂ©tention les participants Ă  une rĂ©union tenue dans le local de la Sociedad Obrera, ce qui donna lieu, en rĂ©action, Ă  un arrĂȘt de travail gĂ©nĂ©ral.
  4. Pendant l’hiver patagonien, les jours sont trĂšs courts et les magasins des propriĂ©taires agricoles faisaient payer jusqu’à 80 centavos un paquet de bougies qui n’en coĂ»tait que 5. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome I, Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004.
  5. La Sociedad Obrera avait dénoncé Correa Falcón comme étant le gouverneur par intérim et secrétaire de la Sociedad Rural.
  6. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome I, Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004.
  7. Osvaldo Bayer ainsi que Felipe Pigna relatent l’épisode suivant : Sa mission accomplie, Varela et son rĂ©giment, le 10e de cavalerie, se disposent Ă  partir. Avant de s’embarquer, un grand fermier est pris de doutes sur le maintien de la paix sociale et dit Ă  Varela : « Vous vous en allez, et la mĂȘme chose recommencera », Ă  quoi Varela rĂ©pondit : « S’ils se soulĂšvent Ă  nouveau, je reviendrai et les fusillerai par dizaines ». Cf. Sangrientas huelgas patagĂłnicas, art. de Felipe Pigna, ClarĂ­n, 12 aoĂ»t 2007.
  8. La manchette du supplĂ©ment de La Verdad du 11 avril 1921 Ă©tait ainsi conçue : « Crimes de lĂšse-humanitĂ©. L’exploitation de l’homme par l’homme portĂ© au plus degrĂ© de raffinement. » Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome I, Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 37
  9. Bayer, La Patagonia rebelde (tome II, La Masacre), p. 123. Le 16 novembre 1921 cependant, le gouvernement chilien finit par prendre son parti et autorisa le colonel Varela et sa colonne de 13 soldats Ă  emprunter un raccourci Ă  travers le territoire chilien, Ă  l’est de Puerto Natales, le long de l’actuelle route nationale 9. Cf. Bayer, tome II: La Masacre, p. 131, et Orlando Mario Punzi, La tragedĂ­a patagĂłnica: historia de un ensayo anarquista, Ă©d. CĂ­rculo Militar (1991), p. 79
  10. La bande d’El Toscano se composait d’Ernesto Francisco MartĂ­n Reith, Allemand ĂągĂ© de 26 ans ; Heerseen Dietrich, Allemand de 26 ans ; Frank Cross, AmĂ©ricain, 37 ans ; ZacarĂ­as Caro, Argentin de 32 ans, et Santiago DĂ­az, Chilien de 22 ans. Ils portaient un brassard rouge, comme symbole du socialisme. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 118-121.
  11. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 114-117.
  12. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p.145
  13. Cité par Osvaldo Bayer dans La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), éd. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 160.
  14. Cité par Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), éd. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 210.
  15. Selon le journal La UniĂłn de RĂ­o Gallegos, il y eut Ă  Fuentes de Coyle, oĂč Viñas Ibarra avait menĂ© des prisonniers pris Ă  Laguna Salada et Punta Alta, quelque 100 morts. Une Ă©tude comparative exhaustive entre le rapport contradictoire de Viñas Ibarra et les dĂ©clarations de plusieurs tĂ©moins se trouve dans Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 167-194.
  16. Les rapports de Varela et d’Anaya font Ă©tat, cĂŽtĂ© ouvrier, de « morts au combat », mais qui en rĂ©alitĂ© Ă©taient des exĂ©cutions camouflĂ©es. Les divers tĂ©moignages oscillent entre 50 et 200 fusillĂ©s. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 214-238.
  17. D’aprĂšs le compte rendu militaire de Viñas Ibarra, le bilan de la rencontre Ă©tait de « sept morts et de nombreux blessĂ©s qui rĂ©ussirent Ă  se perdre dans l’obscuritĂ© de la nuit », tandis que furent pris « 420 prisonniers insurgĂ©s, cent propriĂ©taires, administrateurs, contremaĂźtres et agents, rĂ©chappĂ©s, 180 armes longues, 700 couteaux ». En rĂ©alitĂ©, les prisonniers furent sĂ©lectionnĂ©s par Viñas Ibarra pour ĂȘtre fusillĂ©s. Edelmiro Correa FalcĂłn, le plus grand ennemi des grĂ©vistes, confirma le nombre de 120 fusillĂ©s Ă  La Anita. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome II (la Masacre), Ă©d. Booket, Buenos Aires, 2004, p. 310-311 et 334-348.
  18. La tĂąche de rĂ©primer les grĂ©vistes de Patagonie incomba aussi en partie au gĂ©nĂ©ral de cavalerie Elbio Carlos Anaya, assistant direct du lieutenant-colonel Varela et l’un des tenants de la ligne dure. Deux dĂ©cennies plus tard, Anaya sera Ă  la tĂȘte de la garnison de Campo de Mayo lors du soulĂšvement du 4 juin 1943, deviendra ensuite ministre de la Justice et de l’Instruction publique dans le gouvernement issu de ce coup d’État, participera en 1945 aux tentatives d’évincer PerĂłn du pouvoir, et se montrera enfin, sous la dictature de Pedro Eugenio Aramburu, un antipĂ©roniste farouche, notamment en dirigeant la Commission 48, qui travaillait sous l’égide de l’amiral et vice-prĂ©sident Isaac Rojas. Voir Santiago SenĂ©n GonzĂĄlez et FabiĂĄn Bosoer, « Los inquisidores de Evita », ClarĂ­n, Buenos Aires,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  19. En Sangrientas huelgas patagónicas. Felipe Pigna, Clarín, 12 août 2007.
  20. Selon le journal La Prensa du 25 janvier 1922, il y eut, au terme de la grĂšve, une forte hausse des prix : « San JuliĂĄn, 24 janvier – le dĂ©tachement de cavalerie qui Ă©tait restĂ© dans la province de Santa Cruz sous le commandement du capitaine Pedro E. Campos, dut se transporter Ă  Rio Gallegos, en raison de ce que dans cette localitĂ© la vie s’était faite impossible Ă  cause du prix Ă©levĂ© atteint par les produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ©. Le phĂ©nomĂšne qui a motivĂ© ce transfert est habituel sur tout le littoral de la Patagonie ; mais, selon les rapports que m’a procurĂ©s le susmentionnĂ© officier, le coĂ»t de la vie dans Santa Cruz a atteint des limites incroyables. »
  21. Osvaldo Bayer consacre le dernier chapitre de La patagonia rebelde, Tome II (La masacre), Booket, Buenos Aires, 2004, Ă  relater ce singulier Ă©pisode.
  22. Les périodiques qui attaquÚrent Varela, outre celles anarchistes, étaient Crítica, La Vanguardia, La Montaña et La Internacional. Cf. Osvaldo Bayer, La Patagonia rebelde, tome III (Humillados y ofendidos), Booket, Buenos Aires, 2004.
  23. MarĂ­a Laura Moreno Sainz, Anarchisme argentin 1890-1930 : contribution Ă  une mythanalyse, ANRT, Atelier national de reproduction des thĂšses, 2004, page 156
  24. Salas Rossenbach, Une odyssĂ©e en Patagonie, Éditions La DĂ©couvrance, 2014, lire en ligne.
  25. Selon Felipe Pigna, « PĂ©rez MillĂĄn lisait une lettre de Manuel CarlĂ©s, son chef dans la Ligue patriotique et ami personnel, pendant qu’il attendait que Lucich lui apportĂąt le petit dĂ©jeuner. BientĂŽt le Yougoslave entra avec le service. Lorsque MillĂĄn se saisit du plateau, son serviteur sortit un revolver d’entre ses vĂȘtements en lui disant "ceci, c’est Wilckens qui te l’envoie" et lui tira une balle dans le thorax. PĂ©rez MillĂĄn mourut le jour suivant ». Article intitulĂ© Sangrientas huelgas patagĂłnicas paru dans le journal ClarĂ­n, Buenos Aires, 12 aoĂ»t 2007.
  26. Magicas Ruinas
  27. Magicas Ruinas ibid.
  28. (es) José Pablo Feinmann, « Peronismo : filosofía política de una obstinación argentina », sur Pågina/12, [PDF]
  29. Site de la Berlinale

Bibliographie

  • La Patagonia trĂĄgica, JosĂ© MarĂ­a Borrero (1928).
  • La Patagonia rebelde (tome I : Los bandoleros), Osvaldo Bayer, Ă©d. Galerna, Buenos Aires (1972). Trad. française : La Patagonie rebelle  : 1921-1922, chronique d’une rĂ©volte des ouvriers agricoles en Argentine, traduit par Simone Guittard et Frank Mintz, Acratie, La BussiĂšre, 1996, 300 p., coĂ©d. avec l'Atelier de crĂ©ation libertaire, Lyon, mĂȘme date.
  • La Patagonia rebelde (tome II : La masacre), Osvaldo Bayer, Ă©d. Galerna, Buenos Aires (1972).
  • La Patagonia rebelde (tome III : Humillados y ofendidos), Osvaldo Bayer, Ă©d. Galerna, Buenos Aires (1974).
  • La Patagonia rebelde (tome IV : El vindicador), Osvaldo Bayer, Ă©d. Booket, Buenos Aires (1997).

Articles connexes

Liens externes

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