Pour les articles homonymes, voir Royaume de Pologne.
KsiÄstwo Warszawskie
Statut | Monarchie constitutionnelle, Ătat client de l'Empire français. |
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Capitale | Varsovie |
Langue(s) | Polonais |
Religion | Catholicisme |
Population | ~ 4Â 300Â 000 hab. |
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Superficie | ~ 155Â 000 kmÂČ (1809). |
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Traité de Tilsit et création. | |
Traité de Schönbrunn et annexion de la Nouvelle Galicie. | |
Janvier 1813 | Effondrement. |
CongrĂšs de Vienne et dissolution. |
1807-1815 | Frédéric-Auguste Ier |
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Entités précédentes :
- Prusse-MĂ©ridionale (Royaume de Prusse) (1807)
- Nouvelle Galicie (Empire d'Autriche) (1809)
Entités suivantes :
Le duchĂ© de Varsovie (en polonais : KsiÄstwo Warszawskie, en latin : Ducatus VarsoviĂŠ) est un Ătat polonais crĂ©Ă© par l'empereur NapolĂ©on Ier en 1807, sur des territoires partiellement polonais pris au royaume de Prusse lors du traitĂ© de Tilsit. Le roi de Saxe FrĂ©dĂ©ric-Auguste Ier, alliĂ© de NapolĂ©on, devient aussi duc de Varsovie. En 1809, le duchĂ© reçoit des territoires repris Ă l'empire d'Autriche. Il prend fin dĂšs 1813, Ă©tant occupĂ© par l'armĂ©e russe Ă la suite du dĂ©sastre de la retraite de Russie.
Sommaire
Nom et statut politique : duché ou grand-duché
La dĂ©nomination française « grand-duchĂ© de Varsovie » est utilisĂ©e couramment depuis l'origine, mais les dĂ©nominations polonaise (KsiÄstwo), latine (Ducatus) et allemande (Herzogtum) se traduisent littĂ©ralement « duché » et la version française originale du traitĂ© de Tilsit utilise Ă©galement ce terme. FrĂ©dĂ©ric-Auguste Ier porte officiellement le titre de « roi de Saxe, duc de Varsovie » (en latin : Rex SaxoniĂŠ, Dux VarsoviĂŠ)[1].
On peut souligner que, de fait, cet Ătat est un Ătat client vassal de l'Empire français, NapolĂ©on Ier ayant le titre de « protecteur » et Ă©tant reprĂ©sentĂ© par un « rĂ©sident ». Le duchĂ© est un Ătat trĂšs militarisĂ© et vidĂ© de ses richesses afin de soutenir l'effort de guerre français, dont dĂ©pend sa survie.
Circonstances historiques
Les partages de la Pologne
à la fin du XVIIIe siÚcle, la Pologne subit les trois partages qui la font disparaßtre en 1795 : la Russie contrÎle le Grand-duché de Lituanie ; la Prusse la Posnanie et la région de Varsovie ; l'Autriche la Galicie et la région de Cracovie.
L'histoire du duché de Varsovie se place dans le cadre des guerres napoléoniennes, en particulier celles qui suivent la bataille d'Austerlitz (1805) et le retrait de l'Autriche :
- la QuatriÚme Coalition (1806-1807) oppose la France à l'Angleterre, à la Prusse et à la Russie. Elle est marquée par les victoires françaises d'Iéna et d'Auerstaedt sur la Prusse, l'occupation de Berlin (octobre 1806), et les victoires françaises d'Eylau et Friedland sur la Russie  ; elle s'achÚve au traité de Tilsit () qui officialise la création du duché ;
- la CinquiÚme Coalition (1809) oppose la France à l'Angleterre et à l'Autriche ; elle est marquée par la victoire française de Wagram () et s'achÚve par le traité de Schönbrunn (14 octobre 1809) ;
- la campagne de Russie (1812) et la campagne d'Allemagne (1813) qui entraßnent la chute de Napoléon (1814-1815).
La création du duché de Varsovie (1806-1807)
AprĂšs la prise de Berlin (), l'armĂ©e française, incluant la LĂ©gion du Nord commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral ZajÄ czek, occupe PoznaĆ le 6 novembre et Varsovie le 28. NapolĂ©on obtient alors le ralliement du prince JĂłzef Poniatowski. Plusieurs soulĂšvements agraires ont lieu en mĂȘme temps (prise de Jasna Gora), mais les autoritĂ©s françaises dĂ©couragent fermement leur gĂ©nĂ©ralisation.
En janvier 1807, NapolĂ©on institue une commission gouvernementale formĂ©e de sept personnalitĂ©s polonaises de la trĂšs haute aristocratie libĂ©rale, prĂ©sidĂ©e par StanisĆaw MaĆachowski ; il crĂ©e aussi cinq dĂ©partements ministĂ©riels (Justice, IntĂ©rieur, TrĂ©sor, Guerre et Police) et instaure la conscription pour former une armĂ©e de 39 000 hommes[2]. La premiĂšre tĂąche du nouveau gouvernement est de ravitailler les troupes françaises qui battent les Russes en Prusse-Orientale, Ă Eylau en fĂ©vrier et surtout de Friedland en juin.
Le traitĂ© de Tilsit (7 juillet 1807) attribue au duchĂ© essentiellement les territoires pris par la Prusse Ă la Pologne lors des partages de 1793 et 1795 (provinces de Nouvelle-Prusse-Orientale, de Nouvelle-SilĂ©sie et de Prusse-MĂ©ridionale) ; cependant, la partie est de la Nouvelle-Prusse-Orientale : BiaĆystok, Bielsk Podlaski et le nord de la PolĂ©sie, sont concĂ©dĂ©s Ă la Russie. La Prusse conserve la plus grande partie de ses acquis de 1772 sauf les rĂ©gions de Bydgoszcz, CheĆmno et Grudziadz qui reviennent au duchĂ©. D'autre part, Dantzig (GdaĆsk), prise en mai 1807, redevient une ville libre, thĂ©oriquement sous la protection conjointe de la Prusse et de la Saxe, en rĂ©alitĂ© protectorat français, avec des garnisons française et polonaise.
Le duchĂ© de Varsovie a une superficie de 101 500 kmÂČ et est divisĂ© en six dĂ©partements : Varsovie, Poznan, Kalisz, Bydgoszcz, Plock et Lomza. La couronne ducale est attribuĂ©e au roi de Saxe, alliĂ© de NapolĂ©on, membre d'une dynastie royale dont des membres ont occupĂ© le trĂŽne de Pologne de 1709 Ă 1762.
Organisation du duché
Constitution et législation
Constitution
Le , Ă Dresde, capitale de la Saxe, NapolĂ©on donne au duchĂ© une constitution dont un article impose le Code civil français au nouvel Ătat. La Constitution est contresignĂ©e par les membres de la commission gouvernementale polonaise.
Plus libérale que la Constitution polonaise de 1791, elle est largement inspirée des institutions de l'Empire français et introduit en Pologne des nouveautés importantes :
- l'égalité de tous les citoyens devant la loi
- l'abolition des privilĂšges de la noblesse (szlachta)
- l'abolition du servage
- l'attribution des droits politiques aux nobles et aux bourgeois.
Le décret du 19 décembre 1807
Ce décret[3] prévoit que deviennent citoyens tous ceux qui sont nés sur le territoire du duché ou qui y habitent depuis plus de 10 ans. Son objet principal est l'intégration des habitants juifs du duché, qui vont désormais avoir un état civil officiel.
Le Code civil (Kodex Napoleona)
C'est seulement le que le nouveau code civil prend force de loi dans le duchĂ©. Le texte[4] est une traduction-adaptation du Code français de 1804 : lĂ oĂč celui-ci dit « français », le Kodex dit mieszkaniec XiÄstwa Warszawskiego (habitant du duchĂ© de Varsovie). Un certain nombre d'articles sont notĂ©s comme inapplicables, notamment ceux ayant rapport avec la marine.
Certaines dispositions sont du reste modifiées ultérieurement : ainsi, en ce qui concerne l'état civil, un décret de 1809 prévoit que s'il n'y a pas de personne laïque compétente, c'est le curé de la paroisse qui en est responsable ; mais il établit les actes civils (naissance, mariage, décÚs) en polonais, indépendamment des actes religieux rédigés en latin[5].
La constitution et le code civil crĂ©ent les conditions permettant Ă la bourgeoisie dâexister, dâavoir accĂšs aux fonctions les plus hautes. Des rĂ©formes sont Ă©galement introduites dans la culture et dans lâenseignement.
Gouvernement
L'exécutif
Napoléon met en place un gouvernement composé de nobles polonais :
- Les présidents du Conseil des ministres :
- StanisĆaw MaĆachowski (jusquâau )
- Ludwik Gutakowski (du au )
- StanisĆaw Kostka Potocki (du jusquâen mars 1813)
- De façon officieuse, ce gouvernement est supervisé par l'ambassadeur de France :
Les assemblées
Le nouveau parlement succĂšde Ă l'ancienne DiĂšte de la RĂ©publique polono-lituanienne (en) abolie lors des partages. La constitution crĂ©e un systĂšme bicamĂ©ral avec un SĂ©nat de 18 Ă 30 membres nommĂ©s par le duc et une DiĂšte de 100 dĂ©putĂ©s dont 60 nobles (Ă©lus par les diĂ©tines de district) et 40 roturiers (Ă©lus par les assemblĂ©es communales). Les Ă©lecteurs roturiers sont soumis Ă une sĂ©lection liĂ©e Ă la fortune, mais aussi aux capacitĂ©s (prĂȘtres, militairesâŠ). La Sejm (en français, la DiĂšte) commence ses travaux en mars 1809.
Les départements
- 6 départements sont créés en 1807 :
- DĂ©partement de Varsovie
- DĂ©partement de Poznan
- DĂ©partement de Kalisz
- DĂ©partement de Bydgoszcz
- DĂ©partement de PĆock
- DĂ©partement de ĆomĆŒa, qui s'appela de janvier Ă juin 1807 dĂ©partement de BiaĆystok.
- 4 autres sont ajoutés en 1809 avec les territoires pris à l'Autriche :
Les forces armées
La force de 39 000 hommes mise sur pied dĂšs 1807 est divisĂ©e en trois armĂ©es de 13 000 hommes, confiĂ©es Ă Joseph Poniatowski, JĂłzef ZajÄ czek et Jan Henryk DÄ browski.
- Chefs des forces armées du duché :
- le prince Joseph Poniatowski (jusquâau )
- le gĂ©nĂ©ral PaweĆ SuĆkowski
- le gĂ©nĂ©ral Jan Henryk DÄ browski
Le duchĂ© fournit aussi un corps d'Ă©lite intĂ©grĂ© Ă la Garde impĂ©riale : les chevau-lĂ©gers (szwoleĆŒerowie), qui participent Ă la guerre en Espagne, notamment Ă la bataille de Somosierra ().
De l'expansion au démantÚlement (1809-1815)
Expansion aux dépens de l'Autriche
En 1809, lors de la guerre de la CinquiĂšme Coalition, l'Autriche sort de sa neutralitĂ© et attaque en BaviĂšre et en Pologne. Jozef Poniatowski remporte la bataille de Raszyn (avril 1809) mais prĂ©fĂšre ensuite Ă©vacuer Varsovie, occupĂ©e le 21 avril. Les Autrichiens attaquent ensuite vers l'ouest (Torun). Violemment critiquĂ©, Poniatowski se rachĂšte en rĂ©ussissant Ă prendre Lwow ; Varsovie est libĂ©rĂ©e en juin, Cracovie est prise le 15 juillet. La politique incertaine de la Russie, en principe alliĂ©e de la France mais qui hĂ©site Ă attaquer les Autrichiens, permet aux Polonais d'Ă©tendre leur territoire national. Le traitĂ© de Schönbrunn, signĂ© le 14 octobre 1809, attribue au duchĂ© la partie de la Galicie situĂ©e Ă lâouest du San, ainsi que Cracovie, Sandomierz et Lublin, tandis que Lwow reste Ă l'Autriche et que la Russie obtient Tarnopol.
La superficie du duchĂ© passe Ă 155 000 kmÂČ ; sa population est dĂ©sormais de 4 300 000 habitants.
La campagne de Russie
1812 est l'annĂ©e de la grande offensive de NapolĂ©on contre la Russie. Les forces armĂ©es polonaises sont totalement sous son pouvoir par lâintermĂ©diaire du prince Poniatowski, ministre de la guerre du duchĂ©, qui deviendra marĂ©chal de France. Plus de 100 000 Polonais du duchĂ© sont engagĂ©s contre les Russes dans les rangs de lâarmĂ©e napolĂ©onienne. De plus, le duchĂ© doit supporter le fardeau dâune garnison française considĂ©rable.
Les Polonais espĂšrent alors que le duchĂ© sera Ă©levĂ© au rang de royaume et que les territoires lituaniens libĂ©rĂ©s par NapolĂ©on seront rĂ©unis au royaume, permettant la restauration de lâUnion de Pologne-Lituanie. Prudent, NapolĂ©on nâa pas fait de promesse claire qui lui lierait les mains.
Le duc abandonne le pouvoir au Conseil des ministres et Ă la DiĂšte du duchĂ© qui proclame, sans effet, la restauration du royaume de Pologne ainsi que la rĂ©unification avec le grand-duchĂ© de Lituanie. LâĂ©chec de la campagne de Russie oblige Ă revenir aux statuts du duchĂ©.
L'occupation russe (1813-1815)
Ă partir de fĂ©vrier-mars 1813, le duchĂ© est occupĂ© par les Russes qui remportent la bataille de Kalisz sur les Polono-Saxons le 13 fĂ©vrier. Le , Varsovie devient le siĂšge dâun Conseil suprĂȘme provisoire crĂ©Ă© par le tsar Alexandre pour le duchĂ© de Varsovie, dans lequel siĂšgent seulement deux Polonais. Ce Conseil est prĂ©sidĂ© par le gĂ©nĂ©ral Vassili LanskoĂŻ, gouverneur gĂ©nĂ©ral (jusquâau ). Des garnisons franco-polonaises encerclĂ©es rĂ©sistent Ă Dantzig jusqu'au 29 novembre 1813, Ă Modlin jusqu'au 1er dĂ©cembre, Ă ZamoĆÄ jusqu'au 22 dĂ©cembre.
Le tsar, ayant l'intention de conserver des territoires précédemment prussiens ou autrichiens, est amené à composer avec tous les dirigeants polonais. Un rÎle essentiel est alors joué par le prince Adam Czartoryski, partisan de l'alliance russe, mais le tsar obtient aussi l'appui d'hommes qui ont soutenu Napoléon. Le retour de Napoléon de l'ßle d'Elbe oblige cependant le tsar à promettre des restitutions importantes à la Prusse[6].
Les décisions du congrÚs de Vienne (1815)
Lors du CongrÚs de Vienne (1815), le territoire du duché est divisé en trois parties :
- le royaume de Pologne (ou « royaume du CongrĂšs »), attribuĂ© au tsar qui porte le titre de roi de Pologne â 128 000 kmÂČ (il conserve les acquis du traitĂ© de Schönbrunn, sauf Cracovie) ;
- le grand-duchĂ© de Posen (Posnanie), restituĂ© au roi de Prusse (il deviendra une simple province prussienne en 1849) â 28 951 kmÂČ ;
- la ville libre de Cracovie (ou rĂ©publique de Cracovie), placĂ©e sous la protection des trois puissances (elle sera annexĂ©e par lâAutriche en 1846) â 1 164 kmÂČ.
Bibliographie
- Daniel Beauvois, Histoire de la Pologne, Hatier, coll. « Nations d'Europe », 1995 (chapitre V : « Un Ătat disparu, une nation tenace », pp. 192-201 : « Le duchĂ© de Varsovie (1807-1813) »).
- Dominique Dufour de Pradt, Histoire de l'Ambassade dans le Grand Duché de Varsovie en 1812, seconde édition, Paris, chez Pilet, 1815.
Lien externe
- Ătat du dĂ©partement de la guerre du duchĂ© de Varsovie, juin 1811 dans La guerre nationale de 1812, publication du ComitĂ© scientifique du Grand Ătat-major russe, t. 3, p. 143-146.
Articles connexes
Notes et références
- De Pradt, Histoire de l'Ambassade dans le Grand Duché de Varsovie en 1812.
- Beauvois, p. 193.
- ĂvoquĂ© par exemple par un juriste polonais, Louis Lubliner, dans Concordance entre le code civil du royaume de Pologne, promulguĂ© en lâannĂ©e 1825, et le code civil français relativement Ă lâĂ©tat des personnes, Bruxelles, 1846.
- La BibliothÚque polonaise de Paris en détient un exemplaire, édité en 1810.
- On a notamment les actes de naissance et de baptĂȘme (tous deux du 23 avril 1810) de FrĂ©dĂ©ric Chopin, reproduits, transcrits et traduits dans le livre de Kristyna Kobylanska, Chopin au pays natal, Cracovie, 1955.
- Beauvois, p. 198.