Accueil🇫🇷Chercher

Jules Girard (journaliste)

Jules Girard, dit Jean Gauthier, né à Marseille le et mort dans sa ville natale le , est un publiciste (journaliste d'opinion) et militant antisémite puis jaune français.

Jules Girard
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  56 ans)
Marseille
Pseudonyme
Jean Gauthier
Nationalité
Activités
Autres informations
Idéologie
Membre de

Biographie

NĂ© Ă  Marseille, rue des Petites-Maries, Jean-Flavien-Jules-Emmanuel Girard est le fils de Justine-Flavie Pouigneire et d'Emmanuel-CĂ©sar Girard, courtier de commerce[1].

Réformé pour maladie de cœur en 1892, Jules Girard travaille comme plumassier à Bagnolet et à Paris. En 1895[2], il épouse Gabrielle-Marie Haas (1867-1952), plumassière puis fleuriste, avec laquelle il a déjà eu deux fils, Marcel (1889-1962)[3] et Marius-Gaston (1891-19..)[4], et qui lui donnera encore deux autres enfants[5]. Girard ayant bientôt abandonné sa famille[5], Gabrielle obtiendra le divorce ainsi que la garde des enfants en 1906[6].

Girard débute dans le journalisme en 1897, en entrant à L’Écho de Charonne de l'abbé Duvaux. Lors des élections législatives de 1898, il fait campagne aux côtés de ce prêtre en faveur d'Edmond Turquet et en profite pour détourner une partie des fonds fournis par le comité Justice-Égalité[5].

Collaborateur de Guérin (1898-1902)

En 1898, Girard devient l'un des collaborateurs de L'Antijuif, journal qui deviendra La Tribune française en 1902. Cette feuille est l'organe de la Ligue antisémitique de France (LAF, rebaptisée Grand Occident de France en ) menée par Jules Guérin. Ce dernier se rend bientôt compte des malversations de Girard, qui fraude sur les abonnements, mais il le garde néanmoins à ses côtés jusqu'en 1902 et en fait son secrétaire[5].

Arrestation de Guérin par le commissaire Leproust (25 octobre 1898).

Le , sur la place de la Concorde, en marge de manifestations hostiles au gouvernement Brisson, GuĂ©rin, Girard et quelques autres militants de la LAF rouent de coups le commissaire Maurice Leproust, qui venait de leur ordonner de cesser de crier « Mort aux juifs ! Â». Girard assène mĂŞme un coup de matraque Ă  l'agent alors que celui-ci est dĂ©jĂ  Ă  terre. Traduits en correctionnelle, les agresseurs sont acquittĂ©s du chef de coups et blessures mais condamnĂ©s Ă  une amende pour port d'armes prohibĂ©es[7]. Le suivant, quelques jours après l'incident de la caserne de Reuilly, le domicile de Girard, situĂ© au no 1-bis de la rue des Rondonneaux, fait partie des bureaux et logements de nationalistes visĂ©s par des perquisitions[8]. La police n'y trouve cependant pas d'Ă©lĂ©ments intĂ©ressants[5].

Lors du second procès du capitaine Dreyfus, qui se tient à Rennes à partir d', Guérin envoie Girard dans la ville bretonne, officiellement pour le service des informations de l’Antijuif[9]. Or, peu de temps après son arrivée, le , le secrétaire de Guérin est arrêté par le commissaire Hennion puis transféré à Paris dans le cadre du vaste coup de filet organisé à l'encontre des agitateurs nationalistes[10]. Remis en liberté après son incarcération à la Santé, il fait ainsi partie des 22 militants inculpés de complot devant la Haute Cour. Cependant, les sénateurs le relâchent bientôt par faute de présomptions suffisantes[11].

Girard est ensuite assez discret jusqu'en 1902. En janvier, Ă  Pont-de-l'Arche, il participe Ă  une bagarre très violente entre groupes antisĂ©mites rivaux[12]. En tant que secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Grand Occident de France, il envoie aussi des « camarades Â» armĂ©s de triques perturber une rĂ©union Ă©lectorale de Charles Andriveau, candidat de la Ligue de la patrie française et concurrent d'un autre nationaliste, Émile Massard, en vue des Ă©lections lĂ©gislatives d'avril-mai[13]. Girard est lui-mĂŞme candidat, dans la 4e circonscription de Saint-Denis (Clichy-Levallois-Perret), oĂą il est soutenu par l'« Union rĂ©publicaine patriote socialiste de Clichy Â»[14]. Directement concurrencĂ© par un autre antisĂ©mite, Firmin Faure, dĂ©putĂ© sortant d'une circonscription algĂ©rienne et soutenu par La Libre Parole d'Édouard Drumont, il n'arrive qu'en cinquième position au soir du premier tour, avec seulement 299 voix (moins de 2 % des votants), loin derrière le radical-socialiste Laberdesque (872 suffrages), le nationaliste modĂ©rĂ© TrĂ©zel (3 917), le nationaliste antisĂ©mite Faure (5 167) et le sortant socialiste, Renou (6 408 voix)[15].

DĂ©boires politiques (1902-1905)

Brouillé avec Guérin depuis le mois de [5], Girard cherche à tirer profit de la discorde entre Guérin et Drumont et se fait embaucher à la Libre Parole, dont l'administrateur, Devos, lui remet 1000 francs en échange de renseignements contre Guérin. Cette collaboration prend fin très rapidement, car Girard n'a pas d'informations utilisables et, pire, il est suspecté de travailler pour la police en tant qu'indicateur[16].

L'école des sœurs de Sainte-Marie, rue Saint-Maur, où Girard et son groupe se sont retranchés le 24 juillet 1902.

Vers le de la mĂŞme annĂ©e, Girard rejoint l'abbĂ© Duvaux et fonde avec lui la « Ligue pour la dĂ©fense de la libertĂ© de conscience Â» afin de lutter contre les expulsions de congrĂ©gations. Dans le cadre de cette activitĂ© anti-combiste, il se met Ă  la tĂŞte d'un petit groupe d'agitateurs (comprenant notamment les royalistes AndrĂ© Gaucher et Paul Jaume) afin d'organiser un petit « Fort Chabrol Â» Ă  l'Ă©cole des sĹ“urs augustines de Sainte-Marie, situĂ©e au no 64 de la rue Saint-Maur[17], oĂą il s'enferme le . DisposĂ©es Ă  quitter les lieux mais retenues par leurs « dĂ©fenseurs Â», les religieuses finissent par obtenir leur dĂ©part grâce Ă  l'intervention de l'abbĂ© Beaudinot, curĂ© de Saint-Ambroise et propriĂ©taire des lieux, et du dĂ©putĂ© nationaliste local, Albert Congy[18].

En 1903, Girard s'associe à des individus peu recommandables pour lancer, le , un journal antisémite intitulé le Huit reflets[19], mais cette feuille proche des bonapartistes disparaît dès le mois de mars suivant[5].

Le , il fonde le Groupe d'action des antijuifs indĂ©pendants, groupuscule qui rĂ©unit moins d'une centaine de militants antisĂ©mites (dont Hornbostel). Son meilleur comitĂ© de banlieue, Ă  Levallois-Perret, ne compte que neuf membres en 1904[20]. Le groupe, qui a adoptĂ© un insigne (une tĂŞte caricaturale de juif entre deux triques) et Ă©dite un journal, l’Action nationale, grâce au soutien financier du marquis de Dion, Ă©labore en un projet sans lendemain d'enlèvement du dreyfusard Joseph Reinach[21]. Fin , Girard est entendu par la commission d'enquĂŞte sur le « million des chartreux Â», l’Action nationale ayant publiĂ© des documents relatifs Ă  cette affaire de chantage[22].

Désespéré par l'insuccès de ses entreprises politiques, sans ressources et à la veille d'être expulsé de son logement du no 1 de la rue Paul-Féval, Jules Girard tente de mettre fin à ses jours le . Le gaz ayant déjà été coupé, il se frappe avec des ciseaux de tailleur mais survit à sa tentative[23].

Jean Gauthier (1905-1927)

Cette mĂŞme annĂ©e 1905, Girard prend le pseudonyme de « Jean Gauthier Â» et entre au service de Pierre BiĂ©try, chef des Jaunes de France. Un mouvement ouvrier ayant Ă©clatĂ© dans le bassin de Longwy Ă  l'automne 1905, BiĂ©try y envoie Gauthier afin d'organiser les briseurs de grève. Après avoir profitĂ© d'une part des subventions patronales, Gauthier constate que BiĂ©try - Ă©lu Ă  la Chambre en 1906 - ne rĂ©munère plus correctement ses services[24]. Il se retourne par consĂ©quent contre lui et fait paraĂ®tre en 1907 un pamphlet rĂ©vĂ©lant les sources de financement royalistes et clĂ©ricales du mouvement jaune[25]. Emmanuel Gallian, journaliste au Jaune (organe de BiĂ©try), ayant rĂ©agi aux attaques de Gauthier, un duel au pistolet puis Ă  l'Ă©pĂ©e a lieu entre les deux hommes au parc des Princes le [26]. En , Girard (dit Gauthier) est condamnĂ© Ă  200 francs d'amende et Ă  333 francs de dommages-intĂ©rĂŞts en faveur du dĂ©putĂ© de Brest[27].

De retour dans sa ville natale en 1909, Girard alias Gauthier y organise le syndicalisme jaune (mĂŞme s'il n'emploie pas cet adjectif, trop liĂ© Ă  BiĂ©try) en crĂ©ant la FĂ©dĂ©ration professionnelle des syndicats libres du Sud-Est, une Bourse libre du travail (au no 12 du quai du Canal) dont il devient le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, ainsi qu'un journal, L'Avenir syndical[28]. Au printemps 1910, il offre ses services aux grandes compagnies de navigation marseillaise et Ă  la compagnie des chemins de fer du Sud-France Ă  Nice, s'attirant ainsi les foudres des cĂ©gĂ©tistes[29]. L'Ă©tĂ© suivant, lors de la grève des mĂ©tallurgistes d'Argenteuil, les patrons des usines Kessler et Baudet font appel Ă  Gauthier, qui leur apporte une cinquantaine d'ouvriers marseillais afin de briser le mouvement[30] - [31]. En 1911, Gauthier et ses acolytes ont pour « quartier gĂ©nĂ©ral Â» le bar PĂ©lissier, situĂ© près du Vieux-Port, au no 17 de la rue Thiars (rue Saint-SaĂ«ns)[32].

Jusque dans les années 1920[33], Gauthier reste secrétaire général de la Bourse libre du travail, où, avec l'aide de sa seconde épouse, il a organisé un hôpital militaire pendant la Première Guerre mondiale[34]. Il meurt le en son domicile de la villa Perle, au vallon de la Baudille, près de la Corniche[35].

Notes et références

  1. Archives des Bouches-du-Rhône, état civil de Marseille, registre (no 6) des naissances de 1871, acte no 505 du 24 août (vue 60 sur 86).
  2. Archives de Paris, Ă©tat civil du 20e arrondissement, registre des mariages de 1895, acte no 45 du 15 janvier (vue 14 sur 29).
  3. Archives de Paris, Ă©tat civil du 20e arrondissement, registre des naissances de 1889, acte no 1874 du 16 mai (vue 8 sur 41).
  4. Archives de Paris, Ă©tat civil du 9e arrondissement, registre des naissances de 1891, acte no 1592 du 12 octobre (vue 13 sur 16).
  5. Joly (2005), p. 179-180.
  6. Archives de Paris, état civil du 20e arrondissement, registre des mariages de 1907, acte no 194 du 11 février (vue 10 sur 31).
  7. Le Radical, 12 novembre 1898, p. 3.
  8. Le Radical, 28 février 1899, p. 2.
  9. La Libre Parole, 13 août 1899, p. 2.
  10. Le Figaro, 13 août 1899, p. 3.
  11. Henri Chevalier-Marescq (dir.), Revue des Grands procès contemporains, t. XIX (« Complot antisémite, nationaliste et royaliste »), 1901, p. 55.
  12. Joly (2008), p. 290.
  13. Le Matin, 25 avril 1908, p. 1.
  14. Le Matin, 21 février 1902, p. 2.
  15. Le Figaro, 28 avril 1901, p. 1.
  16. Joly (2008), p. 296.
  17. Le Radical, 27 et 28 juillet 1902, p. 2.
  18. Gil Blas, 27 juillet 1902, p. 2.
  19. La Libre Parole, 26 janvier 1903, p. 3.
  20. Joly (2005), p. 481.
  21. Joly (2008), p. 297.
  22. Le Radical, 29 juin 1904, p. 1.
  23. Le Radical, 26 février 1905, p. 2.
  24. L'Humanité, 25 juin 1908, p. 1.
  25. Jean Gauthier, Le Clergé, les royalistes et les jaunes : de Badevel au Palais-Bourbon en passant par Longwy, Paris, 1907, 158 p.
  26. Le Radical, 14 septembre 1907? p. 3.
  27. La Croix, 31 décembre 1908, p. 2.
  28. L'Avenir syndical, 11 décembre 1909, p. 1-2.
  29. L'Union syndicale (Nice), juillet 1910, p. 2.
  30. L'Humanité, 28 août 1910, p. 4.
  31. L'Ouvrier syndiqué (Marseille), 1er septembre 1910, p. 1.
  32. L'Ouvrier syndiqué (Marseille), 1er octobre 1911, p. 1.
  33. Le Petit Marseillais, 3 novembre 1922, p. 4.
  34. Le Petit Marseillais, 30 septembre 1916, p. 3.
  35. Le Petit Marseillais, 15 novembre 1927, p. 5.

Voir aussi

Bibliographie

  • Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et gĂ©ographique du nationalisme français (1880-1900), Paris, HonorĂ© Champion, 2005, p. 179-180.
  • Bertrand Joly, Nationalistes et conservateurs en France (1885-1902), Paris, Les Indes savantes, 2008, p. 284, 290 et 296-297.

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.