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Coup d'État

Un coup d'État est un renversement du pouvoir par une personne investie d'une autoritĂ©, de façon illĂ©gale et souvent brutale[1]. On le distingue d'une rĂ©volution en ce que celle-ci est populaire. Le putsch est un coup d'État rĂ©alisĂ© par la force des armes.

D'un point de vue historique, et y compris dans l'Ă©poque contemporaine, le coup d'État a Ă©tĂ© l'un des moyens les plus frĂ©quemment utilisĂ©s pour accĂ©der au pouvoir. En 1980, plus de la moitiĂ© des gouvernements dans le monde Ă©taient issus d'un coup d'État[2].

Une version alternative prĂ©sente le coup d'État comme : « un acte d'autoritĂ© consistant dans une atteinte rĂ©flĂ©chie, illĂ©gale et brusque, aux rĂšgles d'organisation, de fonctionnement ou de compĂ©tence des autoritĂ©s constituĂ©es, atteinte dirigĂ©e, selon un plan prĂ©conçu et pour des raisons diverses, par une personne ou par un groupe de personnes rĂ©unis en un parti ou un corps ; dans le but soit de s'emparer du pouvoir, soit d'y dĂ©fendre ou d'y renforcer sa position, soit d'entraĂźner une simple modification de l'orientation politique du pays »[3].

Vocabulaire

Albert Vandal dĂ©finit le coup d'État par : « un acte violent d'une partie des pouvoirs publics contre l'autre ». Cette dĂ©finition s'appuie sur l'observation de trois « coups d'État » : celui du 18 fructidor de l'an V, celui du 18 brumaire de l'an VIII et celui du . En effet ces trois coups ont Ă©tĂ© menĂ©s par le pouvoir exĂ©cutif contre le pouvoir lĂ©gislatif[3]. Il est Ă©galement Ă  noter que lors du coup d'État du 22 florĂ©al de l'an VI mis en Ɠuvre par le Directoire et les Conseils contre le corps Ă©lectoral, les candidats, nettement battus aux Ă©lections pour les Cinq-cents, furent cependant, en vertu d'une loi spĂ©ciale, dĂ©clarĂ©s Ă©lus Ă  la place de leurs adversaires.

Coup d'État de 1851 en France oĂč Louis-NapolĂ©on Bonaparte tente de se maintenir au pouvoir, malgrĂ© une interdiction constitutionnelle ; ceci pourrait ĂȘtre qualifiĂ© d'auto-coup d'État.

On parle d'« auto-coup d'État » quand la dissolution ou la prise de possession des pouvoirs d'un État est rĂ©alisĂ©e par son dirigeant, gĂ©nĂ©ralement un chef d'État ou un chef de gouvernement, jusque-lĂ  arrivĂ© et maintenu au pouvoir par des moyens lĂ©gaux. L'ensemble des pouvoirs est dĂšs lors concentrĂ© dans ses seules mains ou avec celles de sa garde rapprochĂ©e, et ce, pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e[4]. L'auto-coup d'État abouti permet Ă  celui qui l'orchestre de demeurer au pouvoir illĂ©galement et de diriger le pays de maniĂšre arbitraire. Cette manƓuvre peut ĂȘtre accompagnĂ©e d'une annulation de la constitution de l'État et d'une suspension du systĂšme judiciaire. À partir du moment oĂč l'auto-coup d'État est complĂ©tĂ© et le pouvoir n'est pas Ă©branlĂ©, le chef de l'État, auparavant chef dĂ©mocratique ou constitutionnel, devient un chef dictatorial ou autoritaire[5].

Le mot putsch, d'origine suisse allemande, prĂ©cise que le coup d'État s'opĂšre par la force armĂ©e. Il est communĂ©ment utilisĂ© en français, plus rarement en anglais qui utilise la formule française ou sa version abrĂ©gĂ©e, coup. Le terme putsch, qui provient du ZĂŒriputsch (de) de 1839, a Ă©tĂ© popularisĂ© par les coups d'État manquĂ©s de 1920 et 1923 en Allemagne (putsch de Kapp Ă  Berlin et putsch de la Brasserie Ă  Munich). L'expression « coup d'État » est passĂ©e notamment en indonĂ©sien (kudeta) et en japonais (ă‚ŻăƒŒăƒ‡ă‚żăƒŒ, kĆ«detā). Le terme pronunciamiento, repris de l'espagnol, dĂ©signe quant Ă  lui des soulĂšvements militaires d'une typologie diffĂ©rente. Dans cette langue, l'expression golpe de Estado traduit littĂ©ralement la locution nominale de « coup d'État ».

Techniques

Prise des organes centraux du pouvoir

Selon Javier FernĂĄndez LĂłpez, « Deux conditions sont nĂ©cessaires pour qu’un coup d'État triomphe : d'une part qu'il y ait des personnes avec les moyens et la volontĂ© pour le protagoniser, et d’autre part que la sociĂ©tĂ© dans laquelle il va ĂȘtre rĂ©alisĂ© ait le degrĂ© de sous-dĂ©veloppement politique suffisant pour en accepter le rĂ©sultat »[6].

Le secret, non seulement vis-à-vis de l'extérieur mais aussi vis-à-vis des autres comploteurs, constitue la premiÚre arme des putschistes, celle sans laquelle les meilleures préparations risquent de s'effondrer.

Ainsi, l'une des raisons de l'échec du putsch de Kapp à Berlin en 1920, fut-elle le manque de discrétion du général von Luttwitz, chef militaire de l'opération, qui alla présenter le soir du un ultimatum aux gouvernants socialistes, et leur laissa 48 heures pour se retourner, avant de déclencher le putsch militaire annoncé, dans la nuit du au .

C'est ainsi que, lors de la prĂ©paration du putsch du Ă  Alger (destinĂ© Ă  permettre le succĂšs de l'OpĂ©ration Torch), le jeune chef des groupes d'action d'Alger, JosĂ© Aboulker, refusa, bien qu'il lui fĂźt confiance, de donner Ă  Henri d'Astier de La Vigerie, responsable de la conjuration pour l'Afrique du Nord, les noms de ses chefs de groupes avant les deux derniers jours prĂ©cĂ©dant l'action. Lorsque les patriotes passĂšrent Ă  l'action, la surprise fut si totale que ces 400 civils mal armĂ©s, commandĂ©s par leurs officiers de rĂ©serve, rĂ©ussirent Ă  neutraliser, Ă  eux seuls, le corps d'armĂ©e vichyste d'Alger. En effet, les autoritĂ©s vichystes, libĂ©rĂ©es au bout de quelques heures, s'efforcĂšrent, sans mĂȘme y parvenir, de reconquĂ©rir complĂštement la ville au lieu d'attaquer les forces alliĂ©es sur les plages. Si bien que ces derniĂšres purent dĂ©barquer sans rĂ©sistance, encercler Alger et capturer ce grand port intact le soir mĂȘme du dĂ©barquement.

La technique de base du coup d'État consiste Ă  s'emparer des organes centraux de l'État ou Ă  les neutraliser, en occupant leurs lieux de fonctionnement qui sont aussi les lieux symboliques du pouvoir. C'est ainsi que procĂ©da NapolĂ©on Bonaparte, lors de son coup d'État du 18 brumaire. Disposant de l'appui de l'armĂ©e, il lui fallait contrĂŽler le pouvoir civil. Or, sous le Directoire, la France disposait d'un exĂ©cutif tournant formĂ© de 5 directeurs qui se succĂ©daient, Ă  tour de rĂŽle, pendant des pĂ©riodes limitĂ©es Ă  quelques semaines, si bien qu'il ne suffisait pas de contrĂŽler cet exĂ©cutif tournant, car la rĂ©alitĂ© du pouvoir civil rĂ©sidait dans un parlement affaibli lui-mĂȘme par sa division en deux chambres. C'est pourquoi Bonaparte, en accord avec deux directeurs, Emmanuel-Joseph SieyĂšs et Roger Ducos, se prĂ©occupa surtout de disperser ce parlement, dont l'une des chambres, le Conseil des Cinq-Cents, Ă©tait prĂ©sidĂ©e par son frĂšre Lucien Bonaparte. Mais au lieu d'annoncer briĂšvement sa prise de pouvoir aux parlementaires, Bonaparte trouva le moyen de s'Ă©garer dans un discours ampoulĂ©, et se fit assaillir par plusieurs Ă©lus. Si bien que le coup d'État ne fut sauvĂ© que par son frĂšre, qui ordonna aux grenadiers de rĂ©tablir l'ordre en dispersant les Ă©lus rĂ©calcitrants. Bonaparte constitua alors un Conseil exĂ©cutif de 3 membres composĂ© de lui-mĂȘme, de SiĂ©yĂšs et de Ducos, que le Conseil des Anciens transforma le lendemain en Commission consulaire exĂ©cutive.

Mais il ne suffit pas de s'emparer des organes centraux de l'État. Il faut aussi arrĂȘter les gouvernants, faute de quoi il leur sera loisible d'organiser une riposte. C'est ce qui advint Ă  Berlin, en 1920, oĂč les ministres socialistes, avertis Ă  l'avance par l'ultimatum du chef militaire des putschistes, prirent le large avant l'arrivĂ©e du corps franc Ehrhardt. AprĂšs quoi, une fois rĂ©fugiĂ©s en province, ils appelĂšrent avec succĂšs la population Ă  une grĂšve gĂ©nĂ©rale dont le succĂšs leur permit de reprendre le pouvoir.

RĂ©gularisation des prises de pouvoir

À l'occasion d'un coup d'État, un « vide » constitutionnel et institutionnel apparaĂźt. Il est donc nĂ©cessaire, gĂ©nĂ©ralement, de rĂ©gulariser ce vide en fondant une nouvelle Constitution, permettant ainsi l'exercice d'un nouveau pouvoir constituant originaire.

C'est ainsi que la Commission consulaire exĂ©cutive prĂ©sidĂ©e par Bonaparte prĂ©senta, le 22 frimaire, son projet de constitution consulaire aux deux Conseils des Anciens et des Cinq-Cents qui l'entĂ©rinĂšrent, faisant ainsi entrer le nouveau rĂ©gime dans la lĂ©galitĂ©. La prise de pouvoir de De Gaulle en 1958, qui s'apparente sous certains aspects Ă  un coup d'État, a conclu Ă  la fondation de la Constitution de 1958, en vigueur en France.

Une autre solution de rĂ©gularisation d'un coup d'État peut ĂȘtre trouvĂ©e par un plĂ©biscite, comme ceux de NapolĂ©on III, ou par des Ă©lections. Ainsi, leur action politique se retrouve lĂ©gitimĂ©e a posteriori. Toutefois, cette solution se dĂ©roule souvent aprĂšs l'Ă©tablissement d'une nouvelle Constitution, de maniĂšre autoritaire, sans recours au suffrage universel et au principe dĂ©mocratique.

Nouvelles cibles des coups d'État modernes

À la prise des bĂątiments publics, siĂšges des organes du pouvoir, s'est ajoutĂ© la prise de contrĂŽle des mĂ©dias : la presse lors du coup d'État du en France, la radio, dont la dĂ©tention peut permettre de donner Ă  la population des informations propres Ă  dĂ©courager toute tentative de riposte au coup d'État, puis la tĂ©lĂ©vision.

En outre dans la pĂ©riode moderne, les auteurs de coups d'État ont pris l'habitude de couper ou d'accaparer les moyens de communication (tĂ©lĂ©phone, tĂ©lĂ©graphe), les arsenaux, les gares, etc. Mais le contrĂŽle des communications tĂ©lĂ©phoniques joua surtout un rĂŽle essentiel, lors du putsch du Ă  Alger. En coupant le rĂ©seau tĂ©lĂ©phonique normal d'Alger, l'Ă©tat-major rebelle, qui s'Ă©tait installĂ© au Commissariat central, prit le contrĂŽle du rĂ©seau officiel, seul maintenu en service. Ainsi put-il suivre de lĂ  l'occupation des points stratĂ©giques par les rĂ©sistants entre 0 h 30 et 1 heure du matin, et garda-t-il ensuite le contact avec leurs chefs de groupe pendant toute l'opĂ©ration. Mais surtout, c'est par ce rĂ©seau officiel, rendu seul utilisable, que les chefs de la rĂ©sistance reçurent les appels alarmĂ©s des personnalitĂ©s vichystes, rĂ©veillĂ©es par le duel d'artillerie du port survenu vers 3 heures du matin. Les rĂ©sistants les convoquĂšrent alors au Commissariat central en leur faisant croire qu'on les y attendait pour organiser la rĂ©sistance aux AlliĂ©s. Ainsi, pour la premiĂšre fois dans l'histoire, les personnalitĂ©s hostiles Ă  un coup d'État vinrent d'elles-mĂȘmes se faire arrĂȘter par les putschistes. Il en fut ainsi, notamment, de l'adjoint du gouverneur-gĂ©nĂ©ral de l'AlgĂ©rie Ettori, qui, la veille partisan arrogant et acharnĂ© de la collaboration, se rĂ©pandit soudain en sanglots.

Auteurs de coups d'État

Les coups d'État sont habituellement effectuĂ©s par des militaires contre des gouvernants civils, par exemple Augusto Pinochet au Chili.

Les putschs effectués par des civils ont généralement échoué, comme le Putsch de la Brasserie tenté par Adolf Hitler à Munich en 1923. Il y a au moins une exception, celle du Putsch du à Alger, mais les 400 civils algérois, commandés par un étudiant de 22 ans, José Aboulker, furent soutenus par des officiers de réserve et quelques officiers d'active, comme les colonels Jousse et Baril.

Les auteurs des coups d'État appartiennent le plus souvent, eux-mĂȘmes, Ă  l'appareil d'État, comme ce fut le cas de SiĂ©yĂšs, Paul Barras et Bonaparte. Certains coups d'État ont Ă©tĂ© organisĂ©s en Afrique par des individus soupçonnĂ©s de travailler pour les services secrets d'anciennes puissances coloniales, comme Bob Denard, afin de mettre en place un gouvernement qui leur soit plus favorable.

Accueil rĂ©servĂ© aux coups d'État

Pour que les rĂ©sultats du coup d'État soient acquis, il est prĂ©fĂ©rable qu'ils annoncent qu’ils vont rĂ©pondre aux vƓux de la majoritĂ© de l'opinion publique et qu'ils soient compatibles avec le contexte international.

Accueil de l'opinion publique

Le coup d'État de Bonaparte le 18 brumaire rĂ©pondait Ă  la volontĂ© de la majoritĂ© des Français, qui, lassĂ©s des agitations rĂ©volutionnaires en tous genres, souhaitaient un rĂ©tablissement durable de l'ordre, et auprĂšs desquels Bonaparte jouissait d'une forte popularitĂ©.

Le putsch des gĂ©nĂ©raux d', perpĂ©trĂ© par quatre gĂ©nĂ©raux connus, bĂ©nĂ©ficiait lui aussi de l'appui d'une partie de l'opinion, celle de l'AlgĂ©rie française, mais pas au-delĂ  car les Français de mĂ©tropole, consultĂ©s prĂ©cĂ©demment par Charles de Gaulle sur l'autodĂ©termination de l'AlgĂ©rie, s'Ă©taient prononcĂ©s massivement en faveur de sa politique. En outre, dans les forces d'Afrique du Nord elles-mĂȘmes, les soldats du contingent mĂ©tropolitain qui disposaient de nombreuses radios portatives, reçurent directement l'appel prononcĂ© par de Gaulle contre les gĂ©nĂ©raux et refusĂšrent de suivre leurs supĂ©rieurs dans la rĂ©bellion.

En sens inverse, le putsch de 1942, à Alger également, a été accompli certes en accord avec la majorité des Français de métropole devenus non collaborationnistes, mais aussi en partie contre l'opinion locale, en majorité pétainiste sinon collaborationniste. Le coup n'en a pas moins réussi grùce au contexte international.

Contexte international

Le succĂšs du coup d'État dĂ©pend aussi du contexte international : les pays voisins peuvent ĂȘtre favorables ou non Ă  leur entreprise et y rĂ©agir ou non militairement.

C'est pourquoi l'un des premiers actes des auteurs modernes de coup d'État est d'affirmer que tous les accords internationaux seront respectĂ©s.

Le coup d'État communiste de Prague en 1948 n'a pu intervenir que parce que la TchĂ©coslovaquie Ă©tait situĂ©e dans la zone d'influence soviĂ©tique, oĂč les armĂ©es occidentales s'interdisaient d'intervenir.

Notes et références

  1. Voir le Cornu et le lexique de droit constitutionnel de MM. Avril et Gicquel
  2. FernĂĄndez LĂłpez 2003, p. 245.
  3. Brichet, Olivier. Auteur du texte, « Étude du coup d'État en fait et en droit : thĂšse pour le doctorat / prĂ©sentĂ©e... par Olivier Brichet... ; UniversitĂ© de Paris, FacultĂ© de droit », sur Gallica, (consultĂ© le )
  4. (es) Real Academia Española - Asociación de Academias de la Lengua Española, « Autogolpe », sur «Diccionario de la lengua española» - Edición del Tricentenario (consulté le ).
  5. (en-US) Joshua E. Keating, « Coups Ain't What They Used to Be », sur Foreign Policy, (consulté le ).
  6. Javier FernĂĄndez LĂłpez 2003, p. 14.

Voir aussi

Bibliographie

  • (es) Javier FernĂĄndez LĂłpez, Militares contra el Estado : España siglos XIX y XX, Madrid, Taurus, , 1re Ă©d., 303 p. (ISBN 84-306-0495-2)
  • Curzio Malaparte, Technique du coup d'État (1re Ă©dition française en 1931), Paris, Édition 10/18, 1964
  • Donald J. Goodspeed, Six coups d'État, Paris, Éd. Arthaud, 1963
  • Edward Luttwak, Le Coup d'État : manuel pratique, Paris, Éd. Robert Laffont, 1969
  • « À l'heure du coup d'État », Parlement(s) : Revue d'histoire politique, n°12, 2009 (disponible sur le portail Cairn).
  • Patrick Lagoueyte, Les Coups d'État. Une histoire française, CNRS Ă©ditions, 2021.

Articles connexes

Liens externes

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