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Faits économiques et sociaux au Xe siècle

Événements

Reconstitution d'un château à motte
  • Début du Xe siècle :
    • Début de l'érection de mottes castrales en Occident (tour en bois ceinte d’une palissade et élevée sur une motte de terre), liée à montée en puissance des élites locales à la fin du IXe siècle et au Xe siècle au moment où le pouvoir carolingien s'affaiblit[1]. Vers 950-1000, ces châteaux de bois sont construits en France et en Germanie sur des mottes de terre rondes, en plaine près d’un village ou à l’angle d’un gros bourg. Les maîtres de ces châteaux sont d’anciens gardiens, nommés par le vicomte ou le comte. Détenteurs de la puissance publique, ils finissent par l’accaparer et se libérer de la tutelle du pouvoir central. Naissance de la Châtellenie : les troubles et la montée démographique tendent à faire disparaître le système carolingien du grand domaine. La réserve est cédée en tenure à des paysans et devient de plus en plus réduite. Le faire valoir direct par la corvée est concurrencé par le salariat. Le manse, surpeuplé, est de plus en plus fractionné. Le nouveau système, la seigneurie rurale, est entièrement tourné vers le maître, qui fixe les taux de redevance, le nombre de jours de corvées, perçoit les taxes sur les hommes, le loyer de la terre, etc. Le seigneur s’appuie sur des serfs domestiques, à qui il confie des taches administrative (ministeria). Le seigneur, en tant qu’immuniste, comte ou viguier, juge ses paysans, et par le droit de ban et par le château qu’il a construit, peut les protéger et les dominer. Dans certaines régions, les serfs forment la majeure partie de la population. Dans d’autres, les hommes libres dominent[2].
    • début du processus de seigneurialisation (incastellamento) en Italie : les grands propriétaires et les évêques accaparent les fonctions publiques et forment des seigneuries. Ce processus est officiellement sanctionné par des chartes, par exemple celle donnée par Bérenger Ier de Frioul le au diacre Audebert pour construire le château de Nogara, dans la plaine de Vérone, incluant des droits de péage, des droits sur les marchés et une totale immunité judiciaire[3] - [4].
    • renouveau du commerce en Italie dès le début du siècle. Les villes byzantines comme Gaète, Amalfi, Salerne, Bari et Venise, coupées de leur arrière pays occupé par les Lombards, doivent s'approvisionner par mer et reçoivent les objets exportés de Constantinople[5].
  • 912 : publication sous Léon VI le Sage du Le livre du préfet qui règlemente les corps de métiers à Constantinople[6].
  • 915 : l'exploitation du pétrole est mentionnée à Bakou par le géographe Al-Mas'ûdî[7].
  • 919-1005 : la dynastie iranienne des Samanides se rend indépendante[8] ; la Perse connaît un considérable essor culturel (littérature) et commercial[9].
  • Vers 950-1000 : en Espagne, pendant la deuxième moitié du Xe siècle, Galiciens, Cantabres et Basques remettent en culture la rive droite du Douro conjointement avec les mozarabes émigrés de l’Espagne musulmane[2].
  • Vers 960-970 : la pratique de la monnaie atteint une grande échelle en Scandinavie. Les monnaies musulmanes, apparues à la fin du IXe siècle, sont moins abondantes à partir de 970. Après l’an mille, les monnaies germaniques continentales et anglo-saxonnes prédominent[11].
  • 968 : première mention des mines de Rammelsberg ; les mines d’argent du Harz en Allemagne centrale deviennent particulièrement productives[12].
  • 959-975 : réformes politiques et religieuses en Angleterre pendant le règne d'Edgar le Pacifique : loi unitaire, emploi de Chartes, division du pays en unités territoriales administratives (hundreds et wapentakes dans les régions danoises, shires au niveau supérieur), consolidation du Conseil du royaume (witan), comprenant des notables civils et ecclésiastiques[13].
  • 976 : Venise pratique le contrat de Colleganza (première mention le dans un acte de la veuve du doge Pietro IV Candiano[16]) : un bailleur de fonds (riche marchand) se charge d'apporter les capitaux à un jeune navigateur qui doit mener une expédition et par exemple ramener des épices. Il y a un partage des bénéfices : 75 % des bénéfices reviennent au bailleur et 25 % au navigateur. D'autre part, les commenda sont mises en place : ce sont les ancêtres de nos S.A. (Sociétés anonymes) : les marchands placent leur fonds et partagent leurs richesses dans différentes commenda[17].
  • Vers 990 : frappe de la première monnaie irlandaise à Dublin[18].
  • 992 : à sa mort, Mieszko Ier laisse un État dont la population est estimée à 1,125 million d’habitants et dont les frontières sont à peu de chose près celles de la Pologne en 1945, soit 250 000 km2[19]. La Pologne est traversée par des routes qui relient la Baltique, la Russie de Kiev, l’Allemagne de Magdebourg et la Bohême. Des produits de luxes circulent pour le prince et son entourage, échangés contre des matières premières (seigle, fourrure, miel) et des esclaves capturés lors des guerres.
  • Xe siècle :
    • évolution vers la féodalité entre Loire et Rhin. La terre donnée en usufruit viager devient la base de tout système de relation. Le fief qui confond maintenant honneurs et bénéfices est la cause du serment de recommandation par lequel on devient l’homme d’un autre homme, qui prend le nom d’hommage. Chacun essaie d’avoir le plus de fiefs possible et prête alors plusieurs hommages. La vassalité multipliée se généralise et embrouille les relations entre seigneurs. Enfin, l’hérédité devient la règle, dépouillant le seigneur au profit du lignage. Des hiérarchies s’échafaudent : en bas, les petits vassaux, proches des paysans et juste capables de s’équiper à leur frais et d’avoir un cheval ; puis les vassaux du comte, moyens propriétaires convoqués à sa cour de justice ou à son ost ; enfin les comtes, ducs ou anciens marquis qui se disent princes, qui ont gardé les droits royaux et cherchent à affermir leur autorité. Ils s’affirment les fidèles du roi, mais ne lui doivent rien[20].
    • développement d’une agriculture irriguée dans al-Andalus, notamment dans les Alpujarras de Grenade ou les huertas de Valence et de Murcie. Elle est nécessaire aux nouvelles cultures introduites à l’époque musulmane : abricotier, citronnier, oranger, riz, canne à sucre, aubergine, melon, etc. Les techniques d’irrigation sont de trois sortes : barrages (azud (es)) et bassins (balsa) pour retenir l’eau et la réguler, galerie drainante (cimbra), qanats et puits pour aller la chercher, canaux (acequia) et machines (shadouf, noria) pour l’acheminer[21].
    • le rachat de terres par les puissants dans l'empire byzantin permet l'extension de la grande propriété au détriment de l'organisation villageoise[22]. L’État byzantin maintient l’unité fiscale du chôrion (village) par le droit de préemption des cocontribuables en cas de vente d’une terre et favorise la moyenne propriété par des contrats de métayage (de « moitié ») ou de location de terres à taux avantageux (10 % des fruits). Vers 910 le basileus Léon VI constate que les paysans dans la gêne quittent leurs terres parce que la lourdeur du système de la préemption (protimésis[23]) leur interdit de se rétablir rapidement en vendant quelques terres. Il supprime la préemption a priori pour la remplacer par un droit de réclamation a posteriori et limité à six mois. Il supprime simultanément la plupart des anciennes interdictions d’acquisition des fonctionnaires, sauf des stratèges, et ouvre aux puissants la possibilité d’acheter des terres. De 963 à 969, l'empereur byzantin Nicéphore II Phocas, membre de l’aristocratie foncière d’Asie Mineure, prend des mesures sévères pour limiter l’accroissement des biens ecclésiastiques mal exploités par manque de capital d’exploitation et qui échappent à l’interdiction d’achat parce que les clercs reçoivent surtout des donations. Il porte de 4 à 12 livres d’or la valeur minimale du lot stratiotique, supprimant ainsi pour le plus grand nombre l’inaliénabilité et toutes les mesures de protection. Il résiste aux pressions de sa classe et interdit aux puissants d’acheter toute terre appartenant à un faible, où qu’elle soit située. En 996, l'empereur byzantin Basile II publie une novelle contre la féodalité. Pour lutter contre la puissance de l’aristocratie foncière d’Anatolie, il interdit les clientèles et les confiscations terriennes mais ne parvient pas à briser la puissance des grandes familles. Plus tard (v. 1003-1004), il institue l’allèlengyon (caution mutuelle), qui consiste à rattacher les puissants à des communes fiscales sans leur en conférer les droits pour faire payer par les riches l’impôt des plus pauvres. Ces mesures ne survivront pas à son règne[15] - [24].

Démographie

Articles connexes

Notes et références

  1. Sébastien Noël, Luc Stevens, Souterrains et mottes castrales - émergence et liens entre deux architectures de la France médiévale, L'Harmattan, (ISBN 9782343078670, présentation en ligne)
  2. Michel Balard, Le Moyen Âge en occident, Hachette Éducation, (ISBN 9782011818355, présentation en ligne)
  3. Katherine Ludwig Jansen, Joanna H. Drell, Frances Andrews, Medieval Italy : Texts in Translation, University of Pennsylvania Press (ISBN 9780812241648, présentation en ligne)
  4. Pierre Milza, Histoire de l'Italie : Des origines à nos jours, Fayard, (ISBN 9782213640341, présentation en ligne)
  5. Michel Balard, op. cit, p. 150.
  6. Enrico Guidoni, La ville européenne : formation et signification du quatrième au onzième siècle, Editions Mardaga, (ISBN 9782870091333, présentation en ligne)
  7. Ahmad Hasan Dani, M.S.Asimov, Clifford Edmund Bosworth, History of Civilizations of Central Asia, vol. 4, Motilal Banarsidass Publ., (ISBN 9788120815964, présentation en ligne)
  8. Alaa Aldin Al Chomari, Le commerce régional et international au Xe siècle en Syrie, Archaeopress Publishing Limited, (ISBN 9781789695304, présentation en ligne)
  9. Dictionnaire de la conversation et de la lecture, vol. 7, Belin-Mandar, (présentation en ligne)
  10. Régis Boyer, Les Vikings, Place des éditeurs, (ISBN 9782262051044, présentation en ligne)
  11. Histoire des Vikings : des invasions à la diaspora, Paris, Tallandier, , 665 p. (ISBN 979-10-210-2129-7 et 9791021021310, présentation en ligne)
  12. Giovanna Bianchi, Richard Hodges, Origins of a new economic union (7th-12th centuries). Preliminary results of the nEU-Med project: October 2015-March 2017, All'Insegna del Giglio, (ISBN 9788878148802, présentation en ligne)
  13. Kenneth O. Morgan, The Oxford illustrated history of Britain, Oxford University Press, , 646 p. (ISBN 978-0-19-289326-0, présentation en ligne)
  14. Régis Boyer, Les Vikings - histoire, mythes, dictionnaire, R. Laffont, (ISBN 9782221106310, présentation en ligne)
  15. Alain Ducellier, Michel Kaplan, Bernadette Martin, Françoise Micheau, Le Moyen Âge en Orient, Hachette Éducation, (ISBN 9782011400956, présentation en ligne)
  16. Germain Sicard, Les moulins de Toulouse au Moyen Age, aux origines des sociétés anonymes, Librairie, A. Colin, (présentation en ligne)
  17. André-É. Sayous, « Les transformations des méthodes commerciales dans l'Italie médiévale », Annales d'histoire économique et sociale, no 2, , p. 161-176 (présentation en ligne)
  18. John Cannon, A Dictionary of British History, Oxford University Press, (ISBN 9780199550371, présentation en ligne)
  19. Quentin Mackré, Géopolitique des frontières de la Pologne : Les effets de l’adhésion à l’Union européenne et leurs origines historiques, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, (ISBN 9782367813509, présentation en ligne)
  20. Michel Balard, op. cit, p. 102.
  21. Charles Higounet, Jardins et vergers en Europe occidentale (VIIIe-XVIIIe siècles), Presses universitaires du Midi, (ISBN 9782810709120, présentation en ligne)
  22. Éric Limousin, Le monde byzantin du milieu du VIIIe siècle à 1204 : Économie et société, Éditions Bréal, (ISBN 9782749506326, présentation en ligne)
  23. Droit de préemption des voisins en cas de ventes de terres, pour préserver l'intégrité des communes rurales
  24. Michel Kaplan, Les hommes et la terre à Byzance du VIe au XIe siècle: Propriété et exploitation du sol, Éditions de la Sorbonne, (ISBN 9782859448356, présentation en ligne)
  25. Hervé Beaumont, Asie centrale : La Route de la soie (Ouzbékistan - Tadjikistan - Kirghizistan - Kazakhstan - Turkménistan - Xinjiang et Gansu chinois), Marcus, (ISBN 9782713102219, présentation en ligne)
  26. Yves-Denis Papin, Chronologie du Moyen Âge, Éditions Jean-paul Gisserot, (ISBN 9782877475921, présentation en ligne)
  27. Guy Bajoit, Le modèle culturel chrétien de la France médiévale- XIe, XIIe et XIIIe siècles, Academia-L'Harmattan, (ISBN 9782806105226, présentation en ligne)
  28. Isabelle Catteddu, Quoi de neuf au Moyen Age ?, DLM, (ISBN 978-2-7324-8224-8, présentation en ligne)
  29. Jean-Paul Demoule, Dominique Garcia, Alain Schnapp, Une histoire des civilisations : comment l'archéologie bouleverse nos connaissances, Paris, Éditions La Découverte, , 601 p. (ISBN 978-2-7071-8878-6, présentation en ligne), p. 420
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