DĂ©position des empereurs byzantins
Comme les autres cours, la cour byzantine fut souvent le thĂ©Ăątre dâintrigues et de complots pour la magistrature suprĂȘme de lâempire. La dĂ©position des empereurs byzantins est lâune des modalitĂ©s de fin de rĂšgne de certains des empereurs sâĂ©tant succĂ©dĂ© entre 324 (Constantin Ier) et 1453 (Constantin XI PalĂ©ologue).
Contexte
Comme dans toute la chrĂ©tientĂ© orientale (tsars, rois, voĂŻvodes ou hospodars) la charge dâempereur byzantin (« basileus ») nâest pas transmissible hĂ©rĂ©ditairement, mĂȘme si des dynasties rĂ©ussissent parfois Ă conserver le trĂŽne sur plusieurs gĂ©nĂ©rations. Aucune loi de succession ne certifiait que le descendant dâun empereur monterait sur le trĂŽne, bien quâĂ partir du XIe siĂšcle, un descendant avait des chances supĂ©rieures Ă dâautres dâaccĂ©der aux fonctions suprĂȘmes.
En fait, on considĂ©rait que lâempereur Ă©tait choisi par Dieu et que la volontĂ© divine pouvait aussi sâexprimer Ă travers les conflits et les ambitions des hommes. Symbole du caractĂšre essentiellement Ă©phĂ©mĂšre de leur pouvoir, les empereurs byzantins se voient remettre lâakakia lors de leur intronisation : une bourse de soie pourpre pleine de poussiĂšre qui leur rappelait quâils nâĂ©taient que des hommes, destinĂ©s Ă redevenir poussiĂšre. Lâempereur ne tire sa lĂ©gitimitĂ© que de la volontĂ© de Dieu, et non de son prĂ©dĂ©cesseur ou de lui-mĂȘme. Par consĂ©quent, le basileus nâest quâun « servant et lieutenant de Dieu » (áŒÏγαÏÏáœžÏ Îșα᜶ λοÏÎ±ÎłáœžÏ ÏοῊ ÎΔοῊ) et tous ses actes dĂ©pendent Ă©troitement de la volontĂ© divine. Cette conception implique nĂ©cessairement que nâimporte qui puisse ĂȘtre Ă©lu par Dieu pour monter sur le trĂŽne impĂ©rial : Justin Ier, Michel II, Basile Ier, Michel IV ou Michel V, tous hommes du peuple, furent considĂ©rĂ©s comme choisis parmi le peuple pour rĂ©gner sur lâEmpire.
Cette conception de la fonction impĂ©riale a deux consĂ©quences : tant que le basileus a les faveurs de Dieu (c'est-Ă -dire : sait lire ses desseins), se rĂ©volter contre lâempereur est une rĂ©volte contre Dieu et le rĂ©voltĂ© est un ennemi de Dieu (ÎžÎ”ÎżÎŒÎŹÏÎżÏ), voire un sacrilĂšge (ÎșαΞοÏÎŻÏÏÎčÏ, terme employĂ© par Michel AttaleiatĂšs lors de la rĂ©volte de Constantin Doukas contre NicĂ©phore Ier) ; mais si le basileus en place perd, sâil est « aveugle » face aux desseins de Dieu, alors câest lui qui devient un ennemi de Dieu, et câest le rĂ©voltĂ© qui devient un « servant et lieutenant » du Seigneur. Dans les controverses christologiques et religieuses de lâEmpire, comme celle entre les « iconoclastes » et les « orthodoxes », chaque parti est persuadĂ© dâĂȘtre « dans la LumiĂšre » et de lutter contre lâaveuglement de ses adversaires, qui, eux, sont « dans lâObscuritĂ© ». Dans ces conditions, lâEmpereur peut tout faire dans les limites de la volontĂ© divine et ses victoires sont celles dâun soldat de Dieu ; sâil est vaincu, câest quâil nâavait pas su voir la volontĂ© divine (et câest pourquoi, plus dâune fois, les vaincus furent physiquement aveuglĂ©s avant dâĂȘtre contraints de se faire moines, comme Romain IV DiogĂšne).
Des 88 empereurs ayant rĂ©gnĂ© Ă Constantinople de 324 Ă 1453, vingt-neuf moururent de mort violente Ă la suite dâun complot, treize durent sâexiler dans un monastĂšre, trois sont morts au combat : Valens, NicĂ©phore Ier et Constantin XI.
Les morts violentes des empereurs
- Valens, tué au combat à la bataille d'Andrinople (378)
- Théodose II, mort des suites d'un accident de cheval (450)
- Vassiliskos, mort de faim en prison (477)
- Maurice Ier, décapité (602)
- Phocas, écartelé (610)
- Constantin III, probablement empoisonné (641)
- Constant II, assommé dans son bain (668)
- Léonce, décapité en prison (706)
- TibÚre III, décapité (706)
- Justinien II, décapité (711)
- Philippikos, aveuglé (713)
- Anastase II, assassiné (719)
- NicĂ©phore Ier, tuĂ© au combat par le khan bulgare Krum qui fit une coupe Ă boire de son crĂąne plaquĂ© dâargent (811)
- Stavrakios, d'abord paralysé à la suite d'une blessure au cou reçue au combat (811)
- Léon V, poignardé la nuit de Noël dans Sainte-Sophie et décapité (820)
- Michel III, poignardé (867)
- Basile Ier est mort des suites d'un accident de chasse oĂč il a Ă©tĂ© empalĂ© sur les bois d'un cerf et traĂźnĂ© sur une longue distance (886)
- Romain II, empoisonné ? (963)
- NicĂ©phore II, poignardĂ© puis dĂ©capitĂ© : sa tĂȘte est exposĂ©e en public, son corps jetĂ© dans la neige (969)
- Romain III, empoisonné ? ou noyé (1034)
- Michel V, aveuglé (1042)
- Romain IV, aveuglĂ© et exilĂ© dans un monastĂšre oĂč il meurt peu de temps aprĂšs (1072)
- Jean II ComnĂšne, mort accidentellement du poison d'une flĂšche lors d'une chasse (1143)
- Alexis II, étranglé, décapité (1183)
- Andronic Ier, mutilé et torturé à mort (1185)
- Alexis IV, étranglé (1204)
- Nicolas Kanabos, étranglé (1204)
- Alexis V, aveuglé par son beau-pÚre Alexis III, mutilé, précipité de la colonne de Théodose par les Croisés (1204)
- Alexis III Ange, maltraité et mort en prison (v. 1211)
- Constantin XI, tué au combat par les Turcs lors de la chute de Constantinople (1453)
La mort d'Andronic Ier
Il connut une mort horrible qui marqua ses contemporains : on lui coupe la main droite, on lâattache sur le dos dâun cheval galeux et on lâexhibe au pilori dans Constantinople pendant plusieurs jours sans eau ni nourriture. Pendant ces jours, on lui jette de lâeau bouillante au visage, on lui arrache un Ćil et on le pend par les pieds entre deux piliers sur lâHippodrome. Il nâarrĂȘte pas de rĂ©pĂ©ter : « Aie pitiĂ©, mon Dieu ! Pourquoi sâacharner sur un roseau brisĂ© ? ». Un soldat gĂ©nois met fin Ă ses souffrances en lui plongeant une lame dans le cĆur.
LĂ©sions, mutilations, exils et abdications
- Heraclonas, nez tranché, exilé (641)
- Justinien II, nez tranché, exilé chez les Khazars (695)
- Anastase II, exilé dans un monastÚre de Thessalonique (715)
- Théodose III, exilé dans un monastÚre (717)
- Artabasde, aveuglé (743)
- Constantin VI, aveuglé (797)
- IrÚne l'Athénienne, exilée dans un monastÚre (802)
- Michel Ier Rhangabé, exilé dans un monastÚre (813)
- Romain Ier LécapÚne, exilé dans un monastÚre (944)
- Ătienne LĂ©capĂšne, exilĂ© (945)
- Constantin LécapÚne, exilé (945)
- Michel VI, exilé dans un monastÚre (1057)
- Isaac Ier, abdique, exilé dans un monastÚre (1059)
- Michel VII Doukas, abdique, exilé dans un monastÚre (1078)
- Nicéphore III BotaniatÚs, abdique, exilé dans un monastÚre (1081)
- Isaac II, aveuglé (1193)
- Jean IV, aveuglé et emprisonné (1261)
- Andronic II Paléologue, exilé dans un monastÚre (1328)
- Jean VI CantacuzÚne, exilé dans un monastÚre (1354)
- Andronic IV, aveuglé (1374)
- Jean VII, aveuglé (1374)
La rhinokopia
La rhinokopia est la mutilation du nez. On croyait qu'un homme ayant eu le nez coupé ne pouvait plus devenir empereur. AprÚs que Justinien II fut réinvesti empereur en 705 en ayant le nez coupé (il aurait utilisé une prothÚse en or), cette mutilation ne fut plus jamais utilisée.
L'aveuglement
Philippicos fut la premiĂšre victime de lâaveuglement, une pratique utilisĂ©e jusquâĂ la fin de lâempire.