DĂ©transition
La détransition est le processus qui stoppe complÚtement ou temporairement une transition de genre. Elle est prise en raison d'une prise de conscience personnelle, ou dans des cas plus dommageables, de pressions extérieures. Il reste important, tout comme le fait de débuter une transition de genre, d'en faire le choix en tout état de conscience.
On parle de retransition lorsque la personne choisit de s'identifier Ă un genre qui n'est ni son genre initial, ni celui qui Ă©tait l'objectif de la premiĂšre transition.
Terminologie
Dans le domaine du genre, la transition est le fait de modifier son expression de genre, ce qui implique pour une personne des changements sociaux (nom d'usage, vĂȘtements, pronoms), lĂ©gaux (nom lĂ©gal, genre) et/ou mĂ©dicaux (hormonosubstitution, chirurgie de rĂ©attribution sexuelle), pour ĂȘtre en accord avec son genre ressenti, diffĂ©rent de celui assignĂ© Ă sa naissance.
La détransition (ou retransition) est le processus qui stoppe (complÚtement ou temporairement) la transition. Ceux qui s'engagent dans ce processus sont nommés « détransitionneurs » ou « désisteurs »[1].
D'aprÚs la professeure à l'Université du Québec Denise Medico, psychologue spécialisée en psychothérapie et sexologie et membre du conseil scientifique de l'Association mondiale pour la santé sexuelle (en)[1], une majorité des personnes transgenres qui détransitionnent ne retournent pas à leur identité cisgenre d'origine, mais s'affirment dans une identité non binaire[2].
En 2023, la détransition reste un phénomÚne « relativement récent », tant pour la recherche académique que dans les médias grand public[3].
Typologie
En 2021, Pablo ExpĂłsito-Campos dresse une typologie de la dĂ©transition et identifie deux emplois distincts du mot «âŻdĂ©transitionâŻÂ»[4]. Le premier rĂ©fĂšre Ă une situation dans laquelle une personne ne sâidentifie plus comme une personne transgenre aprĂšs avoir socialement, lĂ©galement ou mĂ©dicalement transitionnĂ©[4]. Cette prise de conscience implique un arrĂȘt et une inversion de la transition, par exemple par lâarrĂȘt de lâhormonosubstitution ou le retour aux prĂ©nom et pronoms prĂ©-transition[4]. Le second emploi rĂ©fĂšre Ă une situation oĂč la personne sâidentifie toujours comme transgenre, mais interrompt la transition pour des causes externes (problĂšmes de santĂ©, manque de soutien des proches) ou une insatisfaction des rĂ©sultats de la transition[4]. La diffĂ©rence fondamentale rĂ©side dans le fait que la personne se considĂšre toujours comme transgenre, ou non[4]. Ainsi ExpĂłsito-Campos dĂ©finit deux types de dĂ©transition : les core gender detransitions (ou primary detransitions) et les non-core gender detransitions (ou secondary detransitions)[4]. Selon cette typologie, les deux types ne sont pas strictement sĂ©parĂ©s : une dĂ©transition secondaire pouvant conduire Ă une dĂ©transition primaire, lâinverse nâĂ©tant pas vrai[4]
Pour ExpĂłsito-Campos, la dĂ©sistance de genre (disparition de la dysphorie de genre sans transition) nâest pas une dĂ©transition[4].
Causes et fréquence
Plusieurs études concluent que la détransition est rare[5] - [6] - [7] - [8].
Selon une étude publiée en 2019 et menée sur les rapports d'évaluation de 3 398 personnes ayant accédé à des soins d'affirmation de genre en Angleterre, 16 personnes (soit 0,47 %) y ont exprimé qu'elles regrettaient leur transition ou ont détransitionné, dont dix qui ont détransitionné temporairement[6]. Ces personnes évoquent diverses raisons : difficultés sociales (le plus souvent), complications physiques, changements d'avis concernant leur identité de genre[6]. Dans l'introduction de cette étude, Skye Davies et al. précisent que « La plupart des études précédentes indiquent de trÚs faibles taux de détransition »[6].
L'étude de Mario Pazos Guerra et ses collÚgues, menée en Espagne et publiée en 2021, identifie huit cas connus de détransitions parmi 796 personnes reçues pour des soins relatifs à une incongruence de genre. Les auteurs estiment que la détransition reste un phénomÚne minoritaire, mais en augmentation, qui doit conduire à la prudence devant les parcours atypiques d'identité[8]. Parmi les causes de détransition, cette étude relÚve : changement d'identité (identity desistance), genres non binaires, troubles psychologiques, confusion entre identité de genre et orientation sexuelle[8].
Selon une étude parue dans The Lancet Child & Adolescent Health en 2022, parmi 720 ados trans ayant commencé un traitement hormonal aux Pays-Bas, 98 % continuaient ce traitement 4 ans plus tard. Les auteurs concluent que « La poursuite du traitement est rassurante si l'on considÚre les craintes que les personnes ayant commencé le traitement à l'adolescence puissent interrompre le traitement d'affirmation du genre. »[5].
L'étude de Bustos et ses collÚgues, une méta-analyse sur 7 928 patients s'exprimant en anglais et en espagnol et ayant accédé à des soins transaffirmatifs, conclut que le taux de « regrets » exprimés aprÚs la chirurgie de réattribution sexuelle est d'environ 1 % : 77 patients ont exprimé des regrets[7].
Une Ă©tude menĂ©e aux Ătats-Unis et parue dans la revue LGBT Health en 2021 suggĂšre que des facteurs externes Ă la personne sont les principales raisons de sa dĂ©cision de retransitionner[9].
Selon le National Center for Transgender Equality (Ătats-Unis), dans les rĂ©sultats de son compte rendu de 2015[10], 8 % des personnes trans interrogĂ©es avaient arrĂȘtĂ© leur transition Ă un moment donnĂ©. La majoritĂ© des rĂ©pondants ayant interrompu la transition ne l'ont fait que temporairement, et 62 % vivent, au moment de l'Ă©tude, dans un genre diffĂ©rent de leur genre de naissance. La dĂ©transition complĂšte concerne 5 % de l'Ă©chantillon, avec 11 % de femmes et 4 % d'hommes. Parmi les principales raisons mentionnĂ©es par les rĂ©pondants ayant interrompu, temporairement ou non, leur transition, sont citĂ©es (raisons cumulables) :
- 36 % : pression d'un parent ;
- 35 % : une raison non proposée par le sondage ;
- 33 % : transition trop difficile ;
- 31 % : harcĂšlement ou discrimination ;
- 29 % : difficultés à l'embauche.
- 26 % : pression d'autres membres de la famille ;
- 18 % : pression d'un partenaire, marié ou non.
En revanche, 5 % (soit 0,4 % de l'ensemble des personnes de l'échantillon) se sont rendu compte qu'une transition de genre n'était pas pour elles, et 4 % ont indiqué, au-delà des réponses proposées, que la transition suivie ne reflétait pas la complexité de leur identité de genre[10].
Importance de la recherche sur la détransition
Rowan Hildebrand-Chupp identifie deux champs dâinvestigation dans la recherche sur la dĂ©transition : dâune part, un champ concernant lâaide et le soutien aux personnes dĂ©transitionnant, et dâautre part, un champ qui concerne les raisons de la dĂ©transition et les moyens de la prĂ©venir[11].
Notes et références
- Catherine Cochard, « Parcours discontinus â L'opĂ©ration n'est plus le passage obligĂ© pour changer de genre » , sur 24 heures, (consultĂ© le ).
- « Au-delà des préjugés sur la détransition », sur La Presse, (consulté le ).
- (en) Tait Sanders, Carol du Plessis, Amy B. Mullens et Annette Brömdal, « Navigating Detransition Borders: An Exploration of Social Media Narratives », Archives of Sexual Behavior,â (ISSN 1573-2800, DOI 10.1007/s10508-023-02556-z, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Pablo ExpĂłsito-Campos, « A Typology of Gender Detransition and Its Implications for Healthcare Providers », Journal of Sex & Marital Therapy,â , p. 1â11 (ISSN 0092-623X et 1521-0715, DOI 10.1080/0092623X.2020.1869126, lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Maria Anna Theodora Catharina van der Loos, Sabine Elisabeth Hannema, Daniel Tatting Klink et Martin den Heijer, « Continuation of gender-affirming hormones in transgender people starting puberty suppression in adolescence: a cohort study in the Netherlands », The Lancet Child & Adolescent Health, vol. 0, no 0,â (ISSN 2352-4642 et 2352-4650, PMID 36273487, DOI 10.1016/S2352-4642(22)00254-1, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Skye Davies, Stephen McIntyre, Craig Rypma, « Detransition rates in a national UK Gender Identity Clinic », dans 3rd biennal EPATH Conference Inside Matters. On Law, Ethics and Religion, (lire en ligne), p. 118.
- (en) Valeria P. Bustos, Samyd S. Bustos, Andres Mascaro et Gabriel Del Corral, « Regret after Gender-affirmation Surgery: A Systematic Review and Meta-analysis of Prevalence », Plastic and Reconstructive Surgery - Global Open, vol. 9, no 3,â , e3477 (ISSN 2169-7574, PMID 33968550, PMCID PMC8099405, DOI 10.1097/GOX.0000000000003477, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Mario Pazos Guerra, Marcelino GĂłmez Balaguer, Mariana Gomes Porras et Felipe Hurtado Murillo, « Transsexuality: Transitions, detransitions, and regrets in Spain », Endocrinologia, Diabetes Y Nutricion, vol. 67, no 9,â , p. 562â567 (ISSN 2530-0180, PMID 32591293, DOI 10.1016/j.endinu.2020.03.008, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Jack L. Turban, Stephanie S. Loo, Anthony N. Almazan et Alex S. Keuroghlian, « Factors Leading to âDetransitionâ Among Transgender and Gender Diverse People in the United States: A Mixed-Methods Analysis », LGBT Health, vol. 8, no 4,â , p. 273â280 (ISSN 2325-8292, PMID 33794108, PMCID PMC8213007, DOI 10.1089/lgbt.2020.0437, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) National Center for Transgender Equality, « The Report of the 2015 U.S. Transgender Survey », sur transequality.org, (consulté le ).
- (en) Rowan Hildebrand-Chupp, « More than âcanaries in the gender coal mineâ: A transfeminist approach to research on detransition », The Sociological Review, vol. 68, no 4,â , p. 800â816 (ISSN 0038-0261 et 1467-954X, DOI 10.1177/0038026120934694, lire en ligne, consultĂ© le )