Ăquation fonctionnelle
En mathĂ©matiques, une Ă©quation fonctionnelle est une Ă©quation dont les inconnues sont des fonctions. De nombreuses propriĂ©tĂ©s de fonctions peuvent ĂȘtre dĂ©terminĂ©es en Ă©tudiant les Ă©quations auxquelles elles satisfont. D'habitude, le terme « Ă©quation fonctionnelle » est rĂ©servĂ© aux Ă©quations qu'on ne peut pas ramener Ă des Ă©quations plus simples, par exemple Ă des Ă©quations diffĂ©rentielles.
Vocabulaire
Le cas le plus frĂ©quent est celui oĂč les valeurs d'une fonction et Ă©ventuellement de ses dĂ©rivĂ©es, calculĂ©es en plusieurs points, doivent satisfaire une relation, dite relation fonctionnelle, pour toutes les valeurs de la variable (du moins sur un certain domaine). Deux approches distinctes sont possibles :
- lorsqu'on Ă©tudie une fonction en particulier, il peut ĂȘtre utile de mettre en Ă©vidence une relation fonctionnelle qu'elle satisfait, comme la relation satisfaite par la fonction gamma d'Euler, ou celle satisfaite par la fonction zĂȘta de Riemann : . On en dĂ©duit ensuite d'autres propriĂ©tĂ©s de la fonction : par exemple que la fonction zĂȘta de Riemann s'annule aux nombres entiers strictement nĂ©gatifs pairs, et ne possĂšde pas d'autres zĂ©ros en dehors de la bande 0 < Re(s) < 1 ;
- lorsqu'on rĂ©sout une Ă©quation fonctionnelle Ă proprement parler, on Ă©tudie l'ensemble des fonctions satisfaisant une relation donnĂ©e. Un exemple est la recherche des fonctions vĂ©rifiant (oĂč a, b, c et d sont des entiers naturels vĂ©rifiant ad â bc = 1) qu'on appelle des formes modulaires.
Il arrive que certaines conditions analytiques soient exigées. Le théorÚme de Bohr-Mollerup en est un exemple. En l'absence de ces conditions, une équation fonctionnelle trÚs simple comme l'équation fonctionnelle de Cauchy peut avoir des solutions trÚs irréguliÚres.
Lorsque l'Ă©quation relie les valeurs d'une fonction et de ses dĂ©rivĂ©es en un mĂȘme point, elle est appelĂ©e Ă©quation diffĂ©rentielle. D'autres Ă©quations utilisent des propriĂ©tĂ©s globales des fonctions inconnues ; on parle par exemple d'Ă©quations intĂ©grales, ou de problĂšmes d'optimisation (lesquels sont l'objet du calcul des variations), comme le problĂšme de Plateau.
Exemples
- f(x + y) = f(x)f(y), satisfaite par les fonctions exponentielles ;
- f(xy) = f(x) + f(y), satisfaite par les fonctions logarithmes ;
- f(x + y) = f(x) + f(y) (Ă©quation fonctionnelle de Cauchy) ;
- f(x+T) = f(x), définissant les fonctions périodiques de période T ;
- f(az) = af(z)(1 â f(z)) (Ă©quation de PoincarĂ©)
- f((x + y)/2) = (f(x) + f(y))/2 (Jensen) ;
- Les solutions sont celles de l'Ă©quation fonctionnelle de Cauchy, Ă une constante prĂšs.
- f(x + y) + f(x â y) = 2f(x)f(y) (Ă©quation fonctionnelle de d'Alembert)
Les solutions continues sont les fonctions constantes 0, 1, et les fonctions trigonométriques cosinus et cosinus hyperbolique ; - f(h(x)) = f(x) + 1 (Abel) ;
- f(h(x)) = cf(x) (Schröder).
L'équation de Schröder est satisfaite par la fonction de Koenigs (en). - f(f(x)) = g(x), autrement dit la détermination d'une racine carrée fonctionnelle.
- Une forme simple d'équation fonctionnelle est la relation de récurrence, dont la fonction inconnue est une suite (formellement : une fonction définie sur l'ensemble des entiers) et qui met en jeu l'opérateur de décalage.
- L'associativité et la commutativité sont des équations fonctionnelles. Quand la loi de composition interne est représentée sous sa forme habituelle, par un symbole entre les deux variables, son associativité s'écrit comme suit :
Mais si l'on Ă©crit f(a, b) au lieu de a â b, alors l'associativitĂ© de la loi ressemble plus Ă ce que l'on entend conventionnellement par « Ă©quation fonctionnelle » :
Un point commun à tous ces exemples est que dans chacun des cas, deux ou plusieurs fonctions (tantÎt la multiplication par une constante, tantÎt l'addition de deux variables, tantÎt la fonction identité) sont substituées à l'inconnue.
Formule de réflexion
On parle de formule de réflexion est une équation fonctionnelle caractérisant une fonction f entre sa valeur en tout point x d'un domaine défini et sa valeur en -x, ou plus généralement, sa forme décalée f(a-x).
Exemples
Les formules de réflexion simples comme ou impliquent l'étude de la parité des fonctions solutions (la premiÚre caractérise les fonctions paires, la seconde pour les fonctions impaires).
Un des exemples les plus connus est la formule des compléments de la fonction gamma, démontré par Leonhard Euler[1]
La formule de rĂ©flexion pour la fonction zĂȘta de Riemann est donnĂ©e par :
qu'on peut réécrire de façon équivalente[2]
La fonction xi de Riemann vérifie la formule de réflexion
La fonction G de Barnes vérifie la formule de réflexion
Le dilogarithme vérifie les formules de réflexion
La fonction L de Rogers vérifie la formule de réflexion
La série L de Dirichlet associée à la fonction tau de Ramanujan f(s) vérifie la formule de réflexion[3]
Relation de duplication
On parle de formule de duplication quand l'Ă©quation fonctionnelle fait intervenir les valeurs en f(2x) ou f(x2)
Exemples
De ses liens avec la fonction beta, on peut montrer que la fonction gamma vérifie la « formule de duplication de Legendre »
Le dilogarithme satisfait[4]
La fonction L de Rogers vérifie la formule de duplication[5]
Applications
- Etude de fonctions
Les équations fonctionnelles peuvent faire apparaitre des propriétés remarquables des solutions (symétrie, domaine de définition, ...) et simplifient l'expression de certaines valeurs.
- Calcul de valeurs particuliĂšres
Les formules de rĂ©flexion permettent le calcul de valeurs particuliĂšres de fonctions spĂ©ciales. Par exemple, en sachant que la fonction gamma est positive sur ]1,+â[, la formule des complĂ©ments prise en z = 1â2 permet d'Ă©tablir que Î(1â2) = âÏ.
- Prolongement analytique
Par les formules de rĂ©flexion, on peut dĂ©finir un prolongement analytique de la fonction. Par exemple, la dĂ©finition de base de la fonction zĂȘta de Riemann n'est valable que pour tout nombre complexe de partie rĂ©elle strictement supĂ©rieure Ă 1, or la formule de rĂ©flexion donnĂ©e permet de l'Ă©tendre sur tout le plan complexe, sauf 0 et 1.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Functional equation » (voir la liste des auteurs).
- (en) J. Havil, Gamma: Exploring Euler's Constant, Princeton, NJ, Princeton University Press, .
- (en) Edward Charles Titchmarsh et David Rodney Heath-Brown, The theory of the Riemann zeta-function, Oxford university press, .
- (en) Godfrey Hardy, Ramanujan: Twelve Lectures on Subjects Suggested by His Life and Work, Chelsea, 3, .
- (en) Don Zagier, « The Dilogarithm Function », dans Pierre Cartier, Pierre Moussa, Bernard Julia et Pierre Vanhove (éds.), Frontiers in Number Theory, Physics, and Geometry, vol. II, (ISBN 978-3-540-30308-4, DOI 10.1007/978-3-540-30308-4_1, lire en ligne), p. 3-65.
- (en) Basil Gordon et Robert J. Mcintosh, « Algebraic Dilogarithm Identities », The Ramanujan Journal, no 1,â , p. 431â448 (DOI 10.1023/A:1009709927327)
Bibliographie
- (en) Eric W. Weisstein, « Reflection Relation », sur MathWorld
- (en) Eric W. Weisstein, « Abel's Duplication Formula », sur MathWorld
- (en) Eric W. Weisstein, « Legendre Duplication Formula », sur MathWorld
- (en) Jånos Aczél (en), Lectures on Functional Equations and Their Applications, Academic Press, (lire en ligne)
- Jean Dhombres, « Une conception architecturale des mathématiques : la séparation des variables chez Pfaff », dans Patricia Radelet-de Grave et Edoardo Benvenuto, Entre mécanique et architecture, BirkhÀuser, (ISBN 978-3-76435128-1, lire en ligne), p. 205-220