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Forme modulaire

En mathématiques, une forme modulaire est une fonction analytique sur le demi-plan de Poincaré satisfaisant à une certaine sorte d'équation fonctionnelle et de condition de croissance. La théorie des formes modulaires est par conséquent dans la lignée de l'analyse complexe mais l'importance principale de la théorie tient dans ses connexions avec le théorÚme de modularité et la théorie des nombres.

En tant que fonction sur les réseaux

Au niveau le plus simple, une forme modulaire peut ĂȘtre pensĂ©e comme une fonction F de l'ensemble des rĂ©seaux Λ dans ℂ, vers l'ensemble des nombres complexes, qui satisfait les conditions suivantes :

  1. si nous considĂ©rons le rĂ©seau Λ = ă€ˆÎ±, z〉 engendrĂ© par une constante α et une variable z, alors F(Λ) est une fonction analytique de z ;
  2. si α est un nombre complexe diffĂ©rent de zĂ©ro et αΛ est le rĂ©seau obtenu en multipliant chaque Ă©lĂ©ment de Λ par α, alors F(αΛ) = α–kF(Λ) oĂč k est une constante (gĂ©nĂ©ralement un entier positif) appelĂ© le poids de la forme ;
  3. la valeur absolue de F(Λ) reste bornĂ©e infĂ©rieurement tant que la valeur absolue du plus petit Ă©lĂ©ment diffĂ©rent de zĂ©ro dans Λ est loin de 0.

Lorsque k = 0, la condition 2 dit que F dĂ©pend seulement de la classe de similitude du rĂ©seau. Ceci est un cas particulier trĂšs important, mais les seules formes modulaires de poids 0 sont les constantes. Si nous Ă©liminons la condition 3 et permettons Ă  la fonction d'avoir des pĂŽles, alors les exemples de poids 0 existent : elles sont appelĂ©es fonctions modulaires. La situation peut ĂȘtre comparĂ©e avec profit Ă  ce qui arrive dans la recherche de fonctions de l'espace projectif P(V). Avec ces paramĂštres, on souhaiterait idĂ©alement des fonctions F sur l'espace vectoriel V qui soient polynomiales en les coordonnĂ©es d'un vecteur non nul v de V et qui satisfont Ă  l'Ă©quation F(cv) = F(v) pour tout c diffĂ©rent de zĂ©ro. Malheureusement, les seules fonctions de cette sorte sont les constantes. Si nous permettons les fonctions rationnelles Ă  la place des polynĂŽmes, nous pouvons laisser F ĂȘtre le rapport de deux polynĂŽmes homogĂšnes de mĂȘme degrĂ©. Ou nous pouvons garder les polynĂŽmes et perdre la dĂ©pendance de c, laissant F(cv) = ckF(v). Les solutions sont alors les polynĂŽmes homogĂšnes de degrĂ© k. D'un cĂŽtĂ©, celle-ci forment un espace vectoriel de dimension finie pour chaque k, et de l'autre, si nous laissons k varier, nous pouvons trouver les numĂ©rateurs et les dĂ©nominateurs pour la construction de toutes les fonctions rationnelles qui sont les fonctions de l'espace projectif P(V). On pourrait demander, puisque les polynĂŽmes homogĂšnes ne sont pas rĂ©ellement les fonctions sur P(V), que sont-elles, gĂ©omĂ©triquement parlant ? La gĂ©omĂ©trie algĂ©brique rĂ©pond qu'elles sont des sections d'une gerbe (on peut dire aussi un faisceau de droites dans ce cas). La situation avec les formes modulaires est prĂ©cisĂ©ment analogue.

En tant que fonction sur les courbes elliptiques

Chaque rĂ©seau Λ dans ℂ dĂ©termine une courbe elliptique ℂ/Λ sur ℂ ; deux rĂ©seaux dĂ©terminent des courbes elliptiques isomorphes si et seulement si l'une est obtenue Ă  partir de l'autre en multipliant par un certain complexe non nul. Les fonctions modulaires peuvent ĂȘtre pensĂ©es comme des fonctions sur l'espace des modules des classes isomorphes des courbes elliptiques complexes. Par exemple, le j-invariant d'une courbe elliptique, regardĂ© comme une fonction sur l'ensemble de toutes les courbes elliptiques, est modulaire. Les formes modulaires peuvent aussi ĂȘtre approchĂ©es avec profit Ă  partir de cette direction gĂ©omĂ©trique, comme des sections de faisceaux de droites sur l'espace des modules des courbes elliptiques.

Convertir une forme modulaire F en une fonction de variable complexe unique est aisĂ©. Soit z = x + iy, oĂč y > 0, et soit f(z) = F(〈1, z〉). (Nous ne pouvons pas permettre y = 0 parce qu'alors 1 et z n'engendreront pas de treillis, ainsi nous rĂ©duisons notre attention au cas y positif). La condition 2 sur F devient maintenant l'Ă©quation fonctionnelle

pour a, b, c, d entiers avec ad – bc = 1 (le groupe modulaire). Par exemple,

Les fonctions qui satisfont l'équation fonctionnelle modulaire pour toutes les matrices dans un sous-groupe d'indice fini de SL2(℀) sont aussi comptés comme modulaires, habituellement avec un qualificatif indiquant le groupe. Ainsi, les formes modulaires de niveau N satisfont l'équation fonctionnelle pour les matrices congrues à la matrice identité modulo N (souvent en fait pour un plus grand groupe donné par des conditions (mod N) sur les entrées de la matrice).

Définitions générales

Soit N un entier positif. Le groupe modulaire Γ0(N) est dĂ©fini par

Soit k un entier positif. Une forme modulaire de poids k et de niveau N (ou groupe de niveau Γ0(N)) est une fonction holomorphe f sur le demi-plan de PoincarĂ© telle que pour tout

et tout z dans le demi-plan de Poincaré,

et f est holomorphe aux pointes.

Soit χ un caractĂšre de Dirichlet mod N. Une forme modulaire de poids k, de niveau N (ou groupe de niveau Γ0(N)) avec caractĂšre χ est une fonction holomorphe f sur le demi-plan de PoincarĂ© telle que pour tout

et tout z dans le demi-plan de Poincaré,

et f est holomorphe aux pointes. Certains auteurs utilisent la convention différente

pour le cÎté droit de l'équation ci-dessus.

Exemples

Les exemples les plus simples pour ce point de vue sont les sĂ©ries d'Eisenstein : pour chaque entier pair k > 2, nous dĂ©finissons Ek(Λ) comme la somme de λ–k sur tous les vecteurs λ diffĂ©rents de zĂ©ro de Λ (la condition k > 2 est nĂ©cessaire pour la convergence et la condition k pair pour Ă©viter l'annulation de λ–k avec (–λ)–k et la production de la forme 0).

Un rĂ©seau pair unimodulaire L dans ℝn est un rĂ©seau engendrĂ© par n vecteurs formant les colonnes d'une matrice de dĂ©terminant 1 et satisfaisant la condition que le carrĂ© de la longueur de chaque vecteur dans L est un entier pair. Comme consĂ©quence de la formule de sommation de Poisson, la fonction theta

est une forme modulaire de poids n/2. Il n'est pas aussi facile de construire des rĂ©seaux unimodulaires pairs, mais il existe une maniĂšre : Ă©tant donnĂ© n un entier divisible par 8, on considĂšre tous les vecteurs v de ℝn tels que 2v possĂšde des coordonnĂ©es entiĂšres, soit toutes paires, toutes impaires, et tels que la somme des coordonnĂ©es de v soit un entier pair. Nous appelons ce rĂ©seau Ln. Lorsque n = 8, ceci est le rĂ©seau engendrĂ© par les racines du systĂšme de racines appelĂ© E8.

Puisque les deux termes de l'Ă©quation sont des formes modulaires de poids 8, et puisqu'il n'existe qu'une seule forme modulaire de poids 8 Ă  multiplication par un scalaire prĂšs, on a

bien que les rĂ©seaux L8 × L8 et L16 ne soient pas similaires. John Milnor observa que les tores de dimension 16 obtenus en divisant ℝ16 par ces deux rĂ©seaux sont des exemples de variĂ©tĂ©s riemanniennes compactes qui sont isospectrales (en) mais non isomĂ©triques.

La fonction ĂȘta de Dedekind est dĂ©finie par

Le discriminant modulaire est alors une forme modulaire de poids 12. Une conjecture cĂ©lĂšbre de Ramanujan dit que, pour tout nombre premier p, le coefficient τp de qp dans le dĂ©veloppement de Δ en puissances de q vĂ©rifie

Ceci fut démontré par Pierre Deligne dans son travail sur les conjectures de Weil.

Les deuxiÚme et troisiÚme exemples donnent certains indices sur la connexion entre les formes modulaires et les questions classiques de la théorie des nombres, telles que la représentation des entiers par les formes quadratiques et la fonction partage. Le lien conceptuel crucial entre les formes modulaires et la théorie des nombres est fourni par la théorie des opérateurs de Hecke, qui donne aussi le lien entre la théorie des formes modulaires et celle des représentations de groupe.

Généralisations

Il existe diverses notions de formes modulaires plus gĂ©nĂ©rales que celle dĂ©veloppĂ©e ci-dessus. L'hypothĂšse d'analyticitĂ© (complexe) peut ĂȘtre enlevĂ©e ; les formes de Maass sont des fonctions propres du laplacien mais ne sont pas holomorphes. Les groupes qui ne sont pas des sous-groupes de SL2(â„€) peuvent ĂȘtre examinĂ©s. Les formes modulaires de Hilbert sont des fonctions Ă  n variables, chacune Ă©tant un nombre complexe du demi-plan de PoincarĂ©, satisfaisant Ă  une relation modulaire pour les matrices 2 × 2 Ă  coefficients dans un corps de nombres totalement rĂ©el. Les formes modulaires de Siegel (en) sont associĂ©es aux groupes symplectiques plus grands de la mĂȘme maniĂšre que les formes que nous avons exposĂ©es sont associĂ©es Ă  SL2(ℝ) ; en d'autres termes, elles sont reliĂ©es aux variĂ©tĂ©s abĂ©liennes dans le mĂȘme sens que nos formes (qui sont quelquefois appelĂ©es formes modulaires elliptiques pour accentuer le point) sont reliĂ©es aux courbes elliptiques. Les formes automorphes Ă©tendent la notion des formes modulaires aux groupes de Lie.

Articles connexes

Références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Modular form » (voir la liste des auteurs).
  • Livres
    • Pour une introduction Ă©lĂ©mentaire Ă  la thĂ©orie des formes modulaires, voir le chapitre VII de Jean-Pierre Serre, Cours d'arithmĂ©tique, [dĂ©tail des Ă©ditions]
    • On trouvera une autre approche Ă©lĂ©mentaire (sous forme d'exercices) dans le livre de Pierre Colmez, ÉlĂ©ments d'analyse et d'algĂšbre (et de thĂ©orie des nombres), Éditions de l'École polytechnique, 2012 (2e Ă©d), pages 423 Ă  428.
    • Pour un traitement plus avancĂ©, voir (en) Goro Shimura, Introduction to the arithmetic theory of automorphic functions, PUP, 1971
    • Pour une introduction aux formes modulaires Ă  partir du point de vue de la thĂ©orie des reprĂ©sentations, on peut consulter (en) Stephen Gelbart, Automorphic forms on adele groups, Annals of Mathematics Studies 83, PUP, 1975
  • Cours en ligne
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