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Mandipropamide

Le mandipropamide est un composĂ© chimique de formule brute C23H22ClNO4 faisant partie de la famille des fongicides CAA (Carboxylic Acid Amide). Il est principalement utilisĂ© en agrochimie. Le mandipropamide a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© pour lutter contre diffĂ©rentes espĂšces d’oomycĂštes, qui sont Ă  l’origine de diffĂ©rents mildious : le Phytophtora infestans (mildiou de la pomme de terre et de la tomate) et le Plasmopara viticola (mildiou de la vigne).

Mandipropamide[1]
Image illustrative de l’article Mandipropamide
Image illustrative de l’article Mandipropamide
Représentations du mandipropamide
Identification
Nom UICPA 2-(4-chlorophenyl)-N-[2-(3-methoxy-4-prop-2-ynoxyphenyl)ethyl]-2-prop-2-ynoxyacetamide
No CAS 374726-62-2
No ECHA 100.130.842
No CE 609-434-0
Apparence poudre beige clair
Propriétés chimiques
Formule C23H22ClNO4
Masse molaire 411,88 g mol−1
Propriétés physiques
T° fusion 96,4 à 97,3 °C
T° ébullition 200 °C
Solubilité 4,2 g·L-1 dans l'eau à 25 °C.
Masse volumique 1,24 g·cm-3 (22 °C)
Pression de vapeur saturante 20 °C, 25 °C et 50 °C : < 9,4×10-7 Pa
Précautions
SGH
SGH09 : Danger pour le milieu aquatique
Danger
H410
Écotoxicologie
DL50 > 5 000 mg/kg (rat, oral), > 1 000 mg/kg de terre (ver de terre), > 200 ÎŒg/abeille (abeille, oral)
LogP 3.2

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Il est commercialisĂ© depuis 2005[2] sous les noms de marque Revus et Pergado, pour lutter respectivement contre le mildiou des cultures de pommes de terre et des cultures de vignes. On le retrouve sous forme de mĂ©lange racĂ©mique, l’emploi d’un Ă©nantiomĂšre ou de l’autre ne changeant rien Ă  son utilisation et ses effets.

DĂ©couverte

À la fin du XIXe siĂšcle, les rĂ©actions multicomposants ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes et ont Ă©tĂ© utilisĂ©es dans la synthĂšse de nombreux fongicides, tel que le mandipropamide, obtenu par le phĂ©nomĂšne de dĂ©rivatisation[3].

Dans les années 1990, les laboratoires de recherches BASF et Bayer, anciennement American Cyanamid et Agrevo, ont publié des travaux sur des antifongiques. Leurs recherches sont quelque peu différentes mais ont toutes deux mené à la découverte du mandipropamide[2].

La vanilline peut servir comme molĂ©cule de dĂ©part pour la synthĂšse du mandipropamide. Celle-ci a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  rĂ©agir avec diffĂ©rents composĂ©s, jusqu’à obtention d’une molĂ©cule de type formamide, possĂ©dant un groupe amide et un groupe propargyl[2]. Ces groupes augmentent l’efficacitĂ© fongicide du composĂ©. De plus, lorsqu’il est substituĂ©, le groupement phĂ©nyle a Ă©galement Ă©tĂ© vu comme un avantage, car celui-ci apporte de bon rĂ©sultats biologiques. Les scientifiques ont alors cherchĂ© Ă  amĂ©liorer le formamide en procĂ©dant Ă  un ajout de phĂ©nyle substituĂ©, suivi d’une propargylation[3].

Ceci leur a finalement permis d’obtenir le mandipropamide, qui se rĂ©vĂšle ĂȘtre efficace face Ă  une majoritĂ© de maladies dues aux oomycĂštes, telles que Phytophtora infestans, Plasmopara viticola ou encore Pseudoperonospora cubensis[3].

SynthĂšse

Figure 1 : SynthĂšse du mandipropamide[2] - [4].

La synthĂšse du mandipropamide peut se faire par rĂ©action multicomposants (MCR) qui fait intervenir la rĂ©action de Passerini modifiĂ©e par Seebach[2] Sur la figure 1, les 4 Ă©tapes non-dĂ©veloppĂ©es de cette rĂ©action reprĂ©sentent le passage de la vanilline (1) au N‐{2‐[3‐methoxy‐4‐(prop‐2‐yn‐1‐ yloxy)phenyl]ethyl}formamide (2). Cette derniĂšre molĂ©cule est ensuite obtenue par une rĂ©action de Henry suivie d’une rĂ©duction, d’une formylation ainsi que d’une propargylation[4]. Le formamide (2) est dĂ©shydratĂ© par le triphosgĂšne pour former l’isonitrile en prĂ©sence de 4-chlorobenzaldĂ©hyde et de chlorure de titane, ce qui permet la formation de l’hydroxyamide (3). Celui-ci est alkylĂ© par le bromure de propargyle via une catalyse par transfert de phase qui aboutit Ă  la formation du mandipropamide (4)[2].

NĂ©anmoins, la rĂ©action de Passerini modifiĂ©e n’est pas applicable Ă  l’échelle industrielle[2]. Bien qu’elle ait facilitĂ© la dĂ©couverte du mandipropamide, cette voie de synthĂšse nĂ©cessite l’emploi de chlorure de titane qui est une substance corrosive, ainsi que de dichloromĂ©thane comme solvant, considĂ©rĂ© toxique pour l’environnement. Celle-ci engendrera la formation de produits toxiques, tels que des oxychlorures de titane solides, et crĂ©era une accumulation de dĂ©chets qu’il faudra Ă©liminer par la suite. Pour y remĂ©dier, diffĂ©rentes amĂ©liorations de la rĂ©action de Passerini ont Ă©tĂ© effectuĂ©es au cours des annĂ©es. Autrement dit, ce sont des synthĂšses alternatives Ă  cette rĂ©action, pour la production industrielle. L’une d’elles est Ă  privilĂ©gier, il s’agit de la plus rĂ©cente Ă  ce jour. Celle-ci nĂ©cessite notamment l’utilisation de chlorobenzĂšne, qui est un solvant bien moins toxique pour l’environnement que ne l’est le dichloromĂ©thane. De plus, aucune manipulation supplĂ©mentaire, telles que des extractions ou des purifications par chromatographie, sont Ă  rĂ©aliser[2]. Toutefois, cette voie de synthĂšse ayant Ă©tĂ© crĂ©Ă©e rĂ©cemment, nous manquons d'informations Ă  son sujet pour le moment.

Mode d'action

L’action d’un composĂ© phytosanitaire est garantie par sa lipophilie et sa solubilitĂ© dans l’eau, lui permettant une bonne absorption par les feuilles des vĂ©gĂ©taux concernĂ©s. La lipophilie est caractĂ©risĂ©e par le coefficient de partage P. Pour assurer la pĂ©nĂ©tration du composĂ© au sein de la feuille, ce dernier doit avoir un log(P) environ compris entre -2 et 3[2]. En ce qui concerne la solubilitĂ© dans l’eau, plus celle- ci est Ă©levĂ©e, et plus le composĂ© est absorbĂ© par les racines (risquant d’ĂȘtre davantage perdu dans le sol). Le mandipropamide remplit les conditions nĂ©cessaires Ă  sa bonne propagation dans les vĂ©gĂ©taux, avec log(P)=3,2[1] et une solubilitĂ© dans l’eau plutĂŽt faible (4,2 mg/L)[1].

Une fois propagĂ© au sein de la plante, le mandipropamide ne pĂ©nĂštre pas directement dans la cellule des agents pathogĂšnes, mais joue un rĂŽle d’inhibiteur dans la synthĂšse de la cellulose des oomycĂštes au niveau de leur paroi cellulaire[5].

Impacts

Homme

Des Ă©tudes ont montrĂ© que le mandipropamide ne prĂ©sente aucun effet nĂ©faste sur l’Homme[6]. En effet, dans la majoritĂ© des cas, le composĂ© est prĂ©sent dans les aliments uniquement sous forme de traces. Par exemple, les taux rĂ©siduels du mandipropamide sur les pomme de terre sur une pĂ©riode de 3 Ă  6 jours aprĂšs pulvĂ©risation ne dĂ©passent pas 0.01 mg/kg[2], alors que la dose maximale acceptĂ©e est de 0.03 mg/kg[2]. Le consommateur n’est donc (quasiment) pas exposĂ© Ă  la substance.

Les Ă©tudes ont Ă©galement montrĂ© que le taux de mandipropamide prĂ©sent dans le raisin passe sous le seuil de dĂ©tection au bout de 21 jours[2], la rĂ©colte se faisant au bout de 28 jours[2]. Encore une fois, le consommateur n’est pas exposĂ© au produit. Aucune Ă©tude n’a Ă©tĂ© menĂ©e sur le suivi du taux de mandipropamide prĂ©sent dans les rĂ©coltes de tomates. De plus, la pulvĂ©risation du produit sur les cultures ne prĂ©sente aucun danger pour le manipulateur ou les habitants voisins. Selon les estimations, la pulvĂ©risation du produit par tracteur avec cabine n’expose le manipulateur qu’à 1%[2] de la quantitĂ© quotidienne maximale, une valeur considĂ©rĂ©e comme suffisamment faible.

Environnement

Le mandipropamide peut prĂ©senter des effets nĂ©fastes sur certains mammifĂšres tels que les rats, provoquant une diminution du poids corporel des progĂ©nitures[6]. De plus, le mandipropamide peut ĂȘtre relarguĂ© dans l’environnement par dissolution dans les eaux de pluie, et se propager dans les riviĂšres, lacs et rĂ©serves d’eau souterraine. Cependant, sa solubilitĂ© dans l’eau Ă©tant relativement faible, il se dissout dans l’eau Ă  faible concentration[2]. Ainsi, le mandipropamide peut reprĂ©senter un danger pour les zones aquatiques s’il est utilisĂ© de maniĂšre excessive (ce pourquoi il est classĂ© GHS09), mais des Ă©tudes ont prouvĂ© qu’il ne prĂ©sentait aucune toxicitĂ© aiguĂ« pour l’environnement, lorsqu’il est utilisĂ© dans le respect des doses appropriĂ©es[6].

Dégradation de la molécule

Le mandipropamide est principalement dégradé par photolyse et hydrolyse, mais aussi par biotransformation. Sa demi-vie dans le sol est comprise entre 1,3 et 5,7 semaines[1]. Les produits de dégradation du mandipropamide sont principalement des acides et du phénylpyrazole.

RĂ©action de photolyse

La photolyse du mandipropamide en solution aqueuse peut se dérouler selon la réaction photochimique suivante :

Figure 2 : RĂ©action de photolyse du mandipropamide[7]

La photolyse du mandipropamide peut se dĂ©clencher lorsque la substance est exposĂ©e Ă  la lumiĂšre du soleil, les produits de dĂ©gradation dĂ©pendent de la durĂ©e et de l’intensitĂ© de l’exposition.

RĂ©action d'hydrolyse

Son hydrolyse peut se rĂ©aliser en milieu acide ou basique. L’hydrolyse acide implique l’attaque de l’atome d’azote de la fonction amide via le doublet non liant pour capter un proton (rĂ©action acide/base), afin d'accroĂźtre l’électrophilicitĂ© du carbone. L’eau joue ensuite le rĂŽle de nuclĂ©ophile en attaquant le carbone de l’amide pour former un acide carboxylique et une amine. (figure 3)

Figure 3 : Réaction et mécanisme de l'hydrolyse acide du mandipropamide[7]

L’hydrolyse basique est similaire Ă  celle de l’hydrolyse acide, la rĂ©action Ă©tant catalysĂ©e par des ions hydroxydes plutĂŽt que des ions hydronium (figure 4).

Figure 4 : Réaction et mécanisme de l'hydrolyse basique du mandipropamide[7]

Alternatives au mandipropamide

MalgrĂ© sa forte efficacitĂ©, le mandipropamide n’est pas infaillible. En effet, certains mutants naturels du P. Viticola se sont dĂ©veloppĂ©s au cours du temps, et rĂ©sistent au mandipropamide[5]. Ainsi, il est intĂ©ressant de noter qu’il existe de nombreuses alternatives Ă  ce fongicide. En effet, plusieurs molĂ©cules ayant un caractĂšre anti-oomycĂštes sont dĂ©veloppĂ©es et commercialisĂ©es.

En voici quelques exemples :

Les avantages de ces alternatives varient en fonction de la molĂ©cule spĂ©cifique, en gĂ©nĂ©ral ils incluent une meilleure efficacitĂ©, une plus grande sĂ©lectivitĂ© pour certaines cultures, une faible toxicitĂ©, ou une rĂ©duction de l’impact environnemental.

Notes et références

  1. (en) Annex 1 - Background document to the Opinion proposing harmonised classification and labelling at EU level of mandipropamid - Committee for Risk Assessment (RAC) - European Chemicals Agency (ECHA), .
  2. Erb William et Abermil Nacim, « Le Mandipropamide Contre Les OomycĂštes: L’apport Des RĂ©actions ; multicomposants Ă  La Phytochimie », L’ActualitĂ© Chimique, Le Journal de La SCF, SociĂ©tĂ© Chimique de France (SCF), no 405,‎ -, p. 16.
  3. (en) Lamberth Clemens, Jeanguenat Andre, Cederbaum Fredrik, De Mesmaeker Alain, Zeller Martin, Kempf Hans-Joachim, Zeun Ronald, « Multicomponent reactions in fungicide research: The discovery of mandipropamid », Bioorganic & Medicinal Chemistry, vol. 16, no 3,‎ , p. 1531-1545.
  4. (en) Banfi Luca, Basso Andrea, Lambruschini Chiara, Moni Lisa, Riva Renata,, « The 100 facets of the Passerini reaction », Chemical Science, vol. 12, no 47,‎ , p. 15445-15472.
  5. (en) Mathias Blum, Martine Boehler, Eva Randall et Vanessa Young, « Mandipropamid targets the cellulose synthase-like PiCesA3 to inhibit cell wall biosynthesis in the oomycete plant pathogen, Phytophthora infestans », Molecular Plant Pathology, vol. 11, no 2,‎ , p. 227–243 (DOI 10.1111/j.1364-3703.2009.00604.x, lire en ligne, consultĂ© le ).
  6. (en) « Conclusion on the peer review of the pesticide risk assessment of the active substance mandipropamid | EFSA », sur www.efsa.europa.eu (DOI 10.2903/j.efsa.2012.2935, consulté le ).
  7. Li, J., Han, J., Lan, T. et al. Enantioselective hydrolysis and photolysis of mandipropamid in different aquatic environments — evaluation of influencing factors. Environ Sci Pollut Res 29, 60244–60258 (2022). https://doi.org/10.1007/s11356-022-20202-4
  8. (en) D.K Dey, « Mandipropamid, an excellent oomycete fungicide with resistance risk low in crops », Pest Management Science, vol. 74, no 7,‎ , p. 1477-1485.
  9. (en) Y.Wang, « Discovery of Imidazole Derivatives as Fungicides : A review », Molecules, vol. 24, no 8,‎ , p. 1581.
  10. (en) « Benzamide fungicides : Mechanisms of action and resistance development », Plant Pathology, J.O.T. Ferreira, vol. 70, no 1,‎ , p. 10-23.
  11. (en) J.M. Barbosa, « New cyanoimidazole derivatives as oomycete fungicides: Synthesis, in vitro and in vivo antifungal activity, and docking study », Bioorganic and Medicinal Chemistry, vol. 28, no 5,‎ .
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