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Costume de ballet

Le costume de ballet est le costume utilisé par les danseurs classiques.

Ansanelli et Makhateli

Notions générales

Il faut distinguer tout d'abord entre costume de ballet et habillement spĂ©cifique de la danse classique: ce dernier, essentiellement pratique, employĂ© pour suivre les cours et les rĂ©pĂ©titions, est conçu pour rĂ©pondre aux exigences de confort du danseur, tout comme pourrait l'ĂȘtre la tenue d'un sportif. Il faut cependant que cet habillement laisse le corps totalement visible, aussi bien pour que l'on puisse en apprĂ©cier la ligne, que pour dĂ©tecter les erreurs et perfectionner chaque dĂ©tail du mouvement. Se composant en gĂ©nĂ©ral d'un maillot et d'un tee-shirt pour le danseur, et de collants et d'un justaucorps pour la danseuse, accompagnĂ©s Ă©ventuellement de lĂ©gers lainages, cette tenue devra ĂȘtre Ă©lastique, trĂšs ajustĂ©e et aisĂ©ment lavable. La danse classique exige aussi le port de chaussons de danse (pointes ou demi-pointes) conçus spĂ©cifiquement pour cette activitĂ©.

Par contre, le costume de ballet sert exclusivement pour la reprĂ©sentation et a donc en gĂ©nĂ©ral le rĂŽle de magnifier l’aspect spectaculaire de la danse, de situer les personnages, ainsi que d’exalter la beautĂ© du danseur. Mais il vĂ©hicule aussi des messages de genres divers, correspondant aussi Ă  la composition du public et au rĂŽle jouĂ© par la danse classique elle-mĂȘme au cours des diffĂ©rentes Ă©poques[1].

7. Louis XIV, Ballet de la nuit 1653 maquette de Henri de Gissey

Cette fonction du costume de ballet, ne peut donc s'analyser qu'avec l’évolution historique du ballet lui-mĂȘme[2].

On peut distinguer :

  • L’affirmation du statut social de la classe dominante (Ă  l’époque oĂč le ballet est reprĂ©sentĂ© par la noblesse et pour la noblesse)[3].
  • La nĂ©cessitĂ© de situer le personnage dans un cadre historique ou tout au moins vraisemblable, par rapport Ă  l’action reprĂ©sentĂ©e (exigence qui naĂźt avec le ballet d'action)[4].
  • L'adaptation au rĂŽle, Ă  la nature du personnage et Ă  ses sentiments (le costume bleu ciel de Giselle au premier acte, exprimant son innocence, et le costume blanc de Giselle "willi", vierge morte par amour).
  • Le besoin d’évocation, d’exotisme, de rĂȘve (qui correspond Ă  la pulsion du romantisme et que plus tard, l'on percevra nettement dans les Ballets russes)[5].

Le choix de la structure et des matĂ©riaux du costume de ballet est lui aussi Ă©troitement associĂ© Ă  l’évolution historique de cette discipline mais surtout Ă  son dĂ©veloppement technique[4].

On peut affirmer aussi que le costume de ballet reflÚte de façon directe le style de chaque époque, en raison de la relation étroite entre la danse et les autres Arts[6].

Enfin, de tout temps, la mode et le costume de ballet se sont réciproquement influencés[7] - [8].

Un discours Ă  part pourra se faire, dans toutes les Ă©poques, pour les costumes des ballets comiques, dont la vocation de divertir sera la seule raison inspiratrice.

Histoire du costume de ballet

L'apparat : le ballet de cour

Les danses rurales ne nĂ©cessitent pas de costume. Le peuple les exĂ©cute Ă  l’occasion de mariages ou de fĂȘtes en habit de fĂȘte ou habillĂ© le mieux qu’il peut.

La crĂ©ation d’un costume spĂ©cifique pour l’exĂ©cution d’une danse naĂźt chez les classes sociales Ă©levĂ©es, ayant les moyens, la nĂ©cessitĂ© sociale et le plaisir de « reprĂ©senter » leur Ă©tat social et leur richesse. C’est l’époque du ballet de cour : la danse, apanage de l’aristocratie, a lieu dans les grandes salles des demeures seigneuriales, avec une fonction rĂ©crĂ©ative[9]. Les bals se tiendront donc en habit de cour (Fig.1), mais lors de grandes fĂȘtes spectaculaires organisĂ©es Ă  l’occasion de la visite d’une personnalitĂ© ou d’un Ă©vĂ©nement, intermĂšdes et divertissements demanderont l’usage d’un vĂ©ritable costume crĂ©Ă© pour l'occasion, ce qui donnera aussi Ă  la noblesse le plaisir de se travestir.

4. Maquette de Jean BĂ©rain pour Le Triomphe de l'Amour, 1681

Le costume de danse aura donc la double fonction de vĂ©hiculer l’idĂ©e de la puissance et de la richesse du Roi et des nobles qui le portent (et en gĂ©nĂ©ral de la cour pour laquelle ils ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s) et de satisfaire au « plaisir des yeux ». Le costume n’est donc pas fonctionnel au geste dansĂ© : au contraire, c’est souvent lui qui conditionne fortement les pas, de par son poids et sa complexitĂ©[10].

Les dessinateurs de costumes du XVIIe siĂšcle, Daniel Rabel (Fig. 2), Henri de Beaubrun, parviennent toutefois Ă  donner libre cours Ă  leur imagination quant aux personnages de fantaisie (fig. 2).

L’argument des ballets puisant souvent dans la mythologie, les personnages seront souvent des divinitĂ©s latines accompagnĂ©es de leurs suivants. Dans un curieux mĂ©tissage des signes de richesse de l’époque (emploi de riches et lourds brocards brodĂ©s d’or ou de dentelles sans prix) et des emblĂšmes traditionnels du pouvoir (sceptre, lourd manteau, couronne ou coiffure couronnĂ©e de hauts plumets), et sans vouloir renoncer non plus Ă  la mode en vogue, on verra donc VĂ©nus arborer une fontange, ou Apollon porter perruque et talons rouges[11].

L’idĂ©e de la puissance militaire, sera Ă©voquĂ©e par le rappel Ă  la Rome antique. Le costume des princes et hĂ©ros antiques sera donc conçu sur l'uniforme du chef militaire romain, naturellement revisitĂ© avec moult plumes et dorures, ainsi qu’avec l’indispensable perruque (fig. 3).

Louis XIV, le Roi-Soleil, grand danseur et grand politique, se sert des ballets auxquels il participe et que Jean-Baptiste Lully compose pour lui, comme des affirmations de la prĂ©dominance politique et culturelle de la France. Les costumes seront donc tout Ă  l’exaltation de sa personne quasi-divinisĂ©e (fig. 7)[12].

La réalisation des costumes de ballet est confiée, non pas à de simples couturiers, mais à des artistes décorateurs spécialisés: les dessinateurs de costumes renommés de la fin du XVIIe siÚcle seront Henri de Gissey (Fig. 7), puis Jean Bérain (Fig. 4.) [13].

Les danseurs portent tous un masque qui couvre le plus souvent toute la figure (fig. 2). Les femmes ne pouvant se produire en scÚne dans les rÎles comiques, ceux-ci sont joués par des hommes travestis[14].

Les ballets ont souvent un sujet allégorique: les costumes arborent une quantité de symboles et sont complétés par des emblÚmes représentant un personnage abstrait, souvent une vertu, une saison, ou une partie de la journée (Fig.5).

Pour les personnages des danses comiques, personnifiant souvent des métiers, le costume comportera des emblÚmes de leur travail (Fig.6).

Le XVIIIe siÚcle : grùce et préciosité

8. Danseur portant un « tonnelet » (1755)

Au XVIIIe siĂšcle, bien que les danseurs n'Ă©voluent plus Ă  la cour, mais dans des thĂ©Ăątres, les costumes Ă©voqueront toujours, indĂ©pendamment du personnage et du cadre oĂč se situe l’action, les somptueux habits de la noblesse de l’époque, dont ils ne se diffĂ©rencieront que par certains dĂ©tails nĂ©cessaires Ă  la danse elle-mĂȘme,

9.Danseuse portant une robe Ă  "paniers"(1755)

comme les jupes lĂ©gĂšrement plus courtes, par rapport Ă  celles portĂ©es par les dames de l’époque, pour laisser voir le jeu des pieds, ainsi que, chez les hommes, le port d'une sorte de trousse ou caleçon bouffant, nommĂ© « tonnelet », qui rappelle la forme bombĂ©e des « paniers » propres au costume fĂ©minin, tout en laissant les jambes libres (fig. 8).

Au début du XVIIIe siÚcle le peintre Claude Gillot s'illustre par des dessins de costumes de ballet (Fig. 10).

Dans les arguments des ballets, les personnages de l'Antiquité sont toujours à la mode, mais ils continuent à porter des atours bien peu vraisemblables (Jason et Médée portent perruque. Fig. 14).

  • 10. Claude Gillot, costume d'Amphyon, premiĂšres annĂ©es 1700
    10. Claude Gillot, costume d'Amphyon, premiÚres années 1700
  • 11. Couple dansant suĂ©dois 1760
    11. Couple dansant suédois 1760
  • 12. Couple de danseurs du XVIIIe siĂšcle- Porcelaine de Meissen
    12. Couple de danseurs du XVIIIe siĂšcle- Porcelaine de Meissen

Le souci de vraisemblance : le ballet d'action

C’est Jean-Georges Noverre qui thĂ©orise la nĂ©cessitĂ© de supprimer les masques et de libĂ©rer le corps des danseurs des costumes traditionnels[15] :

« DĂ©faites-vous de ces perruques Ă©normes, et de ces coiffures gigantesques, qui font perdre Ă  la tĂȘte les justes proportions qu'elle doit avoir avec le corps ; secouez l'usage de ces paniers raides et guindĂ©s qui privent l'exĂ©cution de ses charmes, qui dĂ©figurent l'Ă©lĂ©gance des attitudes, et qui effacent la beautĂ© des contours que le buste doit avoir dans ses diffĂ©rentes positions. ....Les faunes Ă©taient sans tonnelets, et les nymphes, VĂ©nus et les GrĂąces sans paniers (...). Je ne voudrai plus de ces tonnelles raides... Je diminuerai de trois quarts les paniers ridicules de nos danseuses »

— Jean-Georges Noverre, Lettres sur la danse, 1760

C'est l'époque ou naßt le ballet d'action, c'est-à-dire un ballet pourvu d'une vraie narration. Noverre, ainsi que Gasparo Angiolini, plaident en faveur d'un « danseur pantomime qui puisse exprimer toutes les passions et tous les mouvements de l'ùme »[16]. Le costume est donc un élément à part entiÚre de cette sorte de « spectacle total » qu'est le ballet-pantomime[17].

Noverre réalisera ces idées avec l'aide du dessinateur Louis-René Boquet.

Vers 1730, deux danseuses vont contribuer Ă  l’évolution rapide du costume de ballet fĂ©minin: Marie SallĂ© danse Ă  Londres en 1734 dans Pygmalion et apparaĂźt sans paniers, sans corps de jupe, les cheveux Ă©pars et sans ornement, vĂȘtue d'une simple robe drapĂ©e sur le modĂšle des statues grecques[18].

Marie-Anne de Camargo réalise des prouesses habituellement réservées aux hommes (divers sauts complexes, cabrioles, entrechats) et raccourcit donc sa jupe pour que le public puisse apprécier son jeu de jambes.

Les jupes courtes vont triompher mais, comme l'exigera le rĂšglement de police, Ă  condition d'ĂȘtre portĂ©es avec des «caleçons de modestie», qui semblent ĂȘtre Ă  l'origine de ce qui sera plus tard le collant. Il s'agit de bas en laine, en coton ou en soie, tenus par des jarretiĂšres accrochĂ©es Ă  un petit pantalon[19].

Le retour à la pureté de l'art classique

La RĂ©volution française ayant balayĂ© perruques, soieries et talons hauts, le retour Ă  la puretĂ© des lignes classiques prĂ©conisĂ© par Winkelmann, s’exprime d'une part par un retour Ă  la simplicitĂ©, et de l'autre, par la vogue pour les vĂȘtements inspirĂ©s de l’antique. Courtes tuniques pour les hommes et robes-tunique fluides et lĂ©gĂšres Ă©voquant des pĂ©plos, en voile et en mousseline diaphane, pour les danseuses. Celles-ci pourront dĂ©sormais faire usage de lĂ©gers souliers plats en satin, pourvus de rubans entrecroisĂ©s Ă  la cheville, tout Ă  fait semblables Ă  ceux que portent les femmes Ă  la mode, les "Merveilleuses"). C'est la naissance du chausson de danse.

Carlo Blasis s'inspire des bas-reliefs et des fresques de l'antiquité pour créer de nouveaux pas nommés arabesques, et l'on commence à entrevoir le corps des danseuses, caché jusque-là par les « paniers ».

Lady Emma Hamilton danse ses attitudes inspirĂ©es du monde antique en s’aidant parfois d’un grand chĂąle, accessoire dont la mode Ă©tait nĂ©e Ă  l’époque.

Le ballet romantique, le triomphe du rĂȘve

La premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle est l'Ă©poque du ballet Ă  thĂšme, racontant des histoires puisĂ©es dans l'imaginaire du Moyen Âge et de la Renaissance (Giselle), de l'Orient (La PĂ©ri, La BayadĂšre) ou des pays nordiques (La Sylphide). Cette pĂ©riode marque aussi le dĂ©but du ballet-conte (Cendrillon d'Albert - 1823).

Le ballet romantique exalte la femme rĂ©duite Ă  un pur esprit, toute blanche de vĂ©nustĂ©, son corps Ă©tant sublimĂ© et affranchi de la gravitĂ©. Giselle (Fig. B), la Sylphide (Fig. A et C), la BayadĂšre et La PĂ©ri, emblĂšmes d’amour et de mort, sont nĂ©es des fantasmes masculins de l’époque. CrĂ©atures ailĂ©es, elfes, ombres ou fĂ©es, l’homme ne peut les atteindre (fig. de B Ă  F). Le « ballet blanc » est centrĂ© sur la danseuse, protagoniste de ces histoires fantastiques, et le costume exalte son Ă©vanescence. C’est la crĂ©ation de ce qui deviendra par dĂ©finition le costume de la ballerine : le tutu, et les chaussons de pointe[20].

On attribue conventionnellement l'invention du tutu romantique au peintre EugÚne Lami, costumier à l'Opéra de 1830 à 1835, bien que ce fait ne soit pas historiquement prouvé[21]. C'est sûrement Marie Taglioni qui arbore ce costume pour la premiÚre fois en 1832, dans le rÎle-titre de La Sylphide (Fig. A). Il s'agit à l'origine d'une robe décolletée à petites manches en mousseline de soie, arrivant à mi-mollet, dont l'attrait vient de la superposition d'un grand nombre de jupons trÚs légers, qui créent un effet bouffant et délicat, en accord avec l'évanescence du personnage. Ce nouveau genre de costume féminin est nommé à l'origine "juponnage"[5].

Selon les propres mots de Théophile Gautier:

« Les maillots roses restÚrent toujours roses, car sans maillot point de chorégraphie; seulement on changea le cothurne grec contre le chausson de satin. Ce nouveau genre amena un grand abus de gaze blanche, de tulle et de tarlatane; les ombres se vaporisÚrent au moyen de jupes transparentes, le blanc fut presque la seule couleur adoptée. »

— La Presse le 1er juillet 1944

La plus grande partie des hĂ©roĂŻnes de blanc vĂȘtues des grands ballets romantiques Ă©taient des crĂ©atures surnaturelles, pourvues de petites ailes :

Créatures ailées

L’invention des pointes, au dĂ©but du XIXe siĂšcle, prĂ©cĂšde de peu la crĂ©ation des premiers ballets romantiques : elle correspond Ă  un dĂ©sir d'Ă©lĂ©vation et de sublimation de la matiĂšre[22], typique de l'Ă©poque romantique[23].

Bien que le tutu blanc soit le symbole mĂȘme de la femme Ă©thĂ©rĂ©e, que l'on adore Ă  genoux (Fig. 5), stĂ©rĂ©otype qui prĂ©domine dans l’imaginaire de cette Ă©poque, le terme de « tutu » serait issu d’un jeu de mots graveleux des abonnĂ©s du Foyer : « panpan tutu » [24]. Ceci nous rappelle la condition sociale des danseuses, qui Ă©taient considĂ©rĂ©es au rang des cocottes. Il Ă©tait de bon ton pour l’homme du monde de "s’offrir sa danseuse"[25].

Quant aux danseurs, la prĂ©dominance du personnage fĂ©minin fait qu'ils sont souvent relĂ©guĂ©s au rĂŽle de porteurs. Si l’on compare le costume de ceux-ci avec celui de la ballerine de l'Ă©poque, il apparaĂźt que pour ce dernier, la structure de base, qui n’est que la transposition scĂ©nique et raccourcie d’une robe de bal Ă  la mode de l’époque[26] reste pratiquement la mĂȘme indĂ©pendamment du cadre oĂč se situe l’histoire, et que seuls changent les ornements et les accessoires (petit tablier, couleur du corsage, coiffure). Par contre, pour le costume masculin, les costumiers s’inspirent vĂ©ritablement des costumes de l’époque et du pays oĂč l’action est censĂ©e se passer (par exemple les premiĂšres annĂ©es de la Renaissance allemande Fig. 1, le monde arabe Fig. 2, la Pologne Fig. 3, ou encore l'Albanie ou la GrĂšce Fig.4)[4].

Costume masculin

Les dessinateurs de costumes aux ateliers de l'Opéra de Paris, de 1855 à 1875 sont Hippolyte Lecomte et Paul Lormier. C'est à ce dernier, que revient d'avoir repensé le tutu en le raccourcissant et en le composant de couches de tulle superposées[27]. Le "tutu romantique" arrivait aux mollets.

Quant à Théophile Gautier, il prÎne, pour les costumes, une absolue vérité historique et archéologique[28]. Dans le but d'attirer le public avide d'exotisme et de couleur locale, par des spectacles toujours plus fascinants, le directeur de l'Opéra Louis Véron sut attribuer de l'importance aux décors et aux costumes[29]. Les costumiers de l'époque firent donc souvent, à son instance, des études historiques approfondies en allant glaner des idées directement à l'étranger[30].

Mais le souci de vraisemblance et de vérité historique sera souvent secondaire à l'exigence de représenter un imaginaire. Auguste Bournonville[31] précise :

« Lorsque je lis une histoire, les personnages prennent vie dans mon imagination, avec une physionomie précise, les costumes et l'environnement adéquat... Les costumes et les décors sont exécutés sous mon autorité personnelle, et tant que je ne les ai pas considérés comme acceptables, personne n'a le droit de programmer les représentations »

— Lettres d'Auguste Bournonville, 1841

Le créateur principal des costumes des ballets de Bournonville fut le peintre Edvard Lehmann[32]

Les ballets Ă  grand spectacle

C'est en Russie que se dĂ©roule l'Ăąge d'or du ballet, durant les trente derniĂšres annĂ©es du XIXe siĂšcle. Le gĂ©nie chorĂ©graphique de Marius Petipa trouva auprĂšs du tsar, Ă  Saint-PĂ©tersbourg, les ressources pour s'Ă©panouir. Sur les musiques crĂ©Ă©es par Ludwig Minkus et par Piotr Ilitch TchaĂŻkovski, il rĂ©alisa en quelques annĂ©es plusieurs chefs-d'Ɠuvre: Don Quichotte, La BayadĂšre, La Belle au bois dormant, Casse-noisette et Le Lac des cygnes. Il sut offrir au public de la cour impĂ©riale son style de spectacle favori, en rĂ©alisant des productions grandioses et brillantes en plusieurs actes, oĂč il tira le meilleur parti des grands moyens qu'il avait Ă  sa disposition: un corps de ballet avec un nombre important de danseurs et un budget Ă©levĂ©. Il s'agissait de ballets brillants, trĂšs Ă©laborĂ©s, comportant un grand nombre de tableaux et un vĂ©ritable dĂ©ploiement de danseurs, oĂč l'histoire n'Ă©tait souvent qu'un prĂ©texte pour la recherche d'effets spectaculaires, avec l'inclusion de nombreux Ă©lĂ©ments tirĂ©s du folklore slave, espagnol et italien. Bien que la technicitĂ© se dĂ©veloppe considĂ©rablement, surtout quant Ă  l'emploi des pointes, et malgrĂ© les gĂ©niales inventions chorĂ©graphiques de Petipa, le ballet vit Ă  cette Ă©poque une pĂ©riode de stase. Alors que les autres arts, peinture, littĂ©rature et thĂ©Ăątre, sont influencĂ©s par le mouvement du rĂ©alisme, les spectacles de ballet, qui ne s'adressent qu'Ă  la haute sociĂ©tĂ©, se cristallisent: les chorĂ©graphes se soucient plus de la forme que du contenu et les crĂ©ations de l'Ă©poque sont brillantes mais superficielles[33].

Les costumes somptueux et chatoyants qui furent rĂ©alisĂ©s pour ces grandes productions reflĂštent les mĂȘmes tendances[34]. D'une part, le "tutu romantique" se raccourcit considĂ©rablement, afin de dĂ©gager les jambes des danseuses. C'est l'Ă©poque des fameux trente-deux fouettĂ©s de Pierina Legnani, et il faut que les spectateurs puissent en apprĂ©cier la virtuositĂ©. Sur cette structure de base, qui devient la norme pour le costume fĂ©minin, et qui s'accompagne du port d'un corset, se greffent de riches et brillants ornements, avec un goĂ»t prononcĂ© pour les couleurs vives et pour certains Ă©lĂ©ments stylisĂ©s des costumes nationaux (espagnols, russes ou italiens). MalgrĂ© la somptuositĂ© de ces costumes, on constate qu'ils ne prĂ©sentent aucune rĂ©elle innovation, par rapport Ă  l'Ă©poque prĂ©cĂ©dente, si ce n'est un rappel Ă  la mode de l'Ă©poque (celle somptueuse mais dĂ©pourvue de finesse des "tournures" et des traĂźnes, celle de Nana, personnage d'Émile Zola).

Le directeur des thĂ©Ăątres impĂ©riaux, Ivan Vsevolojski, noble et cultivĂ©, non content d'Ă©crire des livrets et d'organiser les spectacles dont le tsar demandait le renouvellement chaque annĂ©e, dessina les costumes de vingt-sept ballets (on lui doit plus de mille esquisses de costumes de ballet)[35], parmi lesquels Raymonda, Casse-noisette et La Belle au bois dormant[36]. Ce dernier ballet reprĂ©sente la production (mise en scĂšne, dĂ©cors et costumes) la plus chĂšre qu'on ait jamais vue pour l'Ă©poque — et peut-ĂȘtre mĂȘme jusqu'Ă  maintenant. SpĂ©cialement attirĂ© par l'art français, Vsevolojski rechercha la vĂ©ritĂ© historique[37]: tout particuliĂšrement, dans La Belle au bois dormant, il situa la premiĂšre partie du ballet, avant le sommeil d'Aurore, Ă  l'Ă©poque de François Ier, et la seconde, cent ans aprĂšs, pendant le rĂšgne de Louis XIV. Les costumes des protagonistes ainsi que des membres de la cour qu'il rĂ©alisa, furent une tentative de reproduction fidĂšle des costumes de ces Ă©poques (Fig. 4).

Costumes de Vsevolojski

En France, par contre, Ă  la fin de la Belle Époque, le ballet voit une pĂ©riode de dĂ©cadence. On assiste Ă  la prĂ©dominance des danseuses, ainsi qu'Ă  l'Ă©clipse des danseurs de sexe masculin, au point qu'Ă  l'inverse des origines du ballet, ce sont dĂ©sormais bien souvent des femmes Ă  jouer les rĂŽles masculins en travesti (comme dans Les Deux Pigeons d'AndrĂ© Messager en 1886 et dans Bacchus de Joseph Hansen en 1902).

Aussi bien en Russie qu'en Europe, on assiste aussi Ă  un curieux dĂ©calage entre les costumes des danseurs ayant un premier rĂŽle, et ceux des danseurs de second plan, ainsi que des comparses. Pour les habits de ces derniers, la recherche de la vĂ©ritĂ© historique est effective et ils s'harmonisent avec le dĂ©cor. C'est Ă  eux que revient de situer l'action. Pour les premiers danseurs par contre, on assiste Ă  une stylisation du "costume de danseur", qui sera tendentiellement toujours le mĂȘme, indĂ©pendamment du cadre et de l'Ă©poque, et ceci surtout pour les danseuses. On verra donc cĂŽte Ă  cĂŽte dans une mĂȘme scĂšne, des figurants en costume egyptien, et la fille du Pharaon en tutu et maillot rose. C'est une des premiĂšres incongruitĂ©s que dĂ©noncera Michel Fokine dans son mouvement de rĂ©forme de la danse classique [38].

Le XXe siÚcle - 1. Exotisme et sensualité : les Ballets russes

Si les dix-neuf saisons de spectacles données à Paris par les Ballets russes de Serge Diaghilev de 1909 à 1929 marquent une profonde mutation du ballet classique, grùce à des chorégraphes comme Michel Fokine, Vaslav Nijinski, Léonide Massine ou George Balanchine, elles représentent aussi un tournant décisif quant aux costumes de scÚne.

Les spectateurs de l’époque sont Ă©merveillĂ©s par ces couleurs exaspĂ©rĂ©es, ces dessins gĂ©omĂ©triques, cette splendeur barbare des ornements, ainsi que par tout un univers de formes et de dessins puisĂ© dans des esthĂ©tiques alors inconnues au public europĂ©en : le monde slave, l’Orient, ainsi que l’AntiquitĂ© prĂ©-hellĂ©nique.

Le dĂ©corateur LĂ©on Bakst rĂ©alise tous les costumes de la compagnie Ă  ses dĂ©buts[39]. Épris d'art asiatique, Bakst s'inspire constamment de l'art oriental pour les ballets ClĂ©opĂątre, ShĂ©hĂ©razade et L'Oiseau de feu. Bakst fair recours aussi aux modĂšles antiques (Narcisse et Daphnis et ChloĂ©). Pour L'AprĂšs-midi d'un faune, il puise dans le livre La Danse grecque antique de Maurice Emmanuel ainsi que dans les motifs des reliefs assyriens du Louvre[40].

Par contre, c'est le folklore russe qui est évoqué par les costumes de Bakst pour Thamar ainsi que par ceux d'Alexandre Benois pour Petrouchka.

Une vision du monde slave, cette fois des temps primordiaux, caractĂ©rise aussi les costumes rĂ©alisĂ©s par Nicolas Roerich pour le Sacre du printemps. Durant l’étĂ© 1911, Roerich se rendit dans une colonie d’artistes oĂč ils Ă©tudia la collection d’anciens costumes slaves de la propriĂ©taire, la Princesse Maria Tenisheva[41], en y puisant ses principales idĂ©es pour dessiner puis Ă©laborer les costumes du ballet, oĂč il intĂ©gra des mouvements gĂ©omĂ©triques, notamment le cercle et le carrĂ©.

Lors de la rĂ©volution russe, Diaghilev s'adresse aux artistes de l’avant-garde. En 1917, les Ballets russes crĂ©ent Parade dans des dĂ©cors et costumes de Pablo Picasso [42] et en 1919 La Boutique fantasque, dĂ©corĂ©e par AndrĂ© Derain.

DorĂ©navant les costumes de ballet ne seront donc plus rĂ©servĂ©s aux spĂ©cialistes, c'est-Ă -dire aux « peintres-dĂ©corateurs », et les plus grands artistes de l'Ă©poque s'adonneront Ă  leur crĂ©ation[43]. DĂšs son origine, de 1673 Ă  1914, l’OpĂ©ra de Paris avait eu un poste de dessinateur de costumes, et celui-ci avait toujours le monopole des crĂ©ations[30]. En 1914, Ă  l’OpĂ©ra, le metteur en scĂšne acquiert la libertĂ© de choix du costumier: des Ă©quipes artistiques comprenant un dessinateur de costumes seront constituĂ©es spĂ©cifiquement pour chaque production[44].

Joseph Pinchon, le pĂšre de BĂ©cassine, fut l’un des derniers dessinateurs de costumes pour l'OpĂ©ra de Paris (de 1908 Ă  1914).

Le XXe siÚcle - 2. Le corps libéré

Depuis les innovations des dĂ©corateurs des Ballets russes, les crĂ©ateurs de costumes ont laissĂ© libre cours Ă  leur fantaisie. Les annĂ©es 1950 consacrent l'Ă©cole de Paris, avec des dĂ©corateurs-costumiers comme Georges Wakhevitch et Cassandre. Aux États-Unis, George Balanchine confie la crĂ©ation des costumes de ses ballets Ă  Barbara Karinska [45].

DÚs les années 1920, les grands couturiers s'adonnent à la création de costumes de ballet: Coco Chanel pour Bronislava Nijinska, puis Yves Saint Laurent pour Roland Petit et ensuite Christian Lacroix et tant d'autres.

Le ballet abstrait est sans « costumes », comme il est sans argument ; le ballet avec argument utilise les costumes adaptĂ©s Ă  l’action et Ă  l’époque. Le ballet contemporain fait souvent appel au maillot acadĂ©mique, avec pieds et bras nus, mais aussi Ă  des vĂȘtements intemporels, comme ceux dessinĂ©s par Germinal Casado[46].

Nombre de chorĂ©graphes du vingtiĂšme siĂšcle ont mis en scĂšne les danseurs dans l’habillement qu’ils utilisent pendant les cours et les rĂ©pĂ©titions : justaucorps et maillot, de façon Ă  dĂ©gager le plus possible les lignes du corps et la gestuelle de la danse.

Relation entre costume de ballet et mode

Le costume de ballet s’associe Ă©troitement aux Ă©volutions de la mode. S’il en subit l’influence directe, surtout quant au costume fĂ©minin, le contraire est vrai aussi : les costumes de certains ballets ayant connu un grand succĂšs de public ont rĂ©volutionnĂ© Ă  certaines Ă©poques la mode fĂ©minine.

B. La PĂ©ri, costume de sultane
A. Mathilde Kschessinska, La Fille du pharaon (1898)

Quant au premier cas, il suffit de considérer, tout particuliÚrement dans les ballets du XVIIIe siÚcle, les pastourelles portant paniers et souliers à talons hauts, ou bien les sultanes du sérail portant perruque poudrée et mouches.

Au XIXe siĂšcle, la vogue pour la crinoline et pour le corset ressort jusque dans les costumes soi-disant arabes (La PĂ©ri) (Fig. B).

À la Belle Époque, la fille du Pharaon ne renonce ni à son tutu ni à son lourd chignon (Fig. A).

Comme exemple de l’influence du costume de danse sur la mode, mentionnons d’une part le cas du ballet La Sylphide, le succĂšs duquel donnera lieu en France Ă  un engouement pour la mousseline, ainsi qu’à la crĂ©ation d'un chapeau « sylphide » et mĂȘme d'un journal de mode du mĂȘme nom.

De mĂȘme, les costumes des Ballets russes exerceront une influence dĂ©cisive sur la mode de l’époque (surtout sur Chanel [47] et Poiret)[48].

Depuis 1924, aprÚs la réalisation des costumes du Train bleu par Coco Chanel[49], la mode n'a cessé de s'intéresser à l'univers de la danse[50]. Les grands noms de la haute couture établissent souvent une collaboration privilégiée avec un chorégraphe ou une compagnie : Yves Saint Laurent et Roland Petit, Gianni Versace et Maurice Béjart, Jean-Paul Gaultier et Régine Chopinot, Christian Lacroix[51] et l'Opéra national de Paris.

Relation entre costume de ballet et technique de la danse classique

Les lourds costumes en usage Ă  la cour ne permettent que des pas terre Ă  terre, qui en revanche, seront souvent trĂšs compliquĂ©s. La danse est le miroir de la noblesse, et ne pourra donc s’exprimer qu’avec maintien et dĂ©corum.

Les mouvements qui comportent le haussement des bras ne seront possibles qu’avec des costumes d'Ă©toffe plus lĂ©gĂšre et surtout sans manches montĂ©es. L’allemande est la premiĂšre danse de couple qui prĂ©voit que les partenaires lĂšvent les bras plus haut que le visage.

Le pas de deux comme on le conçoit Ă  l’époque actuelle, c’est-Ă -dire comportant un contact entre le corps des partenaires, ne devient possible qu’à l’époque de Carlo Blasis, grĂące aux costumes allĂ©gĂ©s[52]. Les portĂ©s demandent d’ailleurs le maximum de simplicitĂ© et de soliditĂ© dans les costumes des deux danseurs, pour Ă©viter tout ce qui pourrait s’accrocher ou faire obstacle aux Ă©volutions pĂ©rilleuses du couple. Beaucoup de danseurs relatent des accidents survenus au cours de portĂ©s Ă  cause d’un bouton ou d’un relief du costume s’accrochant ou bloquant un mouvement[53].

Il y a aussi un lien entre le dévoilement progressif du corps des danseuses et la montée progressive de leur jambe, dans les pas à la hauteur.

Les grands sauts, ne deviennent eux aussi possibles, surtout pour les femmes, qu'Ă  l'Ă©poque napolĂ©onienne, oĂč les costumes deviennent plus lĂ©gers et les souliers de danse perdent leurs talons.

En effet, la technique des pas dépend directement du genre de souliers ou de chaussons utilisés : les escarpins à talons des danseurs du XVIIIe siÚcle ne leur facilitent pas les sauts. Par contre, la chaussure plate, vers 1795, va leur offrir la possibilité de modifier l'appui du pied en passant du plat à la demi-pointe, et en faisant monter le relevé de plus en plus haut [5].

C'est le soulier plat et flexible (Fig. A) qui, à travers cette évolution du relevé, conduit à la création des chaussons de pointe. La chaussure de la « Merveilleuse » va se transformer en chausson de pointe (Fig. B), par le rembourrage et le durcissement de son bout et par le renforcement de l'empeigne, nécessaire pour offrir un support aux orteils. Ce nouveau soulier donnera naissance à une technique autonome, qui se raffinera au cours du siÚcle. La danse sur pointes est aujourd'hui synonyme de danse classique féminine, et dans l'imaginaire collectif, c'est elle qui définit par excellence la ballerine.

  • A. Souliers de mariage de la Reine Victoria 1840.
    A. Souliers de mariage de la Reine Victoria 1840.
  • B. Chaussons de pointe actuels; ils sont restĂ©s trĂšs semblables au soulier de ville ci-contre.
    B. Chaussons de pointe actuels; ils sont restés trÚs semblables au soulier de ville ci-contre.

Technologie du costume de ballet

Le costume de scĂšne rĂ©sulte de la collaboration entre le dĂ©corateur, le costumier (pour autant qu'ils se distinguent) et l’atelier de couture.

Dans la rĂ©alisation des maquettes, le dessinateur ou concepteur du costume, qui est souvent aussi le crĂ©ateur des dĂ©cors, doit intĂ©grer son projet avec la chorĂ©graphie et la mise en scĂšne, ce qui suppose aussi l’étude de la relation salle/espace/corps ainsi que de la relation espace/lumiĂšre/couleur[54].

Abderahman - Raymonda - On remarquera les bandes Ă©lastiques sur l'arriĂšre des fausses bottes.

Quant au costumier-rĂ©alisateur, il est chargĂ© de la rĂ©alisation des costumes Ă  partir des maquettes : il passe les commandes, organise l’atelier couture, choisit les tissus, dĂ©termine les coupes, rĂ©alise les "toiles", contrĂŽle la fabrication et dirige les essayages. Il doit maĂźtriser les diffĂ©rentes techniques de fabrication des costumes (moulage, patronage, coupe, montage, finitions, retouches, technologies textiles, etc) [55].

Le costume de ballet est plus intimement liĂ© aux lignes du corps et au mouvement que le costume d’acteur ou de chanteur d’opĂ©ra [56]. Il ne peut pas entraver les gestes, ni faire passer le corps du danseur en second plan. « Il doit toujours s’agir plus d’un corps que d’un vĂȘtement. Il doit en somme fournir une sorte de commentaire »[57].

Le costume doit donc rĂ©pondre Ă  certains paramĂštres : il ne doit jamais contraindre le geste dansĂ©, ni se dĂ©sorganiser par effet des mouvements du danseur. Un corps qui se penche vers l’avant augmente de plus de vingt centimĂštres de longueur dans le dos, et rĂ©trĂ©cit d’autant en longueur. Ainsi les diffĂ©rentes parties du tutu, bustier et juponnage, ne sont jamais cousues d’un seul tenant, mais rattachĂ©es par des ganses plus ou moins Ă©lastiques[19].

Le costume de ballet doit aussi prĂ©senter une grande rĂ©sistance, non seulement aux mouvements du danseur, mais aussi aux traitements rĂ©pĂ©tĂ©s de lavage et de repassage, certaines productions Ă©tant donnĂ©es pendant vingt, trente ou quarante annĂ©es dans la mĂȘme mise en scĂšne, comme Petrouchka de Stravinsky, Ă  l’OpĂ©ra depuis 1948[58].

Tutu décoré de plumes, porté par Anna Pavlova dans La Mort du cygne

C'est pourquoi le costume a des coutures renforcĂ©es, des attaches plus solides que celles d'un vĂȘtement ordinaire et qu'il est l'objet d'attentions constantes, retouches, rĂ©parations et renforts, de la part des costumiers ainsi que des habilleuses. Nombre de costumes comportent des dĂ©corations en rubans, plumes, strass, et passementerie, dont l'entretien est difficile.

Nombre de costumes de ballet historiques ont été restaurés, par exemple, le tutu recouvert de plumes porté par Anna Pavlova pour danser La Mort du cygne en 1905. Voir les images du costume avant[59] et aprÚs sa restauration[60].

L’invention des textiles Ă©lastiques et synthĂ©tiques a rĂ©pondu Ă  nombre de ces exigences, en Ă©liminant les plis disgracieux des collants et en rendant une grande partie des costumes lavables. Un tutu sans dĂ©corations particuliĂšres peut aujourd'hui se laver Ă  la machine, alors que les tutus d’antan, une fois salis, n’étaient plus utilisables[5].

Glossaire des costumes de ballet

Justaucorps

Dans la langue anglaise le justaucorps de danse est dĂ©nommĂ© « Leotard », en souvenir du trapĂ©ziste Jules LĂ©otard qui fut le premier Ă  utiliser ce genre de vĂȘtement Ă©lastique, lors de ses exhibitions.

Maillot

Le maillot est l’ancĂȘtre du collant de danse. Lorsque les jupes des danseuses commencĂšrent Ă  raccourcir, le problĂšme se posa d’inventer un vĂȘtement pour couvrir Ă©lĂ©gamment les jambes, tout en prĂ©servant la pudeur des danseuses. Jusqu'Ă  cette Ă©poque, en effet, Ă  la ville comme sur scĂšne, les femmes ne portaient rien sous leurs jupes longues[61]. On attribue Ă  la Camargo l'introduction d'un caleçon couvrant les cuisses. Mais l’effet esthĂ©tique n’était pas satisfaisant et certaines danseuses n'en voulaient pas (Fig. 1), ce qui provoqua des accidents qui firent scandale :

« Mlle Mariette n'est pas étrangÚre à l'ordonnance qui prescrivit les caleçons. Un soir, cette danseuse eut sa robe, ses jupons et ses paniers enlevés par les aspérités d'un décor sortant du dessous et posa pour l'antique pendant quelques secondes devant une salle fort garnie applaudissant à ce spectacle inattendu. »

— NĂ©rĂ©e Desarbres, Deux siĂšcles Ă  l'OpĂ©ra — Paris, Dentu, 1868 p. 117-118

1. Gravure satirique sur les scandaleux nouveaux costumes "à la grecque", portés sans caleçon 1798

Ce fut M. Maillot, bonnetier fournisseur de l'Opéra dans les années 1820, qui le premier réalisa ce caleçon de tricot moulant les jambes des danseuses[62] et qui est mentionné dans ses Mémoires par François-Joseph Talma [63].

Le maillot sera un Ă©lĂ©ment important de l'Ă©volution du costume de la danseuse, car il permettra de dĂ©voiler les jambes en entier et de raccourcir Ă  l'extrĂȘme les tutus[64].

Le maillot Ă©tait rose ou blanc, en soie pour les Ă©toiles et en coton pour le corps de ballet, mais les fibres Ă©lastiques n’étant pas encore Ă©tĂ© inventĂ©es, il Ă©tait Ă©pais et prĂ©sentait de nombreux plis. C’est ici qu'intervenait le « maillotier » ou "pantalonier", (seul homme avec le coiffeur ayant accĂšs aux loges des danseuses ), qui d’une main ferme devait tendre les maillots et les assujettir Ă  la taille[62].

2. Didelot dans les années 1790

« Il n'y a pas dix pour cent dans un ballet de beauté vraie. Tout est provocation comme sur un trottoir; les jambes en maillot rose se montrent jusqu'aux hanches »

— Hippolyte Taine, Notes Paris, 1867, p. 11

.

Cette citation explique le fait que le Pape autorisa ce costume dans ses théùtres, à condition qu'il fut bleu, pour que soit bannie toute évocation charnelle.

Pour cacher les poils des aisselles, toute tenue sans manches devait ĂȘtre portĂ©e sur une chemise fine de couleur chair. Les hommes avaient la mĂȘme nĂ©cessitĂ© pour les rĂŽles antiques Ă  torse nu ou demi-nu[5]. En 1791 dans Bacchus et Ariane, Charles-Louis Didelot fut un des premiers Ă  adopter le maillot couleur chair[8] (Fig. 2).

Vers les années 1950 fit son apparition le «maillot académique» qui recouvrait le corps entier.

L’invention des fibres Ă©lastiques et du Lycra a fait du maillot le costume de base des deux sexes [65].

Les collants des danseuses sont aujourd’hui encore blancs ou roses et comportent parfois une couture sur l’arriĂšre de la jambe, en souvenir de la couture qui caractĂ©risait les anciens « maillots » en coton ou en soie. Les hommes portent un maillot de couleur assortie Ă  l'ensemble de leur costume.

Pointes

Tonnelet

Danseur portant un "tonnelet" - maquette de Louis-René Boquet, "Castor et Pollux", 1737

Les danseurs d'antan portaient une trousse, c'est-à-dire une sorte de caleçon bouffant en tissu rigide, semblable à un haut de chausse: le tonnelet. Celui-ci dérive de la rhingrave de l'époque de Louis XIV, culotte trÚs large et bouffante descendant à la hauteur des genoux, qui était recouverte par une sorte de jupe courte[66]. Il s'inspire aussi du costume militaire des anciens romains, comportant une tunique courte qui dépassait de l'armure, avec l'apparence d'une jupette. L'ampleur du tonnelet augmenta considérablement au XVIIIe siÚcle, pour s'harmoniser avec celle des "paniers" des danseuses[4]; il se réduisit ensuite à nouveau, pour ne former qu'une sorte de culotte courte et assez volumineuse et disparaßtre définitivement à l'époque des Ballets Russes.

L’origine du terme est incertaine. On le doit probablement Ă  la forme bombĂ©e de ce costume [67]. Le plus ancien vĂȘtement de la collection de costumes de ballet du MusĂ©e de l’OpĂ©ra de Paris est un tonnelet en fil d'or brodĂ© remontant Ă  l’époque de Louis XIV[68].

Tutu

Un tutu coloré

Bibliographie

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  • Carlos Fischer, Les costumes de l’OpĂ©ra, Librairie de France, 1931,
  • Brian Reade, Ballet designs and illustrations, 1581-1940: a catalogue raisonnĂ©, Victoria and Albert Museum, London, H.M.S.O., 1967
  • Dossier La danse in Textile/Art no 15, printemps 1985
  • Marie-Françoise Christout, Le ballet de cour au XVIIe siĂšcle, GenĂšve, Minkoff, 1987
  • Florence Poudru, Le costume du danseur, 1900-1960 in Textile: production et mode, actes du 112e *CongrĂšs national des SociĂ©tĂ©s Savantes, Lyon 1987, p. 407-416
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  • Martine Kahane, OpĂ©ra cĂŽtĂ© costume, Plume, , p.29.
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  • Coll. L'Histoire de la danse. RepĂšres dans le cadre du diplĂŽme d’État, Centre national de la danse, 2000
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  • Philippe Noisette, Couturiers de la danse, Ă©ditions de la MartiniĂšre, 2003
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  • François Boucher, Histoire du costume en Occident. Des origines Ă  nos jours, Flammarion, .
  • Flavia Pappacena, Le langage de la danse classique. Guide aux sources iconographiques, Gremese, .
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Vidéographie

Notes et références

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  2. ValĂ©rie Folliot, Le costume comme support d’inscription, 1997
  3. Marie-Françoise Christout, Sémiologie des habits de danse : du ballet de cour au ballet d'action, 1997.
  4. Pappacena 2012.
  5. Germaine Prudhommeau, « Évolution du costume de danse du XVe au XXe siĂšcle », dans ValĂ©rie Folliot et Philippe Colette, Costumes de danse, la chair reprĂ©sentĂ©e, .
  6. Louis de Cahusac, Le ballet et son histoire.
  7. Les costumes du ballet romantique sur Chroniques de la costumerie
  8. Chazin-Bennahum 2005.
  9. L’Histoire de la danse. Repùres dans le cadre du diplîme d’État, Centre national de la danse, 2000, p. 66-67.
  10. Danser Ă  la cour, sur le site ladanse.net
  11. Mathilde Januel, Lire le costume dans le ballet de cour, article dans le site Cerpcos.com
  12. Louis XIV, Dictionnaire de la danse, Le Moal, Larousse
  13. Le ballet de cour, Dictionnaire de la danse, Le Moal, Larousse
  14. Jean-Pierre Pastori, La Danse, du ballet de cour au ballet blanc, p. 21.
  15. [Le ballet d’action sur le site ladanse.net].
  16. Gasparo Angiolini, Dissertation sur les ballets pantomimes des anciens, 1765.
  17. Flavia Pappacena, Les lettres sur la danse de Noverre, LIM, 2012.
  18. La danse des costumes, RepĂšres, cahier de danse no 27, 2011
  19. Elizabeth Fischer, Turlututu chaussons pointus : le costume de danse, Journal de l'ADC no 22
  20. Sylvie Jacq-Mioche, Naissance du tutu : naissance de la « ballerine » in Costumes de danse ou La Chair représentée', 1987
  21. Dictionnaire de la danse, Le Moal, Larousse, 2008
  22. Wilfride Piollet, Rendez-vous sur tes barres flexibles, Ed. L'une et l'autre, 1999
  23. Karine Saporta, La magie des pointes : un Ă©tat d’ñme, in Costumes de danse, la chair reprĂ©sentĂ©e, 1997
  24. Sylvie Jacq-Mioche, Naissance du tutu : naissance de la « ballerine », in Costumes de danse, 1997
  25. Origine de l'expression "S'offrir une danseuse"
  26. Tutu, in Dictionnaire de la danse, Le Moal, Larousse, 2008
  27. Paul Lormier in Dictionnaire de la danse, Le Moal, Larousse, 2008
  28. Téophile Gautier dans La Presse 9 décembre 1850"
  29. Ivor Guest Le Ballet de l'Opéra de Paris, Flammarion, 1976
  30. Kahane 1995, p. 29.
  31. Bournonville cÎté costume , Dansomanie
  32. Auguste Bournonville, article sur le site DanserenFrance
  33. La grande histoire du ballet russe p. 31, Parkstone-Pen Duick
  34. La Passion de la danse, Grund,1977, p. 27-28
  35. Ivan Vsevolojski, Dictionnaire de la danse, Le Moal, 2008
  36. Joan Cass, The Dance: A Handbook For The Appreciation Of The Choreographic Experience p. 17, McFarland, 2004
  37. ‘’Vsevolozhsky's vision’’ in ‘’Sleeping Beauty’’, article, 1.12.2000
  38. Michel Fokine, Memoirs of a ballet master, Little, Brown and company, Boston, 1961 page 72
  39. Michelle Potter, Designed for Dance: The Costumes of LĂ©on Bakst and the Art of Isadora Duncan, in Dance Chronicle, Vol. 13, No. 2 (1990), pp. 154-169, Taylor & Francis,
  40. Anna Sutton, Costume as living sculpture: the Ballets russes
  41. Le Sacre de Nicolas Roerich
  42. Picasso et la danse, Programme Opéra de Paris saison 1991/1992
  43. Mathias Auclair, PrĂ©sentation de l’Exposition Ballets russes Ă  l’OpĂ©ra de Paris, 2011
  44. Dimitri JoannidĂšs, Costumes et accessoires de scĂšne, article sur la Gazette Drouot - No 18 du 8 mai 2009
  45. Robert Abrams, An Inside Look at the Costumes of the New York City Ballet, 2006
  46. Germinal Casado, Germinal, mémoires
  47. Chanel and the Ballets Russes, English National Ballet Press Release, 28th May 2009
  48. Victoria Robinson, The Influence of the Ballets Russes on fashion.
  49. Marijke Zijlstra, Les Couturiers et la danse, 2011, article sur le site Puretrend.com
  50. Philippe Noisette, Couturiers de la danse, Ă©ditions de la MartiniĂšre, 2003.
  51. Christian Lacroix magnifie les costumes du ballet “La Source”
  52. Gilbert Serres, Petit historique du pas de deux in Les Portés, le pas de deux, Désiris.
  53. Gilbert Serres, Coulisses de la danse, France-Europe Éditions, 2008.
  54. Philippe Noisette, Le corps et la danse , Ed. de la MartiniĂšre, 2005
  55. La danse in Textile/Art no 15, printemps 1985
  56. Florence Poudru, Le costume du danseur, 1900-1960 in Textile: production et mode, actes du 112e CongrÚs national des Sociétés Savantes, Lyon 1987, p. 407-416
  57. Pins and Needles, Costume designers in Ballet International - Tanz Aktuell, no 5, mai 1999
  58. Dimitri JohannidĂšs, Ibidem
  59. </img>/ Photo du costume d'Anna Pavlova avant sa restauration
  60. Photo du costume d'Anna Pavlova aprĂšs sa restauration
  61. Pierre Dufay, Le Pantalon FĂ©minin,Paris, 1916
  62. Kahane 1995.
  63. Talma, MĂ©moires t. 6, 1, p. 55
  64. Costumes de l'Opéra
  65. Bourgat, Technique de la danse, 1959, p. 28
  66. Boucher 2008.
  67. Article ‘’Ballet’’ – Les costumes , Grande EncyclopĂ©die Larousse
  68. Valérie Folliot, Costumes de danse. La Chair représentée, Ibidem

Voir aussi

OĂč voir des costumes de ballet

Costumes de Barbara Karinska – CoppĂ©lia (acte 2), CoppĂ©lia (acte 1) et Giselle (acte 2)

Liens externes

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