Moguériec
MoguĂ©riec est un petit port de pĂȘche de 400 habitants situĂ© sur la cĂŽte du LĂ©on (nord finistĂšre) dans la commune de Sibiril. Le port se situe dans le fond de la baie de l'Ăle de Sieck Ă 4 miles au sud-ouest de l'entrĂ©e du chenal de l'Ăźle-de-Batz.
GĂ©ographie
Moguériec est situé le long de la cÎte de la Manche au niveau d'une petite ria qui correspond à l'estuaire d'un petit affluent de rive gauche de la ria du Guillec.
Cadre géologique
MoguĂ©riec est au nord-est du domaine structural de la zone de LĂ©on qui constitue un vaste antiforme mĂ©tamorphique de 70 km sur 30 km orientĂ© NE-SW. PostĂ©rieurement au mĂ©tamorphisme hercynien, se dĂ©veloppe un important plutonisme : le chapelet nord de granites rouges tardifs (ceinture batholitique de granites individualisĂ© pour la premiĂšre fois par le gĂ©ologue Charles Barrois en 1909[1], formant de Ouessant Ă Barfleur (Aber-Ildut, Carantec, Ploumanac'h, puis Flamanville et Barfleur) un alignement de plutons de direction cadomienne, contrĂŽlĂ© par les grands accidents directionnels WSW-ENE), datĂ©s aux alentours de 300 Ma, correspond Ă un magmatisme permien[2]. L'orogenĂšse hercynienne se termine par la formation de deux accidents crustaux majeurs qui dĂ©calent les granites carbonifĂšres : le dĂ©crochement dextre nord-armoricain (faille de MolĂšne â Moncontour) et le cisaillement senestre de Porspoder-GuissĂ©ny (CPG)[3]. Le plutonisme sur le territoire de MoguĂ©riec se traduit par la mise en place du massif de monzogranite de Brignogan-Plouescat qui forme un pluton unique, coupĂ© par le dĂ©crochement de Porspoder (baie de Goulven). Le monzogranite de MoguĂ©riec est constituĂ© par un faciĂšs Ă deux micas. Cette venue granitique est associĂ©e au fonctionnement de la faille de Porspoder[4].
Histoire
Antiquité
Le port de Moguériec est entouré de substructions gallo-romaines[5]. C'était déjà un port à l'époque gallo-romaine.
Toponymie
Le nom "MoguĂ©riec" provient d'une dĂ©formation de "Moguer Hiek" (le "Mur de Hiek"), du nom d'un moine irlandais, Hiek, mais nĂ© dans l'Ăźle d'Iona, une Ăźle de l'ouest de l'Ăcosse, et qui aurait Ă©tĂ© un disciple de saint Colomban et aurait dĂ©barquĂ© au VIe siĂšcle dans la baie de Sieck.
« Une chapelle, aujourd'hui disparue, était jadis édifiée en l'honneur de saint Hiec, (ou saint Hyec) sur l'ßle de Sieck »[6]. Il est avéré qu'en 1625, l'oratoire existait déjà [7].
C'est vraisemblablement ce saint mĂ©connu, Hyrec ou Herec[8] puis Iec, qui est Ă l'origine du nom du village de MoguĂ©riec, situĂ© au sud de la baie. Ce village Ă©tait Ă l'origine un lieu oĂč saint Hiec aurait Ă©levĂ© un mur, moguer en breton, autour d'un sanctuaire. Moguer Hiec a Ă©tĂ© contractĂ© par des Français en MoguĂ©riec.
Un port depuis 1869
L'histoire du port de MoguĂ©riec est disponible sur un site Internet qui publie notamment les caractĂ©ristiques d'une trentaine de bateaux basĂ©s Ă MoguĂ©riec dans la pĂ©riode allant de 1869 Ă 1952 ; le CĂ©line, une chaloupe de pĂȘche commandĂ©e par Joseph Postec, de ClĂ©der, armĂ©e le , est le plus ancien des bateaux dĂ©crits et l' Itron Varia an Esperans, construit Ă Camaret en 1951, qui fut le premier dundee Ă moteur de MoguĂ©riec, le plus rĂ©cent des bateaux dĂ©crits[9].
Sept canots Ă©taient amarrĂ©s dans le port de MoguĂ©riec en 1881 ; onze en 1894 jaugeant 2,5 tonneaux les uns, 4 tonneaux les autres (leur Ă©quipage Ă©tait composĂ© de trois hommes et d'un mousse et ces bateaux se vivraient Ă la pĂȘche Ă la sardine l'Ă©tĂ© et Ă celle des crustacĂ©s, congres, raies,.. l'hiver) ; dix en 1901.
« Koz Kanol » (« Vieux port »), la ria servant de port, devint un vrai port, avec un vrai mÎle-abri projeté depuis le et enfin mis en chantier en 1903 (achevé en 1904) aprÚs de nombreux atermoiements (la commune de Sibiril arguait qu'elle était trop pauvre pour financer le projet ; l'état refusait de le faire ; c'est Henri de l'Estang du Rusquec, maire de Sibiril, qui le finança[10].
Une gabarre d'Henvic sur le point de couler face Ă Sibiril fut secourue par des pĂȘcheurs de MoguĂ©riec qui la remorquĂšrent jusqu'Ă la cĂŽte Ă©crit le journal L'Ouest-Ăclair du [11]. Des pĂȘcheurs de MoguĂ©riec furent aussi victimes de naufrages, par exemple les deux marins-pĂȘcheurs de l' Hirondelle en fĂ©vrier 1910[12] ; la mĂȘme annĂ©e le bateau de pĂȘche Marie-Françoise fut jetĂ© Ă la cĂŽte de l'Ăźle de Sieck et fut perdu, mais l'Ă©quipage fut sauvĂ©[13]. Le le sloop de pĂȘche Iona, du port de MoguĂ©riec, coula aprĂšs s'ĂȘtre Ă©chouĂ© sur la roche Roc'h-ar-Vran-Vian alors qu'il tentait de s'abriter d'une tempĂȘte Ă l'entrĂ©e du port de Pontusval en Brignogan ; l'Ă©quipage de 3 hommes fut sauvĂ©[14].
Ce port Ă©tait encore trĂšs actif pendant l'Entre-deux-guerres : par exemple le journal L'Ouest-Ăclair du indique un apport au grand vivier de Roscoff de 80 caisses de langoustes et de 20 caisses de homards en provenance de la flottille de MoguĂ©riec[15].
Le port décrit en 1942
Le journal La DĂ©pĂȘche de Brest et de l'Ouest Ă©crit en 1942 : « La flottille de MoguĂ©riec se compose de 11 gros bateaux avec 3 ou 4 annexes pour chacun de ceux-ci. LĂ , les pecheurs, qui s'Ă©taient spĂ©cialisĂ©s dans la pĂȘche au casier, recherchaient surtout la langouste. On avait abandonnĂ©, et mĂȘme oubliĂ©, la pĂšche Ă la sardine, jadis si prospĂšre. Or il advint qu'en dĂ©cembre 1941 on s'aperçut que la sardine abondait devant MoguĂ©riec. Il fallut, en toute hĂąte, faire l'acquisition de filets ». Mais cette pĂȘche ne dura pas, la sardine se rarĂ©fiant, et il fallut rapidement abandonner cette pĂȘche[16].
L'aprĂšs DeuxiĂšme Guerre mondiale
Paul Bailly indique qu'en 1988 la plupart des hommes de Moguériec travaillaient l'hiver à la sucrerie de Villenoy en Seine-et-Marne[17].
AccĂšs au port
Le port est accessible Ă partir de 3 heures aprĂšs marĂ©e basse (sous rĂ©serve du tirant d'eau du navire) et est protĂ©gĂ© par une jetĂ©e terminĂ©e par un feu. Pour rentrer au port, il faut suivre l'alignement du feu en mer (Ă l'extrĂ©mitĂ© de la jetĂ©e) et du feu Ă terre (alignement 162°) eux-mĂȘmes alignĂ©s sur le clocher de Sibiril qui est actuellement invisible . Le port est accessible de nuit.
Le phare de Moguériec
Le phare de MoguĂ©riec a Ă©tĂ© conçu selon un plan dessinĂ© par Gustave Eiffel et Louis Sautter[18] qui dĂ©posent le brevet d'un nouveau type de phare construit grĂące Ă lâinterposition de couronnes rigides et de poutrelles mĂ©talliques[19].
Construit à Levallois-Perret dans les ateliers de Gustave Eiffel, il a été d'abord installé en août 1876 sur une jetée du port de Honfleur. Pendant la Seconde Guerre mondiale il fut bombardé par les Allemands en juin 1940 (mais l'obus n'éclata pas..). Démonté en août 1948, il fut transporté au Havre. En 1960, lors des travaux d'aménagement du port, il fut installé à Moguériec[20].
En 2018, la "Direction interrégionale de la mer Nord-Atlantique Manche ouest" a un projet de déclassement et de démantÚlement du phare de Moguériec[21], auquel elle a accepté de surseoir pendant deux ans[21], à la demande de l'association "Sauvons le phare de Moguériec"[22].
Sa structure mĂ©tallique, en trĂšs mauvais Ă©tat, a Ă©tĂ© dĂ©montĂ©e le par des membres de la subdivision des phares et balises de Brest. Il va ĂȘtre restaurĂ© par l'entreprise CrĂ©zĂ©, de Saint-Jacques-de-la-Lande, spĂ©cialisĂ©e dans la mĂ©tallerie d'art. Pour l'association "Restaurons le phare de MoguĂ©riec", qui s'opposait Ă son dĂ©mantĂšlement, c'est une satisfaction. Initialement, le phare devait retrouver sa place, restaurĂ©, au printemps 2022[23].
Maintenant restauré avec un nouveau fût extérieur en acier inoxydable 316L de qualité marine (en) et prÚs de huit cents rivets remplacés, sa réinstallation est prévue au printemps 2023[24] - [25].
Un phare similaire se trouve sur la jetée du vieux port de Menton.
La pĂȘche
Le port abrite une flotte de caseyeurs et de fileyeurs qui partent pour la semaine, souvent dans la zone trĂšs frĂ©quentĂ©e et agitĂ©e du Rail d'Ouessant ; ils pĂȘchent poissons et crustacĂ©s, tourteaux et araignĂ©es principalement (qui ont remplacĂ© le homard et la langouste pĂȘchĂ©s antĂ©rieurement). Quelques bateaux pratiquent la pĂȘche cĂŽtiĂšre, pĂȘchant rougets, soles, turbots et autres poissons nobles. Les produits de la pĂȘche, longtemps vendus Ă des mareyeurs, sont Ă prĂ©sent vendus Ă la criĂ©e de Roscoff[26].
Divers
L'Ă©tĂ©, il existe une liaison maritime avec l'Ăle-de-Batz assurĂ©e par la compagnie des Vedettes de l'Ăźle de Batz (durĂ©e de la traversĂ©e 45 min).
MoguĂ©riec est connu Ă©galement pour son championnat mondial de cracher de bigorneaux qui s'y tient tous les ans. Il y a Ă©galement chaque la FĂȘte de la mer, avec bĂ©nĂ©diction de celle-ci et des animations.
Moguériec est aussi connu pour ses vagues et la pratique du surf.
- Vagues à Moguériec
- Surf à Moguériec
- Une plage de Moguériec
- Un rocher de MoguĂ©riec : la "tĂȘte de singe"
Notes et références
- C. Barrois, Carte géologique à 1/80000, feuille Lannion (1re édit.), 1909.
- Louis Chauris, « Le granite porphyroĂŻde de Porzpaul dans l'Ăźle d'Ouessant: un nouvel Ă©lĂ©ment dans la ceinture des « granites rouges » du Massif armoricain (France) », Comptes Rendus de l'AcadĂ©mie des Sciences, Paris, iI, t. 313,â , p. 245-250.
- Eric Marcoux, Alain Cocherie, Gilles Ruffet, Jean-RenĂ© Darboux, Catherine Guerrot, « GĂ©ochronologie revisitĂ©e du dĂŽme du LĂ©on (Massif armoricain, France) », GĂ©ologie de la France, no 1,â , p. 19-20 (lire en ligne).
- Marcoux, op. cit., p. 27-29
- Louis Le Guennec, "Le FinistÚre monumental", tome "Morlaix et sa région", réédition Les Amis de Louis Le Guennec, 1979.
- Dictionnaire des saints bretons, Ă©dition Tchou, 1979.
- « Sieck, une ßle presque déserte », in Ouest France, 12 juillet 2002.
- P. Peyron, La cathédrale de Saint-Pol et le minihy Léon, p. 183, ArsÚne de Kerangal, Quimper, 1901.
- « La légende des hommes forts. 150 ans dans le port de Moguériec.. » (consulté le )
- « Gens du vieux rĂȘve. Le « mĂŽle-abri », une virgule sur l'horizon du port de MoguĂ©riec » (consultĂ© le ).
- L'Ouest-Ăclair, « Sinistres en mer. », sur Gallica, (consultĂ© le ).
- Journal des débats politiques et littéraires, « Emportés par une vague. », sur Gallica, (consulté le ).
- « Journal La Croix », sur Gallica, (consulté le ).
- Annales du sauvetage maritime, « Pontusval (FinistÚre) », sur Gallica, (consulté le ).
- L'Ouest-Ăclair, « DerniĂšres dĂ©pĂȘches maritimes. Roscoff. », sur Gallica, (consultĂ© le ).
- La DĂ©pĂȘche de Brest et de l'Ouest, « La pĂȘche peut et doit ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e dans le quartier de Morlaix », sur Gallica, (consultĂ© le ).
- Paul Bailly, Toponymie en Seine-et-Marne : noms de lieux, Amatteis, , 352 p..
- Louis Sautter, né en 1825 à GenÚve, ingénieur des arts et manufactures, décédé en 1912 à GenÚve.
- Carnet dâAn Kamparzh Koz, « Sentinelle du matin. L'Ă©tonnante destinĂ©e du phare de MoguĂ©riec », (consultĂ© le ).
- « L'Association "Sauvons le phare de Moguériec" », (consulté le ).
- « Phare de Moguériec. Le projet de démantÚlement suspendu pendant deux ans », sur letelegramme.fr, Le Télégramme, (consulté le ).
- « Sauvons le Phare de Mogueriec », sur pharedemogueriec.net (consulté le ).
- Lionel Le Saux, « Démonté, le phare de Moguériec part se refaire une beauté », sur https://www.letelegramme.fr, (consulté le ).
- Glen Recourt, « RestaurĂ©, ce phare construit par Gustave Eiffel est prĂȘt Ă reprendre la mer en Bretagne », sur ouest-france.fr, (consultĂ© le ).
- GaĂ«lle Colin, « « Attendu comme le messie », le phare Eiffel a enfin retrouvĂ© son port dâattache breton », sur ouest-france.fr, (consultĂ© le ).
- Claude Geslin, Patrick Gourlay, Jean-Jacques Monnier, Ronan Le Coadic et Michel Denis, Histoire d'un siĂšcle : Bretagne 1901-2000, Skol Vreiz, (ISBN 978-2-915623-62-8)]