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Daucus rouyi

Rouya polygama, Thapsia polygama ‱ Thapsie de Rouy

La Thapsie de Rouy (Daucus rouyi, synonymes Rouya polygama,Thapsia polygama) est une espÚce de plantes à fleurs de la famille des Apiaceae. D'abord classée dans le genre Thapsia, puis considérée comme la seule espÚce du genre Rouya, elle est depuis 2016 rattachée au genre Daucus.

C'est une plante herbacĂ©e vivace Ă  port Ă©talĂ©, d'une hauteur de 15 Ă  50 cm, Ă  fleurs blanches rĂ©unies en ombelles, Ă  fruits ailĂ©s permettant la dispersion des graines par le vent. Elle est endĂ©mique de Corse, de Sardaigne, et du littoral entre l'AlgĂ©rie et la Tunisie, oĂč elle pousse principalement dans les dunes.

Taxonomie

L'espĂšce est dĂ©crite en premier par RenĂ© Desfontaines en 1798, qui la classe dans le genre Thapsia sous le nom binominal Thapsia polygama, dans sa Flora Atlantica [2] - [1] - [3]. En 1901, Auguste-Henri de Coincy crĂ©e le genre Rouya contenant une seule espĂšce : Rouya polygama. L'espĂšce est dĂ©placĂ©e en 2016 par Krzysztof Spalik & Jean-Pierre Reduron qui, Ă  la suite d'Ă©tudes phylogĂ©nĂ©tiques, la classent dans le genre Daucus sous le nom Daucus rouyi[1] - [3]. L'Ă©pithĂšte spĂ©cifique rouyi, sur l’exemple du nom gĂ©nĂ©rique Rouya, est dĂ©diĂ©e Ă  Georges Rouy[4]. Trois variĂ©tĂ©s sont dĂ©crites par RenĂ© Charles Joseph Maire en 1932, mais aucune n'est reconnue comme correcte[1] - [3].

Daucus rouyi a donc pour synonymes[1] - [3] :

  • Laserpitium carota Boiss., 1844
  • Rouya polygama (Desf.) Coincy, 1901
  • Thapsia polygama Desf., 1798
  • Thapsia polygama var. glabra Maire, 1932
  • Thapsia polygama var. hispida Maire, 1932
  • Thapsia polygama var. tenuisecta Maire, 1932

Elle est nommée en français « Thapsie de Rouy »[5] - [6]. On retrouve également les appellations « Thapsie polygame »[7] et « Rouya à fruits nombreux »[8]. Elle est nommée en italien Firrastrina bianca[8] - [9].

Description

  • Aspect gĂ©nĂ©ral.
    Aspect général.
  • Fruits.
    Fruits.
  • Inflorescence.
    Inflorescence.
  • Inflorescence.
    Inflorescence.

Appareil végétatif

C'est une plante vivace Ă  port Ă©talĂ©, Ă  tiges couchĂ©es-dressĂ©es, hispides-blanchĂątres, rameuses, de 15 Ă  50 cm de longueur. Les feuilles basales bi-tripennatisĂ©quĂ©es sont Ă  segments ultimes profondĂ©ment lobĂ©s, glabres en dessus, glabrescents en dessous[6].

Appareil reproducteur

Les fleurs sont blanches, rĂ©unies en ombelles terminales de grande taille (jusqu’à cm de diamĂštre), formĂ©es de 10 Ă  20-25 rayons, et les ombelles latĂ©rales sont plus rĂ©duites. L'involucre et l'involucelle sont Ă  5-7 bractĂ©es persistantes, linĂ©aires-lancĂ©olĂ©es, entiĂšres ou trifides. Les sĂ©pales sont persistants en alĂšne aiguĂ«. Les pĂ©tales sont entiers ou Ă©marginĂ©s. Le fruit est ovale ou elliptique, vert clair ou rose, comprimĂ© dorsalement, Ă  ailes lĂ©gĂšrement ondulĂ©es. La morphologie de la plante, notamment la configuration des entre-nƓuds de ses tiges, varie selon la quantitĂ© de lumiĂšre reçue[6]. Les cellules diploĂŻdes contiennent 20 chromosomes (2n=20)[10].

Confusions possibles

Par son Ă©cologie, sa morphologie et sa distribution gĂ©ographique, cette espĂšce se diffĂ©rencie assez aisĂ©ment des autres ombellifĂšres, notamment au stade fructifĂšre. Cependant, son port et quelques Ă©lĂ©ments comme la feuille, l'involucre, peuvent rappeler certains Daucus littoraux[6]. Elle s'en distingue par la prĂ©sence de fruits ailĂ©s plutĂŽt qu'Ă©pineux[4]. Elle se diffĂ©rencie des Thapsia par son ombelle Ă  la collerette de cinq Ă  sept folioles linĂ©aires[7], par ses pĂ©tales blancs et ses fruits Ă  cĂŽtes secondaires nettement ailĂ©es et non filiformes et se distingue des Laserpitium par ses pĂ©tales entiers, ses stylopodes grĂȘles, ses fruits Ă  cĂŽtes principales non ailĂ©es et prĂ©sentant des fleurs polygames, les centrales mĂąles particuliĂšrement petites[11].

Biologie

La plante est hĂ©micryptophyte. Chez les populations naturelles, les graines ont une faible dormance, germent rapidement et de trĂšs nombreuses plantules peuvent ĂȘtre observĂ©es au printemps et Ă  l’automne, mais la plupart disparaissent rapidement du fait probablement de la chaleur estivale et du manque d’eau. L’humiditĂ© hivernale, les tempĂ©ratures ne dĂ©passant pas 25 °C, ainsi qu'une salinitĂ© n'excĂ©dant pas 200 mM de NaCl sont des conditions optimales pour une bonne croissance des semis[12] ; les quelques mois avant la sĂ©cheresse estivale leur permettent de s’installer et de dĂ©velopper un systĂšme racinaire capable de chercher l’eau en profondeur. La croissance de cette espĂšce semble lente en milieu naturel : il se passe en effet plus d’un an avant la premiĂšre floraison, qui se produit de juin Ă  octobre, avec un maximum de juin Ă  aoĂ»t. La fructification a lieu d’aoĂ»t Ă  septembre-octobre, la maturation des fruits Ă©tant assez longue. L'espĂšce est trĂšs probablement allogame et entomophile, c'est-Ă -dire que la pollinisation est faite par les insectes, avec parfois des possibilitĂ©s d’autogamie. La configuration florale semble trĂšs particuliĂšre avec deux types d’ombelles, terminal et latĂ©ral, comportant le plus souvent une majoritĂ© de fleurs mĂąles, avec quelques fleurs hermaphrodites seulement dans les ombelles terminales et, au total, une faible proportion de fleurs aptes Ă  former des semences. La dissĂ©mination des graines se fait par le vent du fait de la prĂ©sence d’ailes sur les graines[6]. La prĂ©sence de germacranolide permet Ă  la graine de lutter contre des parasites tels que les larves d'Artemia salina[13].

Habitat et Ă©cologie

Thapsie de Rouy dans une pinĂšde Ă  Pin parasol en Sardaigne.

L'espÚce est exclusivement littorale ; elle pousse dans les sables des dunes fixées et les cordons littoraux sablo-graveleux. C'est une espÚce semi-héliophile : elle se développe bien à la lumiÚre, mais avec une ombre légÚre, en particulier pour le bon développement des plantules. Elle semble bien résister aux embruns salés[6].

La plante pousse de prĂ©fĂ©rence au sein des formations chamĂ©phytes Ă  Scrophulaire rameuse (Scrophularia ramosissima) et dans les ourlets Ă  Osyris blanc (Osyris alba) en avant des maquis littoraux, dans les fourrĂ©s Ă  GenĂ©vrier Ă  gros fruits (Juniperus oxycedrus subsp. macrocarpa)[6] - [14] - [5]. La Thapsie de Rouy croĂźt Ă©galement de façon plus ou moins accidentelle dans les agropyraies primaires ou secondaires superposĂ©es aux prĂ©cĂ©dents groupements Ă  la suite d’érosion marine et de remobilisation sableuse ; dans la vĂ©gĂ©tation vivace des dunes meubles ; dans les sous-bois clairs des pinĂšdes littorales Ă  Pin pignon (Pinus pinea) ou Pin maritime (Pinus pinaster)[6] - [15] - [5]. En Sardaigne, la Thapsie de Rouy semble ĂȘtre aussi implantĂ©e dans diverses associations vĂ©gĂ©tales herbacĂ©es et prĂ©forestiĂšres du littoral. La Thapsie de Rouy prĂ©sente donc une rĂ©elle plasticitĂ© Ă©cologique, de substrat, de luminositĂ©, comme d'ambiance vĂ©gĂ©tale. Elle se situe dans les groupements vĂ©gĂ©taux d’arriĂšre-dunes, sur sables fixĂ©s, mais peut Ă©galement se comporter comme une plante pionniĂšre, de milieux ouverts[6].

RĂ©partition

Son aire de répartition est trÚs restreinte. L'espÚce est présente en Corse, en Sardaigne, et sur le littoral à la frontiÚre entre Algérie et Tunisie (la Numidie)[6] - [1] - [3] - [16] - [17].

Il existe en Corse une quinzaine de populations trÚs localisées et parfois trÚs proches les unes des autres, présentes dans un rayon de quelques kilomÚtres autour de Porto-Vecchio. Le vent dispersant les graines, les pieds poussent assez isolés les uns des autres, mais l'extension des populations est faible en dehors des stations existantes, alors que des milieux dunaires proches semblent favorables pour l'espÚce[6]. En Sardaigne, l'espÚce a été signalée dans neuf localités[18].

Menaces et conservation

L'espÚce, sous le nom Rouya polygama, est classée « en danger » par l'UICN à l'échelle européenne[18], et « espÚce vulnérable » (VU) à l'échelle de la France et en Corse[5]. Elle est aussi inscrite à l'annexe II de la directive « Habitats » et à l'annexe I de la Convention de Berne[18].

En Corse, son habitat naturel et sa localisation gĂ©ographique trĂšs limitĂ©s rendent l'espĂšce vulnĂ©rable. Elle pousse dans des secteurs littoraux trĂšs touristiques, en grande partie urbanisĂ©s et artificialisĂ©s. Facteur aggravant, l’importante frĂ©quentation de l’étĂ© s’exerce en mĂȘme temps que le cycle de vĂ©gĂ©tation et principalement durant la pĂ©riode de reproduction. Elle doit Ă©galement faire face Ă  la concurrence des Griffes de sorciĂšre (Carpobrotus edulis), espĂšces envahissantes[6]. Les menaces qui pĂšsent sur la Thapsie de Rouy sont donc essentiellement liĂ©es Ă  l’altĂ©ration et Ă  la destruction de son habitat, par l’urbanisation et les amĂ©nagements littoraux, la surfrĂ©quentation et le piĂ©tinement, le nettoyage des plages par le broyage et l’emploi d’engins mĂ©caniques, et l’envahissement par des plantes exotiques[6] - [18].

Le bilan des opérations de conservation in situ réalisées entre 1987 et 2004 en Corse montre que l'introduction de plants et de semences sur des stations dunaires appartenant au Conservatoire du littoral se solde par une réussite pour un faible coût[19] - [20].

Notes et références

  1. Catalogue of Life Checklist, consulté le 3 février 2021
  2. (la) Flora Atlantica: sive historia plantarum quae in Atlante, agro tunetano et algeriensi crescunt. Parisiis (lire en ligne)
  3. GBIF Secretariat. GBIF Backbone Taxonomy. Checklist dataset https://doi.org/10.15468/39omei accessed via GBIF.org, consulté le 3 février 2021
  4. (en) Ɓukasz Banasiak, Aneta WojewĂłdzka, Jakub BaczyƄski et Jean-Pierre Reduron, « Phylogeny of Apiaceae subtribe Daucinae and the taxonomic delineation of its genera », TAXON, vol. 65, no 3,‎ , p. 576 (ISSN 1996-8175, DOI 10.12705/653.8, lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
  5. MNHN & OFB [Ed]. 2003-présent. Inventaire national du patrimoine naturel (INPN), Site web : https://inpn.mnhn.fr, consulté le 3 février 2021
  6. F. Bensettiti, V. Gaudillat, D Malengrau et E QuĂ©rĂ©, « Rouya polygama (Desf.) Coincy : La Thapsie de Rouy », dans Cahiers d'habitats Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espĂšces d'intĂ©rĂȘt communautaire. Tome 6. EspĂšces vĂ©gĂ©tales, La Documentation française, (lire en ligne [PDF]), p. 153-156, sous le nom Rouya polygama.
  7. Jean-Baptiste de Monet de Lamarck, Encyclopédie méthodique. Botanique. Par M. le chevalier de Lamarck, ancien officier au Régiment du Beaujolois, de l'Académie royale des sciences, t. 7, Paris, chez Panckoucke, (lire en ligne), p. 612
  8. « Rouya polygama », sur Base de données mondiale de l'OEPP (consulté le )
  9. (it) A. SANTO, G. FENU et G BACCHETTA, « Rouya polygama (Desf.) Coincy », Ecologia, vol. 1,‎ , p. 175 (lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
  10. (en) Najla Mezghani, Colin K. Khoury, Daniel Carver et Harold A. Achicanoy, « Distributions and Conservation Status of Carrot Wild Relatives in Tunisia: A Case Study in the Western Mediterranean Basin », Crop Science, vol. 59, no 6,‎ , p. 2319 (DOI 10.2135/cropsci2019.05.0333, lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
  11. M. G. Rouy, « Notices floristiques (suite) », Bulletin de la SociĂ©tĂ© botanique de France, vol. 51,‎ , p. 435-444 (lire en ligne)
  12. (en) Andrea Santo, Efisio Mattana, Laetitia Hugot et Paula Spinosi, « Seed germination and survival of the endangered psammophilous Rouya polygama (Apiaceae) in different light, temperature and NaCl conditions », Seed Science Research, vol. 24, no 4,‎ , p. 331–339 (ISSN 0960-2585 et 1475-2735, DOI 10.1017/S0960258514000282, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. (en) Bernard Muckensturm, Fatih Sen, Anna Boulanger et Jean-Pierre Reduron, « Germacranolides from seeds of the endangered Umbelliferae species Rouya polygama », Phytochemistry, vol. 63, no 8,‎ , p. 863–867 (DOI 10.1016/S0031-9422(03)00223-1)
  14. F. Bensettiti, F. Bioret, J Roland et J.-P. Lacoste, « FourrĂ©s Ă  GenĂ©vriers sur dunes », dans « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espĂšces d’intĂ©rĂȘt communautaire. Tome 2 - Habitats cĂŽtiers, Paris, La Documentation française, (lire en ligne [PDF]), p. 333, sous le nom Rouya polygama.
  15. F. Bensettiti, F. Bioret, J Roland et J.-P. Lacoste, « ForĂȘts dunales Ă  Pin maritime (Pinus pinaster) », dans « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espĂšces d’intĂ©rĂȘt communautaire. Tome 2 - Habitats cĂŽtiers, Paris, La Documentation française, (lire en ligne [PDF]), p. 346, sous le nom Rouya polygama.
  16. POWO. Plants of the World Online. Facilitated by the Royal Botanic Gardens, Kew. Published on the Internet; http://www.plantsoftheworldonline.org/, consulté le 3 février 2021
  17. Zeineb Ghrabi-Gammar et Errol VĂ©la, Expertise sur la flore terrestre du site littoral de Sidi Ali el Mekki, Institut National Agronomique de Tunisie (lire en ligne [PDF]), p. 6, sous le nom Thapsia polygama.
  18. (en) G. Gigot et N. Juillet, « Rouya polygama », sur Liste rouge de l'UICN, (consulté le )
  19. Isabelle Guyot et Michel Muracciole, « Inventaire et actions de conservation in situ des plantes rares ou menacĂ©es de Corse », Ecologia Mediterranea, vol. 21, no 1,‎ , p. 231–242 (DOI 10.3406/ecmed.1995.1771, lire en ligne, consultĂ© le )
  20. Carole Piazza, Laetitia Hugot, Franck Richard et Bertrand Schatz, « Bilan des opĂ©rations de conservation in situ rĂ©alisĂ©es entre 1987 et 2004 en Corse : quelles leçons pour demain ? », Ecologia Mediterranea, vol. 37, no 2,‎ , p. 7–16 (DOI 10.3406/ecmed.2011.1334, lire en ligne, consultĂ© le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Kamil E. Frankiewicz, Alexei Oskolski, Ɓukasz Banasiak et Francisco Fernandes, « Parallel evolution of arborescent carrots (Daucus) in Macaronesia », American Journal of Botany, vol. 107, no 3,‎ , p. 394–412 (ISSN 0002-9122 et 1537-2197, PMID 32147817, PMCID PMC7155066, DOI 10.1002/ajb2.1444, lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
  • (en) Najla Mezghani, Colin K. Khoury, Daniel Carver et Harold A. Achicanoy, « Distributions and Conservation Status of Carrot Wild Relatives in Tunisia: A Case Study in the Western Mediterranean Basin », Crop Science, vol. 59, no 6,‎ , p. 2317–2328 (DOI 10.2135/cropsci2019.05.0333, lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
  • Jacques Gamisans, « Les Ă©tudes de vĂ©gĂ©tation en Corse », Ecologia Mediterranea, vol. 21, no 1,‎ , p. 221–230 (DOI 10.3406/ecmed.1995.1770, lire en ligne, consultĂ© le )

Liens externes

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