Expédition du Tonkin
L'expédition du Tonkin est une suite d'opérations militaires françaises opérées sous la TroisiÚme République, afin de poursuivre l'expansion coloniale en Asie du Sud-Est et de mettre un terme aux attaques chinoises ; elle constitue un élément du conflit avec la Chine.
Date | 1883â1885 |
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Lieu | Tonkin (nord de l'actuel ViĂȘt Nam) |
Issue |
Victoire française Annam et Tonkin placés sous Protectorat français. |
France | Empire de Chine Pavillons noirs Empire d'Annam |
15 000 - 20 000 hommes | 25 000 - 35 000 hommes |
2 100 morts ou blessés | 10 000 morts ou blessés |
Batailles
Ă la naissance de la TroisiĂšme rĂ©publique, la France possĂšde dĂ©jĂ en Indochine, par le traitĂ© de 1862 avec lâempereur Tá»± Äức, trois provinces du sud de l'actuel ViĂȘt Nam qui forment la Cochinchine française, et bĂ©nĂ©ficie Ă©galement de lâouverture au commerce français de trois ports en Annam (actuel ViĂȘt Nam). Les aspirations de la rĂ©publique dans la rĂ©gion sont poussĂ©es par les marchands qui cherchent des dĂ©bouchĂ©s en ExtrĂȘme-Orient, et de ceux qui rĂȘvent de concurrencer l'Empire britannique, prĂ©sent aux Indes, grĂące au MĂ©kong qui ouvrirait le Laos, la Birmanie, la Chine au commerce français. Les aspirations françaises sur le MĂ©kong, déçues de lâexploration du fleuve par l'expĂ©dition gĂ©ographique de Francis Garnier et d'Ernest Doudart de LagrĂ©e en 1866-1868, se reportent sur le Fleuve Rouge au Tonkin, qui ouvre un dĂ©bouchĂ© commercial sur la Chine.
En 1883, rĂ©agissant aux hostilitĂ©s entretenues par les Chinois et leurs auxiliaires les Pavillons noirs et dĂ©sireux d'ouvrir une fois pour toutes la route du Tonkin, les Français entament l'expĂ©dition sous l'impulsion du chef du gouvernement de l'Ă©poque, Jules Ferry. L'entreprise comporte des difficultĂ©s et provoque en mars 1885 une crise politique avec pour consĂ©quence la chute du cabinet Ferry, attaquĂ© par la droite monarchiste et l'extrĂȘme-gauche radicale, Clemenceau en tĂȘte. L'expĂ©dition s'achĂšve cependant par la mise dĂ©finitive sous tutelle du gouvernement impĂ©rial annamite et par le retrait des Chinois, qui renoncent Ă leur suzerainetĂ© sur l'Annam. L'Indochine française est officiellement fondĂ©e deux ans plus tard.
PremiÚre expédition
Câest par cette voie quâun nĂ©gociant français, Jean Dupuis, avait entrepris dâacheminer des armes pour un gĂ©nĂ©ral chinois combattant une rĂ©volte au Yunnan (fin 1872-dĂ©but 1873)[1].
Ce commerce au milieu du dĂ©sordre remet en cause lâautoritĂ© de lâempereur Tá»± Äức sur la rĂ©gion. Celui-ci fait donc appel Ă lâamiral DuprĂ©, gouverneur de Cochinchine, pour mettre fin Ă ces agissements, tandis que Dupuis demande la protection de son pays dans ses affaires. DuprĂ© envoie Francis Garnier, en principe pour enquĂȘter et arbitrer, mais il a en fait carte blanche dans lâaffaire[2].
Peu aprĂšs son arrivĂ©e sur place, Garnier envoie un ultimatum au reprĂ©sentant de lâempereur et attaque la citadelle dâHanoĂŻ le 20 novembre 1873, avec deux cents soldats, puis il prend dâautres places du delta, remplaçant les reprĂ©sentants de lâempereur par des indigĂšnes convertis au catholicisme pour la plupart. Mais les Annamites renforcĂ©s par les Pavillons noirs chinois encerclent HanoĂŻ oĂč Garnier est tuĂ© le 21 dĂ©cembre 1873[3].
Le gouverneur de Cochinchine dĂ©savoue lâopĂ©ration et envoie le lieutenant de vaisseau Philastre en tant que nĂ©gociateur Ă la cour de HuĂ©. Celui-ci fait Ă©vacuer le Tonkin malgrĂ© les engagements pris envers les chrĂ©tiens, alors livrĂ©s aux massacres. La convention signĂ©e par DuprĂ© le 15 mars 1874, reconnaĂźt lâindĂ©pendance de lâAnnam et promet une aide financiĂšre, militaire et Ă©conomique. Lâempereur Tu Duc doit quant Ă lui se conformer Ă la politique Ă©trangĂšre française, sans que cela remette en cause ses relations actuelles, ce qui laisse un flou sur la vassalitĂ© de lâAnnam envers la Chine, et laisse les ports et le Fleuve Rouge ouverts au commerce français[4].
Seconde expédition
Les opĂ©rations reprirent en juillet 1881, sous le gouvernement Ferry, qui obtint 2,5 millions de francs pour une opĂ©ration de lutte contre le brigandage dans la vallĂ©e du fleuve Rouge. Comme en 1873, lâofficier chargĂ© de la mission, le capitaine de frĂ©gate Henri RiviĂšre, outrepasse sa mission, et le 25 avril 1882 prend la citadelle dâHanoĂŻ Ă la tĂȘte de 500 hommes. Il est tuĂ© un an plus tard, comme Garnier sous les coups des pavillons noirs (19 mai 1883).
Le retour de Ferry en fĂ©vrier 1883 relance les opĂ©rations coloniales dans la rĂ©gion, faisant passer le corps expĂ©ditionnaire Ă quatre mille puis Ă neuf mille hommes. En aoĂ»t 1883, la cour de HuĂ© est obligĂ©e dâaccepter un traitĂ© de protectorat qui lui impose la prĂ©sence dâun rĂ©sident français, et dĂ©membre lâempire. Le Protectorat du Tonkin est soumis Ă une complĂšte occupation française ; le nom d'Annam, utilisĂ© jusque-lĂ en Occident pour nommer le pays entier, ne dĂ©signera plus que la province centrale du ViĂȘt-nam, Ă©galement placĂ©e sous un rĂ©gime de protectorat plus lĂąche.
Le nouveau commandant en chef, le général Millot, organisa ses forces (10 000 hommes en 1884) en deux brigades ; la premiÚre sous le commandement du général BriÚre de l'Isle et l'autre sous celle du général de Négrier. Deux campagnes, l'une en mars-avril qui permit de conquérir Bac Ninh et Hung Hoa et l'autre en mai-juin pour celle de Thai Nguyen et Tuyen Quang. AprÚs l'embuscade de Bac Le, le général Millot demanda son rappel pour le mois de septembre, se décrivant comme malade et désabusé.
Par la convention de Tien-Tsin, la Chine reconnaĂźt les conquĂȘtes françaises et promet dâĂ©vacuer ses troupes au Tonkin. Mais un incident relance le conflit, lâamiral Courbet reprenant sa campagne contre les cĂŽtes chinoises. La paix ne reviendra partiellement que le 9 juin 1885, les troubles reprenant dans la rĂ©gion de HuĂ©, jusqu'en dĂ©cembre 1885.
MalgrĂ© la chute du gouvernement Ferry provoquĂ©e par lâĂ©vacuation du poste frontiĂšre de LáșĄng SÆĄn le 30 mars 1885, la politique tonkinoise se poursuivit, la chambre continuant de voter les crĂ©dits nĂ©cessaires malgrĂ© une plus faible majoritĂ©, pour la pacification du Tonkin qui ne fut vĂ©ritablement effective quâen 1891 grĂące Ă la politique de la « tache dâhuile » de Gallieni.
DĂ©coration
EXTREME ORIENT 1884-1885 est inscrit sur le drapeau des régiments cités lors de cette expédition.
Notes et références
- Michel Bodin, Les Français au Tonkin 1870-1902 : Une conquĂȘte difficile, Saint-Cloud, SOTECA, coll. « Outre-mer », , 296 p. (ISBN 978-2-916385-47-1, prĂ©sentation en ligne), chap. 4 (« Les Ă©tapes de la conquĂȘte »), p. 242
- Philippe Devillers, Français et Annamites. : Partenaires ou ennemis ? 1856-1902, Denoël, coll. « L'Aventure coloniale de la France. Destins croisés », , 528 p. (ISBN 978-2-207-24248-3, présentation en ligne), p. 144
- Michel Bodin, Les Français au Tonkin 1870-1902 : Une conquĂȘte difficile, Saint-Cloud, SOTECA, coll. « Outre-mer », , 296 p. (ISBN 978-2-916385-47-1, prĂ©sentation en ligne), chap. 4 (« Les Ă©tapes de la conquĂȘte »), p. 246-248
- Michel Bodin, Les Français au Tonkin 1870-1902 : Une conquĂȘte difficile, Saint-Cloud, SOTECA, coll. « Outre-mer », , 296 p. (ISBN 978-2-916385-47-1, prĂ©sentation en ligne), chap. 4 (« Les Ă©tapes de la conquĂȘte »), p. 248-251
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Lucien Huard, La Guerre du Tonkin, Paris, 1887
- L. Huguet, En colonne : souvenirs d'ExtrĂȘme-Orient, Paris, 1888
- Dick de Lonlay, Au Tonkin, 1883-1885, Paris, 1886
- Victor Nicolas, Livre d'or de l'infanterie de la marine, Paris, 1891
- Louis Sarrat, Journal d'un marsouin au Tonkin, 1883-1886, Paris, 1887 ; France-Empire, 1987
- Auguste Thomazi,
- Histoire militaire de lâIndochine française, HanoĂŻ, 1931.
- La ConquĂȘte de l'Indochine, Paris, 1934
- Michel Bodin, Les Français au Tonkin, 1870-1902 - Une conquĂȘte difficile, Soteca, 2012, 297 p.
- Henri Cordier : Histoire générale de la Chine et de ses relations avec les pays étrangers : depuis les temps les plus anciens jusqu'à la chute de la dynastie Mandchoue, vol. I, Depuis les temps les plus anciens jusqu'à la chute de la dynastie T'ang (907) ; Vol. 2, Depuis les cinq dynasties (907) jusqu'à la chute des Mongols (1368) ; Vol. 3, Depuis l'avÚnement des Mings (1368) jusqu'à la mort de Kia K'ing (1820) ; Vol. 4, Depuis l'avÚnement de Tao Kouang (1821) jusqu'à l'époque actuelle (1920-1921)