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Caractère de Dirichlet

En mathématiques, et plus précisément en arithmétique modulaire, un caractère de Dirichlet est une fonction particulière sur un ensemble de classes de congruences sur les entiers et à valeurs complexes.

Johann Peter Gustav Lejeune Dirichlet (1805 - 1859)

Elle a été utilisée par Dirichlet pour la démonstration de son théorème de la progression arithmétique[1].

Définitions

Dans cet article, n désigne un entier strictement positif et U le groupe des unités (ℤ/nℤ)× de l'anneau ℤ/n. Dans le corps ℂ des nombres complexes, le conjugué d'un nombre c est noté c.

Il existe deux définitions d'un caractère de Dirichlet :

Dans la seconde définition, un caractère de Dirichlet est un type particulier de fonction arithmétique, c'est-à-dire d'application de l'ensemble ℕ* des entiers strictement positifs dans ℂ :

Les caractères χ de la première définition sont en bijection avec les caractères χ' de la seconde : si la classe dans ℤ/nℤ d'un entier d appartient à U alors χ'(d) est l'image par χ de cette classe et sinon, χ'(d) = 0.

Si d est un diviseur de n, tout caractère de Dirichlet modulo d peut être vu comme un caractère de Dirichlet modulo n, par composition avec la projection (ℤ/nℤ)× → (ℤ/dℤ)×.

  • caractère de Dirichlet non principal modulo 6
    On dit qu'un caractère de Dirichlet modulo n est primitif s'il ne vient pas d'un caractère de Dirichlet modulo un diviseur strict de n ; dans ce cas, n est appelé le conducteur du caractère[4] - [5]. C'est le cas en particulier si son noyau est trivial, mais l'inverse est faux : il y a par exemple un caractère primitif pour n = 12 de noyau non trivial.
  • Le caractère de Dirichlet valant 1 sur les entiers premiers avec n et 0 ailleurs est appelé caractère principal (ou caractère de conducteur 1) modulo n.
  • Caractère de Dirichlet principal modulo 3
    Le caractère de Dirichlet principal modulo 1 (valant 1 sur tous les entiers) est dit caractère trivial.

Propriétés

Propriétés élémentaires

L'ensemble Û des caractères modulo n forme un groupe abélien fini isomorphe à U. En particulier :

  • Groupe des caractères u modulo 5
    Les valeurs non nulles du caractère sont des racines φ(n)-ièmes de l'unité. En effet, l'ordre de U est φ(n), où φ désigne l'indicatrice d'Euler.
  • Le produit de deux caractères est un caractère.
  • Le conjugué d'un caractère est son caractère inverse pour la multiplication. Autrement dit (pour tout caractère et tout élément de U) : l'image de l'inverse est le conjugué de l'image.
  • Les caractères de Dirichlet forment une base orthonormale du-espace vectoriel U des fonctions de U dans ℂ, pour le produit hermitien < , > défini par :

Analyse harmonique

La transformée de Fourier d'une fonction f de ℂU est la fonction de Û dans ℂ définie par :

La théorème de Plancherel exprime l'égalité suivante :

Symbole de Legendre

Les caractères à valeurs réelles sont les morphismes de U dans {–1, 1} (les seules racines réelles de l'unité). Le caractère principal est le morphisme trivial. Les caractères non principaux à valeurs réelles sont les éléments d'ordre 2 du groupe Û, isomorphe à U. Il en existe dès que l'ordre du groupe est pair, donc dès que n > 2 d'après la proposition suivante.

  • Si n est strictement plus grand que 2, alors U est d'ordre pair.
    En effet, si n est divisible par un nombre premier p > 2 alors φ(n) est divisible par le nombre pair p – 1, et sinon, n est égal à 2rr est un entier strictement supérieur à 1 et φ(n) est égal à 2r – 1.

La proposition suivante généralise la construction du symbole de Legendre, qui correspond au cas particulier où n est premier et impair.

  • Si n est une puissance d'un nombre premier impair alors il existe un unique caractère non principal à valeurs réelles.
    En effet, dans ce cas, U (donc aussi Û) est non seulement d'ordre pair mais cyclique (cf. § « Cas où n n'est pas premier » de l'article « Anneau ℤ/nℤ ») donc possède un unique élément d'ordre 2.

Théorème de la progression arithmétique

Séries L de Dirichlet

Les séries L de Dirichlet sont les généralisations directes de la fonction zêta de Riemann et apparaissent comme prééminentes dans l'hypothèse de Riemann généralisée.

La série L de Dirichlet d'un caractère , notée est définie, pour tout nombre complexe de partie réelle > 1, par la série absolument convergente :

.
Exemple
Si est le caractère principal modulo 3 illustré plus haut, alors .

Par prolongement analytique, la fonction L peut être étendue en une fonction méromorphe sur le plan complexe.

Produit eulérien

La fonction χ étant complètement multiplicative, un calcul similaire à celui effectué par Euler pour la fonction zêta permet de transformer la série L en un produit infini indexé par l'ensemble des nombres premiers. Un tel produit porte le nom de « produit eulérien ».

.

De même que celui d'Euler, ce produit infini est absolument convergent, si bien que la série suivante l'est aussi et fournit — comme pour la fonction ζ, qui correspond à χ = 1 — une branche de son logarithme complexe, c'est-à-dire une fonction holomorphe sur le demi-plan Re(s) > 1, notée , telle que :

.

Application

L'objectif initial des caractères de Dirichlet est de dénombrer les nombres premiers dans une classe m de U, ce qui revient à démontrer le théorème de la progression arithmétique.

On définit une fonction ω de S × U dans ℂ, où S désigne le demi-plan complexe des nombres dont la partie réelle est strictement supérieure à 1 :

.

Le théorème de Plancherel (voir supra) permet d'exprimer ω sous une autre forme, grâce à laquelle la valeur en (s, m) fournit suffisamment d'informations pour conclure :

Histoire

Les caractères de Dirichlet et leurs séries L furent introduits par Dirichlet, en 1831, en vue de prouver son théorème sur l'infinité des nombres premiers dans les progressions arithmétiques. L'extension aux fonctions holomorphes fut accomplie par Bernhard Riemann.

Notes et références

  1. G. Lejeune Dirichlet, « Recherches de diverses Applications de l'analyse infinitésimale à la Théorie des Nombres », J. reine angew. Math., vol. 19 et 21, 1839 et 1840
  2. Pierre Colmez, Éléments d'analyse et d'algèbre (et de théorie des nombres), Palaiseau, Éditions de l'École polytechnique, , 469 p. (ISBN 978-2-7302-1563-3, lire en ligne).
  3. Nicole Berline et Claude Sabbah, La fonction zêta, Éditions École Polytechnique, , 193 p. (ISBN 978-2-7302-1011-9, lire en ligne).
  4. Colmez 2009, p. 290.
  5. Berline et Sabbah 2003, p. 53.
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