Liste des anciens ponts de Blois
Au cours de son histoire, la ville de Blois a compris différents ponts, essentiellement au-dessus de la Loire, mais également au-dessus du Cosson, un de ses affluents.
Ponts sur la Loire
Le pont Ă duits
Dès le Haut-Empire romain, entre 20 et 300 après J.-C., un système de franchissement permanent du fleuve est construit en aval du pont médiéval et de l’actuel pont Jacques-Gabriel. Ce système plutôt rudimentaire constituait en différents îlots artificiels alignés en diagonale et alternés de passages inondés : il s’agit de duits. Un pont à duits semble avoir été construit et utilisé à Blois à cette période, permettant déjà de relier les deux rives sur lesquelles se sont développées deux villages indépendants : Castrum Blesense[1] sur la rive droite et Vienna sur l’île fluviale[2].
Le pont antique
Entre le Ier[3] et le IIe siècle[4], un premier pont est aussi construit pour joindre les deux rives. Également qualifié de pont gallo-romain, celui-ci se trouvait plus en aval de l’actuel pont Jacques-Gabriel, entre l’ancienne halle Louis XII (actuelle Maison de la BD, sur la rive droite) et la rue Munier (en Vienne). Il s’agissait d’un pont principalement en bois, dont les fondations sont visibles lorsque la Loire est à l’étiage. Les pieux, tous équarris, proviennent de chênes et forment 9 « nuages », témoignant ainsi d’un pont à 9 piliers.
La datation des vestiges a été estimée par des analyses au carbone 14 et des techniques de dendrochronologie[5].
Le pont médiéval
Un second pont, de bois et de pierre, est mentionné à partir de 1089 sur un document sur lequel le nouveau comte Étienne II atteste la propriété de deux moulins construits sur le pont et détenus par l’abbé de Pontlevoy, qui possède également le prieuré Saint-Jean-en-Grève[A 1]. En 2003, l’INRAP a confirmé par datation au radiocarbone que les chênes utilisés pour les fondations de cette structure datent d’entre 998 et 1159[5]. Il semblerait ainsi que sa construction fut ordonnée et financée par les grands-parents d’Étienne II, le comte Eudes II et la comtesse Ermengarde, qui furent par ailleurs à l’initiative de la construction entre 1034 et 1037 du vieux pont de Tours[6] - [7].
Le pont médiéval de Blois, également connu sous le nom de « pont Saint-Louis »[8], se situait à 70 m en aval de l’actuel pont Jacques-Gabriel. Decouvertes en 1995 après l'interdiction des extractions de sable qui a fait baisser le niveau de la Loire d'1,30 m[9], les fondations de la plupart de ses 19 piliers de pierre sont également visibles lorsque le fleuve est à l’étiage. De nos jours, ces vestiges sont responsables des remous du fleuve en aval du pont moderne[5].
Au Moyen Âge, le fleuve est plus lourdement aménagé : sur le pont, qui ressemblait davantage à rue, on trouvait des habitations, des tours (dont une tour-porte à pont-levis sur la rive droite fortifiée), des moulins, une chapelle Saint-Fiacre (dépendante de l'église Saint-Martin) ainsi que des escaliers pour accéder à un duit (digue submersible), sur lequel il y avait 5 moulins à eau, des pêcheries et même un petit embarcadère[B 1]. Ce duits, aussi visible lorsque le niveau de l’eau est bas, traversait à l’origine la Loire depuis le pont jusqu’à l’ancien Hôtel-Dieu, puis il a été renforcé et prolongé au XIIIe siècle jusqu’au niveau de la Creusille afin de dévier le courant du fleuve vers la rive droite[5].
Très tôt, les comtes de Blois ont compris l’importance géostratégique que représentait ce pont, d’où la présence d’une tour-porte à l’entrée de la ville, instaurant ainsi un impôt de péage à tout nouvel devant passer par la cité, comme à tout bateau transitant sur le fleuve. Il s’agissait alors de l’unique pont sur la Loire sur quelques dizaines de kilomètres, ce qui explique pourquoi autant d’activités étaient concentrées en son sein[B 1] - [Note 1].
Le [10], alors que la guerre de Cent Ans fait rage dans le comté, Jeanne d'Arc et l'armée fidèle à Charles VII empruntèrent le pont pour libérer Orléans des Anglais[B 2].
Le , le pont est traversé par trois petits-fils de Louis XIV, à savoir les princes Louis, Charles, et Philippe justement en route pour monter sur le trône d'Espagne[B 3] sous le nom de Philippe V ou plutôt, Felipe V.
Finalement, dans la nuit du 6 au , le pont céda sous la pression d’une violente débâcle de la Loire[A 2]. L’année suivante débuta la construction du pont Jacques-Gabriel[11] ; ce-dernier fut inauguré le .
Le viaduc des Noëls
Le chemin de fer arrive à Blois en 1846, avec l’inauguration de l’embarcadère et de la ligne de Paris à Bordeaux, qui suit le lit la Loire entre Orléans et Tours.
Quarante ans plus tard, le rail est amené à traverser la Loire pour atteindre Villefranche-sur-Cher, au sud du département. Les rails originels étant construits en haut du val du fleuve, la ligne de Villefranche à Blois nécessite donc de le traverser à la hauteur maximale du val. Un viaduc ferroviaire est ainsi érigé en 1884 de part et d’autre de la vallée, entre La Chaussée-Saint-Victor et le hameau des Noëls à Vineuil.
À l’origine long de plus de 2 km, le pont fut bombardé le [12], lors de la libération de la Seconde Guerre mondiale, et ainsi amputé de sa partie traversant le fleuve. Contrairement au pont Jacques-Gabriel, le viaduc des Nöels se fut pas reconstruit mais laissé à l’abandon. Depuis, la ligne ferroviaire est déclassée.
Aujourd’hui, les piliers subsistent au milieu de l’eau et sur la rive droite, mais il reste 1,3 km de viaduc à travers les champs des Noëls. Cet espace fait actuellement l’objet d’une revalorisation dans le cadre de l’application du Plan Paysage d’Agglopolys, la communauté d’agglomérations de Blois[13].
Ponts sur le Cosson
Les ponts Chartrains
Les ponts Chartrains permettaient de traverser une zone humide et inondable dans le lit de la Loire et le Cosson, entre l’île de Vienne et Vineuil, sur la rive gauche[14]. De leur construction en 1201[15] jusqu’au XVIIIe siècle, la route reliant Chartres à Bourges passait par ces pont, mais ils sont vraisemblablement appelés « chartrains » à tort, puisqu’ils furent initialement qualifiés de « ponts chastrés », c’est-à -dire de ponts entrecoupés de chaussées surélevées[14].
En effet, jusqu’à la construction en 1717 d’une digue dans le prolongement de la Creusille, le secteur de la Bouillie était une zone humide et inondable en cas de crue, parfois considéré comme un bras de la Loire[2]. Après cette date, la zone a été asséchée, des routes furent construites pour connecter l’ancienne île fluviale aux villages de la rive gauche, et les ponts tombèrent en désuétude. Les ponts Chartrains subsistent sous la forme d’une petite route goudronnée.
Depuis 2006, l’infrastructure est classée en tant que monument historique[14].
Les ponts Saint-Michel
À l’instar des ponts Chartrains qui relient le sud de Blois à la rive gauche du Cosson par l’est, les ponts Saint-Michel permettaient de la rejoindre par l’ouest. Construite et utilisée sur la même période, et partant de l’actuelle rue des Métairies, cette route surélevée donnait accès au bas de Saint-Gervais-la-Forêt[14].
Cependant, contrairement aux précédents, il existe peu de vestiges des ponts Saint-Michel. Après les crues centennales du XIXe siècle, les ponts furent très endommagés et nécessitaient de lourds travaux. La presque totalité de la structure fut rasée en 1867 puis détruite en 1885 pour permettre la construction de l’actuel prolongement de la rue des Métairies[16]. L’actuel pont-barrage à moulin sur le Cosson fut construit en 1868 sur des vestiges des anciens ponts. Aujourd’hui, ne reste des ponts Saint-Michel que 6 piles de pierre au milieu d’un étang, localisées entre la digue et l’auberge espagnole[17].
Dans ses recherches, Louis de La Saussaye mentionne des « ponts de Mercure », qui auraient similairement existé à l'emplacement des ponts Saint-Michel lors de l'ère romaine[18]. Leur emplacement est stratégique au moins depuis le début de la christianisation de la Gaule, car ils se situent sur la Via Turonensis qui relie Paris à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Articles connexes
Notes et références
Notes
- Dans leur ouvrage (p. 409), Bergevin et Dupré détaillent les tarifs du péage en vigueur au passage du pont de Blois en 1716 :
- un piéton devait payer 3 deniers,
- un âne non chargé : 3 deniers,
- un âne chargé : 6 deniers,
- une charette chargée : 5 sous,
- un carrosse Ă 2 chevaux : 5 sous,
- un carrosse Ă 4 chevaux : 6 sous,
- un carrosse Ă 6 chevaux : 8 sous.
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Annie Cospérec, Blois, la forme d'une ville, Imprimerie Nationale, 1994, 408 p. (ISBN 9782110813220, lire en ligne) :
- Chap. 1 (« Les sites et les origines de la ville »), p. 38.
- Chap. 2 (« La ville médiévale »), p. 63.
- Louis-Catherine Bergevin et Alexandre Dupré, Histoire de Blois, Volume 1, Blois, Chez tous les libraires, , 679 p. (ISBN 978-1-160-10666-5, lire en ligne) :
- Partie II, chap. V-1 (« Ponts »), pp. 405–409.
- Partie I, chap. III (« Invasion anglaise, vente du comté, Blois sous la maison d'Orléans, séjours de la Cour »), p. 58.
- Partie I, chap. VIII (« Depuis la mort de Gaston jusqu'à la Révolution de 1789 »), p. 155.
Autres sources
- (la) Hofmann J. Lexicon universale, « Blesense Castrum et Pagus Blesensis in Celtica Blesensum » , sur EN Academic, (consulté en )
- Georges Touchard-Lafosse (dir.), Histoire de Blois et de son territoire, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, France, Ulan Press, , 480 p..
- Didier Josset, « Blois (Loir-et-Cher). Lit de la Loire, domaine public », Archéologie médiévale, no 49,‎ , p. 376–377 (ISSN 0153-9337, DOI 10.4000/archeomed.24736, lire en ligne )
- Raphaël De Filippo, « Blois – 40-42 rue Florimond-Robertet », Archéologie de la France - Informations (ADLFI),‎ (ISSN 2114-0502, lire en ligne )
- Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP), Archéologie en Région Centre : Vivre au bord de l'eau à Blois, Orléans, (e-ISSN 1243-8499, lire en ligne)
- Pierre de Sarran, Le Pont de Tours, pp. 10 et 11.
- « Le pont Eudes » , sur Paul-Bert, l'ancien faubourg Saint-Symphorien
- Jean-Noël Thibault, « Rues, ruelles et sentiers du faubourg de Vienne » [PDF], (consulté en )
- Adrien Planchon, « Sous la Loire l'Histoire se révèle », La Nouvelle République,‎ (lire en ligne )
- Pierre-Marie Quervelle, Blois : Son château, ses musées, ses monuments, FeniXX, , 68 p. (ISBN 978-2-402-19952-0, lire en ligne)
- Pascal Nourrisson, Jean-Paul Sauvage, Blois : Insolite et secret, Sutton, , 160 p. (ISBN 9782813809803), p. 63
- Christophe Gendry, « Quand les "petits trains" sillonnaient le Loir-et-Cher », La Nouvelle République,‎ (lire en ligne )
- Lucile Yon, « Journées Européennes du Patrimoine à Blois (édition 2021) » [PDF], sur le site officiel de la Ville de Blois,
- « Ponts "Saint-Michel" et ponts sur le Cosson dits "chastrés" ou "chartrains" », notice no PA41000037, base Mérimée, ministère français de la Culture, 2006
- Jean-Paul Sauvage, Pascal Nourrisson et Dominique Mauclair, Le Loir-et-Cher insolite et secret, Éditions Sutton, , 154 p. (ISBN 978-2-8138-1175-2, EAN 9782813811752), p. 17
- Pascal Nourrisson, Saint-Gervais-la-ForĂŞt, toute une histoire !, Cercle Gervaisien, (ISBN 978-2-9576674-0-6), p. 31 Ă 33
- Anne Richoux, « Les ponts Saint-Michel entre Blois et Saint-Gervais », La Nouvelle République,‎ (lire en ligne )
- Louis de La Saussaye, Essai sur l'origine de la ville de Blois, et sur ses accroissements jusqu'au Xe siècle, , 68 p. (ISBN 978-2-014-50888-8, lire en ligne)