Molnupiravir
Le molnupiravir, aussi appelĂ© MK-4482 ou Lagevrio, est un antiviral expĂ©rimental Ă large spectre, initialement destinĂ© Ă soigner la grippe et l'hĂ©patite C. Il a montrĂ© in vitro et chez l'animal une certaine efficacitĂ© contre divers coronavirus dont le virus SARS-CoV-2 responsable de la pandĂ©mie de Covid-19. Avant mĂȘme que les rĂ©sultats des essais cliniques soient publiĂ©s, il est autorisĂ© au Royaume-Uni en novembre 2021 pour les personnes Ă risque atteintes de Covid-19 dans des formes lĂ©gĂšres Ă modĂ©rĂ©es, au tout dĂ©but de la maladie.
Molnupiravir | |
Structure du Molnupiravir | |
Identification | |
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Nom UICPA | 2-méthylpropanoate de [(2R,3S,4R,5R)-3,4-dihydroxy-5-[4-(hydroxyamino)-2-oxopyrimidin-1-yl]oxolan-2-yl]méthyle |
Synonymes |
EIDD-2801, MK-4482 |
No CAS | |
DrugBank | DB15661 |
PubChem | 145996610 |
ChEBI | 180653 |
SMILES | |
InChI | |
Apparence | solide blanc Ă jaune[1] |
Propriétés chimiques | |
Formule | C13H19N3O7 |
Masse molaire[2] | 329,305 9 ± 0,014 4 g/mol C 47,41 %, H 5,82 %, N 12,76 %, O 34,01 %, |
Précautions | |
SGH[1] | |
Attention |
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Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
Le , l'Agence europĂ©enne des mĂ©dicaments autorise son utilisation pour les mĂȘmes indications, en prĂ©vention des formes graves[3]. En France, la Haute AutoritĂ© de SantĂ© estime le que l'efficacitĂ© estimĂ©e de 30% contre les formes graves est insuffisante comparĂ©e Ă celle de 80% du Ronapreve et donne un avis dĂ©favorable au Lagevrio[4].
Histoire
La formule chimique de la molĂ©cule (qui a reçu plusieurs noms diffĂ©rents) a Ă©tĂ© dĂ©crite pour la premiĂšre fois dans les annĂ©es 1980, pour essayer dâempĂȘcher la rĂ©plication du virus de la variole.
Pharmasset (acquis par Gilead Sciences en 2012) abandonne en 2003 cette molécule, parce qu'elle est mutagÚne, et estime que les petites modifications chimiques faites pour augmenter sa biodisponibilité n'atténuent probablement pas sa mutagénicité[5].
Ă partir de 2013, lâĂ©quipe du Professeur George Painter de lâEmory Institute for Drug Development, aux Ătats-Unis, Ă©tudie Ă nouveau la molĂ©cule (sous le nom de EIDD-2801) pour essayer « de bloquer le virus de lâencĂ©phalite Ă©quine du Venezuela, soupçonnĂ© de pouvoir ĂȘtre utilisĂ© comme arme biologique ». L'Ă©quipe dĂ©couvre que cette molĂ©cule nâengendre pas de phĂ©nomĂšne de rĂ©sistance chez les virus, qui ne sont donc pas susceptibles de muter progressivement en rĂ©action au traitement. La EIDD-2801 est ensuite testĂ©e en laboratoire contre plusieurs virus, grippe, hĂ©patites et contre les coronavirus SRAS-CoV-1 et MERS-CoV. Un premier essai clinique contre la grippe devait dĂ©marrer quand la pandĂ©mie a commencĂ©[6]. George Painter crĂ©e une startup, DRIVE (Drug Innovation Ventures at Emory), et mĂšne des Ă©tudes de toxicitĂ© du molnupiravir sur des souris, rats, chiens et primates non humains[7], et prĂ©tend dĂ©sormais qu'il n'y a pas de mutagĂ©nicitĂ©[7].
Début 2020, la molécule est proposée par DRIVE comme médicament contre la Covid-19. DRIVE est ensuite acheté par le laboratoire Ridgeback Biotherapeutics (co-fondé en 2016 par Wayne Holman et Wendy Holman, à Miami, en Floride). Ridgeback s'associe à Merck & Co pour développer le médicament[8]. à la suite de conflits internes à l'administration américaine, Rick Arthur Bright est démis de ses fonctions de directeur de la BARDA parce qu'il avait refusé de subventionner les études sur le molnupiravir. Bright invite à la prudence[9], en raison des risques de mutagénicité et de cancérogénicité.
En octobre 2021, un communiqué de Merck et de son partenaire Ridgeback Biotherapeutics affirme que l'essai de phase II/III montre que les patients traités dans les cinq jours suivant les symptÎmes de Covid-19 risquaient moitié moins l'hospitalisation et le décÚs que ceux traités par placebo[10]. 7 % environ des malades traités au molnupiravir ont été hospitalisés ou sont décédés au bout de 30 jours, contre 14 % des patients traités par placebo ; cet essai a été conduit chez 775 adultes atteints de Covid-19 légÚre à modérée, présentant au moins un risque plus élevé de faire une forme grave de la maladie en raison d'obésité, de diabÚte ou de problÚmes cardiovasculaires[10].
Merck demande une autorisation d'utilisation d'urgence à la FDA pour un traitement précoce des sujets à risque[9].
S'il est approuvé, le molnupiravir serait le premier médicament oral contre le Covid-19, et donc plus facile à utiliser en médecine ambulatoire que les anticorps monoclonaux et le remdesivir (qui sont injectés par voie intraveineuse), ce qui est un « avantage considérable pour lutter contre la propagation du Covid-19 dans les communautés difficiles à atteindre dans le monde entier »[11] - [12]. En effet, le molnupiravir est rapidement assimilé et diffusé dans l'organisme[13].
En juin 2021, le gouvernement américain annonce passer une commande de 1,7 million de traitements de molnupiravir[14], à un prix de 700 $ pour un traitement de 5 jours[9]. Il achÚte 1,4 million de traitements supplémentaires en novembre 2021[15]. D'autres gouvernements (France, Australie, Grande-Bretagne, ...) commencent à acheter massivement des traitements à partir du 2e semestre 2021.
Caractéristiques et mécanisme d'action
Le promédicament, dont les noms de codes de tests et développement sont EIDD-2801 et MK-4482, produit de la N4-hydroxycytidine (ou NHC), un dérivé nucléosidique. Il fait partie du groupe des ribonucléosides mutagÚnes[16] - [17] qui agit contre les virus à ARN en introduisant des erreurs de réplication de l'ARN par l'ARN polymérase ARN-dépendante virale[12] - [18].
Il est dit à « large spectre » puisquâil est efficace contre plusieurs grandes familles de virus : Togaviridae, Flaviviridae, Coronaviridae (SARS-CoV, MERS-CoV et SARS-CoV-2), Pneumoviridae et Orthomyxoviridae[19] - [20] - [21] - [22] - [23] - [24] - [25].
C'est une petite molécule mutagÚne qui cible l'incorporation dans l'ARN viral[16], tout comme le favipiravir (FAV) qui est un analogue de bases[26], et la ribavirine (RBV) qui est un analogue de ribonucléoside[27].
Le molnupiravir est mĂ©tabolisĂ© en la forme active de ribonuclĂ©oside triphosphate qui se concentre trĂšs bien dans les gĂ©nomes des virus Ă ARN lors de la rĂ©plication virale[16]. LĂ , elle cause une « mutagenĂšse lĂ©tale » de l'ARN viral[11]. Cette mutagenĂšse anormale est induite par l'ARN polymĂ©rase ARN-dĂ©pendante (ou RdRp, une enzyme dĂ©pendante de l'ARN viral indispensable Ă la rĂ©plication des virus Ă ARN sans Ă©tape Ă ADN[28] - [29]). En effet, une substance active (ÎČ-D-N4-hydroxycytidine (NHC) triphosphate) se substitue Ă la cytidine triphosphate ou Ă l'uridine triphosphate comme support de l'enzyme ARN polymĂ©rase ARN-dĂ©pendante. Cette substitution engendre des erreurs de copie du brin d'ARN, suffisamment dĂ©lĂ©tĂšres pour bloquer la production de copies fonctionnelles du virus original[25] - [30]. Ainsi « la polymĂ©rase Ă©chappe Ă la relecture et synthĂ©tise l'ARN mutĂ©. Ce mĂ©canisme de mutagenĂšse en deux Ă©tapes s'applique probablement Ă diverses polymĂ©rases virales et peut expliquer l'activitĂ© antivirale Ă large spectre du molnupiravir »[25].
Les informations publiées en septembre 2021 sur le mécanisme d'action du molnupiravir montrent qu'il est entiÚrement distinct de celui du remdesivir (ou des analogues nucléosidiques à terminaison de chaßne, pas ou peu efficaces contre les virus à ARN)[25], par contre ce mécanisme est dans son principe proche de celui de la mutagenÚse induite par le favipiravir également récemment étudié (2020)[31] - [32].
« Médicament-candidat » contre la Covid-19
De maniÚre générale l'enzyme RdRp a été considérée comme une cible intéressante pour le développement de médicaments antiviraux contre les coronavirus[33] - [34] - [35] - [36].
Ătudes cliniques
En mars 2020 une activitĂ© du molnupiravir a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e contre le SARS-CoV-2. Un essai clinique de phase I a ensuite Ă©tĂ© lancĂ© sur des volontaires sains au Royaume-Uni et aux Ătats-Unis afin d'en Ă©valuer l'innocuitĂ©, la tolĂ©rance et la pharmacocinĂ©tique sur l'homme[37] - [38]. Merck a par la suite accĂ©lĂ©rĂ© le dĂ©veloppement de cette molĂ©cule, lançant en octobre 2020 un essai de phase II/III sur des patients hospitalisĂ©s[39] - [25].
Les essais de phase II ont prévu d'aboutir à la fin du 1er trimestre 2021 (NCT04405739[40], NCT04405570[41] et NCT04575597[42]), mais des informations ont été déjà divulguées le 6 mars 2021 aprÚs des tests sur 202 participants : aprÚs 5 jours de traitement au Molnupiravir, la charge virale serait de 0 % sur les patients traités contre 24 % sur les patients ayant reçu un placebo[43].
Par ailleurs, la revue scientifique Nature Microbiology publie en décembre 2020 des résultats indiquant que cette molécule bloque la transmission du virus SARS-CoV-2 chez le furet utilisé comme modÚle animal[44].
Le , Merck indique que le produit est efficace chez les patients atteints de formes lĂ©gĂšres Ă modĂ©rĂ©es[45] - [46]. Selon Merck, le comitĂ© consultatif indĂ©pendant surveillant l'essai clinique COVID-19 a recommandĂ© que le recrutement de patients dans l'Ă©tude soit arrĂȘtĂ© en raison de preuves convaincantes des avantages du mĂ©dicament[47], montrant lors de l'analyse intermĂ©diaire une rĂ©duction du risque d'hospitalisation ou dĂ©cĂšs de 48 %. ConcrĂštement, il y a eu 7,3 % d'hospitalisations dans le groupe traitĂ© et aucun dĂ©cĂšs, contre 14,3 % hospitalisations et huit dĂ©cĂšs (sur 377 patients) dans le groupe placebo[48].
Merck annonce son intention de demander une autorisation d'urgence à la FDA et de soumettre des demandes de commercialisation à d'autres régulateurs mondiaux de médicaments. La société souhaite licencier la fabrication des génériques en Inde[49] pour accélérer la disponibilité[50] - [51] - [52]. Deux fabricants indiens ont indiqué vouloir cesser leurs essais, n'ayant pas constaté d'efficacité significative, mais continuer leurs recherches sur les cas légers[46].
Une autre étude montre que le molnupiravir n'a que peu d'effet s'il n'est pas pris précocement, avant hospitalisation pour une Covid grave[9].
Autorisations d'utilisation
L'examen de la FDA pour une autorisation d'urgence au médicament est attendu pour le 30 novembre 2021[53].
Le 24 octobre 2021, l'agence européenne du médicament indique lancer une évaluation en continu du Lagevrio (nom commercial de la molécule) afin d'accélérer l'examen de l'autorisation de mise sur le marché une fois que le dossier de demande aura été déposé[54].
Le , l'Agence européenne des médicaments autorise son utilisation en procédure d'urgence contre les formes précoces du COVID-19 pour les patients à haut risque[3].
Le , le ministre de la santé Olivier Véran annonce qu'il sera délivré en France début décembre 2021, et ajoute : « Nous fondons beaucoup d'espoir dans ce médicament. La France sera le premier pays européen à en faire bénéficier ses citoyens »[55].
Toutefois la HAS dĂ©clare, le , ne pas autoriser « lâaccĂšs prĂ©coce de LagevrioÂź en traitement curatif des formes lĂ©gĂšres et modĂ©rĂ©es de la Covid-19, les rĂ©sultats dâefficacitĂ© avancĂ©s par le laboratoire Ă©tant moins bons que ceux des autres traitements disponibles »[56] - [4]. La HAS met en avant que si la premiĂšre partie de l'Ă©tude de Merck affichait une efficacitĂ© de 50 %, cette efficacitĂ© est nulle pour la seconde phase principalement effectuĂ©e sur le variant Delta, en comparaison avec le Placebo. Elle indique « quâil demeure des questions sur cet antiviral au mĂ©canisme dâaction de mutagĂ©nicitĂ© lĂ©tale sur le virus et sur la robustesse de lâĂ©tude MOVe-OUT pour lesquels le laboratoire doit apporter des donnĂ©es complĂ©mentaires »[57].
En novembre 2021, le Royaume-Uni autorise le molnupiravir pour les adultes à risque accru de faire une forme sévÚre, et souffrant d'une forme légÚre à modérée de Covid-19, le jugeant efficace et sûr[58].
Le Bangladesh autorise la commercialisation en novembre 2021. Les Philippines autorisent son utilisation dans 4 hĂŽpitaux en octobre 2021.
Achats publics
En juin 2021, le dĂ©partement amĂ©ricain de la SantĂ© s'engage Ă acheter pour 1,2 milliard de dollars amĂ©ricains de molnupiravir (environ 1,7 million de traitements de 10 doses) Ă Merck si le produit recevait une autorisation d'utilisation en urgence (EUA) ou une approbation de la FDA aux Ătats-Unis[59] - [60] - [61].
La France commande 50 000 doses de traitement au molnupiravir en octobre 2021[62], souvent désignées dans les médias comme « pilules anti-covid »[63].
L'Australie achĂšte 300 000 doses. La Nouvelle ZĂ©lande achĂšte 60 000 doses[64].
Composition des médicaments à base de molnupiravir
En Angleterre les caractéristiques du traitement, qui s'appelle Lagevrio avec 200mg de molnupiravir par gélule, sont publiées par le gouvernement le 4 novembre 2021[65].
Risques, dangers, effets secondaires
Dans son autorisation d'utilisation d'urgence contre les formes graves du , l'AEM prĂ©cise que les effets secondaires, lĂ©gers ou modĂ©rĂ©s, sont surtout des diarrhĂ©es (3%), nausĂ©es (2%), vertiges (1%) et maux de tĂȘte (1%).
Le mĂ©dicament est dĂ©conseillĂ© aux femmes enceintes et aux femmes susceptibles de l'ĂȘtre. Il est aussi conseillĂ© aux jeunes mamans d'arrĂȘter l'allaitement pendant le traitement[3].
Cytotoxicité
Selon le document approuvé officiellement en Grande-Bretagne, il y aurait une faible toxicité d'aprÚs des expériences réalisées sur des chiens, des rats et des souris avec de fortes doses du produit[66].
Le risque de cytotoxicité a fait l'objet d'une étude publiée en 2020 par dix chercheurs de l'EIDD (Emory Institute for Drug Development, de l'Emory University d'Atlanta), qui conclut que la N4-Hydroxycytidine (NHC) présente des niveaux de cytotoxicité mesurables, variables selon les lignées cellulaires testées (allant de 50 % de mortalité pour 7,5 M dans les cellules CEM et jusqu'à > 100 M dans d'autres lignées cellulaires). Selon les auteurs, « l'ARN polymérase dépendante de l'ADN mitochondrial (POLRMT) incorpore certains analogues nucléotidiques dans les ARN mitochondriaux, entraßnant une toxicité mitochondriale substantielle » mais « l'altération mitochondriale par NHC n'est pas le principal contributeur à la cytotoxicité observée du composé dans ces lignées cellulaires »[67].
Risques mutagĂšnes
Selon le document approuvé officiellement en Grande-Bretagne, le molnupiravir et le NHC ont été testés positifs positifs au test d'Ames in vitro sur des souches bactériennes, mais 2 études conduites aussi bien in vitro que in vivo sur des animaux (rat, porc) n'ont pas montré d'effet mutagÚne[66].
Une étude publiée en septembre 2021[68], n'observe pas - aux doses suffisantes selon le modÚle animal pour traiter la grippe saisonniÚre et pandémique - d'effets digestifs ou cardiovasculaire significatifs, ni sur d'autres signes vitaux[69], mais un doute persiste sur le risque d'éventuels effets mutagÚne pour l'Homme à moyen ou long terme, voire sur plusieurs générations (risque démontré chez d'autres mammifÚres).
Les petits nuclĂ©osides mutagĂšnes peuvent ĂȘtre des armes Ă double tranchant : efficaces contre les virus Ă ARN car absorbĂ©s par eux avec des effets dĂ©lĂ©tĂšres pour les enzyme virales de la duplication (ARN polymĂ©rase ARN-dĂ©pendante)[70], ces mĂȘmes nuclĂ©osides peuvent aussi ĂȘtre absorbĂ©s par de nombreuses autres enzymes, dont celles qui gĂšrent les acides nuclĂ©iques de l'organisme hĂŽte animal, ce qui rend certaines de ces molĂ©cules Ă©galement mutagĂšnes pour l'hĂŽte (comme on l'a d'abord montrĂ© chez des bactĂ©ries dĂšs 1980 pour ce qui concerne le NHC)[71].
Le NHC du Molnupiravir testé sur des cellules de mammifÚres non-humain s'y est montré clairement mutagÚne, et de maniÚre dose-dépendante (jusqu'à 3 ”M), selon une premiÚre expérience publiée en aout 2021 par Zhou & ses collÚgues[16].
Une autre expĂ©rience aboutit aux mĂȘmes conclusion, avec des rĂ©sultats « cohĂ©rent avec le fait que le rNHC-diphosphate est un substrat Ă la fois pour la synthĂšse du rNHC-triphosphate pour l'incorporation dans l'ARN et pour le RNR sur la voie de synthĂšse du dNHC-triphosphate pour l'incorporation en ADN »[16]. « Ces rĂ©sultats indiquent que les ribonuclĂ©osides mutagĂšnes hautement actifs peuvent prĂ©senter un risque pour l'hĂŽte » du virus quand ce produit est utilisĂ© comme mĂ©dicament antiviral [16].
En septembre 2021, un nouvel article scientifique publiĂ© dans Nature Structural and Molecular Biology confirme et explique la puissance antivirale Ă©levĂ©e du NHC, mais rappelle clairement que pour autoriser ce mĂ©dicament « ses risques potentiels doivent ĂȘtre pris en compte », d'une part car les ARN polymĂ©rases hĂŽtes peuvent aussi utiliser le MTP comme substrat (on a montrĂ© in vitro que l'ARN polymĂ©rase dĂ©pendante de l'ADN mitochondrial peut utiliser l'EIDD-1931 et incorporer le NHC monophosphate dans l'ARN)[72] ; et d'autre part car de possibles effets mutagĂšnes du NHC (ÎČ-d-N4-hydroxycytidine) ont Ă©tĂ© rĂ©cemment dĂ©crits au sein de cellules de mammifĂšre[16]. « Par consĂ©quent, il sera important de caractĂ©riser les effets du molnupiravir et du NHC sur la fonction de la polymĂ©rase cellulaire dans les Ă©tudes futures » concluent ses auteurs[25].
Bruno Canard, directeur de recherche au CNRS et spĂ©cialiste des coronavirus, interrogĂ© dans le Journal du Dimanche du 5 septembre 2021), appelle Ă la prudence : « Câest un mutagĂšne si puissant quâil est soupçonnĂ© dâĂȘtre toxique non seulement pour le virus mais pour la cellule hĂŽte, avec un risque cancĂ©rigĂšne. »[73].
Controverses et conflits
Conflits au sein de l'administration Trump
La revue Science dénonce le fait qu'en avril 2020, le Dr Rick Bright (immunologiste) alors directeur de la BARDA ait été démis de ses fonctions alors qu'il alertait sur le risques posés par cette molécule inutilisée depuis 40 ans pour cette raison, et ce, alors que cette molécule était notamment proposée pour lutter contre les épidémies de grippe[7]. DÚs novembre 2019, des chercheurs américains avaient déjà étudié le principe actif du molnupiravir, et découvert in vitro et in vivo (chez l'animal) les effets mutagÚnes potentiels : parmi les arguments apportés par Bright dans sa plainte figurait le fait que « des médicaments expérimentaux similaires de cette classe ont été démontrés comme causant une toxicité reproductive chez les animaux, la progéniture d'animaux traités était née sans dents et avec des parties de crùne manquantes ».
Rick Bright alerte alors le gouvernement amĂ©ricain sur la probabilitĂ© que ce mĂ©dicament soit cancĂ©rigĂšne, et dĂ©nonce des financements publics d'environ 300 millions de dollars) que l'administration Trump accorde Ă ce produit. Selon ScienceInsider, Robert Kadlec (mĂ©decin militaire, membre du parti rĂ©publicain, nommĂ© par Donald Trump Ă la tĂȘte de l'Office of the Assistant Secretary for Preparedness and Response (ASPR) d'aoĂ»t 2017 Ă janvier 2021), a demandĂ© Ă un agent de la BARDA chargĂ© de la nĂ©gociation des contrats de financer une petite entreprise pharmaceutique [7], alors qu'elle ne satisfaisait pas les critĂšres habituels des subventions. Bright s'insurge contre les pressions d'entreprises pharmaceutiques et de personnalitĂ©s politiques « comme des efforts inappropriĂ©s et non scientifiques pour diriger l'argent des contribuables vers certaines entreprises dirigĂ©es par des "copains" ou vers "des fins politiques" »[74].
Peu aprÚs, le 22 avril 2020, Bright est démis de son poste de directeur de la BARDA.
Bright dit avoir agi en lanceur d'alerte car il avait des indices montrant un risque liĂ© Ă cette molĂ©cule[5], compte tenu d'un effet mutagĂšne documentĂ© lors d'Ă©tudes prĂ©cĂ©dentes sur des molĂ©cules semblables, et demande Ă ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ© dans son ancien poste de directeur de la BARDA. Il estime alors que le molnupiravir manque de crĂ©dibilitĂ© scientifique[75], et il dĂ©pose plainte contre Kadlec[76] - [77] - [7].
En mai 2020, Bright témoigne devant la Chambre des représentants américaine[78] - [79].
Le 8 mai 2020, le Bureau du conseil spécial (Agence fédérale indépendante statuant sur les plaintes de dénonciateurs ou lanceurs d'alerte) estime qu'il y a des « motifs raisonnables » de conclure que la sanction de Bright était des « représailles »[7]. Les autorités qui n'y ont vu que des querelles internes exacerbées par des budgets importants[7].
Controverse
Quelques mĂ©dicaments mutagĂšnes ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© mis sur le marchĂ© en dĂ©pit de leur dangerositĂ©, soit en traitement compassionnel, soit pour leurs avantages jugĂ©s majeurs par rapport aux risques induits et Ă la gravitĂ© de la maladie (surtout si la dose ou la frĂ©quence d'utilisation permet de limiter le risque). C'est le cas par exemple de la ribavirine[7]. Ses effets mutagĂšnes sont assez graves pour que les rĂ©gulateurs la dĂ©conseillent formellement aux femmes enceintes ou envisageant une grossesse, ainsi qu'aux hommes susceptibles ensuite de faire un enfant. Mais son efficacitĂ© contre l'hĂ©patite C[80], la fiĂšvre de Lassa et certaines autres maladies virales, en l'absence d'alternative, l'a fait juger Ă©thiquement acceptable pour allonger la durĂ©e de vie ou survie de patients[7]. Concernant l'EIDD-2801 utilisĂ©e contre la Covid-19, Mark Denison (virologue au Vanderbilt University Medical Center (ONG liĂ©e Ă l'UniversitĂ© Vanderbilt) et co-auteur de l'Ă©tude publiĂ©e le 29 avril dans Science Translational Medicine) affirme ne promouvoir qu'« une utilisation Ă court terme pour potentiellement traiter ou prĂ©venir la maladie », mais Raymond Schinazi, qui connaĂźt bien cette molĂ©cule pour l'avoir antĂ©rieurement Ă©tudiĂ©e, rĂ©torque que mĂȘme un traitement de court terme pourrait encore nuire Ă la reproduction, et que l'utilisation du mĂ©dicament pour prĂ©venir la maladie pourrait conduire Ă une exposition beaucoup plus importante de la population[7].
Notes et références
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