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Henri Laborit

Henri Laborit (né le à Hanoï, alors en Indochine française, et mort le à Paris) est un médecin chirurgien et neurobiologiste.

Il introduit en 1951 l'utilisation des neuroleptiques, rĂ©volutionnant la psychiatrie, et celle du GHB en 1960, rĂ©volutionnant l'anesthĂ©sie. Il est Ă©galement Ă©thologue (spĂ©cialiste du comportement animal), « eutonologue Â», selon sa propre dĂ©finition (spĂ©cialiste du comportement humain) et philosophe.

Il se fait connaître du grand public par la vulgarisation des neurosciences, notamment en participant au film Mon oncle d'Amérique d'Alain Resnais.

Biographie

Henri Laborit est le fils d'un officier médecin des troupes coloniales en Indochine, qui meurt du tétanos alors qu'Henri Laborit n'a que cinq ans.

À douze ans, Henri Laborit contracte la tuberculose. Malgré les séquelles de sa maladie, il fait ses humanités et obtient son baccalauréat à Paris, au lycée Carnot.

Après avoir obtenu son certificat de sciences physiques, chimiques et naturelles de la Faculté des sciences, il passe à vingt ans le concours d'entrée à l'École principale du service de santé de la Marine, à Bordeaux. Avec son diplôme de médecin, il exerce d'abord dans la Marine, puis se tourne vers la chirurgie à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce. C'est là, en collaboration avec les psychiatres de l'hôpital Sainte-Anne, qu'il étudie les phénothiazines. Par la suite, il poursuit ses recherches dans un laboratoire autofinancé de l'hôpital Boucicaut, tout en restant personnellement rémunéré par le Service de santé des armées[1].

Le 31 mai 1940 il est médecin sur le torpilleur Sirocco, qui est torpillé pendant l'opération Dynamo. Faisant partie des 270 personnes sauvées il témoignera sur son sauvetage[2].

Il est le père de l'actrice Maria Laborit, du psychiatre Jacques Laborit et le grand-père de l'actrice Emmanuelle Laborit, fille de ce dernier, mais aussi de Marie Noël, Philippe et Jean Laborit, réalisateur et peintre. Son épouse, Geneviève Laborit, qui a beaucoup contribué à ses travaux de recherche, meurt en 1997.

Travaux scientifiques

En tant que chirurgien, Henri Laborit s'intéresse à la qualité de l'anesthésie et plus particulièrement à la neuroleptanalgésie, ce qui le conduit à deux premières découvertes :

  • de 1950 Ă  1952, il met au point la technique de l'hibernation artificielle, qui va rĂ©volutionner la chirurgie ;
  • en 1951, il introduit la 4560 RP chlorpromazine, le premier neuroleptique au monde. Cette molĂ©cule, commercialisĂ©e sous le nom de Largactil, est utilisĂ©e dans le traitement de la schizophrĂ©nie.

Il s'oriente par la suite vers l'étude des mécanismes liés au stress. En 1958, il crée le laboratoire d’eutonologie[3]. Il y travaille avec son équipe à l’hôpital Boucicaut et en est le directeur jusqu'à sa mort.

En mĂŞme temps, il dirige la revue Agressologie jusqu'en 1983.

Il donne sa vraie importance à la névroglie ou ensemble de cellules gliales, et aux radicaux libres, bien avant leur irruption dans la presse radio-télévisée et même dans la presse scientifique. Il est également le premier à utiliser le GHB, en médecine, au début des années 1960, ce qui a ouvert la voie à bien d'autres molécules de synthèse encore plus performantes.

En 1968, il publie son premier ouvrage de vulgarisation, Biologie et structure (ISBN 978-2-07-035156-5 et 2-07-035156-4). Il écrit par la suite une trentaine d'œuvres consacrées à la philosophie scientifique et à la nature humaine.

De 1978 à 1983, il est professeur invité de bio-psycho-sociologie à l’Université du Québec, où il donne des cours en alternance avec son adjoint le Dr Bernard Weber, physiologiste et collaborateur au CEPBEPE, son laboratoire à Boucicaut.

En 1989, il accepte la présidence de l'Institut de Psychosomatique de Turin. La même année et jusqu'en 1992, il occupe une chaire de professeur à l'Université européenne de Lugano, en Suisse italienne.

Henri Laborit est aussi l'un des pionniers de la théorie de la complexité, initiateur de la pensée complexe et de l'auto-organisation du vivant par l'introduction de la cybernétique et de la systémique par sa participation au Groupe des dix.

Activités socio-politiques

Durant toute sa vie, Henri Laborit est un esprit curieux et anticonformiste : il prend la défense de façon inattendue de la revue Planète contre les attaques de l'Union rationaliste dans les années 1960, il rappelle discrètement les massacres de Vendée dans Mon oncle d'Amérique en 1980, il participe au comité de direction de l'Institut de sémantique générale de Lakeville. Il ne se laisse étiqueter sous quelque mouvement que ce soit.

En 1969, les étudiants en urbanisme de la nouvelle université de Vincennes l'invitent à animer une unité de valeur intitulée « biologie et urbanisme », ce qu'il fait jusqu'en 1974.

Avec son livre La Nouvelle Grille (1974), il fait connaître ses idées sur la biologie comportementale au grand public dans le contexte favorable d'après mai 68. Le bon accueil fait par un public lettré à ce livre le conduit à écrire Éloge de la fuite, qui en constitue une introduction accessible à tous; celle-ci connaît plusieurs réimpressions en version de poche.

Ses travaux sur le conditionnement sont à la base du film Mon oncle d'Amérique, d'Alain Resnais, en 1980. Il y expose les expériences scientifiques conduites sur des rats et qui l'ont amené à développer le concept d'inhibition de l'action et qui explique dans quelles conditions de stress des rats isolés somatisent (apparition d'ulcères).

Les démonstrations d'Henri Laborit s'appuient sur la théorie du cerveau triunique de Paul MacLean, ce qui a conduit entre autres Karl H. Pribram et Sandra Scarr à lui reprocher au début des années 1980 de s'inspirer de modèles scientifiques « complètement écartés » « depuis trente ans » (quoique la théorie de MacLean n'ait été publiée qu'en 1969) et de simplifier jusqu'au point de la falsification scientifique[4].

« Tant qu'on n'aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l'utilisent et tant que l'on n'aura pas dit que jusqu'ici cela a toujours été pour dominer l'autre, il y a peu de chances qu'il y ait quoi que ce soit qui change. »

— Henri Laborit, Mon oncle d'Amérique[5]

Publications

  • Physiologie et biologie du système nerveux vĂ©gĂ©tatif au service de la chirurgie, G. Doin et Cie, , 163 p. (OCLC 14661509)
  • L’anesthĂ©sie facilitĂ©e par les synergies mĂ©dicamenteuses, Masson & Cie,
  • RĂ©action organique Ă  l’agression et choc, Masson & Cie,
  • Pratique de l’hibernothĂ©rapie en chirurgie et en mĂ©decine, Masson & Cie,
    en collab. avec Pierre Huguenard
  • RĂ©sistance et soumission en physio-biologie : l’hibernation artificielle, Masson & Cie, coll. « Évolution des sciences »,
  • ExcitabilitĂ© neuro-musculaire et Ă©quilibre ionique. IntĂ©rĂŞt pratique en chirurgie et hibernothĂ©rapie, Masson & Cie,
    en collab. avec Geneviève Laborit
  • Le delirium tremens, Masson & Cie,
    en collab. avec Robert Coirault
  • Bases physio-biologiques et principes gĂ©nĂ©raux de rĂ©animation, Masson & Cie, coll. « Agressologie – rĂ©animation – hibernothĂ©rapie »,
  • Stress and Cellular Function, J.B. Lippincott Company (Philadelphia, Montreal), 1959
  • Les destins de la vie et de l’homme. Controverses par lettres avec P. Morand sur des thèmes biologiques, Masson & Cie,
    en collab. avec Pierre Morand
  • Physiologie humaine (cellulaire et organique), Masson & Cie,
  • Du soleil Ă  l’homme : L'organisation Ă©nergĂ©tique des structures vivantes, Masson & Cie, coll. « Évolution des sciences », , 157 p.
  • Les rĂ©gulations mĂ©taboliques, Masson & Cie,
  • Biologie et structure, Gallimard, coll. « IdĂ©es », (ISBN 2-07-035156-4)
  • Neurophysiologie. Aspects mĂ©taboliques et pharmacologiques, Masson & Cie,
  • L’homme imaginant : Essai de biologie politique, Union GĂ©nĂ©rale d’Édition, coll. « 10/18 », (ISBN 2-264-00882-2)
  • L’agressivitĂ© dĂ©tournĂ©e : Introduction Ă  une biologie du comportement social, Union GĂ©nĂ©rale d’Édition, coll. « 10/18 », , 191 p. (ISBN 2-264-00370-7)
  • L’homme et la ville, Paris, Flammarion, , 214 p. (ISBN 2-08-081017-0)
  • La SociĂ©tĂ© informationnelle : IdĂ©es pour l’autogestion, Éditions du Cerf,
  • Les Comportements : Biologie, physiologie, pharmacologie, Masson & Cie,
  • La Nouvelle Grille, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « LibertĂ©s 2000 », , 343 p. (ISBN 2-07-035471-7)
  • Éloge de la fuite, Éditions Robert Laffont, coll. « La vie selon … », (ISBN 2-221-00278-4)
  • Discours sans mĂ©thode, Paris, Éditions Stock, coll. « Les grands auteurs », , 235 p. (ISBN 2-234-00818-2)
    en collab. avec Francis Jeanson
  • L’Inhibition de l’action, Paris/New York/Barcelone, Masson & Cie, , 214 p. (ISBN 2-225-62711-8)
  • Copernic n’y a pas changĂ© grand-chose, Paris, Éditions Robert Laffont, , 195 p. (ISBN 2-221-00565-1)
  • L’Alchimie de la dĂ©couverte, Paris, Grasset, , 282 p. (ISBN 2-246-24861-2)
    en collab. avec Fabrice Rouleau
  • La Colombe assassinĂ©e, Paris, Grasset, , 211 p. (ISBN 2-246-31891-2)
  • Dieu ne joue pas aux dĂ©s, Grasset, (ISBN 2-7619-0703-5)
  • La vie antĂ©rieure, Grasset, (ISBN 2-7619-0817-1)
  • Les rĂ©cepteurs centraux et la transduction de signaux, Masson & Cie,
  • Les bases biologiques des comportements sociaux, coll. « Grandes confĂ©rences », , 52 p. (ISBN 2-551-12615-0)
    Musée de la civilisation-Québec
  • L’esprit du grenier, Grasset, (ISBN 2-7619-1078-8)
  • Étoiles et molĂ©cules, Grasset, (ISBN 2-7619-1096-6)
  • La lĂ©gende des comportements, Paris, Flammarion, , 318 p. (ISBN 2-08-035250-4)
  • Une Vie : Derniers entretiens, Ă©ditions du FĂ©lin, , 318 p. (ISBN 978-2-08-035250-7, OCLC 299456105)
    entretiens avec Claude Grenié
  • Comme l’eau qui jaillit, Alice Éditions, 2000 (transcription de l’entretien avec Edmond Blattchen Ă  l’émission Noms de dieux du )

Prix et distinctions

Il n'a pas eu le prix Nobel bien qu'il ait été nommé. D'après Pierre Huguenard, professeur émérite à la Faculté de Médecine de l'Université de Paris XII, ce prix lui aurait échappé « à cause de l'hostilité du microcosme médical civil français, et plus précisément parisien[6]. » Alors qu'il était pressenti pour le Prix Nobel, le doyen de la faculté de Médecine de Paris, envieux de son succès et supportant mal les remises en question que ses travaux suscitent, fait le voyage à Stockholm pour dissuader le jury de lui décerner la prestigieuse récompense[7].

Il est promu Officier de la LĂ©gion d'honneur en 1967.

Portent son nom :

  • l'hĂ´pital psychiatrique de Poitiers ;
  • l’UnitĂ© d’Hospitalisation de Psychiatrie "Site SpĂ©cialisĂ© Henri Laborit" du Centre Hospitalier de Brive.
  • le centre mĂ©dico-technique des urgences de l'HĂ´pital d'Instruction des ArmĂ©es de Bordeaux ;
  • la promotion 1997 de l'École du service de santĂ© des armĂ©es de Bordeaux ;
  • le grand amphithéâtre de l'Institut de mĂ©decine navale de Toulon ;
  • la promotion 2006 de l'Institut Toulousain d'OstĂ©opathie.
  • le foyer de vie et foyer d'accueil mĂ©dicalisĂ© de Loperhet (handicap psychique et mental)

Notes et références

  1. H. Laborit, La Vie antérieure, Grasset, .
  2. Philippe Boutelier, « Sauveteurs du dunkerquois », sur https://www.sauveteurdudunkerquois.fr
  3. De : eutonos, « tonus normal », « équilibre biologique », et logos, « science », « discours ».
  4. Jean-Émile Charon, L'Esprit et la Science : Colloque de Fès, Paris, Albin Michel, 1983 (ISBN 978-2-226-29440-1).
  5. Dernière phrase prononcée par H. Laborit dans Mon oncle d'Amérique, lire la transcription du texte du film.
  6. L'Alchimie de la découverte, p. 184-185.
  7. Henri Laborit : pour quoi vous dire, p. 51.

Bibliographie

  • François Joliat, Henri Laborit : pour quoi vous dire, Paris MontrĂ©al (QuĂ©bec), l'Harmattan, coll. « Conversciences », , 175 p. (ISBN 978-2-7384-4911-5, OCLC 465607137)
  • Violaine Deral-Stephant, Henri Laborit : de l'Homme Ă  la DĂ©couverte, UniversitĂ© Claude Bernard, Lyon-I (thèse de doctorat d'État en MĂ©decine, no 204), 2001, 600 p.
  • Christophe Brun, « Un militaire chez les gauchistes Â», prĂ©face Ă  la rĂ©Ă©dition de Henri Laborit, L'Homme et la ville, Paris, Flammarion, coll. « Champs classiques », 2011, p. I-XXVII.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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