Fort Chabrol
Fort Chabrol désigne l'épisode rocambolesque qui se déroula du au , quand Jules Guérin, refusant d'obtempérer au mandat d'amener lancé contre lui, se retrancha pendant 38 jours dans un immeuble de la rue de Chabrol à Paris, alors que le gouvernement français Waldeck-Rousseau (alors président du Conseil) craignait une émeute nationaliste et monarchiste à l'occasion du procès en révision d'Alfred Dreyfus à Rennes.
Histoire
Pierre Waldeck-Rousseau voulait engager des poursuites contre les dirigeants des ligues nationalistes, accusés de complot contre la sûreté de l'État.
Le , les autorités font arrêter Paul Déroulède et les dirigeants de la Ligue des patriotes, ainsi que les chefs des Jeunesses royalistes et de la Ligue antisémitique de France. Refusant d'obtempérer au mandat d'amener lancé contre lui, Jules Guérin, président de la Ligue antisémitique et directeur du journal hebdomadaire L'Antijuif, se retranche au « Grand Occident de France », no 51, rue de Chabrol.
L'immeuble, mis en état de siège, est ravitaillé dans les jours qui précèdent sa reddition à partir d'un logement loué au no 114 de la rue Lafayette. Lancés des toits, les paquets n'atteignent pas tous leur but : certains tombent dans la rue. Après trente-huit jours de résistance, les insurgés se rendent, le .
Le Sénat se constitue en Haute Cour de justice pour juger Déroulède, Guérin et soixante-cinq de leurs partisans, accusés de complot contre la sûreté de l'État. Le , cependant, de violentes bagarres éclatent entre antisémites et révolutionnaires, aux abords de « fort Chabrol ». Tous sont refoulés par la police vers la rue Saint-Maur, et c'est alors que des anarchistes saccagent et incendient l'église Saint-Joseph.
À cause de ces divers incidents, la première audience a lieu le et la sentence est prononcée le . Déroulède et André Buffet sont condamnés à dix ans de bannissement, Guérin à dix ans de détention. Tous les autres accusés sont acquittés, sauf Eugène de Lur-Saluces qui, une fois arrêté, est condamné à cinq ans de bannissement.
Le but de Waldeck-Rousseau était en réalité de réduire le travail politique des nationalistes à une agitation confuse qui leur sera, à long terme, très préjudiciable.
Postérité
À la suite de cet événement, l'expression « un fort Chabrol » est passée dans l'usage dans plusieurs pays francophones, pour désigner une situation où un individu – généralement armé, parfois avec otages – se retranche dans un immeuble entouré par les forces de l'ordre[1] - [2].
On trouve des exemples dans la presse[3] - [4] - [5].
Cet épisode est raconté dans la série française Paris Police 1900 (2021).
L'auteur français Maurice Attia évoque largement cet événement dans l'un de ses romans : Le rouge et le brun, paru en 2021 chez Jigal.
Notes et références
- Jacques Besnard, « Mais, au fait, d'où vient l'expression "Fort Chabrol" ? », La Libre Belgique, (consulté le )
- Thomas Martin, « Le rocambolesque siège du Fort Chabrol à Paris », sur Actu.fr, (consulté le )
- « L homme qui s était barricadé dans un appartement d'Ecquevilly s'est donné la mort après un siège de vingt-quatre heures », Le Monde,‎ (lire en ligne)
- « Fort chabrol à Houdeng-Goegnies: un homme armé a lancé un cocktail Molotov sur les policiers présents », sur Sudinfo.be, (consulté le )
- « Fin du Fort Chabrol à Tamines » [archive du ], Le Vif,
Sources
- Aurélie Bérard, « Fort Chabrol », dans L'Express, .
- « L'affaire Paul Déroulède (1899) », sur le site du Sénat.
- Jean Leduc, L'Enracinement de la République, Hachette Supérieur.
- Almanach des Français, La France républicaine de 1881 à nos jours.
- Robert Le Texier, Le Fol Été du Fort Chabrol, Paris, France-Empire, 1990.
- Jean-Paul Clébert, Fort Chabrol, Paris, Denoël, 1981.