Produit eulérien
En mathématiques, et plus précisément en théorie analytique des nombres, un produit eulérien est un développement en produit infini, indexé par les nombres premiers[1].
Il permet de mesurer la rĂ©partition des nombres premiers et est intimement liĂ© Ă la fonction zĂȘta de Riemann.
Il est nommé en l'honneur du mathématicien suisse Leonhard Euler.
Travaux d'Euler
Calcul d'Euler
Euler cherche Ă Ă©valuer la rĂ©partition des nombres premiers p1 = 2, p2 = 3, âŠ. Pour cela, il dĂ©finit, pour tout rĂ©el s > 1 :
qu'il appelle fonction zĂȘta, et il Ă©tablit la formule suivante :
Sa définition et sa formule sont en fait valides sur tout le demi-plan des nombres complexes de partie réelle strictement supérieure à 1.
Euler parvient par ailleurs Ă rĂ©soudre le problĂšme de Mengoli, qui consiste Ă dĂ©terminer la valeur de . Il annonce sa rĂ©solution en 1735 (ζ(2) = Ï2/6) et la publie en 1743.
Compte tenu de l'expression ci-dessus de ζ sous forme d'un produit infini, il obtient donc :
SĂ©rie des inverses des nombres premiers
Euler détermine une premiÚre loi sur la fréquence des nombres premiers, en démontrant (voir l'article détaillé) la divergence de la série des inverses des nombres premiers :
et Ă©nonce mĂȘme qu'elle est « comme le logarithme de la sĂ©rie harmonique[2] » et qu'« il y a infiniment plus de nombres premiers que de carrĂ©s dans la suite de tous les nombres[3] ».
Le théorÚme des nombres premiers précisera un équivalent : pn ~ n ln n.
Autres produits eulériens
CaractĂšre de Dirichlet
Dirichlet souhaite démontrer que les nombres premiers dans une classe m de Z/nZ sont en nombre infini, si m et n sont premiers entre eux. Il utilise les caractÚres portant maintenant son nom et, au cours d'un calcul explicité dans le paragraphe Produit eulérien de l'article sur ces caractÚres, aboutit au produit suivant :
Ici Ï dĂ©signe un caractĂšre de Dirichlet, l'ensemble des caractĂšres est notĂ© et s reprĂ©sente un nombre rĂ©el strictement supĂ©rieur Ă un. Dirichlet Ă©tablit alors une famille de produits eulĂ©riens :
En effet, la fonction Ï Ă©tant complĂštement multiplicative, le calcul d'Euler s'applique de la mĂȘme maniĂšre.
- La fonction L(s, Ï) est appelĂ©e sĂ©rie L de Dirichlet du caractĂšre Ï.
La convergence est absolue si s est un nombre complexe avec une partie rĂ©elle > 1. Par prolongement analytique, cette fonction peut ĂȘtre Ă©tendue Ă une fonction mĂ©romorphe sur le plan complexe entier.
Les sĂ©ries L de Dirichlet sont les gĂ©nĂ©ralisations directes de la fonction zĂȘta de Riemann et apparaissent comme prĂ©Ă©minentes dans l'hypothĂšse de Riemann gĂ©nĂ©ralisĂ©e.
Généralisation
En général, une série de Dirichlet de la forme
oĂč est une fonction multiplicative de n peut ĂȘtre Ă©crite sous la forme
oĂč est la somme
- .
En fait, si nous considĂ©rons cela comme des fonctions gĂ©nĂ©ratrices formelles, l'existence d'un tel dĂ©veloppement formel en produit eulĂ©rien est une condition suffisante et nĂ©cessaire pour que soit multiplicative : cela dit exactement que est le produit des , oĂč les pk sont les facteurs primaires de n.
Dans la pratique, tous les cas importants sont tels que la sĂ©rie infinie et le dĂ©veloppement en produit infini sont absolument convergents dans une certaine rĂ©gion Re(s) > C, câest-Ă -dire dans un certain demi-plan droit des nombres complexes. Cela nous donne dĂ©jĂ quelques informations, puisque le produit infini, pour converger, doit donner une valeur diffĂ©rente de zĂ©ro ; donc la fonction donnĂ© par la sĂ©rie infinie n'est pas zĂ©ro dans un tel demi-plan.
Un cas particulier important est celui dans lequel P(p,s) est une série géométrique, car est complÚtement multiplicative. Alors, nous aurons
comme c'est le cas pour la fonction zĂȘta de Riemann (avec ), et plus gĂ©nĂ©ralement pour les caractĂšres de Dirichlet. Dans la thĂ©orie des formes modulaires il est typique d'avoir des produits eulĂ©riens avec en dĂ©nominateur des polynĂŽmes quadratiques. Le programme de Langlands gĂ©nĂ©ral inclut une explication comparative de la connexion de polynĂŽmes de degrĂ© m, et de la thĂ©orie des reprĂ©sentations pour GLm.
Notes et références
- On rencontre cependant aussi l'expression de produit eulérien pour des développements en produit infini, tels que celui (découvert par Euler) de sin(x)/x, et qu'on appelle à présent plutÎt produit de Weierstrass
- (la) « Variae observationes circa series infinitas » (E 072), th. 19.
- Euler le « dĂ©duit » d'un autre thĂ©orĂšme de E 072 (th. 7, cor. 3), et non pas de celui-ci comme le font entre autres MichĂšle Audin, « Jacques Hadamard et le thĂ©orĂšme des nombres premiers », sur Images des mathĂ©matiques, (« ce qui montre par exemple, que les nombres premiers sont plus « denses » que les carrĂ©s des nombres entiers ») ou (de) Alexander Schmidt, EinfĂŒhrung in die algebraische Zahlentheorie, Springer, (lire en ligne), p. 5 (« en un sens bien prĂ©cis, il y a plus de nombres premiers que de carrĂ©s parfaits »). Au sujet de cette « dĂ©duction » informelle, voir cependant (en) Julian Havil, Gamma : Exploring Euler's Constant, Princeton University Press, (lire en ligne), p. 38-39 et « Conjecture de Legendre ».
Voir aussi
Bibliographie
- Jean-BenoĂźt Bost, Pierre Colmez et Philippe Biane, La Fonction ZĂȘta, Paris, Ăditions de l'Ăcole polytechnique, , 193 p. (ISBN 978-2-7302-1011-9, lire en ligne)
- (en) Harold Davenport, Multiplicative Number Theory, Springer, , 3e Ă©d., 182 p. (ISBN 978-0-387-95097-6)
- (en) AnatoliÄ A. KaratÍĄsuba, Basic analytic number theory, Springer, (ISBN 978-0-387-53345-2)
- (en) S. J. Patterson (de), An Introduction to the Theory of the Riemann Zeta-Function, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Studies in Advanced Mathematics » (no 14), , 172 p. (ISBN 978-0-521-49905-7, lire en ligne)
Liens externes
- Leonhard Euler sur le site « l'univers de Ï Â» de Boris GourĂ©vitch
- (en) Andrew Granville, « Infinitely many primes; complex analysis », sur Université de Montréal,
- (en) Eric W. Weisstein, « Prime Products », sur MathWorld