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Dysphorie de genre

Dysphorie de genre est une qualification médicale utilisée dans le manuel de l'Association américaine de psychiatrie (APA) pour décrire la détresse d'une personne transgenre face à un sentiment d'inadéquation entre son genre assigné et son identité de genre. Au fur et à mesure des révisions de ce manuel, les expressions transsexualisme, incongruence de genre puis dysphorie de genre ont été successivement utilisées. Depuis 2013, l'APA insiste sur le fait que « la non-conformité de genre elle-même n'est pas un trouble mental. La dysphorie de genre est caractérisée par la présence associée d'une souffrance clinique significative[1]. »

Dysphorie de genre
Classification et ressources externes
CISP-2 P09
CIM-10 F64, F64.8, F64.9
CIM-9 302.85
OMIM 600952
MedlinePlus 001527
MeSH D005783

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

Ce trouble affecte de 0,005 à 0,014 % des personnes nées de sexe masculin, et de 0,002 à 0,003 % des personnes nées de sexe féminin[2].

Diagnostic

Selon la 4e version du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM IV), les symptômes incluent l'identification intense et persistante à l'autre genre, le sentiment persistant d'inconfort par rapport à son sexe ou sentiment d'inadéquation par rapport à l'identité de genre correspondante. L'affection est à l'origine d'une souffrance cliniquement significative causant une altération des fonctionnements sociaux, professionnels ou d'autres domaines importants.

L'Association américaine de psychiatrie permet un diagnostic de dysphorie de genre si les critères dans le DSM-5 sont rencontrés. Le DSM-5 a déplacé ce diagnostic de la catégorie des troubles sexuels vers une catégorie à part[2].

En France, en suivant les recommandations internationales en vigueur, la Haute autoritĂ© de santĂ© ainsi que les lignes directrices de l'Association professionnelle mondiale pour la santĂ© des personnes transgenres, la SociĂ©tĂ© française d'Ă©tudes et de prise en charge de la transidentitĂ© demande une durĂ©e d'Ă©valuation moyenne de 2 ans pour les personnes transidentitaires, afin d'Ă©carter tout facteur pronostic nĂ©gatif et cibler au mieux les points de fragilitĂ© psychologique et assurer un suivi adaptĂ©.

Le DSM-5 Ă©tablit qu'au moins deux des critères pour la dysphorie de genre doivent ĂŞtre connus dans les 6 derniers mois chez l'adolescent ou l'adulte concernĂ© pour obtenir ce diagnostic, ainsi qu'une dĂ©tresse significative ou une altĂ©ration du fonctionnement social[3].

Le diagnostic initial de « trouble de l'identité de genre » a été renommé « dysphorie de genre » après les critiques faites concernant la stigmatisation inhérente au premier[4]. Le sous-typage par l'orientation sexuelle a été supprimé. Le diagnostic pour les enfants a été séparé de celui des adultes en dysphorie de genre chez les enfants. Les critères d'un diagnostic spécifique pour les enfants reflètent la moindre capacité des enfants à comprendre ce qu'ils vivent, ou la capacité de l'exprimer dans le cas où ils en ont un aperçu[5].

La Classification internationale des maladies liste trois critères diagnostiques pour le « transsexualisme » (F64.0)[6] : l'incertitude quant à l'identité sexuelle qui cause de l'anxiété ou du stress est diagnostiquée comme trouble de la maturation sexuelle, selon la CIM-10[7].

Signes et symptĂ´mes

Les symptômes de la dysphorie de genre chez les enfants peuvent inclure le dégoût de leurs parties génitales, l'isolement social des autres enfants, l'anxiété, la solitude, la dépression[8] voire des tentatives de suicide.

Selon l'Association américaine de psychologie, les mineurs transgenres sont plus susceptibles d'être victimes de harcèlement et de violence à l'école, d'être placés ou accueillis, en famille d'accueil, dans des centres pour sans-logis, et de faire face à, ou d'être légalement reconnus par le système de justice dédié aux mineurs, que les autres mineurs[9].

Les adultes dysphoriques de genre sont exposés à un risque accru de stress, d'isolement, d'anxiété, de dépression, de mauvaise estime de soi et de suicide[8].

Gestion de la dysphorie de genre

Chez les pré-adolescents

Certains cliniciens, comme L. Martinerie[10] rapportent que, pour 70 % des enfants, la dysphorie de genre disparaît à la puberté[11].

Les professionnels qui traitent la dysphorie de genre chez les enfants ont commencé à prescrire des hormones, connues sous le nom de bloqueur de puberté, pour retarder le début de la puberté jusqu'à ce qu'un enfant soit assez âgé pour prendre une décision éclairée sur un traitement hormonal.

Traitements psychologiques

Jusque dans les années 1970, la psychothérapie était le traitement principal de la dysphorie de genre et visait généralement à aider la personne à s'adapter aux caractéristiques sexuelles physiques cohérentes au sexe de naissance. La psychothérapie est une interaction thérapeutique qui vise à traiter un problème psychologique. Bien que certains cliniciens utilisent encore seulement la psychothérapie pour traiter la dysphorie de genre, elle peut maintenant être utilisée en plus des interventions biologiques comme un accompagnement ou un soutien en parallèle de la transition physique[12]. Les tentatives visant à guérir intégralement la dysphorie de genre en modifiant l'identité de genre du patient se sont avérées inefficaces[13]. Néanmoins, la transition permet de réduire de manière significative cette condition[14].

Traitements biologiques

Les traitements biologiques altèrent physiquement les caractères sexuels primaires et secondaires pour réduire l'écart entre l'aspect corporel physique d'une personne et son identité de genre[15].

L'hormonosubstitution et la chirurgie de réattribution sexuelle sont des méthodes de traitement qui permettent d'assurer à une personne transgenre, si elle le souhaite, une transition dite "physique" (contrairement à une transition uniquement sociale qui n'implique pas de changements morphologiques).. Le niveau global de satisfaction des patients vis-à-vis du traitement biologique est variable[12], mais la plupart des études indiquent une amélioration significative du niveau de vie[13]. Des cas de détransition sont parfois observés, mais contrairement aux idées reçues, ces derniers sont généralement causés par des complications liées à l'environnement de la personne (pression des proches, discrimination...) plutôt qu'une mauvaise évaluation de son identité de genre[14]. Les personnes effectuant une détransition représentent une minorité des personnes transgenres[16].

Il n'y a pas de consensus de la communauté médicale concernant l'utilisation de traitement hormonaux pour des patients mineurs[17]. Une étude du Lancet faite au Pays-bas publiée en 2022 montre que 98% des mineurs sous traitement hormonaux continuent leur traitement à l'age adulte[18]. Depuis mai 2021, l'hôpital suédois Karolinska — qui sélectionne les lauréats du prix Nobel de médecine — refuse le traitement hormonal aux nouveaux patients mineurs souffrant de dysphorie de genre[19]. En France, la prise de traitement hormonaux avant la majorité se fait avec l'accord des parents, après un suivi du mineur ainsi qu'une réunion de concertation pluridisciplinaire qui associe psychiatre, psychologue, endocrinologue et juriste[20].

Histoire et Ă©volutions terminologiques

La dysphorie de genre est classée comme un trouble sous travestisme bivalent dans la CIM 10 en 2017[21].

Le trouble de l'identité de genre a été renommé en « dysphorie de genre » par le DSM-5[22] - [23]. Certaines personnes transidentitaires et chercheurs soutiennent la déclassification du trouble de l'identité de genre au motif que le diagnostic donne une connotation pathologique à la variance de genre, renforce le modèle binaire du genre[24], et peut avoir comme conséquence la stigmatisation des individus transgenres[22].

La reclassification officielle de la dysphorie de genre dans le DSM-5 peut aider à résoudre certains de ces problèmes, parce que l'appellation « dysphorie de genre » s'applique seulement à l'expérience du malaise résultant des problèmes d'identité de genre[22].

L'Association américaine de psychiatrie, éditrice du DSM-5, établit que « la non conformité de genre n'est pas en soi un trouble mental. L'élément primordial dans la dysphorie de genre est la présence de la détresse clinique significative associée à la condition[25]. »

Les principales approches psychiatriques pour le traitement des personnes diagnostiquées dysphoriques de genre sont psychothérapeutiques lorsque celles-ci le souhaitent et celles soutenant le genre réel de la personne à travers le traitement hormonal, l'expression de genre ou de rôle, ou des recours chirurgicaux si nécessaire[6].

En France, la dysphorie de genre n'est plus classée dans la nomenclature de la Sécurité sociale dans le chapitre des troubles de la personnalité ouvrant droit à une prise en charge en Maladie de longue durée depuis . Une prise en charge à 100 % des frais liés à une transition de genre est possible en utilisant le diagnostic « Transidentité » dans la demande (ALD 31).

Recherches

En 2016, s'il existe des pistes d'explication (par exemple celles du développement cérébral et hormonal fœtal) les causes de la dysphorie de genre restent inconnues[26].

Une étude de jumeaux basée sur un échantillon de 314 enfants de 4 à 17 ans a suggéré que la présence de comportements pouvant évoquer un trouble de l'identité de genre, tels qu'évalués par les parents, avait une héritabilité de 62 %, indiquant la possibilité d'une influence génétique ou prénatale comme origine[27] - [28].

Dès les annĂ©es 2000, plusieurs Ă©tudes ont constatĂ© une sur-reprĂ©sentation statistique de personnes prĂ©sentant un trouble du spectre autistique parmi les personnes souffrant de dysphorie de genre, malgrĂ© la difficultĂ© Ă  constituer des Ă©chantillons reprĂ©sentatifs et Ă  mesurer prĂ©cisĂ©ment ces phĂ©nomènes[29]. En est publiĂ©e la première Ă©tude Ă  large Ă©chelle[30], mobilisant des donnĂ©es sur plus de 600 000 personnes, qui confirme une forte corrĂ©lation au-delĂ  des Ă©chantillons cliniques prĂ©cĂ©demment Ă©tudiĂ©s : la prĂ©valence des troubles autistiques chez les personnes transgenres est estimĂ©e 3 Ă  6 fois supĂ©rieure Ă  la population gĂ©nĂ©rale. Si le lien semble clairement Ă©tabli, sa nature et les causes sous-jacentes restent toutefois mal comprises[31].

Notes et références

  1. (en) « Gender Dysphoria » [PDF], sur psychiatry.org,  : « DSM-5 aims to avoid stigma and ensure clinical care for individuals who see and feel themselves to be a different gender than their assigned gender. It replaces the diagnostic name “gender identity disorder” with “gender dysphoria,” as well as makes other important clarifications in the criteria. It is important to note that gender nonconformity is not in itself a mental disorder. The critical element of gender dysphoria is the presence of clinically significant distress associated with the condition. »
  2. (en) « P 01 Gender Dysphoria in Adolescents or Adults », American Psychiatric Association (consulté le ).
  3. (en) « Gender Dysphoria », DSM-5, American Psychiatric Association (consulté le ).
  4. (en) « Gender Dysphoria in Children », American Psychiatric Association, (consulté le ).
  5. (en) « P 00 Gender Dysphoria in Children », American Psychiatric Association (consulté le ).
  6. « Standards of Care for the Health of Transsexual, Transgender, and Gender-Nonconforming People, Version 7 » [archive du ] [PDF], Routledge Taylor & Francis Group, (DOI 10.1080/15532739.2011.700873, consulté le ), p. 165–232.
  7. (en) S Potts et D Bhugra, « Classification of sexual disorders », International Review of Psychiatry, vol. 7, no 2,‎ , p. 167–174 (DOI 10.3109/09540269509028323).
  8. (en) Michelle R. Davidson, A Nurse's Guide to Women's Mental Health, Springer Publishing Company, , 362 p. (ISBN 978-0-8261-7113-9 et 0-8261-7113-3, lire en ligne), p. 114.
  9. (en) Y. Gavriel Ansara et Peter Hegarty, « Cisgenderism in psychology: pathologising and misgendering children from 1999 to 2008 », Psychology and Sexuality, vol. 3, no 2,‎ , p. 137–60 (DOI 10.1080/19419899.2011.576696).
  10. L. Martinerie, « Dysphorie de genre chez l’enfant et l’adolescent : place de l’endocrinologue pédiatre et des traitements hormonaux », Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence,‎ , p. 54-60.
  11. (en) Alix Spiegel, « Q&A: Therapists on Gender Identity Issues in Kids », NPR, (consulté le ).
  12. (en) L Gijs et A Brawaeys, « Surgical Treatment of Gender Dysphoria in Adults and Adolescents: Recent Developments, Effectiveness, and Challenges », Annual Review of Sex Research, vol. 18, nos 178–224,‎ .
  13. (en) Mohammad Hassan Murad, Mohamed B. Elamin, Magaly Zumaeta Garcia et Rebecca J. Mullan, « Hormonal therapy and sex reassignment: a systematic review and meta-analysis of quality of life and psychosocial outcomes », Clinical Endocrinology, vol. 72, no 2,‎ , p. 214–231 (ISSN 1365-2265, DOI 10.1111/j.1365-2265.2009.03625.x, lire en ligne, consulté le ).
  14. (en) Michael S Irwig, « Detransition Among Transgender and Gender-Diverse People—An Increasing and Increasingly Complex Phenomenon », sur academic.oup.com, (consulté le ).
  15. (en) W Bockting, G Knudson et J Goldberg, « Counselling and Mental Health Care of Transgender Adults and Loved Ones », International Journal of Transgenderism ,‎ (DOI 10.1300/J485v09n03_03, lire en ligne).
  16. « National Center for Transgender Equality », dans The SAGE Encyclopedia of Trans Studies, SAGE Publications, Inc., (lire en ligne).
  17. « Les traitements hormonaux des mineurs transgenres, ou les obstacles de l’éthique médicale aujourd’hui », Med Sci (Paris),‎ , Volume 34 ; page 595–598 (lire en ligne)
  18. (en) « Continuation of gender-affirming hormones in transgender people starting puberty suppression in adolescence: a cohort study in the Netherlands », The Lancet,‎ (lire en ligne)
  19. « Dysphorie de genre : un hôpital abandonne le traitement hormonal chez les mineurs, jugé "expérimental" », sur Génétique, .
  20. Nathalie André, « « Épidémie » ou libération de la parole : les jeunes transgenres, un phénomène qui inquiète [Enquête] », Le Télégramme,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. (en) « Gender identity disorder in adolescence and adulthood », ICD10Data.com (consulté le ).
  22. (en) L Fraser, D Karasic, W Meyer et K Wylie, « Recommendations for Revision of the DSM Diagnosis of Gender Identity Disorder in Adults », International Journal of Transgenderism, vol. 12, no 2,‎ , p. 80–85 (DOI 10.1080/15532739.2010.509202).
  23. A Condat, F Bekhaled, N Mendes et C Lagrange, « La dysphorie de genre chez l’enfant et l’adolescent: histoire française et vignettes cliniques », Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'adolescence, vol. 64, no 1,‎ , p. 7–15 (ISSN 0222-9617, lire en ligne, consulté le ).
  24. (en) L Newman, « Sex, Gender and Culture: Issues in the Definition, Assessment and Treatment of Gender Identity Disorder », Clinical Child Psychology and Psychiatry, vol. 7, no 3,‎ , p. 352–359 (DOI 10.1177/1359104502007003004).
  25. (en) « Gender Dysphoria » [PDF], American Psychiatric Publishing (consulté le ).
  26. (en) « Conclusion – Sexuality and Gender », sur The New Atlantis (consulté le ).
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  28. (en) F Coolidge, L Thede et S Young, « The Heritability of Gender Identity Disorder in a Child and Adolescent Twin Sample », Behavior Genetics, vol. 32, no 4,‎ , p. 251–257 (PMID 12211624, DOI 10.1023/A:1019724712983).
  29. (en) Zhana Vrangalova, « There's Growing Evidence For A Link Between Gender Dysphoria And Autism Spectrum Disorders », sur Forbes, (consulté le ).
  30. (en) Varun Warrier, David M. Greenberg, Elizabeth Weir et Clara Buckingham, « Elevated rates of autism, other neurodevelopmental and psychiatric diagnoses, and autistic traits in transgender and gender-diverse individuals », Nature Communications, vol. 11, no 1,‎ 08 07, 2020, p. 3959 (ISSN 2041-1723, PMID 32770077, PMCID 7415151, DOI 10.1038/s41467-020-17794-1, lire en ligne, consulté le ).
  31. (en-US) « Largest study to date confirms overlap between autism and gender diversity », sur Spectrum | Autism Research News, (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Vidéographie

Radio

Liens externes


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