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Harcèlement scolaire

Le harcèlement scolaire, intimidation ou plus rarement « caïdage » (voir également brimade, bizutage) décrit des comportements de harcèlement en milieu scolaire. Il est caractérisé par l'usage répété de violences, dont des moqueries et autres humiliations.

Initiative contre le harcèlement scolaire. La lutte contre les harceleurs passe par des actions publiques comme cet affichage ou des patrouilles de surveillance anti-harcèlement organisées par les écoliers[1].

Les récents développements dans les technologies de la communication viennent compliquer le problème du harcèlement scolaire. Au moyen du « cyberharcèlement » (ou « cyberintimidation », « cyberbullying »), les enfants harceleurs peuvent poursuivre leurs méfaits hors des murs de l'école, anonymement ou pas.

DĂ©finition

Historique

Le concept du harcèlement scolaire a été forgé au début des années 1970 par le psychologue Dan Olweus à l'occasion d'études réalisées dans des établissements scolaires scandinaves, à l'issue desquelles il a établi trois caractères permettant de définir le harcèlement :

  1. Le ou les agresseurs agissent dans une volonté délibérée de nuire ;
  2. Les agressions sont répétées et s'inscrivent dans la durée ;
  3. La relation entre l'agresseur ou les agresseurs et la victime est asymétrique[2].

Le premier des trois critères a toutefois été contesté par la suite, les enfants n'ayant pas nécessairement la même perception de l'intentionnalité que les adultes[3].

Le dernier point exclut de facto les conflits tels que les bagarres ou les disputes entre élèves : pour qu'il y ait harcèlement, il faut que la victime ne soit pas, ou ne se considère pas en situation de se défendre. La pratique du harcèlement scolaire va de pair avec une situation de domination.

La violence physique est la forme de harcèlement la plus manifeste mais n'est pas la seule.

Si la violence physique constitue bien l'une des formes prises par le harcèlement scolaire, celui-ci ne saurait se restreindre à ce type de passage à l'acte. Dans la définition qu'il en donne, Dan Olweus indique que doivent être considérées comme des formes de harcèlement scolaire, au même titre que les menaces physiques : les moqueries, l'ostracisme, ou encore la propagation de fausses rumeurs à l'encontre de la victime, si tant est que celles-ci visent à la faire rejeter par les autres[3].

Les formes traditionnelles de harcèlement comme les insultes, le racket, les jeux dangereux (le jeu du taureau, la gard'av, le jeu de la couleur, jeu du foulard) tendent à céder la place à des pratiques comme le happy slapping ou le « cyberbullying ».

Contemporaine (depuis les années 1990)

En France, la circulaire no 2013-100 du Prévention et lutte contre le harcèlement à l'École donne une définition du harcèlement scolaire par référence à celle établie par Dan Olweus en 1993 : « Un élève est victime de harcèlement lorsqu'il est soumis de façon répétée et à long terme à des comportements agressifs visant à lui porter préjudice, le blesser ou le mettre en difficulté de la part d'un ou plusieurs élèves ».

Elle ajoute : « Cette violence est susceptible d'être exercée sous diverses formes, verbales, physiques, morales, voire sexuelles. L'usage des nouvelles technologies peut parfois, par des utilisations détournées, favoriser, accroître ou induire des situations de harcèlement. On parle alors de cyberharcèlement ».

Cyberharcèlement

Le « cyberharcèlement » ou, au Canada, « cyberintimidation » ou « cyberbullying », est une nouvelle forme de harcèlement dont la particularité est qu'elle se fait par Internet ou en utilisant les nouvelles technologies de l'information et de la communication notamment par courrier électronique, sur des forums, par messagerie instantanée (tchats), ou sur les réseaux sociaux en ligne et blogs, mais également par téléphone mobile via des appels ou des textos[4].

Il se distingue du harcèlement scolaire par les critères suivants :

  1. Il n’est pas cantonné à la cour de recréation ou aux moments où l’enfant est à l’école.
  2. Il fait appel à des connaissances techniques des technologies en ligne, dans ce sens c'est une arme utilisable par ceux qui ne peuvent physiquement ou socialement pratiquer le harcèlement scolaire.
  3. Il peut être anonyme : la victime ignore l’auteur des méfaits.
  4. La fréquence et l'intensité des insultes et de la violence psychique sont renforcés par les moyens technologiques (diffusion d'informations, harcèlement on line collectif)

Sur les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, TikTok ou Snapchat, il consiste en la publication de messages humiliants, diffamatoires ou encore dégradants ainsi que la publication de photos embarrassantes.

Profils d'agresseurs, d'agressés et d'agressés-agresseurs ?

Les profils de harceleurs et de victimes seraient suffisamment différenciés pour ne pas être interchangeables : « les intimidateurs ne sont pas des victimes à d'autres moments, et […] les victimes n'ont pas tendance à manifester de comportements d'intimidation envers les autres », notent les auteurs du rapport sur le harcèlement chez les écoliers canadiens[2]. D'autres études semblent pourtant indiquer qu'il existe un nombre important de victimes/agresseurs : entre 20 % et 46 % des victimes de harcèlement reproduiraient ces mêmes types d'agressions qu'ils ont (eu) à subir[5].

Les analyses du phénomène en tant que phénomène de groupe, dans la ligne de la « méthode Pikas », établissent à l'inverse qu'il n’existe ni profil type d’élève harceleur ni profil type d’élève harcelé, chacun pouvant d’ailleurs être amené à jouer l’un ou l’autre rôle selon les contextes.

Profil du harceleur

L'agresseur éprouve un fort besoin de domination et cherche à apparaître comme un « dur » aux yeux des autres enfants/adolescents/adulescents. Il est en général impulsif, voire hyperactif. Il est souvent plus fort et plus grand que la moyenne, ou dans certains cas petit et complexé ce qui peut le rendre agressif. Ses résultats scolaires peuvent varier (l'élève peut être bon, mais également médiocre). Sans avoir de problème d'estime de soi, il présente des troubles d'anxiété marqués[6]. On peut également signaler une tendance à se sentir « provoqué », une faible culpabilisation et peu d'empathie.

Selon Dan Olweus, il n'est pas possible « d'expliquer le statut d'agresseur ou de victime d'un élève comme étant la conséquence des mauvaises conditions socio-économiques de sa famille ». Le pourcentage d'élèves agressifs est le même à tous les niveaux de la société. Le manque d'affection et un modèle parental valorisant l'agressivité constituent selon cet auteur des facteurs favorisants.

Selon Marie-France Hirigoyen, toute personne c’est-à-dire tout sujet qui est en crise peut utiliser des mécanismes de violence pour se défendre. Ces harceleurs dits aussi agresseurs présentent des traits de « personnalité narcissiques ». Ce sont pour la plupart de l’égocentrisme ou du besoin d’admiration mais ils ne sont pas forcément pathologiques. On utilise la notion de perversité chez l’agresseur lorsque celui-ci applique une stratégie d’utilisation et ensuite de destruction, sans aucun remords, sans aucune culpabilité envers la personne agressée. Les harceleurs donnent des leçons de probité aux autres, ils sont en cela donc proches des personnalités paranoïaques. La personnalité paranoïaque se caractérise par l’hypertrophie du moi. C’est un sentiment de supériorité, d’orgueil, de psychorigidité ; c’est l’incapacité à montrer des émotions, des sentiments positifs. C'est une obstination, un mépris d’autrui, de la méfiance, c’est le sentiment d’être victime de la malveillance de l’autre[7].

Le harcèlement scolaire est parfois le fait d'un groupe d'élèves. Ce groupe, outre un ou des meneurs dont le profil vient d'être décrit, comporte des « agresseurs passifs »[8] qui sont avant tout entraînés par l'effet de groupe et peuvent présenter un profil de personnalité dépendante et manquer d'assurance.

Le harceleur est le plus souvent un garçon, notamment pour les violences physiques et le racket. Les filles ont plus souvent une participation indirecte (agresseur passif décrit ci-avant) et qui repose sur la propagation de rumeurs, les insultes ou l'ostracisme.

La très grande variété de ces paramètres montre que l'on est face à un mécanisme complexe, qui entre en écho avec la période spécifique de l'adolescence. La personnalité est soumise à toute une série de remises en question (notamment oppression viriliste, identités alternatives, quête d'autonomie) créant une insécurité dans laquelle le groupe, et notamment le groupe malveillant, peut offrir une réponse aux individus en quête d'affirmation[9].

Profil du harcelé

La victime est souvent choisie en fonction d'un handicap, d'une différence physique (origine, couleur de peau ou des cheveux, surpoids, taille, âge) ou autre (fragilité ou isolé socialement), tout critère de différence sociale (plus riche, plus pauvre, profession des parents). Les harcelés peuvent également cumuler ces caractéristiques. Isolés socialement, ayant moins d'amis pour les défendre ces enfants sont des victimes plus faciles.

Le harcelé est une victime parce qu’elle a été désignée par l’agresseur. Cette victime devient responsable de tout le mal, elle devient entre autres le bouc émissaire. Elle sera désormais la cible de la violence, évitant à son agresseur la dépression ou la remise en cause. La victime est innocente du crime pour lequel elle va payer. Les victimes sont habituellement choisies pour ce qu’elles ont en plus et que l’agresseur cherche à s’approprier. Cette victime est choisie parce qu’elle était là et d’une façon ou d’une autre elle est devenue gênante. C’est une personne interchangeable au mauvais/bon moment et qui a eu le tort de se laisser faire, de se laisser séduire. C’est un objet de haine. Le propre d’une attaque du harceleur, c’est de viser les parties vulnérables de l’autre, là où il existe une faiblesse ou une pathologie. Chaque personne présente un point faible qui deviendra pour les agresseurs un point d’accrochage, d’attaque. Il y a une domination de l’une sur l’autre et impossibilité, pour la personne soumise, de réagir et d’arrêter le combat. C’est cela qui montre que c’est réellement une agression. Il n’y a pas de négociation possible, tout est imposé[7].

Une étude menée au Royaume-Uni a montré que 25 % des adolescents issus de minorités ethniques étaient victimes de harcèlement scolaires, contre 12 à 13 % pour la moyenne de l'échantillon[10]. Dans les établissements scolaires difficiles, les bons élèves peuvent aussi être harcelés pour cette raison. Le profil-type par ailleurs est caractérisé par la timidité, l'anxiété ou la soumission[8].

Alors qu'entre 10 et 15 % des personnes ont été, une fois dans leur vie, victimes de harcèlement, chez les personnes autistes, ce chiffre monterait à 44 % . Ceci est dû à plusieurs facteurs dont une, le fait d'être autiste car la différence dérange les gens. D'ailleurs, ils sont même socialement exclus car les gens les considèrent trop psychorigides à leur goût. Un autre facteur serait que, contrairement à la plupart des gens, les autistes ne se rendent pas compte du harcèlement qu'ils subissent, un peu comme n'importe qui se faisant manipuler, ce qui des fois, les empêchent d y faire face et leur donne une impression de souffrance psychologique, sans qu'ils sachent pourquoi. Ils ont souvent l'impression de subir quelque chose de tout à fait normal et qu'il faut laisser aller, sans se douter de subir quelque chose de grave. Cela est dû en réalité à des difficultés dans les habiletés sociales qui les empêchent où rendent difficile la compréhension des codes sociaux.

Conséquences

La liste des conséquences est la suivante :

  • dĂ©crochage scolaire, voire dĂ©scolarisation (des Ă©tudes montrent que la peur des agressions expliquerait 25 % de l'absentĂ©isme des collĂ©giens et lycĂ©ens[6]) ;
  • dĂ©socialisation, anxiĂ©tĂ©, dĂ©pression ;
  • auto-mutilation ;
  • mauvaise estime de soi ;
  • solitude, isolement, replis sur soi et mĂ©fiance vis-Ă -vis des autres ;
  • agressivitĂ© impulsive : tendances Ă  ĂŞtre sur la dĂ©fensive Ă  n'importe quelles remarques ou moqueries jugĂ©es « insultante » ou « offensive » (mĂŞme celles qui n'ont pas pour but d'humilier) ;
  • troubles d'alimentation ;
  • addiction (drogue, alcool) ;
  • personnalitĂ© plus froide et radicale ;
  • somatisation (maux de tĂŞte, de ventre, maladies) ;
  • sentiment de haine, de rancĹ“ur et de vengeance envers les harceleurs ;
  • suicide (dans les cas extrĂŞmes). Selon une enquĂŞte de l'association britannique Young Voice rĂ©alisĂ©e auprès de 2 772 Ă©lèves en 2000, 61 % des victimes de harcèlement auraient des idĂ©es suicidaires[6] - [11].

Outre les effets à court terme, le harcèlement scolaire peut avoir des conséquences importantes sur le développement psychologique et social de l'enfant et de l'adolescent à plus long terme : sentiment de honte, perte d'estime de soi, difficultés à aller vers les autres avec le développement de conduites d'évitement. Ces conséquences peuvent parfois se faire ressentir durant toute la vie des personnes autrefois victimes de harcèlement.

Étendue du phénomène

Le phénomène du harcèlement scolaire concerne la plupart des pays. Le rapport sur la situation de la violence et du harcèlement à l'école dans le monde, publié par l'UNESCO en 2017, évaluait à 246 millions le nombre d'enfants touchés, ce qui a conduit les ministres du G7 éducation réunis à Sèvres le 4 juillet 2019, à « faire de la lutte contre le harcèlement sous toutes ses formes une cause commune »[12].

Ă€ l'issue des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es en Scandinavie sur un panel de 150 000 Ă©lèves, Dan Olweus est parvenu aux rĂ©sultats suivants[13] :

« Environ 15 % des élèves des écoles primaires et secondaires de premier cycle de Scandinavie (âgés à peu près de 7 à 16 ans) sont impliqués assez régulièrement dans des problèmes de brimades, soit comme tyrans, soit comme victimes, ou les deux. Environ 9 % sont des victimes et 7 % persécutent d’autres élèves de façon périodique. Une proportion relativement faible de victimes (15 à 20 %) brutalisent elles-mêmes d’autres enfants. »

Ces chiffres sont sans doute en dessous de la réalité, beaucoup d'enfants n'osant pas avouer qu'ils sont victimes de brimades et de harcèlements de la part de leurs camarades : une étude réalisée en Irlande en 1997 a ainsi établi que « 65 % des victimes dans les écoles primaires et 84 % des victimes dans les écoles secondaires n'avaient pas avoué à leurs professeurs qu'ils étaient persécutés »[14].

Les problèmes de harcèlement scolaire ont été étudiés dans la plupart des pays industrialisés, depuis l'Angleterre jusqu'au Japon, en passant par l'Australie ou le Canada[2] - [15].

Une enquĂŞte rĂ©alisĂ©e en France en 2009 auprès de 3 000 collĂ©giens montre qu’environ 10 % des Ă©lèves reconnaissent avoir Ă©tĂ© rĂ©gulièrement harcelĂ©s tandis que 5 % se reconnaissant comme rĂ©gulièrement harceleurs[16]. Les enquĂŞtes d'Eric Debarbieux viennent confirmer ces chiffres[17]. Le sociologue souligne aussi que parmi les premières victimes se trouvent bien souvent les filles et les minoritĂ©s de genre, ce que les enquĂŞtes de Johanna Dagorn ou d'Arnaud Alessandrin confirment Ă©galement[18].

En France, comme l'indique le dernier rapport Pisa publié en 2019, « Environ 20 % des élèves ont déclaré être victimes d’actes de harcèlement au moins quelques fois par mois. Ce niveau est supérieur de 2 points de pourcentage au niveau observé en 2015 »[19].

Lutte contre le harcèlement scolaire

Un problème vient de la difficulté des victimes à extérioriser leur souffrance (honte, culpabilité, peur de représailles). Dans une étude de 2004, une victime sur quatre déclare n'avoir parlé à personne de sa situation, 40 % à aucun adulte[20]. Toutefois, trois enfants sur quatre parviennent à se confier mais ne trouvent pas toujours le soutien dont ils ont besoin. Il peut aussi avoir du déni chez certains adultes encadrants qui sous-estiment la cruauté dont peuvent être capables les enfants entre eux.

Lutter contre le harcèlement scolaire demande avant tout de sensibiliser les élèves mais surtout le personnel scolaire afin de permettre de parler publiquement du phénomène. Aussi ce phénomène ne peut souvent exister que parce que les autres élèves et les enseignants assistent au harcèlement sans réagir ou en le minimisant.

Une étude sur de futurs enseignants a montré que le type d'agression, le fait d'être témoin direct de l'agression, les capacités d'empathie et la perception de son rôle sexuel (masculinité, féminité) étaient autant de facteurs conditionnant la reconnaissance chez l'enseignant d'un problème de harcèlement scolaire[21].

Par ailleurs, au niveau des établissements scolaires, il est nécessaire que l'établissement se positionne sur le problème en mettant en place une politique claire de prévention et de traitement de telles situations. En effet, les études mettent fréquemment en évidence une tendance des adultes de référence de l'enfant (enseignants, personnels de direction, parents) à « fermer les yeux » sur le problème, et même à sanctionner l'enfant harcelé qui se plaint trop fort ou qui se plaint de la passivité d'un adulte.

Prévention

Les programmes de prévention doivent avant tout inciter l'entourage à se confronter au problème au lieu de l'ignorer. Par exemple, un jeu 3D mis au point par des chercheurs et intitulé « N'aie pas peur » met les enfants en situation de protecteurs d'une victime de harcèlement et permet d'apprendre la conduite à tenir, notamment à faire la différence entre délation et non-assistance à personne en danger[6]. Le chercheur Eric Debarbieux a cherché à porter la question de la prévention du harcèlement scolaire au premier plan tandis que le praticien Jean-Pierre Bellon a permis de faire connaître en France la « méthode Pikas » (qu'il a adaptée sous le nom de « méthode de la préoccupation partagée » – abrégée en MPPFR) comme moyen de remédiation possible[22] - [23]. Ce moyen reste cependant inopérant en cas de cyberharcèlement, lorsque le harceleur demeure anonyme.

MĂ©diation et sanctions

Face à une situation existante de harcèlement scolaire, différents moyens sont susceptibles d'être mis en œuvre dans les établissements scolaires avec des effets variables : les sanctions directes, les pratiques réparatrices, le renforcement de l’élève victime, la médiation, la méthode du groupe de soutien, la méthode de la préoccupation partagée et ses variantes.

Une publication de 2019 encadrée par le professeur Benoît Galand de l'UCLouvain et publiée dans la revue Psychologie française met en avant « l'importance de considérer la victime comme un des partenaires de la solution. Il y a encore trop de situations où on laisse l’enfant ou le jeune harcelé passif, venant renforcer son sentiment de victime »[24].

RĂ´le du personnel Ă©ducatif

Dans le cadre de ses formations, Jean-Pierre Bellon rappelle que certains comportements stigmatisants peuvent préparer le terrain au harcèlement scolaire[25] : « Lorsqu'on laisse un élève sécher lamentablement au tableau (…) sous des commentaires blessants, lorsqu'on rend un paquet de copies en les classant dans un ordre bien précis et en lançant une série de remarques assassines à chaque fois qu'il y a une mauvaise note, lorsqu'on se moque d'un élève en plein cours, lorsqu'on reprend parfois son surnom, eh bien il faut savoir qu'on fabrique du harcèlement. » Ce point est également signalé dans le rapport de mission gouvernementale français « Comprendre et combattre le harcèlement scolaire, 120 propositions » remis le 13 octobre 2020 par le député Erwan Balanant au gouvernement devant la commission des affaires culturelles : « le harcèlement n’est pas exclusivement perpétré par des élèves, mais peut, parfois, être initié ou alimenté par du personnel scolaire. » Une tribune publiée le 29 novembre 2021 contre la proposition de loi instituant un délit de harcèlement scolaire, à laquelle est associée Jean-Pierre Bellon parmi sept signataires, évoque, parmi d'autres choses, le « cas des professeurs qui participent à l’intimidation de certains élèves, les livrant, fragilisés et isolés, au groupe que constitue la classe »[26]. Jean-Pierre Bellon donne comme exemple littéraire de harcèlement scolaire déclenché par un personnel éducatif les premières pages du roman Madame Bovary, qui décrivent l'accueil réservé par le professeur à l'élève Charles Bovary nouvellement arrivé au sein d'une classe préconstituée.

Selon Marie Quartier, psychologue et cofondatrice du Centre ReSIS, qui promeut la « méthode de la préoccupation partagée » comme outil de remédiation des situations de harcèlement scolaire : « La médiation est l’une des erreurs à ne pas commettre. Dans les conflits qui impliquent de la maltraitance, il ne peut pas y avoir de médiation puisque le médiateur est par définition neutre. Or comment pourrait-il l’être quand l’une des deux parties est en souffrance ? La médiation n’a de sens que dans un conflit symétrique, entre des individus qui ont un égal sentiment de légitimité. L’intimidation est par définition asymétrique : on trouve d’un des deux côtés un individu très fragilisé qui a perdu toute capacité à revendiquer ses droits. […] Il ne faut pas non plus organiser une heure de vie de classe sur le harcèlement quand un élève est concerné. Il ne faut rien faire de collectif. »[27]

Moyens de lutte dans différents pays

En 2007, la déclaration de Kandersteg[28], une déclaration faite à l’échelle internationale par des chercheurs issus de 15 pays contre le harcèlement des enfants et de la jeunesse, marque une étape importante dans la prévention de la violence et du harcèlement des enfants et de la jeunesse.

En France : prévention et numéro vert mis en avant, remédiation à la traîne

Le harcèlement à l'école est, en France, un phénomène reconnu et pris en compte depuis 2011, sous l’impulsion de Laurent Bayon, conseiller au cabinet du ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative, Luc Chatel, entre le et le [29]. Avec d'abord l'organisation d'Assises nationales sur le harcèlement à l'école[30] (2 et à Paris), « dans la continuité des États généraux de la sécurité à l'École d'avril 2010 », puis la publication de deux guides à l’attention des équipes éducatives, l'un sur le harcèlement entre élèves et l'autre sur le cyber-harcèlement[31], avant une grande campagne de sensibilisation contre le harcèlement à l'école diffusée au début 2012 (« Agir contre le harcèlement à l'École »)[32].

À l'issue de ces Assises, la Fédération des conseils de parents d'élèves a salué la prise en compte « enfin » de ce phénomène par l’institution scolaire tout en regrettant toutefois que des mesures plus significatives ne soient prises pour atteindre les objectifs tracés, savoir : la reconnaissance fondamentale du statut de victime de l’élève harcelé, la nécessité de mettre des mots sur les mobiles de l’élève harceleur, la sensibilisation des témoins, la formation et la cohésion de tous les adultes de la communauté éducative pour déceler, comprendre, et soutenir les élèves et leur famille[33].

C'est en 2012 sous la présidence de François Hollande qu'un cap est franchi, le harcèlement scolaire est reconnu officiellement dans la loi dans la réforme « refonder l'école »[34] - [35], ce qui offrira de nouveaux recours judiciaires en termes de qualification si des victimes désirent déposer une plainte. L'année suivante, l'affaire Marion Fraisse, qui a pour origine le suicide d'une enfant de 13 ans harcelée au collège éveillera les consciences. Nora Fraisse, mère d'une enfant victime de harcèlement scolaire, a créé l'association « Marion la main tendue » en pour venir en aide aux enfants subissant un harcèlement sur leur lieu d'apprentissage. Cette association intervient en milieu scolaire[36]. Une campagne nationale « Non au harcèlement » est lancée par le gouvernement début 2014 à la suite de cela pour sensibiliser les jeunes partout en France à cette cause[37]. Deux numéros verts seront également mis à disposition des victimes. Des prix annuels « Non au Harcèlement » seront remis chaque année au meilleur projet s'étant emparé de la cause[38].

À la suite de nombreux suicides d'enfants en France, plusieurs affaires judiciaires ont vu le jour, à la suite de harcèlement scolaire et ou de cyberharcèlement. Parmi elles, on peut citer l'affaire Thybault Duchemin (), l'affaire Christopher Fallais (), l'affaire Matteo Bruno (). Beaucoup ont été classées sans suite à quelques exceptions près : l'affaire Marion Fraisse, qui a donné lieu à la reconnaissance de la responsabilité de l'État dans la mort de Marion Fraisse à la suite du long combat de sa mère, et l'affaire Evaëlle qui a elle donné lieu pour une première à une mise en examen d'une professeure de français avec interdiction d'exercer son métier[39].

En , le ministre de l'Éducation nationale Vincent Peillon annonce huit mesures pour agir contre le Harcèlement à l’école[40].

En , la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Najat Vallaud-Belkacem, présente un plan de lutte contre le harcèlement scolaire suivant quatre axes : sensibiliser, prévenir, former les personnels et également prendre en charge les situations de harcèlement existantes[41]. Il existe depuis 2015 une journée contre le harcèlement scolaire.

Des initiatives locales ou individuelles de formation permettent de doter certains personnels d'outils de remédiation des situations de harcèlement (comme la « méthode de la préoccupation partagée ») en l'absence d'un plan national de formation. Ainsi, en mars 2017, d'anciens membres de la police, de la gendarmerie et des douanes créent à Paris le Lag Spirit, un club de motards qui a pour vocation principale de lutter contre le harcèlement scolaire en montrant aux enfants victimes qu'ils ne sont pas seuls, et, au besoin, en l'accompagnant sur ses trajets. Ce club essaime ensuite dans d'autres régions françaises[42].

En , le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer, annonce un plan d'action en dix mesures[43].

Le 18 novembre 2021, Emmanuel Macron annonce le lancement d'une application qui permettra de signaler les faits de harcèlement scolaire en transmettant des captures d'écran[44]. D'autres mesures, telles que le renforcement des lieux d'accueil des jeunes harcelés et une sensibilisation au numérique pour les élèves de sixième, ont été annoncées[44].

Le 24 février 2022, un délit de harcèlement scolaire est instauré[45]. À noter que depuis le 30 septembre 2021, « les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés être capables de discernement ». À ce titre, ils « sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables »[46].

En Suède, puis dans d'autres pays : casser la dynamique de groupe

Dès les années 1970 en Suède, Anatol Pikas, professeur en psychologie de l'éducation, analyse le harcèlement comme un phénomène de groupe et propose donc d'y remédier en ré-individualisant les membres du groupe d'intimidateurs qui seraient en quelque sorte eux-mêmes pris dans ce phénomène et, pour une bonne partie, même inconsciemment, désireux d'en sortir. La technique qu'il développe, dite Shared Concern Method, connue au Québec sous l’appellation de « méthode des intérêts communs » et en France sous l’appellation (proposée par Jean-Pierre Bellon) de « méthode de la préoccupation partagée », prône une série d'entretiens courts entre des adultes de l'établissement et chaque élève du groupe d'intimidateurs visant à développer chez ceux-ci une préoccupation pour la victime les conduisant à entamer eux-mêmes des démarches pour remédier à la situation.

Plus de 70 % des cas de harcèlement sont résolus grâce à cette technique dans le pays[47] selon ses promoteurs.

En Espagne : s'affirmer et développer les rapports entre élèves

En ce qui concerne l’Espagne, la lutte contre le harcèlement scolaire est importante. La méthode des intérêts communs est couplée avec d'autres, dont la plus connue vise à apprendre aux élèves à défendre leurs droits et à se mettre à la place d'autrui. Cette méthode, efficace selon Jean-Pierre Bellon, nécessite un encadrement par des psychologues scolaires[47].

En Finlande : sensibilisation des témoins

Ce pays prend le sujet du harcèlement scolaire très au sérieux depuis des fusillades qui ont eu lieu en 2007-2008, causées par de jeunes victimes de harcèlement. En 2009, le programme Kiva est donc lancé par le gouvernement. Il s'adresse plus particulièrement aux témoins d'actes de harcèlement : il faut leur faire comprendre que, s'ils gardent leur silence, ils ont une part de responsabilité. Les situations de harcèlement scolaire sont triangulaires, il y a le ou les harceleurs, la victime et les camarades qui sont témoins de ces actes. En Finlande, en moyenne, tous les deux ans, vingt heures de cours sont consacrées à la sensibilisation des élèves. Ce sont des formations qui ont lieu auprès d’élèves jeunes (environ 8 ans) et qui donnent des résultats remarquables. Le taux de résolution était de 85 % en 2012[47].

Au Royaume-Uni et au Canada : prévention et répression

Depuis 1998, une loi britannique oblige les établissements scolaires à mettre en place un dispositif de prévention et de répression du harcèlement. Un professeur est souvent chargé spécifiquement du suivi de ce dispositif, couplé avec l'organisation d'une « semaine annuelle contre le harcèlement ». Au Royaume-Uni comme au Canada, les sanctions contre le harcèlement scolaire peuvent aboutir à l’exclusion. Toutefois, tous les établissements n'appliquent pas la même définition du harcèlement, ce qui n'empêche pas d'intervenir très rapidement pour éviter que la situation n'aboutisse à un véritable harcèlement[47].

Une étude de littérature menée à L'université de Louvain[48] décrit six approches utilisées pour lutter contre le harcèlement (les sanctions directes, les pratiques réparatrices, le renforcement de l'élève victime de harcèlement, la médiation, la méthode du groupe de soutien et la méthode des préoccupations partagées). Il en ressort qu'aucune approche n'apparait comme étant particulièrement efficace dans tous les cas et qu'il est donc nécessaire que les professionnels soient formés pour pouvoir choisir l'approche adaptée en fonction de la situation.

Aux États-Unis

En 2015, les cinquante États ont depuis une loi qui puni le harcèlement scolaire avec le Montana qui est le dernier État américain à voter cette loi, de plus, ces lois ne vont pas abolir le harcèlement scolaire, mais cela attire l'attention sur le comportement et fait savoir aux agresseurs que leur comportement envers les victimes ne sera pas toléré[49].

Les peines peuvent aller jusqu'à dix ans de prison avec une interdiction permanente d'approcher de la victime, et en fonction de l'état de la victime[50]. Dans de très rares cas, si la victime décédée appartient à la famille du juge, certains juges condamneront les auteurs à de lourdes peines d'emprisonnement, à la perpétuité ou à la peine de mort.

Les parents des agresseurs, les enseignants des Ă©tablissements scolaires ou mĂŞme l'Ă©tablissement scolaire peuvent ĂŞtre poursuivis devant un tribunal.

Les victimes de harcèlement peuvent demander de l'aide au 911, dénoncer leur agresseurs au proviseur de l'établissement scolaire voire dans un commissariat de police. En revanche, les victimes ont l'interdiction d'éliminer leur prédateurs, sinon, les victimes encourent à de la prison.

Autres systèmes remarquables

En Asie, dans de rares cas, les agresseurs qui ont provoqué le suicide de leur proie et en fonction de leur âge peuvent être condamnés à la peine capitale.

En Iran, les agresseurs qui provoqué le suicide de leur victime peuvent encourir la peine de mort et cette sentence doit être exécutée si la famille du défunt n'en a pas décidé autrement.

Notes et références

  1. Gabrielle Duchaine, Un écolier se tient debout face à l’intimidation, ruefrontenac.com, .
  2. [PDF] Wendy M. Craig, Ray DeV. Peters et Roman Konarski, L'intimidation et la victimisation chez les enfants d'âge scolaire au Canada, 1998 (Introduction).
  3. « Defining Violence: Towards A Pupil Based Definition », sur le site N.O.V.A.S. R.E.S.
  4. Cyberintimidation, sur le site webAverti.
  5. Catherine Blaya, art. cit. « Il n'est cependant pas précisé si la victimisation est simultanée à l'agression ou si elle concerne des moments distincts de la vie des jeunes concernés. » (ibid.)
  6. Florence Motto, Les brimades entre élèves, Sciences Humaines, no 190, février 2008, p. 23-25.
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Annexes

Articles connexes

Sources et bibliographie

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