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Fonction elliptique de Weierstrass

En analyse complexe, les fonctions elliptiques de Weierstrass forment une classe importante de fonctions elliptiques c'est-Ă -dire de fonctions mĂ©romorphes doublement pĂ©riodiques. Toute fonction elliptique peut ĂȘtre exprimĂ©e Ă  l'aide de celles-ci.

Introduction

Fabrication de fonctions périodiques

Supposons que l'on souhaite fabriquer une telle fonction de période 1. On peut prendre une fonction quelconque, définie sur [0, 1] et telle que f(0) = f(1) et la prolonger convenablement. Un tel procédé a des limites. Par exemple, on obtiendra rarement des fonctions analytiques de cette façon.

Une idée plus sophistiquée est de prendre une fonction définie sur et d'introduire la fonction définie par .

Un exemple simple est donné par

.

Si , on obtient une fonction infiniment dĂ©rivable, dĂ©finie sur ℝ\â„€ et de pĂ©riode 1. Si , la sĂ©rie ne converge pas, mais on peut introduire Ă  la place

,

qui s'Ă©crit aussi

,

ou encore

.

C'est a priori la plus intéressante du lot, puisque les autres en sont (à des facteurs constants prÚs) les dérivées successives. Dans le cadre de la théorie des fonctions holomorphes, on démontre que cette série converge uniformément sur tout compact vers la fonction .

Dans son petit livre sur les foncions elliptiques dont cette introduction est inspirée, André Weil[1]reprend les travaux de Gotthold Eisenstein, fait semblant d'ignorer les fonctions trigonométriques, et les retrouve avec des méthodes élémentaires ingénieuses à partir des séries ci-dessus.

Fonctions périodiques, fonctions doublement périodiques

Une pĂ©riode d'une fonction continue f est un nombre non nul T tel que, pour tout rĂ©el x, on ait f(x + T) = f(x). La diffĂ©rence de deux pĂ©riodes est une pĂ©riode, de sorte que les pĂ©riodes forment un sous-groupe du groupe (ℝ, +), fermĂ© en raison de la continuitĂ© de f. Un tel sous-groupe, s'il n'est pas rĂ©duit Ă  zĂ©ro, est soit Ă©gal Ă  ℝ tout entier (la fonction f est alors constante, cas trivial) soit de la forme aâ„€ pour un rĂ©el a > 0, que les physiciens appellent la plus petite pĂ©riode de f.

Une fonction doublement pĂ©riodique est une fonction dont le groupe des pĂ©riodes est isomorphe Ă  â„€2. D'aprĂšs ce qui prĂ©cĂšde, de telles fonctions continues d'une variable rĂ©elle n'existent pas. Il faut prendre des fonctions de deux variables, ou, plus intĂ©ressant, des fonctions d'une variable complexe. Le groupe des pĂ©riodes d'une telle fonction est un rĂ©seau, c’est-Ă -dire un sous-groupe de (ℂ, +) engendrĂ© par deux Ă©lĂ©ments indĂ©pendants sur ℝ.

Toute fonction holomorphe doublement pĂ©riodique est constante, puisqu'une telle fonction est nĂ©cessairement bornĂ©e sur ℂ (thĂ©orĂšme de Liouville). C'est Ă  l'occasion de recherches sur les fonctions elliptiques que Joseph Liouville a Ă©tĂ© amenĂ© Ă  formuler et dĂ©montrer ce thĂ©orĂšme. Il faut donc travailler avec des fonctions mĂ©romorphes.

DĂ©finition

Soit L un réseau du plan complexe, de base . Par analogie avec l'introduction, on est amené à considérer les fonctions

qui s'Ă©crivent

Si l'entier k vaut au moins 3, elles convergent. Il s'agit d'une convergence uniforme sur tout compact ne rencontrant pas le réseau. Cela résulte d'une série de remarques.

  • est une norme sur ℝ2.
    Elle est Ă©quivalente Ă  . Il existe donc un tel que, quels que soient et , on ait .
    Donc tout disque fermé ne contient qu'un nombre fini d'éléments de L.
  • On prend z dans le disque fermĂ© .

En ce qui concerne la convergence, il suffit de considérer les tels que ( suffirait apparemment, il s'agit ici d'une astuce technique).

  • Dans ces conditions, . On est donc ramenĂ© Ă  la convergence de la sĂ©rie ,

qui se ramĂšne elle-mĂȘme, d'aprĂšs notre premiĂšre remarque, Ă  la convergence de la sĂ©rie de Riemann .

Cette derniĂšre converge si k > 2.

Pour k = 2, en revanche, cet argument est en défaut. Toujours par analogie avec l'introduction, on introduit la série modifiée

.

Le théorÚme d'existence

La sĂ©rie (1) converge uniformĂ©ment sur tout compact ne rencontrant pas L. Sa somme est une fonction mĂ©romorphe , qui admet des pĂŽles doubles aux points de L. Elle est paire et L-pĂ©riodique. Elle a Ă©tĂ© dĂ©couverte par Weierstrass, d'oĂč son nom de "fonction de Weierstrass" ou fonction elliptique de Weierstrass.

On se place dans un disque , qui ne contient qu'un nombre fini d'éléments de L, qu'on peut enlever à la série sans dommage pour l'étude de sa convergence.

Pour les autres, on a

uniformément par rapport à . Dans ces conditions, , et l'on est ramené à une question déjà résolue.

D'aprÚs ce qui précÚde et des résultats classiques de dérivation terme à terme,

,

ce qui montre que la fonction est impaire et L-périodique. Donc est paire. En raison de la périodicité de , la fonction (pour ou ) est constante, et cette constante vaut .

Remarque

On peut montrer que toute fonction mĂ©romorphe L-pĂ©riodique qui admet des pĂŽles doubles aux points de L est de la forme a℘ + b et, plus gĂ©nĂ©ralement, que toute fonction mĂ©romorphe L-pĂ©riodique est une fraction rationnelle en ℘ et ℘' (Ă  coefficients complexes).

Une relation algébrique fondamentale

La fonction vérifie l'équation différentielle

Ici, on a posé (les notations relÚvent d'une tradition vénérable)

Le principe de la preuve est le suivant. La fonction est certainement méromorphe et L-périodique. Un argument de développement limité montre qu'elle est nulle à l'origine. Elle est donc holomorphe et bornée, donc constante (et ici identiquement nulle) d'aprÚs le théorÚme de Liouville.

L'application envoie ℂ dans la cubique de ℂ×ℂ d'Ă©quation . La courbe correspondante E du plan projectif complexe, appelĂ©e cubique de Weierstrass est donnĂ©e en coordonnĂ©es homogĂšnes par l'Ă©quation On a alors une application continue (et mĂȘme holomorphe Ă  condition de savoir ce qu'est une variĂ©tĂ© complexe) de ℂ dans E donnĂ©e par qui se prolonge par continuitĂ© aux pĂŽles de , qu'elle envoie sur le « point Ă  l'infini Â» [(0, 1, 0)] de E.

La cubique de Weierstrass vue comme courbe elliptique

De mĂȘme que le quotient ℝ/â„€ est homĂ©omorphe au cercle, le quotient ℂ/L est homĂ©omorphe Ă  un tore de dimension 2 ; c'est aussi une surface de Riemann compacte.

On dĂ©montre que l'application vue plus haut dĂ©finit par passage au quotient un homĂ©omorphisme et une application biholomorphe de ℂ/L dans E.

Le discriminant modulaire Δ est dĂ©fini comme le quotient par 16 du discriminant du polynĂŽme qui apparaĂźt dans l'Ă©quation diffĂ©rentielle ci-dessus :

La courbe E est lisse, c’est-Ă -dire sans singularitĂ©s. Il suffit pour le voir de montrer Δ est non nul. Ce qui est le cas, car ses trois racines sont distinctes. D'aprĂšs la relation algĂ©brique fondamentale, si , alors est une racine de ce polynĂŽme. Mais la fonction , impaire et L-pĂ©riodique, s'annule si , donc pour . En raison de la bijection entre ℂ/L et E, les nombres , et sont distincts.

Une structure de groupe additif sur l'ensemble des points d'une telle cubique est dĂ©crite dans l'article « Courbe elliptique Â». L'Ă©lĂ©ment neutre est le point Ă  l'infini [(0, 1, 0)], et trois points P, Q, R sont alignĂ©s si et seulement si P + Q + R = 0. L'application est un isomorphisme de groupes entre ℂ/L et E.

Les éléments neutres se correspondent. Les points de E correspondant à et étant alignés, il s'agit d'une conséquence de la formule d'addition, citée sans preuve :

« Structure de groupe sur E » et « structure de groupe sur ℂ/L » sont Ă©quivalents : un rĂ©sultat profond, qui fait appel Ă  la thĂ©orie des formes modulaires assure que pour toute cubique lisse , il existe un unique rĂ©seau L tel que et (voir le &6 du chapitre XII du livre de Godement citĂ© dans la bibliographie).

Référence

  1. (en) A. Weil, Elliptic Functions According to Eisenstein and Kronecker, Springer, chap. 1.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Lien externe

(en) Eric W. Weisstein, « Lemniscate Case », sur MathWorld

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