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Lucy (australopithĂšque)

Lucy est le surnom d'un spĂ©cimen fossile de l'espĂšce Ă©teinte Australopithecus afarensis, dont le nom de catalogue est AL 288-1. Ce spĂ©cimen appartenant Ă  la lignĂ©e humaine a Ă©tĂ© dĂ©couvert en 1974 sur le site de Hadar, en Éthiopie, par une Ă©quipe de recherche internationale. Il date de 3,18 millions d'annĂ©es.

Ossements de Lucy.
Lieu de la dĂ©couverte Ă  Hadar, en Éthiopie (11° 08â€Č 10″ N, 40° 36â€Č 00″ E).

Lucy constitue le premier fossile relativement complet (conservĂ© Ă  40 %, avec 52 fragments osseux[1]) qui ait Ă©tĂ© dĂ©couvert pour une pĂ©riode aussi ancienne, et a rĂ©volutionnĂ© notre perception des origines humaines, en dĂ©montrant que l’acquisition de la bipĂ©die datait d'au moins 3,2 millions d’annĂ©es[2], et avait largement prĂ©cĂ©dĂ© le processus d'accroissement du volume endocrĂąnien.

Historique

Lucy a Ă©tĂ© dĂ©couverte le Ă  Hadar, sur les bords de la riviĂšre Awash, dans le cadre de l'International Afar Research Expedition fondĂ©e par Maurice Taieb, un projet regroupant une trentaine de chercheurs Ă©thiopiens, amĂ©ricains et français, codirigĂ© par Donald Johanson (palĂ©oanthropologue), Maurice Taieb (gĂ©ologue), Claude Guillemot (artiste et palĂ©ontologue) et Yves Coppens (palĂ©ontologue). Le premier fragment du fossile a Ă©tĂ© repĂ©rĂ© par Donald Johanson et Tom Gray, l'un de ses Ă©tudiants[3] - [4], sur le versant d'un ravin. Un monument commĂ©moratif a Ă©tĂ© construit en ce lieu (11° 08â€Č 10″ N, 40° 36â€Č 00″ E), en forme de table d'orientation portant un texte en trois langues, amharique, afar et anglais.

Lucy a Ă©tĂ© dĂ©crite une premiĂšre fois en 1976[5] mais son attribution Ă  une nouvelle espĂšce appelĂ©e Australopithecus afarensis n'a Ă©tĂ© proposĂ©e qu'en 1978 aprĂšs que Donald Johanson eut rĂ©cupĂ©rĂ© la mandibule d'un fossile dĂ©couvert Ă  Laetoli, en Tanzanie, Ă  1 500 km, jugĂ©e assez compatible pour lui ĂȘtre rattachĂ©e[6] - [7]. En 1992, la reconstitution du visage de Lucy est confirmĂ©e par la dĂ©couverte d'un crĂąne de mĂąle adulte. En 2000, c'est le squelette d'un enfant de 3 ans, surnommĂ© bientĂŽt bĂ©bĂ© de Lucy quoiqu'il soit cent mille ans plus vieux, qui confirme la coexistence des caractĂšres simiens et humains[6].

RĂ©pertoriĂ© sous le nom de code AL 288-1, ce fossile a Ă©tĂ© surnommĂ© Lucy parce que les chercheurs Ă©coutaient la chanson des Beatles Lucy in the Sky with Diamonds le soir sous la tente, en rĂ©pertoriant les ossements qu'ils avaient dĂ©couverts[8]. Il est appelĂ© Dinqnesh (ዔንቅ ነሜ, dənəqə nÀƥə) en amharique (Éthiopie), ce qui signifie « tu es merveilleuse »[9] - .

Principales caractéristiques

Cette reconstitution montre que Lucy Ă©tait bipĂšde.

La dĂ©couverte de Lucy fut trĂšs importante pour l’étude des AustralopithĂšques : il s’agit du premier fossile relativement complet qui ait Ă©tĂ© dĂ©couvert pour une pĂ©riode aussi ancienne. Lucy compte en effet les fragments de 52 ossements (sur les 206 que compte un squelette complet) dont une mandibule, des Ă©lĂ©ments du crĂąne, mais surtout des Ă©lĂ©ments post-crĂąniens dont une partie du bassin et du fĂ©mur, un fragment de tibia et de fibula, ainsi que des phalanges et des fragments d'os du carpe[10].

Ces derniers Ă©lĂ©ments se sont rĂ©vĂ©lĂ©s extrĂȘmement importants pour reconstituer la locomotion de l’espĂšce Australopithecus afarensis . Si Lucy Ă©tait incontestablement apte Ă  la bipĂ©die, comme l’indiquent son port de tĂȘte, la courbure de sa colonne vertĂ©brale, la forme de son bassin et de son fĂ©mur, elle devait ĂȘtre encore partiellement arboricole : pour preuve, ses membres supĂ©rieurs Ă©taient proportionnellement un peu plus longs que chez le genre Homo, ses phalanges Ă©taient plates et courbĂ©es et l’articulation de son genou offrait une grande amplitude de rotation. Sa bipĂ©die n’est donc pas exclusive et sa structure corporelle a Ă©tĂ© qualifiĂ©e de « bilocomotrice » puisqu’elle allie deux types de locomotion : une forme de bipĂ©die et une aptitude Ă  grimper. Cette hypothĂšse d'aptitudes arboricoles est soutenue par une analyse de la structure des os de ses bras, montrant une robustesse similaire aux chimpanzĂ©s, connus pour de telles capacitĂ©s[11].

Elle présente une anatomie en mosaïque, avec un cerveau à peine plus gros que celui d'un chimpanzé mais un bassin nettement plus court et évasé, et l'inclinaison de son fémur par rapport au plan perpendiculaire à celui du genou comparable à celle que l'on observe chez Homo sapiens[12].

L'Ă©quipe de palĂ©ontologues qui a dĂ©couvert Lucy a estimĂ© que c'Ă©tait un sujet fĂ©minin du fait de sa petite stature et de son type gracile[13]. Cependant, depuis 1995, certains chercheurs estiment que Lucy serait un mĂąle d’aprĂšs l’analyse de l’os pelvien[14], bien que son bassin soit plutĂŽt en forme de bol, indiquant un sujet fĂ©minin. Les journalistes proposent avec cette controverse de la rebaptiser Lucien ou Lucifer tandis que certains palĂ©oanthropologues prĂ©fĂšrent la nommer par son nom de code scientifique, AL 288-1[15] - [16]. Elle Ă©tait adulte d'aprĂšs l'analyse de ses os et devait mesurer 1,10 m[17], et peser au maximum 30 kg[18].

Lucy est morte Ă  environ 25 ans, et le fait que ses ossements n’aient pas Ă©tĂ© dispersĂ©s par un charognard indique un enfouissement rapide, peut-ĂȘtre Ă  la suite d’une crue. D'aprĂšs une Ă©tude de 2016, l'Ă©tude des fractures de ses os, notamment au niveau de l'humĂ©rus, conduit Ă  penser que Lucy aurait fait une chute mortelle d'une hauteur de 12 mĂštres Ă  au moins 56 km/h[19] - [20]. Cette hypothĂšse est mise en doute par d'autres chercheurs, pour qui ces fractures seraient d'origine post mortem[21].

Position phylogénétique

DĂ©couverte dans des terrains datĂ©s de 3,18 millions d'annĂ©es, Lucy a longtemps Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme la reprĂ©sentante d’une espĂšce Ă  l’origine de la lignĂ©e humaine. Aujourd'hui, la majoritĂ© des chercheurs estiment que Lucy est plus probablement la reprĂ©sentante d'une branche collatĂ©rale.

Phylogénie des genres actuels et fossiles d'Homininés :

Homininae
Dryopithecini

† Dryopithecus (les Dryopithùques)



Gorillini

Gorilla (les Gorilles)


Hominini
Panina

Pan (les Chimpanzés)


Hominina

† Ardipithecus (Ardi)




† Sahelanthropus (Toumaï)




† Australopithecus (Little Foot, Lucy, etc.)




† Paranthropus (Crñne noir)



Homo (les Humains)









Le genre Australopithecus fait partie de la famille des Hominidés et de la sous-tribu des Hominines, tout comme les genres Ardipithecus, Paranthropus, Homo, et quelques autres. Les relations de descendance entre ces différents genres ne sont pas encore élucidées à ce jour.

Conservation

Le fossile original de Lucy est conservĂ© au musĂ©e national d'Éthiopie Ă  Addis-Abeba, oĂč on peut en voir une rĂ©plique. D'autres rĂ©pliques sont exposĂ©es dans d'autres musĂ©es, comme celle sous vitrine qui se trouve au 1er Ă©tage de la galerie de PalĂ©ontologie et d'Anatomie comparĂ©e, au Jardin des plantes Ă  Paris.

À l'occasion du quarantiĂšme anniversaire de sa dĂ©couverte, le , une nouvelle prĂ©sentation a Ă©tĂ© mise en place au musĂ©e national d’Éthiopie Ă  Addis-Abeba : Lucy et deux autres squelettes d'Hominina, Ardi et Selam, sont dĂ©sormais prĂ©sentĂ©s dans une nouvelle galerie, organisĂ©e avec la participation de chercheurs français[22].

Postérité

Notes et références

  1. Découvert en 1994, Little Foot est dégagé de la gangue du rocher pendant une dizaine d'années, révélant un squelette complet à 97 % (seuls les rotules, les pieds et les parties du bassin sont détériorés). Cf (en) Shaun Simillie, « Meet Little Foot, the early forerunner of humans », sur iol.co.za, .
  2. Maurice Taieb, « L’Afrique, terre d’origine de l’humanitĂ© », Echosciences, janvier 2007 [lire en ligne].
  3. D. Johanson et M. Edey, Lucy : une jeune femme de 3 500 000 ans, page 26, traduit de l'amĂ©ricain (Lucy, the beginnings of humankind), Paris, R. Laffont, (1981) (ISBN 2-221-01200-3).
  4. Le jour oĂč nous avons dĂ©couvert Lucy par Maurice Taieb le 17 avril 2008, sur Civis Memoria, consultĂ© le 2 mai 2013
  5. (en) D.C. Johanson et M. Taieb, « Plio-Pleistocene hominid discoveries in Hadar, Ethiopia », Nature, vol. 260,‎ , p. 293-297 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/260293a0).
  6. Steve Parker, Évolution : La grande histoire du vivant, delachaux et niestlĂ©, , 576 p. (ISBN 978-2603025468).
  7. (en) D. Johanson, T.D. White et Y. Coppens, « A new species of the genus Australopithecus (Primates : Hominidae) from the Pliocene of Eastern Africa », Kirtlandia, no 28,‎ , p. 1-14.
  8. (en) « Mother of man - 3.2 million years ago », sur bbc.co.uk.
  9. Site everyculture.com.
  10. Raymonde Bonnefille, Comment l'homme ? À la dĂ©couverte des premiers HominidĂ©s d'Afrique de l'Est, Errance, , p. 100.
  11. (en) C.B. Ruff, M.L. Burgess, R.A. Ketcham et J. Kappelman, « Limb Bone Structural Proportions and Locomotor Behavior in A.L. 288-1 ("Lucy") », PLoS ONE, vol. 11, no 11,‎ , e0166095 (DOI 10.1371/journal.pone.0166095).
  12. Guillaume Lecointre, Corinne Fortin, Marie-Laure Le Louarn Bonnet, Guide critique de l'Ă©volution, Belin, , p. 437.
  13. « Les Chroniques de l'histoire », sur chroniqueshistoire.fr (consulté le ).
  14. « La lignĂ©e humaine - Évolution des espĂšces », sur cndp.fr (consultĂ© le ), p. 4.
  15. Catherine Mallaval, « Lucy ou le sexe des hanches. Polémique autour un squelette de 3,2 millions d'années », sur liberation.fr, .
  16. Le crùne présente certains indices caractéristiques. « Tel le rebord des cavités orbitaires : est-il plutÎt aigu et tranchant (femme) ou arrondi et lisse (homme). Le front est-il plutÎt vertical et bombé (femme) ou fuyant et plat (homme) ? Le menton est-il arrondi et non saillant (femme) ou carré et saillant (homme) »? Celui de Lucy, cassé, ne permet pas de recueillir ces indices. Cf Adeline Colonat, « Lucy ou le sexe des hanches. Polémique autour un squelette de 3,2 millions d'années », sur science-et-vie.com, .
  17. (en) William L. Jungers, « Lucy's length: Stature reconstruction in Australopithecus afarensis (A.L.288-1) with implications for other small-bodied hominids », American Journal of Physical Anthropology, vol. 76, no 2,‎ , p. 227–231 (DOI 10.1002/ajpa.1330760211).
  18. Jean-Jacques Jaeger, Les mondes fossiles, Odile Jacob, , p. 237.
  19. HervĂ© Morin, « PalĂ©ontologie : Lucy aurait chutĂ© mortellement d’un arbre », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le ).
  20. (en) John Kappelman, Richard A. Ketcham, Stephen Pearce, Lawrence Todd, Wiley Akins, Matthew W. Colbert, Mulugeta Feseha, Jessica A. Maisano et Adrienne Witzel, « Perimortem fractures in Lucy suggest mortality from fall out of tall tree », Nature, vol. 537, no 7621,‎ , p. 503-507 (DOI 10.1038/nature19332, lire en ligne, consultĂ© le ).
  21. Rachel Mulot, « Non, Lucy ne s'est pas tuĂ©e en tombant d'un arbre », Sciences et Avenir.fr,‎ (lire en ligne).
  22. « Lucy, Ardi et Selam prennent leurs nouveaux quartiers au musĂ©e national d'Éthiopie », sur CNRS, (consultĂ© le ).

Bibliographie et filmographie

Publications scientifiques

  • (en) Johanson, D.C. et Taieb, M. (1976) « Plio-Pleistocene hominid discoveries in Hadar, Ethiopia », Nature, vol. 260, p. 293-297.
  • (en) Johanson, D., White, T.D. et Coppens, Y. (1978) « A new species of the genus Australopithecus (Primates : Hominidae) from the Pliocene of Eastern Africa », Kirtlandia, no 28, p. 1-14
  • Yves Coppens et Brigitte Senut (1991) Origine(s) de la bipĂ©die humaine, Paris, CNRS.

Vulgarisation

  • Donald Johanson et M. Edey (1981) Lucy : une jeune femme de 3 500 000 ans, traduit de l'amĂ©ricain (Lucy, the beginnings of humankind), Paris, R. Laffont, (ISBN 2-221-01200-3)
  • Pierre Pelot, Yves Coppens, Tanino Liberatore (1990) Le rĂȘve de Lucy., Seuil, (ISBN 2-02-032337-0).
  • Yves Coppens (1999) Le genou de Lucy, Odile Jacob.
  • Tanino Liberatore et Patrick Norbert (2007) Lucy : l'espoir, Capitol Éditions.
  • L'OdyssĂ©e de l'espĂšce, film documentaire sur les premiers hommes, rĂ©alisĂ© par Jacques Malaterre, diffusĂ© pour la premiĂšre fois Ă  la tĂ©lĂ©vision en 2003, reprend une description numĂ©rique de Lucy, dans son environnement, et lui imagine une histoire.
  • Raymonde Bonnefille, Sur les pas de Lucy. ExpĂ©ditions en Éthiopie, Odile Jacob, , 368 p. (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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