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Delta du Mississippi

Le delta du Mississippi forme l'embouchure du fleuve Mississippi dans l'État de Louisiane dans le Sud des États-Unis. Ce delta est formĂ© par les alluvions dĂ©posĂ©es par le fleuve alors qu'il se jette dans les eaux du golfe du Mexique. Il continue d'avancer vers le sud et est « l’un des plus changeants au monde, parce que l’un des plus jeunes »[1]. Le delta du Mississippi constitue un riche Ă©cosystème menacĂ© par les activitĂ©s humaines. Il s'agit du 2ème plus grand delta au monde après celui du Gange. Il couvre une superficie de 75 000 km2 (plus de 400 km de largeur d'est en ouest, et de 200 km de profondeur du nord au sud[2]), sur laquelle vivent quelque 2,2 millions d’habitants, la plupart vivant dans l’agglomĂ©ration de La Nouvelle-OrlĂ©ans[3]. Pourtant, comparĂ© Ă  d’autres deltas, la densitĂ© de la rĂ©gion est relativement faible.

Le delta du Mississippi et le golfe du Mexique (bathymĂ©trie). Une caractĂ©ristique du Mississippi est qu'il peut former des fosses profondes dans le delta (presque 50 m sous le niveau marin Ă  la Nouvelle-OrlĂ©ans[1]).

Formation et histoire du delta

L'embouchure du Mississippi s'est dĂ©placĂ©e plusieurs fois. En 5 000 ans, le fleuve a changĂ© neuf fois d'embouchure et l'actuel emplacement du cĂ´ne de dĂ©jection ne date que du Xe siècle.

Histoire humaine du delta

Ă€ la PrĂ©histoire, les AmĂ©rindiens Ă©taient prĂ©sents des millĂ©naires avant l'arrivĂ©e des colons europĂ©ens en basse vallĂ©e du Mississippi et dans le delta. Des tĂ©moignages archĂ©ologiques datĂ©s de jusqu'Ă  12 000 ans le confirment, dont près des rives du lac Pontchartrain. Au moins Ă  partir du Ier siècle avant notre ère, les amĂ©rindiens construisaient de petits monts d'environ 20 m de haut, dans l'Ă©quivalent de l'actuel État du Mississippi et notamment dans la plaine alluviale. Des restes de ces monts sont encore visibles Ă  Vicksburg, et près de Natchez plus près de la mer[1].

Le Français Robert Cavelier, Sieur de La Salle, atteint le delta du Mississippi en 1682 et y déclare (au nom de Louis XIV) la souveraineté française sur tout son bassin qu'il nomme Louisiane. Certains des premiers colons français ont décrit à la fin du XVIIe/début du XVIIIe siècle des usages cérémonieux des buttes évoquées ci-dessus par les Amérindiens Natchez, avant que ces colons ou d'autres ne déciment les Natchez par les armes, la maladie ou la déculturation. Les Français décident de construire une ville portuaire dans l'estuaire, ce qui s'avère difficile en raison de la mobilité du « réseau réticulé des bouches du Mississippi »[1]. Bâton Rouge est reconnu en 1699 par d'Iberville mais d'abord jugé trop éloigné de la mer (un poste n'y sera établi qu'en 1718). Un premier poste est établi par le Canadien français Pierre Le Moyne d'Iberville (à Biloxi dans la bordure orientale du delta) puis abandonné. Les français s'établissent ensuite sur la rivière Mobile à Fort Louis (aujourd'hui disparu), puis en 1710 à Mobile sur l'estuaire cette rivière, ainsi que sur la Rivière Rouge en 1714 à Natchitoches[1].

Commerce entre marchands français et amérindiens dans l'embouchure du Mississippi au début du XVIIIe siècle.

En 1718, sur la rive gauche d’un méandre réputé dangereux, mais connecté à la mer via des lacs et bayous, Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville (frère du précédent) établit la ville portuaire de la Nouvelle-Orléans sur un léger relief indiqué par les Amérindiens Choctaws aux français. Cette ville supplantera Bâton rouge comme capitale de la Louisiane[1].

La France crée la Compagnie du Mississippi, confiée en 1717 au financier écossais John Law. C'est un échec. L’Espagne et à l’Angleterre après la Guerre de Sept Ans (1756-1763) récupèrent la Louisiane[1].

La Nouvelle-Orléans vers 1720.


Dans les années 1720 - en s'appuyant sur l'esclavagisme et avec l'aide des Acadiens à partir de 1760 - on endigue, on draine et met en valeur par la culture de vastes parcelles de marais, ce qui sera le début d'une vaste opération de domestication du delta, dont on verra 3 siècles plus tard qu'il s'agit d'un semi-échec.

Embouchure du Mississippi, autour de 1770.

La population de la Nouvelle-OrlĂ©ans reste modeste en nombre, avec un peu plus de 8 000 habitants seulement en 1803 quand la ville devient officiellement amĂ©ricaine. En 1812, 800 km de digues cherchent Ă  contrĂ´ler le fleuve[4].

À partir de 1830, la Louisiane sera un grand fournisseur de coton[1], puis de pétrole.

Durant la guerre civile qui a opposé l’Union des États du Nord aux sécessionnistes, la maîtrise du fleuve et donc de son estuaire et delta a été un enjeu stratégique.

Andrew Humphrey, diplĂ´mĂ© de West Point rĂ©alise une grande Ă©tude sur le fleuve, lancĂ©e par le Congrès en 1850, qui sera rendue en 1861. Humphrey qui est alors un ingĂ©nieur rĂ©putĂ© montre, confirme ou prĂ©cise certaines spĂ©cificitĂ©s du Mississippi, dont sa turbiditĂ© très Ă©levĂ©e, sa capacitĂ© Ă  creuser de profondes fosses dans la partie amont du delta (jusqu'Ă  50 m de profondeur Ă  La Nouvelle-OrlĂ©ans, c'est-Ă -dire près de 50 m sous le niveau marin) puis Ă  massivement dĂ©poser ses sĂ©diments près de la mer[5]. Il conclut comme la plupart de ses collègues qu'endiguer le fleuve est une erreur[5], mais il ne sera jamais entendu par les Ă©lus et habitants qui malgrĂ© les dĂ©bordements successifs de digues de plus en plus hautes et longues ont toujours intuitivement l'impression que l'endiguement est la meilleure solution Ă  leurs problèmes. Le parti de l'endiguement sera ensuite portĂ© dans les annĂ©es 1870 par un autre ingĂ©nieur James Eads[6]

Quand un canal fut construit au dĂ©but du XIXe siècle, le fleuve a cherchĂ© Ă  rejoindre le lit et l'embouchure de la rivière Atchafalaya, Ă  95 km de La Nouvelle-OrlĂ©ans. Le Corps des ingĂ©nieurs de l'armĂ©e amĂ©ricaine dĂ©pense depuis une Ă©nergie considĂ©rable pour construire des digues pour conserver le cours actuel et artificiel du fleuve[1], ce qui est gĂ©nĂ©ralement prĂ©sentĂ© par les autoritĂ©s locales et la « Mississippi River Commission » comme une « amĂ©lioration » du fleuve[7].

L’endiguement a portĂ© le dĂ©bit maximum de crue du fleuve Ă  100 000 m3/s lors d'une inondation record en avril 1927[8], avec un record de dĂ©bit qui a atteint Ă  Greenville (au nord de Vicksburg ) 300 000 m3/s, dopant la puissance destructrice de l'eau[8]. James Eads semble avoir Ă©tĂ© inspirĂ© d'une (« thèse fort ancienne, mise en avant au XVIIe siècle par un ingĂ©nieur italien, Guglielmini, au sujet du PĂ´ »[8]. Selon cette thèse, connue aux États-Unis sous le nom de « levees only » (« seulement des digues ») « plus le fleuve est canalisĂ©, plus il va couler vite et Ă  la fois creuser son lit, l’agrandir et porter loin en mer ses dĂ©pĂ´ts, Ă©vitant ainsi de former des bancs de sable obstruant son accès ultime Ă  la mer ». Cette thèse - au moins pour le Mississippi - avait Ă©tĂ© rĂ©futĂ©e par Humphrey et plusieurs de ses collègues[5] et dans ce cas, l'autocurage attendu n'a effectivement jamais eu lieu ; au contraire le fond du fleuve ne cesse de remonter et il faut toujours rehausser les digues, alors que le reste du delta s'enfonce et s'appauvrit faute d'apports alluvionnaires[8]. NĂ©anmoins, la stratĂ©gie de l'endiguement s'est poursuivie pour protĂ©ger les biens et personnes, autant que possible et Ă  ce jour aussi longtemps que financièrement et techniquement possible.

Enfoncement et Ă©volution du delta actuel

Les différents lobes du Mississippi depuis 4600 ans.
4600 ans BP
4600-3500 ans BP
3500-2800 ans BP
2800-1000 ans BP
1000-300 ans BP
750-500 ans BP
550 ans BP - aujourd'hui

Le fleuve et ses bras apportent des alluvions de différentes granulométries et une grande quantité de sédiments fins (B. Clarence Hall décrivant le fleuve dans le sillage de Mark Twain[9] le surnomme en 1937 le Grand boueux[10].

Depuis quelques dĂ©cennies, une partie des sĂ©diments a Ă©tĂ© piĂ©gĂ©e en amont par les grands barrages Ă©tablis par l'Homme sur les cours d'eau de son immense bassin-versant, qui couvre près de 3,3 millions de km², dont une petite partie, moins de 2 %, est au Canada. La turbiditĂ© du fleuve a nĂ©anmoins augmentĂ© en raison de l'Ă©rosion agricole et de la perte d'humus des sols, permettant Ă  la partie active du delta actuel du Mississippi d'encore progresser (d'environ de 100 mètres par an), alimentĂ© par environ 730 millions de tonnes d'alluvions dĂ©posĂ©es Ă  raison de 60 centimètres par an sur le fond de son lit et sur le bord du plateau continental. Ces dĂ©pĂ´ts forment un immense cĂ´ne de dĂ©jection qui gagne facilement sur les eaux du golfe du Mexique en raison de la faible profondeur des eaux littorales et de la faible amplitude des marĂ©es[11].

Deux cartes illustrant (en vue plus rapprochée que ci-dessus) la perte de sols marécageux en Louisiane en 80 ans (de 1932 à 2011) dans une partie du delta du Mississippi, en raison de l'augmentation du niveau relatif de la mer (par effet combiné de la montée de la mer et de l'affaissement des sols).
Vue en Rouge des terres perdues en Louisiane sur le littoral et dans l'arrière des terres (anciens marais), sur un fond constitué d'une image satellitaire.
Une partie du delta du Mississippi (vu de l'espace, en fausses couleurs).
Plusieurs panaches de forte turbidité matérialisent dans l'eau les apports naturels ou anthropiques de sols ou sédiments apportés dans le golfe par le delta. On note aussi quelques panaches de feux de forêts.

Néanmoins une grande partie de l'immense delta tend à s'enfoncer sous l'eau depuis 80 ans, et de plus en plus rapidement au point que selon la NOAA, plus de 80 % du sud-est de la Louisiane pourrait disparaître avant la fin du siècle. Presque tout le Sud-Est de la Louisiane est concerné[12]. Les cartes faites par la NOAA doivent être régulièrement rectifiées : En 2011, 31 baies et autres lieux-dits de la zone du Plaquemines Parish (nommés par les explorateurs français dans les années 1700) ont ainsi disparu des nouvelles cartes[13]. De 2010 à 2013, l’équivalent d'environ un terrain de football a été perdu en moyenne chaque heure, et la situation devrait empirer[14]. Selon les prévisions 2013-2014 de la NOAA, c'est la zone des États-Unis et du monde qui pourraient être la plus gravement, la plus coûteusement et la plus rapidement envahie par l'océan[15].

Les spécialistes expliquent ce phénomène par la conjonction de plusieurs raisons, presque toutes d'origines humaines :

  • la chenalisation du fleuve et son endiguement ; alors que le substrat argileux naturel et les apports majoritairement argilovaseux ne favorisent pas le mĂ©andrage du fleuve, sa chenalisation a fortement limitĂ© les apports sĂ©dimentaires sur les cĂ´tĂ©s du cours d'eau, et ils favorisent l'expulsion des sĂ©diments dans le golfe du Mexique ; L’endiguement anti-inondation semble avoir paradoxalement fait augmenter le niveau gĂ©nĂ©ral de l'eau et des crues (de 1930 Ă  1990 alors que l’on creusait des canaux de drainage sans porte Ă  la mer (ce qui a changĂ© depuis Katrina), environ 16 % des zones autrefois marĂ©cageuses sont devenues des zones de pleine eau permanente[16], et dans les annĂ©es 1970, jusqu'Ă  50 miles carrĂ©s de zones humides se sont enfoncĂ©es sous le niveau de l'eau chaque annĂ©e). Ces travaux semblent avoir aggravĂ© les risques futurs, alors que l'urbanisation a Ă©tĂ© poursuivie, malgrĂ© les risques[17] et que certains se demandent s'il ne vaudrait pas mieux parfois ne pas reconstruire[18].
  • le dragage de marais ; les dragages rĂ©guliers de canaux longtemps construit sans Ă©cluses (ou "portes Ă  la mer") ou en lien avec le rĂ©seau Est-Ouest d'environ 2 000 km (le « Gulf Intracoastal Waterway »[19] articulĂ© au Mississippi et aux États voisins[1](mais environ 10 000 miles de canaux sillonnent aujourd’hui la seule Louisiane[20]) ont favorisĂ© l'entrĂ©e d'eau salĂ©e loin dans les terres, ce qui a dĂ©gradĂ© les Ă©cosystèmes du marais qui fixent moins bien les sĂ©diments et la disparition de la forĂŞt a privĂ© les fonds de l'apport de vĂ©gĂ©taux et de bois mort[14].
  • les nombreux amĂ©nagements humains (centaines de petits canaux, chenaux, digues, conduites, routes, etc.). Ils ont perturbĂ© le fonctionnement hydraulique du delta et ses capacitĂ©s de rĂ©silience après les tempĂŞtes et cyclones. Certains ont Ă©tĂ© faits pour faciliter l'exploitation pĂ©trogazière et d'autres font partie d'un grand programme de contrĂ´le du fleuve, lancĂ© en 1928, Ă  la suite de « la grande inondation de 1927 » (qui a causĂ© 145 ruptures de digues et l'inondation d'une immense partie de l'ancienne zone alluviale du fleuve ; de l'Illinois Ă  la Nouvelle-OrlĂ©ans, avec 500 morts, 130 000 maisons dĂ©truites dans une zone de 27 000 miles carrĂ©s inondĂ©e jusque sous 30 pieds d'eau ; laissant 600 000 sans abri après son retrait. C'Ă©tait alors la pire catastrophe naturelle jamais subie par l'État et le pays. Le Congrès a rĂ©agi dès 1928 en Ă©dictant une « Loi sur la lutte contre les inondations » ordonnant Ă  l'« US Army Corps of Engineers » d’endiguer tout le fleuve de manière Ă  empĂŞcher Ă  jamais une nouvelle inondation de cette ampleur. Les militaires ont en 2 ans renforcĂ© le carcan de digues[21], et continuĂ© Ă  le faire jusqu'en 2006, mais des annĂ©es plus tard de nombreux effets pervers de ces travaux ont Ă©tĂ© constatĂ©s[12]. Le drainage massif des marais et l’endiguement du fleuve (par le US Army Corps of Engineers), qui font que le delta n’arrive plus Ă  se rehausser en raison de la diminution du transit sĂ©dimentaire venus de l’aval et d'une moindre accumulation des sĂ©diments d’origine vĂ©gĂ©tale et animale dans les marais, car les marais sont remplacĂ©s peu Ă  peu par la pleine-eau)[14].
  • la frĂ©quence et l'importance des cyclones tropicaux (en fin d'Ă©tĂ© et en automne). Les mĂ©tĂ©orologues et prospectivistes craignent qu'ils soient plus nombreux ou plus puissants au XXIe siècle, et les Ă©cologues savent que les marais, les zones saumâtres et estuariennes fortement anthropisĂ©s sont moins rĂ©silients face Ă  ces phĂ©nomènes naturels peut-ĂŞtre exacerbĂ©s par l'Homme[22] - [23] en raison du dĂ©règlement climatique et de la pollution de l'eau.
  • une synergie entre les effets locaux de la montĂ©e de la mer[24] et ceux des affaissements du sol (taux et vitesse de subsidence parmi les plus Ă©levĂ©s observĂ©s au monde[15].
  • l'extraction du gaz et du pĂ©trole. Ils ont exacerbĂ© l'affaissement des sols. Le phĂ©nomène d’inondation et de subsidence cĂ´tière a Ă©tĂ© plus marquĂ© ces dernières dĂ©cennies Ă  proximitĂ© au-dessus des champs gaziers ou pĂ©trolifères exploitĂ©s (et lĂ  oĂą le plus grand linĂ©aire de canaux de drainage et circulation a Ă©tĂ© concentrĂ©, ces phĂ©nomènes additionnant leurs effets)[14]. Un rapport du DĂ©partement de l'IntĂ©rieur des États-Unis a conclu que le drainage extractif du pĂ©trole et du gaz des couches gĂ©ologique sous-jacentes Ă  la Louisiane est responsable de 16 Ă  59 % de la perte de terres cĂ´tières (avec jusqu’à 90 % dans certaines rĂ©gions de la baie de Barataria en Louisiane)[14], confirmant la tendance Ă  un recul accĂ©lĂ©rĂ© enregistrĂ©e prĂ©cĂ©demment[25].
  • le dĂ©règlement climatique : Si la frĂ©quence des tempĂŞtes et cyclones du siècle dernier se maintient, les mĂ©tĂ©orologues attendent 30 Ă  40 ouragans ou tempĂŞtes tropicales d’ici 2100, dont certains au moins comparables Ă  Katrina avec des dĂ©gâts sans doute croissants, car selon Tim Osborn[26] - [27], mĂŞme de petites tempĂŞtes comme cela a Ă©tĂ© le cas avec « Isaas » les 28 et 29 aout 2012 pourront gĂ©nĂ©rer d’importantes inondations, et « nous savons maintenant que l'ensemble de la rĂ©gion (sud-est de la Louisiane) est en train de sombrer plus vite que n'importe quel paysage cĂ´tier de sa taille sur la planète », et il faut s'attendre Ă  un record mondial d'Ă©lĂ©vation de la mer dans cette rĂ©gion[14].
  • D’autres facteurs sont certes Ă  prendre en considĂ©ration, dont une sĂ©rie de failles sous le delta (dont le socle gĂ©ologique est bien connu en raison d'intenses prospections pĂ©trolières, mais ils n'expliqueraient qu'une petite partie du problème[14].

Mesures et suivi de la subsidence

Dans les annĂ©es 1980, les mĂ©thodes de mesure rĂ©gionale du niveau relatif de la mer se sont affinĂ©es[28]. Des annĂ©es 1990[29] aux annĂ©es 2000, le recul des terres, ou plus exactement le niveau relatif de la mer[29] est jugĂ© prĂ©occupant[30], puis en 2013-2014, la NOAA conclut de l'Ă©volution des donnĂ©es et des modèles climatiques disponibles qu'une grande partie de la Louisiane pourrait ĂŞtre submergĂ©e en 2100 (-4.3 pieds sous la surface), y compris des zones très habitĂ©es (dont la Nouvelle-OrlĂ©ans) qui semblent s’enfoncer plus rapidement que la plupart des zones littorales, ce qui nĂ©cessitera le relogement et un nouveau travail pour plus d’un million de personnes[14]. Le phĂ©nomène pourrait avoir Ă©tĂ© sous-estimĂ© d’un facteur deux par les planificateurs des mesures de protection (plan sur 50 ans, qui doit ĂŞtre mis Ă  jour tous les 5 ans) ; le marĂ©graphe de Grand Isle (Louisiane), Ă  environ 50 miles au sud de la Nouvelle-OrlĂ©ans montre une que la mer s’est Ă©levĂ©e en moyenne de 9,24 mm /an de 2004 Ă  2010, alors que celui de Key West oĂą la subsidence est faible n’enregistre que 2,24 mm/an. Grand Isle a servi de point de rĂ©fĂ©rence pour les Ă©tudes prospectives, mais on s’est ensuite rendu compte que l’enfoncement du sol Ă©tait pire Ă  certains endroits dans l’intĂ©rieur des terres (ex ; 11,2 mm/an le long de la rive sud du lac Pontchartrain, en zone mĂ©tropolitaine de la Nouvelle-OrlĂ©ans. Et plus encore Ă  l'intĂ©rieur de la ville)[14].

Seule une partie de la frange côtière de la Louisiane, toujours alimentée en alluvions pourrait paradoxalement survivre, grâce à un reste de transit sédimentaire du Mississippi[14]. Port Fourchon est depuis 2011 de plus en plus isolé dans un paysage de plus en plus marin, et exposé aux évènements météorologiques graves[31].

RĂ©ponses techniques, juridiques et sociopolitiques

Face au constat de la disparition de 2 000 miles carrĂ©s de terres et Ă  l'accĂ©lĂ©ration du phĂ©nomène, des divergences existent sur les solutions Ă  apporter : faut il stopper l'urbanisation voire la faire reculer, continuer Ă  endiguer, sacrifier certaines zones pour en restaurer d'autres... ? qui doit payer, l'État fĂ©dĂ©ral, l'État de Louisiane, les habitants ? ou les industries pĂ©trolières responsables de la dĂ©gradation des Ă©cosystèmes qui protègent de moins en moins des ondes de tempĂŞte ?...).
Plusieurs études disent que l'industrie du pétrole et du gaz est responsable de 16 à 50 % du phénomène, et certains jugent maintenant impossible de protéger tout le sud-est de la Louisiane.

Création d'une nouvelle gouvernance (Après le passage de Katrina)

En Complément de la Louisiana Coastal Protection and Restoration Authority, une autre autorité nommée « The Southeast Louisiana Flood Protection Authority », elle-même subidivée en deux Conseils chargés respectivement de l'Ouest (rive droite du Mississippi) et de l'Est (rive gauche) du delta[32] a été mis en place. Cette institution indépendante de l’État fédéral et local, a été créée par une Loi spéciale, votée par le gouvernement de Louisiane en 2006. Son conseil d'administration est présidé par neuf membres non-rémunérés, dont le mandat est de quatre ans, et un conseil d'expert ; Les membres du Conseil sont nommés par un comité de représentants des écoles d'ingénieurs de LSU, Tulane, UNO et des universités du Sud-Est ("Southern universities"), de représentants d'organisations professionnelles d'ingénieurs et d'un think tank indépendant, le "Public Affairs Research Council". Tout candidat au Conseil doit avoir une expérience en ingénierie ou démontrer des compétences professionnelles pertinentes en matière de protection contre les inondations. Pour chaque siège ouvert, le comité envoie deux noms au gouverneur, qui en sélectionne un pour approbation par le Sénat de l'État. Un seul membre peut résider dans les districts relevant de la compétence du conseil. Cette autorité est un organe de gouvernance mis en place après le passage de l'Ouragan Katrina (qui a causé de nouvelles disparitions de terres marécageuses[33]), pour notamment répondre à la colère des populations victimes. Elle est chargée de la protection contre les inondations et notamment chargée d'entretenir le système de digues et murs de protection construit autour de la Nouvelle-Orléans, renforcé (pour 14,5 milliards de dollars) dans le cadre de l'après-Katrina

Plainte contre l'Industrie

En juillet 2013, la « Southeast Louisiana Flood Protection Authority » a déposé une plainte devant un tribunal civil de la Nouvelle-Orléans[34] contre 97 compagnies pétrogazières et sociétés de pose et gestion de pipelines.
La plainte (votée à l'unanimité par le Conseil[20]) cite et cible trois illégalités :

  1. le fait que ces entreprises ont criblé le territoire de puits[20], mais n’ont pratiquement jamais réparé les dommages environnementaux de leurs activités, ni remis le terrain dans son état d'origine. Or ces obligations étaient contractuellement précisées dans la plupart des permis délivrés par l'État pour l’exploitation du gaz et du pétrole sous-jacents[14] ;
  2. le fait que les aménagements réalisés directement ou indirectement par ou pour l'industrie pétrolière, qui ont transformé de vastes zones de marais en eaux libres, ont eu pour conséquence de fragiliser ou rendre moins efficaces les systèmes de digues anti-inondations. Les plaignants estiment que ceci viole la « loi sur les ports » qui interdit toute activité susceptible de nuire à 'efficacité d'une digue[14] ;
  3. en augmentant fortement les surfaces en eau, ces aménagements ont réduit la rugosité du paysage et ainsi accru la puissance des ondes de tempête. Ceci aggravant les effets globaux des tempêtes tropicales locales et des ouragans (notamment dans les bassins du Lac Borgne et du Lac Pontchartrain (qui sont en fait deux grandes baies d'eaux marines), en augmentant les risques et le danger pour les biens et personnes exposées aux inondations ou submersions marines.
    Les plaignants estiment que ces aménagements ont violé un principe américain de droit civil dite « servitude de drainage »[35] qui interdit à une personne morale (estate (en)) d'augmenter la circulation de l'eau sur la propriété d'autrui (même si ces propriétés ne sont pas contiguës)[14].

John Barry, vice-président du conseil d'administration de l'autorité qui a déposé la plainte a déclaré que l'autorité ne considérait pas l'industrie du pétrole et du gaz comme unique responsable des dommages, mais qu'elle demande seulement à l'industrie d'atténuer les dommages qu'elle a causé[20]. Cette action en justice a néanmoins immédiatement suscité un tollé « de la part des amis de l'industrie du pétrole et du gaz au sein du gouvernement de l'État, à commencer par le gouverneur »[14].

Responsabilités de l'industrie pétro-gazière

L'industrie a reconnu une certaine responsabilité dans l'inondation par les canaux et les rejets d'eaux qu'elle a créés (eau produite)[36], mais jusqu'à présent elle a réussi à faire en sorte de ne pas ou très peu payer de contreparties au droit d'exploiter (de plus en plus profondément) les hydrocarbures souterrains[14].

La Louisiane est l'un des États les plus pauvres du pays, et l'industrie pĂ©tro-gazière y est très prĂ©sente depuis le dĂ©but du XXe siècle[37]. C'est un puissant lobby et elle y emploie directement environ 63 000 personnes (selon le ministère fĂ©dĂ©ral du Travail)[14].

Patrimoine naturel du delta

Le delta du Mississippi était et reste encore (bien qu'en rapide régression) la plus grande zone humide littorale des États-Unis. Le delta offre des paysages divers, allant des lagunes saumâtres, à la mangrove ou au marais d'eau douce.

La plaine deltaĂŻque du Mississippi inclut les marĂ©cages cĂ´tiers et arrière-littoraux de la Louisiane ; ils couvrait encore dans les annĂ©es 1980 28 568 kilomètres carrĂ©s[38]. Elle se caractĂ©rise par un rĂ©seau complexe de bras et de levĂ©es naturelles qui rayonnent Ă  partir du fleuve en aval de Bâton-Rouge.

En raison des pollutions pétrolières chroniques ou accidentelles dans le Golfe du Mexique et le Delta, beaucoup de ces milieux ont été dégradés. En raison de la subsidence, plus encore ont été physiquement perdus (submergés) depuis 80 ans et plus.

De nombreux projets de stabilisation et de réhabilitation écologique des marais existent[39], sous l'égide de l' NOAA et d'ONG et fondés sur des bases écosystémiques et de cohérence écologique[40] mais qui souvent ne trouvent pas les financements nécessaires. De nombreux habitants et communautés quittent les régions de marais[41], et certains changements pourraient déjà être irréversibles[14].

Flore

Cyprès chauves dans le sud de la Louisiane

Le boisement du delta est dominé par diverses espèces de chênes et le cyprès chauve, qui se trouve être l'arbre emblématique de l'État de Louisiane. L'humidité permet l'épanouissement d'une abondance de lichens.

Dans les milieux aquatiques se développent, entre autres, les jacinthes d’eau.

Faune

La faune du delta est diverse : parmi les animaux les plus connus, on peut citer l'alligator américain, plusieurs espèces de tortues et de serpents. Les mammifères sont aussi nombreux : castors, raton laveur, loutre de rivière, vison d'Amérique, rat musqué, petit polatouche, opossum de Virginie, tatou à neuf bandes, etc. On trouve également de nombreuses espèces de chauve-souris. De nombreux oiseaux nichent dans le delta du Mississippi : hérons, aigrettes, pélicans bruns et blancs, ibis et hiboux. D'autres espèces viennent hiverner dans la région : il s'agit de l'oie sauvage, du canard d'Amérique, du canard pilet ou du balbuzard pêcheur. Le pygargue à tête blanche et le faucon pèlerin sont des espèces menacées. Dans les eaux des marais ou des cours d'eau, on trouve des écrevisses, des poissons-chats, (Cycleptus elongatus, des représentants de la famille des Sciaenidae et des Catostomidae. Une espèce d'esturgeon (Scaphirhynchus albus) y vit aussi, mais menacée d'extinction.

Notes et références

  1. De Koninck R (2006) « http://www.cairn.info/revue-herodote-2006-2-page-19.htm Le delta du Mississippi : une lutte à finir entre l’homme et la nature] », dans Hérodote, Paris, La Découverte, Numéro 121 (PDF, 230 pages), 2e trimestre 2006, (ISBN 2-7071-4951-9), p. 19-41
  2. Planète Terre, article de Pierre-André Bourque, Université de Laval, Canada
  3. R. De Koninck, Le delta du Mississippi, 2006, p. 40
  4. Harrisson R.W (1951) « Levee Building in Mississippi Before the Civil War », The Journal of Mississippi History, vol. 1, voir p. 63-97.
  5. Humphreys A.A & Abbot (1861) Report upon the Physics and Hydraulics of the Mississippi River, Lippincott, Philadelphie
  6. Eads J.B (1876) Physics and Hydraulics of the Mississippi River, Pamphlet, New Orleans
  7. Moore N (1972) Improvement of the Lower Mississippi River and its Tributaries 1931-1972, Mississippi River Commission, Vicksburg,
  8. Barry JM (2001) Rising Tide. The Great Mississippi Flood of 1927 and How It Changed America, Touchstone, New York, 2001. voir p. 41]
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Annexes

Article connexe

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Bibliographie

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