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Observatoire de la petite sirène

L′Observatoire de la petite sirène, ou Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent, est un collectif pluridisciplinaire franco-belge de professionnels praticiens et chercheurs qui s'intéresse à la transidentité, particulièrement chez les mineurs transgenres. Il est fondé en 2021 par trois psychanalystes, Céline Masson, Caroline Eliacheff et Anna Cognet. L'Observatoire est opposé à toute transition de genre pour les enfants et adolescents mineurs.

L'Observatoire de la petite sirène est critiqué par des journalistes, des médecins s'occupant de personnes trans et des militants LGBT+ qui dénoncent la panique morale qu'il diffuse et critiquent sa position conservatrice qui refuse l'autodétermination des mineurs trans.

Historique

Les trois fondatrices et co-présidentes de l'Observatoire de la petite sirène sont les psychanalystes Céline Masson, Caroline Eliacheff et Anna Cognet[1]. Caroline Eliacheff et Céline Masson publient en février 2021 un premier « appel » via une liste de diffusion qui rassemble « tout le gratin de la psychanalyse, des parents d’autistes, des psychiatres, des neuroscientifiques, des journalistes… », selon le psychiatre Patrick Landman[2].

S'intéressant tout particulièrement aux questions de la dysphorie de genre, l'Observatoire recommande l'interdiction de toute transition médicale chez les mineurs[2] et dénonce à ce sujet l'influence d'un « lobbying trans »[3], positions qui lui valent des accusations répétées de transphobie.

Le 21 septembre 2021, le Collectif envoie un email aux députés examinant la proposition de loi visant à interdire les thérapies de conversion en France, afin que la notion d'identité de genre soit exclue du texte ; il justifie cette recommandation par le fait qu'une « attitudes de prudence » des professionnels vis-à-vis des enfants trans pourrait s'en retrouver criminalisée comme « visant à réprimer l’identité de genre vraie ou supposée d’une personne »[4]. Bien que, d'après plusieurs journalistes, le collectif ait « l’oreille d’une partie du camp conservateur »[5] - [6], la proposition d'exclusion de l'identité de genre n'est pas adoptée[7].

En 2022, dans un essai intitulé La Fabrique de l'enfant transgenre et dans un article[8], Caroline Eliacheff et Céline Masson, observant une « augmentation des cas d’enfants voulant changer de genre »[9], alertent sur ce qu’elles estiment être des dérives du « transgenrisme » chez les mineurs[10], un phénomène de « contagion sociale » selon elles « influencé par le discours de militants trans », qu'elles assimilent à un « embrigadement idéologique ». Ces déclarations sont jugées « transphobes » par des activistes[11].

Les deux psychanalystes portent le sujet au niveau de l'État français via l'Observatoire de la petite sirène[2].

L'Observatoire de la petite sirène a depuis publié plusieurs guides, notamment un guide destiné aux professionnels de santé[12] .

Le 28 août 2022, l'Observatoire de la petite sirène a demandé une enquête indépendante sur les traitements médicaux dispensés par les services pédiatriques en dysphorie de genre en France[13].

DĂ©bats

Critiques

Mediapart a publié une enquête de Rozenn Le Carboulec, qui qualifie les positions du collectif de conservatrices[2] ; le quotidien déclare que Caroline Eliacheff et Céline Masson, dans leur livre, « récusent la transphobie, tout en refusant l'autodétermination aux personnes trans », et reprennent l'hypothèse controversée de la dysphorie de genre à apparition rapide[2]. Selon elle, certains membres de l'Observatoire sont notamment proches de La Manif pour tous[2], et l'argument de la « protection de l'enfant », mobilisé par l'Observatoire, a aussi été utilisé pour refuser des droits aux couples homosexuels, comme le mariage ou la procréation médicalement assistée[2].

Qualifiant de « désinformation » les positions du collectif et de ses deux principales autrices, plusieurs professionnels de santé intervenant auprès de mineurs transgenres en France précisent à Mediapart que leurs interventions ne comportent jamais de prescriptions de bloqueurs de puberté avant la puberté, ni de modifications corporelles avant 16 ans, seules les torsoplasties (concernant une part très faible des adolescents trans) étant autorisées avant la majorité[14]. Ces professionnels témoignent que le parcours de transition laisse de multiples possibilités aux mineurs de déterminer le genre dont ils se sentent proches, et d'être informés de l'aspect irréversible des modifications corporelles[14].

Cet article a fait l'objet d'un droit de réponse de Caroline Eliacheff et Céline Masson, qui, l'estimant biaisé, soutiennent que leurs références bibliographiques sont « incontournables »[5].

D'après le journaliste Marc Belpois dans Télérama, l'Observatoire diffuse une « panique morale face à l’explosion des demandes de consultation dans les centres spécialisés[15]. »

Selon la juriste bioéthicienne et militante québécoise des droits des personnes transgenres Florence Ashley, l'Observatoire fait partie des « groupuscules conservateurs dans la continuité des organisations anti-droits des personnes homosexuelles et anti-genre du début des années 2010[16]. »

Pour le philosophe Paul B. Preciado, les prises de position médiatiques et l'influence politique de l'Observatoire s'inscrivent dans un « assaut » contre les droits des personnes trans et visant à conserver les « privilèges […] sexuels et de genre »[17].

SmaĂŻn Laacher

À l'été 2022, Karine Espineira démissionne du conseil scientifique de la Dilcrah pour dénoncer sa présidence par un membre du conseil scientifique de l’Observatoire de la petite sirène, le sociologue Smaïn Laacher[18].

La Dilcrah, interpellée par neuf associations LGBT au sujet d'une possible promotion des thérapies de conversion dans un guide diffusé par ce collectif, fait savoir en juillet 2022 que Smaïn Laacher démissionne du conseil scientifique de l'Observatoire de la petite sirène[12]. Ce dernier, dans un droit de réponse à une lettre ouverte cosignée par plusieurs enseignants de l'université de Picardie Jules-Verne[19], précise qu'il n’y a « aucune relation, d’aucune sorte », avec la tribune évoquée[20] et confirme sa démission du conseil scientifique de l’Observatoire.

Controverses autour de La Fabrique de l'enfant transgenre de C. Masson et C. Eliacheff

Invitées par la société suisse de psychanalyse à l'université de Genève pour présenter leur livre en mai 2022, Caroline Eliacheff et Céline Masson se voient empêchées de poursuivre leur intervention par une quinzaine d'étudiants militants LGBT+[21] - [22] - [23].

En novembre 2022, la mairie de Paris annule, sous la pression d'activistes LGBT+, un colloque au cours duquel Caroline Eliacheff et CĂ©line Masson devaient intervenir[24].

Dans l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo en date du 28 décembre 2022, Gérard Biard commence son article intitulé « Le meilleur des mondes trans » en annonçant que « la croisade des militants trans contre Caroline Eliacheff et Céline Masson continue » à propos de leur livre La Fabrique de l’enfant-transgenre[25]. Le journaliste souligne comment « chaque débat, chaque conférence engendre une avalanche d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux, avec à la clé, trop souvent, l’annulation pure et simple[25]. » Il considère cependant que, le 15 décembre, un palier a été franchi au moment de leur intervention au Café Laïque de Bruxelles : des militants cagoulés ont fait irruption, et en plus des « agressions physiques et verbales habituelles, ont balancé des excréments dans le local et sur les participants. Plus précisément des merdes de chat et de chien mélangées à de la litière[25]. » Il cite L'Express du 19 décembre, où une cinquantaine d’universitaires et d’intellectuels, dans une tribune, dénoncent cette attaque jusqu'à prononcer le mot « fascisme ». Biard, trouvant que le mot, cette fois, n'était pas « usurpé », rappelle qu'effectivement « balancer de la merde sur les communistes faisait partie des jeux favoris des fascistes italiens[25] ».

Notes et références

  1. (en) « Qui sommes-nous | Observatoire de la Petite sirène », sur Petitesirene (consulté le ).
  2. Rozenn Le Carboulec, « Mineurs trans : des groupuscules conservateurs passent à l’offensive », sur Mediapart (consulté le ).
  3. « Disney, école, sport, réseaux sociaux… Le lobbying trans s'introduit à tous les niveaux de la société », sur Le Figaro, (consulté le ).
  4. « "Il n'y a rien à guérir" : l'interdiction des "thérapies de conversion" des homosexuels pourrait devenir un délit », sur FranceTvInfo, (consulté le ).
  5. « Ce point qui empêche la loi sur les thérapies de conversion de faire l'unanimité », sur Le HuffPost, (consulté le ).
  6. « Thérapies de conversion : des députés LR demandent le retrait du terme "identité de genre" du texte », sur Valeurs actuelles, (consulté le ).
  7. « "Thérapies de conversion" : le Sénat ne cède pas aux sirènes d'une prétendue idéologie du genre », sur Causette (consulté le ).
  8. Caroline Eliacheff et Céline Masson, « L'enfant-transgenre, une mystification contemporaine ? », Les Cahiers de la Justice, vol. N° 4, no 4,‎ , p. 555–557 (ISSN 1958-3702, DOI 10.3917/cdlj.2104.0555, lire en ligne, consulté le ).
  9. « Transidentité : deux spécialistes de l’enfance alertent sur l’augmentation des "dysphories de genre" », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  10. Espace analytique, dossier, « Caroline Eliacheff, Céline Masson, La Fabrique de l'enfant trans-genre », sur espace-analytique.org (consulté le ).
  11. Sophie Simon, « Littérature polémique – De quoi parlent ces ouvrages jugés "transphobes" par des activistes ? » Accès payant, sur Tribune de Genève, (consulté le ).
  12. Délégation interministérielle à la lutte le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), « Rencontre au sujet de l'Observatoire de la Petite sirène - Communiqué de presse commun », sur uvyk.mjt.lu, (consulté le ).
  13. « Mineurs "trans" : "Nous demandons une enquête indépendante sur les traitements médicaux" », sur LExpress.fr, (consulté le ).
  14. Rozenn Le Carboulec, « Comment les mineurs trans sont pris en charge : face à la désinformation, des médecins racontent », sur Mediapart (consulté le ).
  15. « Enfants transgenres : comment mieux les comprendre ? », sur Télérama, (consulté le ).
  16. Florence Ashley, « Rapid-Onset Gender Dysphoria », GLAD!. Revue sur le langage, le genre, les sexualités, no 13,‎ (ISSN 2551-0819, DOI 10.4000/glad.5756, lire en ligne, consulté le ).
  17. Paul B. Preciado, Dysphoria Mundi, Grasset, (ISBN 978-2-246-83065-8, lire en ligne), p. 461.
  18. Rozenn Le Carboulec, « Mineurs trans : la délégation interministérielle contre la transphobie en pleine crise », sur Mediapart (consulté le ).
  19. Cette lettre ouverte qualifie l'Observatoire de « lobby groupusculaire voué à soutenir et diffuser la transphobie la plus crasse sous un douteux vernis scientifique […] et dont les liens avec l’extrême droite catholique sont bien établis. »
    Cf. : L'équipe des rédacteurs d'Academia, « Transphobie : lettre ouverte à l’Université Picardie Jules-Verne », sur Academia (consulté le ).
  20. Il s'agit de la tribune parue dans Le Point du 7 juillet 2022..
  21. Laure Lugon, « La liberté d’expression menacée à l’Uni de Genève », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
  22. Alexandre Cudré, « Des militants LGBTQ+ interrompent une conférence jugée "transphobe" », sur Blick, (consulté le ).
  23. Léman Bleu Télévision, « Une conférence sur la transidentité perturbée à l'uni », sur lemanbleu.ch (consulté le ).
  24. Amaury Coutansais Pervinquière, « La mairie de Paris annule un colloque sous la pression de militants LGBT », lefigaro.fr, 17 novembre 2022.
  25. Gérard Biard, « Le meilleur des mondes trans », sur charliehebdo.fr, 28 décembre 2022 (éd. 1588) (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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