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Houillères et saline de Grozon

Les houillères et saline de Grozon sont des mines de charbon et de sel gemme du bassin keupérien situées dans le département du Jura, en Bourgogne-Franche-Comté, dans l'Est de la France. Elles sont exploitées sur le territoire des communes de Grozon et de Tourmont de 1845 à 1944 pour le charbon et du VIIe au XXe siècle pour le sel après une première période d'exploitation au Néolithique et pendant l'Antiquité. L'exploitation du charbon sur place pour l'évaporation de la saumure permet à la Compagnie des Mines du Jura (qui possède uniquement cette saline) de diminuer le coût de revient du sel.

Compagnie des Mines du Jura
logo de Houillères et saline de Grozon
La saline de Grozon.

Création 1840
Dates clés Néolithique-1369 : exploitation primitive
1845 : accord de la concession
1852 : nouvelle exploitation
1888 : fusion avec Montmorot
Disparition 1875 (compagnie)
1944 (houille)
Mi-XXe siècle (sel)
Siège social Grozon
Drapeau de la France France
Activité Houille, sel gemme

Les bâtiments de la saline du XIXe siècle sont reconvertis en école maternelle, salle des fêtes et logement à la fin du XXe siècle. Les vestiges laissés par l'ancienne saline du haut Moyen Âge sont mis au jour lors d'un diagnostic archéologique mené fin 2014, ils sont alors considérés comme étant uniques en France.

Situation et géologie

Schémas montrant comment l’évaporation d'une lagune a permis des dépôts de bancs de sels et de débris végétaux avant que ceux-ci ne soient recouverts par les sédiments.
La formation du gisement de sel et de charbon du Keuper en Franche-Comté.

La concession possède une superficie de 1 100 hectares pour l'exploitation du charbon et 292 hectares pour le sel[1], rĂ©partis sur les communes de Grozon et Tourmont, au centre du dĂ©partement du Jura en rĂ©gion de Bourgogne-Franche-ComtĂ©.

Les gisements de houille et d'halite exploitĂ©s sont mĂŞlĂ©s au sein du bassin houiller keupĂ©rien de Haute-SaĂ´ne. Ce bassin est formĂ© d'une alternance de couches de grès, de marne irisĂ©e et de dolomies de gypse. La couche de sel se situe Ă  86 mètres de profondeur, son Ă©paisseur est de 6,5 mètres, la matière extraite par abattage fournit 87 % de sel pur[1].

Saline

Néolithique et Antiquité

Des traces d'extraction de sel daté du Néolithique sont retrouvées sur la commune. L'extraction s'est faite de manière primitive vers 3900-3540 av. J.-C. Avec le peuplement de la région, l'exploitation s'intensifie au XIIIe siècle av. J.-C.[2].

Ă€ cette Ă©poque, du NĂ©olithique Ă  la pĂ©riode romaine, l'Ă©vaporation de la saumure est pratiquĂ©e sans rĂ©cipient ni infrastructure, mais Ă  mĂŞme le sol sur un bĂ»cher Ă©tabli Ă  proximitĂ© des sources salĂ©es. Des couches de cendres et de charbon de bois accumulĂ©es sur une dizaine de mètres sont observĂ©es Ă  Salins-les-Bains, Ă  Grozon et Ă  Lons-le-Saunier lors de recherches archĂ©ologiques menĂ©es entre 1996 et 2001. Ces vestiges sont datĂ©s sur une pĂ©riode de 6 000 ans. Grozon offre de meilleures perspectives de recherche que Salin ou Lons qui sont situĂ©s dans un contexte urbanisĂ©[3].

L'exploitation discrète du Néolithique va s'intensifier au cours de l'âge du bronze pour connaître un premier pic de production vers 1400-1500 av. J.-C. accompagné d'une croissance démographique. Le deuxième pic de production apparaît au commencement de l'âge du fer. Après le IVe siècle av. J.-C., Grozon devient avec Lons-le-Saunier, l'un des deux principaux sites de production de sel des Séquanes et ce jusqu'à la conquête de la Gaule ; les salaisons de Séquanie était alors particulièrement demandées sur les marchés de Rome[4]. Pour privilégier le sel romain, l'Empire fait construire un sanctuaire monumental sur la source et empêche toute exploitation[5].

Les couches de cendres de Grozon sont exploitées au XIXe siècle pour servir d'engrais aux exploitations agricoles de la Bresse[6]. L'évaporation du sel consomme de grandes quantités de bois quelle que soit l'époque et engendre un vaste défrichement. La raréfaction de certaines essences lors de l’intensification de l'activité montre que le charme, le hêtres et surtout le chêne sont utilisés comme combustibles[7].

Haut Moyen Ă‚ge

L'emplacement de l'ancienne saline en 2017.

Une ancienne saline est en activité au VIIe siècle à Grozon, elle est mentionnée dans un texte de donation daté de 722[8] - [9]. La saline change régulièrement de propriétaires qui sont des seigneurs et des instances religieuses locales. En 906, elle est acquise par l'abbaye de Flavigny puis par Hugues Ier, archevêque de Besançon en 1053. Trente ans plus tard, elle appartient à l'abbaye de Rosières. Les bâtiments sont incendiés et la source obstruée après un traité du qui oblige Marguerite Ire de Bourgogne qui en a hérité à détruire la saline pour que la saunerie de Salins soit la seule à produire dans l'archevêché de Besançon. Des ruines de murs couvertes de terre, de charbon, de cendre et d'anciennes tuiles subsistent en 1854[1].

Les vestiges de cinq bâtiments d'architectures diffĂ©rentes sont retrouvĂ©s sur une surface de 600 m2 en septembre 2014 lors d'un diagnostic archĂ©ologique menĂ© par la direction rĂ©gionale des affaires culturelles (DRAC) et l'Institut national de recherches archĂ©ologiques prĂ©ventives (INRAP). Des fondations de bâtiments en bois mais aussi la base des murs en pierre de 50 cm d'Ă©paisseur et d'1,5 mètre d'Ă©lĂ©vation du bâtiment quadrangulaire d'Ă©vaporation sont alors mises au jour ainsi que des cĂ©ramiques. Les archĂ©ologues estiment que ces vestiges sont uniques en France et que la prĂ©sence d'un bâtiment maçonnĂ© (habituellement rĂ©servĂ© aux Ă©difices religieux Ă  cette pĂ©riode) remet en question les connaissances historiques sur les infrastructures des salines du haut Moyen Ă‚ge. Les Ă©lĂ©ments en bois sont conservĂ©s par la prĂ©sence de la nappe phrĂ©atique. Ces vestiges sont de nouveau ensevelis pour les prĂ©server Ă  l'issue des fouilles le 3 novembre suivant. Un pavillon est construit par-dessus en 2015[10] - [8] - [9].

RĂ©volution industrielle

Vue du bâtiment d'évaporation avec un puits à saumure.

La Compagnie des Mines du Jura est crĂ©Ă©e en 1840 avec un capital d'un million de francs rĂ©parti en 2 000 actions[1] et obtient la concession de Grozon par une ordonnance royale du 12 avril 1845. L'exploitation de la mine de sel dĂ©bute en 1852 avec des puits d'extraction et un abattage par galerie. Mais cette mĂ©thode est remplacĂ©e par un système plus rentable de puisage de saumure par trois trous de sonde directement creusĂ©s depuis l'usine d'Ă©vaporation Ă  huit poĂŞles construite par les ingĂ©nieurs Delize, Thomas et Boucard entre 1853 et 1854. La mise en service de ces installations est autorisĂ©e le 3 fĂ©vrier 1855, elles sont motorisĂ©es par une machine Ă  vapeur. L'atelier d'Ă©vaporation subit un effondrement en 1873, il est rapidement reconstruit. En 1875, la saline est achetĂ©e par la SociĂ©tĂ© des anciennes Salines domaniales de l'Est, ce qui entraĂ®ne la dissolution de la Compagnie des Mines du Jura. Deux ans plus tard elle relance un puits creusĂ© en 1840, mais inexploitĂ©[11].

La production annuelle de sel passe de 1 200 tonnes en 1864 avec douze ouvriers Ă  3 000 tonnes en 1875 avant de chuter Ă  960 tonnes en 1884 et d'ĂŞtre arrĂŞtĂ©e l'annĂ©e suivante. Elle emploie cinq ouvriers en 1882. En 1888, la concession de sel de Grozon fusionne avec celle de Montmorot. Les trous de sondes sont renforcĂ©s entre 1891 et 1896 et un quatrième trou de sonde est creusĂ©. La concession est dĂ©chue par un arrĂŞtĂ© en 1901 ; il est annulĂ© dès l'annĂ©e suivante. L'activitĂ© est relancĂ©e en 1918 ; l'annĂ©e suivante, quatre nouveaux poĂŞles sont installĂ©s et permettent la production de 2 855 tonnes de sel dans l'annĂ©e[11].

Un magasin et un atelier de la saline sont démolis dans les années 1960. Au début du XXIe siècle subsistent les bâtiments abritant les logements, les bureaux, la salle des machines et le bâtiment de la machine d'extraction qui abrite les trous de pompage de saumure. Tous ces bâtiments sont reconvertis en salle des fêtes, école maternelle, logements et garage vers 1980. La saline est inscrite le à l'inventaire général du patrimoine culturel[11].

  • Les anciens bureaux et logements.
    Les anciens bureaux et logements.
  • La salle des machines.
    La salle des machines.
  • L'autre cĂ´tĂ©.
    L'autre côté.
  • Les bacs Ă  saumure.
    Les bacs Ă  saumure.

Houillères

Diverses coupes de chantiers d'exploitation et de recherche.
Plan Ă  l'appui d'une demande en autorisation d'une exploitation de houille par les salines de Grozon.

La concession de Grozon, d'une superficie de 1 100 hectares, est accordĂ©e le pour alimenter les poĂŞles d'Ă©vaporation de saumure de la saline du village. Cette mine, fermĂ©e avant 1864 est alors la seule du dĂ©partement qui exploite de la houille[11] - [12].

Le gisement exploitĂ© en « gradin couchĂ© »[1] est constituĂ© d'une seule couche dont l'Ă©paisseur varie de 40 Ă  80 cm. La houille, très sèche, est formĂ©e de 73,21 % de carbone et 3,75 % de cendre. Elle est très friable, ce qui oblige la mise en place d'un coffrage dans les galeries. Elle est de mauvaise qualitĂ©, mĂŞme après un lavage, elle brĂ»le mal en raison d'un mauvais pouvoir calorifique et laisse beaucoup de cendre. Ces diffĂ©rentes raisons provoquent l’arrĂŞt de l’exploitation[13].

Entre 1942 et 1944 la concession est reprise par les salines de Montmorot et de Montaigu[11], deux descenderies sont creusées, l'une au nord, l'autre au sud de la vallée. Les couches de houilles sont perturbées par de nombreuses failles. Le charbon dur est abattu à l'aide d'explosifs, il est envoyé par chemin de fer à Villeneuve et Montmorot ainsi qu'à l'usine de gaz de houille de Grenoble[14].

  • Site du puits de Champ sur la Pierre Ă  Grozon.
    Site du puits de Champ sur la Pierre Ă  Grozon.
  • Emplacement approximatif d'un puits de Tourmont.
    Emplacement approximatif d'un puits de Tourmont.

Notes et références

  1. A. Rousset 1854, p. 10-11.
  2. Yvan Grassias, Philippe Markarian, Pierre Pétrequin, Olivier Weller, De pierre et de sel : Les salines de Salins-les-Bains, Musées des techniques et cultures comtoises, (ISBN 2-911484-12-6), p. 44.
  3. Pierre PĂ©trequin et Olivier Weller 2008, p. 258-265.
  4. Pierre PĂ©trequin et Olivier Weller 2008, p. 265.
  5. Pierre PĂ©trequin et Olivier Weller 2008, p. 265-266.
  6. Alexa Dufresse et Émilie Ghautier 2002, p. 247.
  7. Alexa Dufresse et Émilie Ghautier 2002, p. 255.
  8. « Une saline du haut Moyen Âge découverte sur un chantier dans le Jura » [vidéo], sur France 3 Franche-Comté, .
  9. « Une saline de l'époque mérovingienne découverte à Grozon dans le Jura », sur France Bleu Besançon, .
  10. « Franche-Comté, Jura, Grozon, rue des Salines : nouveaux indices de la saline du haut Moyen Âge : rapport de diagnostic », sur dolia.inrap.fr, .
  11. « Saline de Grozon », notice no IA39000110, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  12. H. Résal, Statistiques géologiques, minérologique et métallurgique des départements du Doubs et du Jura, Dodivers, (lire en ligne), p. 294-295.
  13. Ogérien, Grenier, Histoire naturelle du Jura et des départements voisins, Masson, (lire en ligne), p. 327-329.
  14. R. Dormois et J.Ricours 1943, p. 17-20.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Pierre PĂ©trequin et Olivier Weller, Sel, eau et forĂŞt d'hier Ă  aujourd'hui, Presses Univ. Franche-ComtĂ©, coll. « Les Cahiers de la MHSE Ledoux », (ISBN 978-2-84867-230-4, ISSN 1771-8988, lire en ligne), p. 256-279. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Alexa Dufresse et Émilie Ghautier, Exploitation des sources salĂ©es en Franche-ComtĂ© : impact sur l’espace forestier du NĂ©olithique Ă  la pĂ©riode mĂ©diĂ©vale, (lire en ligne), p. 243-257. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • [PDF] R. Dormois et J.Ricours, Houille triasique sur le versant N.O. du Jura, BRGM, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • [PDF] A. Rousset, Extrait du Dictionnaire GĂ©ographique, Historique et Statistique des communes de la Franche-ComtĂ© : Grozon (39), t. III, cegfc.net, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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