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Mode modeste

La mode modeste ou mode pudique (de l'anglais « modest fashion » ou « modest clothing ») est une façon de se vêtir en respectant un certain nombre de codes faisant référence à certaines conceptions de la décence. Ce terme peut particulièrement désigner un courant de mode influencé par l'islam, mais se retrouve dans certains comportements vestimentaires de courants chrétiens comme l'anabaptisme.

Galerie

  • Reconstitution de la cabane d'Henry David Thoreau (vers 1850)
    Reconstitution de la cabane d'Henry David Thoreau (vers 1850)
  • Gandhi au fuseau, 1942
    Gandhi au fuseau, 1942
  • Famille Amish, Niagara Falls, 2007
    Famille Amish, Niagara Falls, 2007
  • Femmes de l'Old Order River Brethren, 2006
    Femmes de l'Old Order River Brethren, 2006
  • Famille Amish, Ontario, 2000
    Famille Amish, Ontario, 2000
  • Famille mennonite, Campeche (Mexique), 2012
    Famille mennonite, Campeche (Mexique), 2012
  • Raja Al Gurg
    Raja Al Gurg
  • Femme en Tunisie
    Femme en Tunisie
  • Lecture coranique en mosquĂ©e, 2018
    Lecture coranique en mosquée, 2018
  • Exemples d'hijab
    Exemples d'hijab
  • Costumes, Malaisie
    Costumes, Malaisie
  • Fermiers protestataires, Djakarta
    Fermiers protestataires, Djakarta

La pudeur et la mode

Paul-Émile Miot, Femmes tahitiennes, 1869-1870.
Femmes kanak en robe mission, vers 2000.

Cette mode peut être dictée par des codes religieux, globalement partagés par l'islam, le christianisme, le judaïsme, et le bouddhisme[1] ou la population mormone[2] avec, par exemple, des robes longues ou des manches longues pour la plupart des vêtements portés[1]. Ces vêtements plus couvrants mais dans un style moderne ont d'abord prospéré au Brésil et aux États-Unis[1].

Les catholiques tenants de la mode modeste se réfèrent au pape Pie XII, qui dans une allocution aux jeunes filles de l’Action catholique de Rome déclarait le :

« Nombre de femmes croyantes et même pieuses, en acceptant de suivre telle ou telle mode audacieuse, font tomber par leur exemple les dernières hésitations qui retiennent une foule de leurs sœurs loin de cette mode qui pourra devenir pour elles une cause de ruine spirituelle. Tant que certaines toilettes provocantes demeurent le triste privilège de femmes de réputation douteuse et comme le signe qui les fait reconnaître, on n’osera pas les adopter pour soi. Mais le jour où ces toilettes apparaissent portées par des personnes au dessus de tout soupçon, on n’hésitera plus à suivre le courant, un courant qui entraînera peut-être aux pires chutes[3]. »

Pour l'Américaine Shelina Janmohamed,

« Les musulmanes utilisent leur créativité pour initier une mode qui réponde aux exigences religieuses de la modestie – des vêtements plus longs, plus amples avec des manches longues, portés avec ou sans le voile. C’est la base des exigences de l’islam. La modestie varie en fonction des pays et des cultures, mais les principes de base restent ceux-là. Ce style englobe toutes ces diversités culturelles[4]. »

Pour la française Iman Mestaoui, cofondatrice de la marque Barcha :

« la "modest fashion" est un courant à la fois de mode et de pensée, qui vise à mettre en valeur la femme musulmane. Cette mode, c’est aussi la femme juive et chrétienne. Ce n’est pas forcément porter un voile sur la tête. Je suis une des créatrices et je ne le porte pas, mais je me couvre les bras (...) Je crois que toute notre génération de musulmans nés en France – ou en Europe – a envie de concilier religion et mode de vie, de façon moderne[1]. »

« Mode modeste » musulmane

Défilé de mode islamique de 2012 présentant des abayas colorées.

Bien que ne s'y rĂ©duisant pas, certaines marques ou designers s'adressent plus spĂ©cifiquement Ă  une clientèle musulmane, notamment par un renouveau stylistique colorĂ© autour du hidjab[5]. Ă€ la fin des annĂ©es 2000, la mode modeste se dĂ©veloppe aux États-Unis en rĂ©action Ă  la mode Ă  destination des jeunes filles qui serait trop provocante. Des activistes se regroupent sous la bannière modest clothing (vĂŞtements dĂ©cents)[2]. Le mouvement est relayĂ© par des grandes enseignes comme Macy's qui ouvre des sections dĂ©diĂ©s au modest clothing alors qu'au Royaume-Uni Harrods vend des abayas[2]. Shelina Janmohamed, vice-prĂ©sidente de l'agence de marketing Ogilvy & Noor, Ă  Londres, fait elle remonter l'acte fondateur des « hijabistas Â» au : « C'est Ă  partir de lĂ  que les jeunes femmes ont voulu affirmer leur identitĂ© en couvrant leur corps sans pour autant ressembler Ă  leurs grands-mères[6] ». Des stylistes mĂŞlent religions et nouvelles aspirations sĂ©culières par le streetwear[2]. De blogueuses musulmanes lancent diffĂ©rentes tendances dans les annĂ©es 2010 : « Hijabistas », « mipsterz » (contraction de musulmans et hipsters), « modest fashion », etc.[4].

Des grandes marques comme H&M sortent des collections de hidjabs, alors que Tommy Hilfiger produit des collections « spĂ©cial Ramadan Â», traduisant une plus grande acceptation de la mode musulmane dans les pays occidentaux mais conduisant Ă©galement Ă  un intĂ©rĂŞt pour ces vĂŞtements par des non-Musulmans[7]. Pour la rĂ©dactrice en chef de Covertime, site amĂ©ricain dĂ©diĂ© aux femmes musulmanes, Stephanie Khalil AlGhani, ces opĂ©rations commerciales saisonnières se fourvoieraient :

« En lançant des collections capsules en plein ramadan, les marques occidentales prouvent qu’elles ne comprennent pas la clientèle musulmane. À cette période, nous jeûnons et nous nous tournons vers la spiritualité (...) Les musulmans vont porter des tenues traditionnelles (...) Ils s’intéressent à la mode les 11 autres mois de l’année[4]. »

La marque italienne Dolce & Gabbana fait sensation en dévoilant le sur les réseaux sociaux les images de sa collection de hijabs et abayas[4]. Des hijabs comme le modèle Happy Turban de la suédoise Iman Aldebe, sont parfois achetés autant par les musulmanes que des non-musulmanes[7]. La marque japonaise Uniqlo commercialise également en 2016 des hijabs dans sa boutique de Londres[8].

La marque anglaise de prêt-à-porter Marks & Spencer propose depuis 2016 des burkinis, maillots de bain contractant les mots burqa et bikini, qui couvrent le corps entier à l’exception du visage, des mains et des pieds[8].

Avec cet essor, les médias parlent véritablement de mode modeste en 2017 et 2018, ce terme entre dans les tendances de l'industrie de la mode[9].

A l'instar de ces marques, des marketplaces européennes comme ASOS ajoutent également à leur catalogue des vêtements dits modestes[10].

Selon le rapport Global Islamic Economy de Thomson Reuters, la communautĂ© musulmane mondiale a dĂ©pensĂ© 266 milliards de dollars en vĂŞtements et chaussures en 2013. Le rapport projette des montants de 484 milliards en 2019 attirant de grandes marques occidentales et note que des femmes voilĂ©es apparaissent dĂ©jĂ  dans les publicitĂ©s d’Apple ou de Coca-Cola[4].

Critiques du concept

Dans certains pays rĂ©gis par les lois islamiques, ne pas couvrir son corps relève du dĂ©lit, d'oĂą une contestation de certaines fĂ©ministes de cette « mode pudique Â» qui serait faussement permissive. Ainsi la ministre française des Droits des femmes, Laurence Rossignol, fustige cette tendance : « Lorsque des marques investissent ce marchĂ© (…) parce qu’il est lucratif, elles se mettent en retrait de leur responsabilitĂ© sociale et font, d’un certain point de vue, la promotion de cet enfermement des femmes[8]. » De mĂŞme, la dĂ©putĂ©e LR Nathalie Kosciusko-Morizet dĂ©clare : « Ça ne me plaĂ®t pas. C'est un effacement du corps de la femme, et d'une part de l'individu et de son originalitĂ©. La mode c'est l'expression d'un tempĂ©rament, d'une originalitĂ©[8]. » Le Premier ministre Manuel Valls estime lui que « le voile n'est pas un objet de mode, mais un asservissement de la femme » et la philosophe Élisabeth Badinter appelle Ă  boycotter les marques occidentales vendant ces tenues[11].

Pour la sociologue Nathalie Heinich,

« le mot "modeste" me pose problème aussi, puisqu’on sait que c’est le terme utilisé par les propagandistes, disons fondamentalistes, qui utilisent ce mot de "modestie". Ce qui est une façon très politiquement correcte à mon avis de qualifier une obligation que se font certaines femmes, ou qui sont faites à certaines femmes, de prendre sur elles le poids des problèmes de sexualité masculins[1]. »

Pour Trendwatching,

« au contraire, certaines communautés, en se rendant visibles, font probablement évoluer les mentalités: en accueillant le regard de l’autre, elles adaptent leurs idées et enrichissent la palette des normes sociales; du côté des autres individus, on peut plonger dans un univers certes différent mais pas hostiles. La seule crainte qu’on décèle est probablement dans les sites qui imposent une vision normative et exclusive du style[2]. »

« Ce n'est pas la charia en vêtement » pour Tamara Hostal, fondatrice de l'école Esmod à Dubai[6].

Notes et références

  1. Roxanne D'Arco, « En France, la mode pudique serait-elle l’apanage des musulmanes ? », respectmag.com, (consulté le ).
  2. « L’explosion du "Modest Clothing" : vers une mode hallal (ou cascher) (ou sacrée) ? », lexpress.fr, (consulté le ).
  3. Angélique Provost, « Plaidoyer pour une mode pudique mais élégante », aleteia.org, (consulté le ).
  4. Stéphanie O'Brien, « Mode musulmane : un marché estimé à près de 500 milliards de dollars », Madame Figaro, (consulté le ).
  5. (en) Marjon Carlos, « A London Instagram Star on What It Means to Wear the Hijab », vogue.com, (consulté le ).
  6. Bruna Basini, « Les marques s'emballent pour la mode halal », lejdd.fr, (consulté le ).
  7. (en) « Are Hijabs Becoming… a Fashion Statement? », ifdcouncil.org, (consulté le ).
  8. Antoine Mahin, « La mode "islamique" ou "modeste": un secteur en plein essor mais qui divise », rtbf.be, (consulté le ).
  9. (en) Trevor Clawson, « On-Trend: Why Modest Fashion Is Both A Movement And An Entrepreneurial Opportunity », sur Forbes (consulté le ).
  10. (en) Faima Bakar, « ASOS launches modest range with Muslim model showing off hijabs and dresse », sur Metro, (consulté le ).
  11. Agence France Presse, « Polémique autour de la mode islamique: la "mode modeste", un marché à prendre », levif.be, (consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Indécence

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