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Conseil de prud'hommes (France)

En France, le conseil de prud'hommes est une juridiction de premier degré des litiges individuels[1] nés à l'occasion de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail entre employeurs et salariés de droit privé, comme le licenciement et la rupture conventionnelle. Les personnels de services publics exerçant dans les conditions de droit privé dépendent également du conseil de prud'hommes.

Le conseil de prud'hommes de Bourges
Le bâtiment du conseil de prud'hommes de Bourges (Cher).

Étymologie

« Conseil » vient du latin consiliarus signifiant conseiller et consilium signifiant avis, délibération[2].

« Prud'homme » en bas latin vient de prodis, de prode signifiant preux[2].

Principes généraux

Le litige porté devant le conseil de prud'hommes doit concerner un problème individuel régi par le code du travail, par exemple l'application d'une convention collective, la contestation d'un licenciement, la rupture d'un contrat d'apprentissage, l'homologation d'une transaction, etc. Toujours dans les mêmes conditions, le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur un litige opposant deux salariés.

La plupart des litiges collectifs du travail (par exemple, contestation d'un PSE — un plan social de licenciements collectifs pour motif économique — par une organisation syndicale) relèvent de la compétence du tribunal judiciaire. En revanche, un salarié peut contester devant le conseil de prud'hommes son licenciement pour motif économique (dans le cadre d'un PSE) s'il considère que la façon dont le PSE a été appliqué lui a causé un préjudice personnel (par exemple du fait du non-respect de l'application des critères d'ordre ou de l'obligation de propositions de reclassement). Il peut de même contester son licenciement pour inaptitude et les suites qui en découlent.

Un contentieux portant sur les élections professionnelles en entreprise relève de la compétence du pôle social du tribunal judiciaire.

La pluralité de demandeurs en litige, sur des chefs de demande identiques, avec un même autre justiciable ne suffit pas à caractériser un litige collectif ; il y a simplement juxtaposition de demandes individuelles qui, en audience de jugement, peuvent toutefois être plaidées de façon globale (à la suite d'une décision de jonction des affaires, par exemple).

Le conseil de prud'hommes constitue une institution originale ; il est à la fois une juridiction d'exception, paritaire et élective, bien que cette élection soit remise en cause en faveur d'une désignation aujourd'hui.

Historique

Du Moyen Ă‚ge Ă  la RĂ©volution

Apparu au XIe siècle, le mot prud'homme provient de preux homme ou prode homme, preux et prode provenant de la même racine latine prode, dérivée du verbe latin prodesse : « être utile ».

Étienne Boileau (1200-1270), prévôt de Paris sous le roi Saint Louis cite l'arbitrage traditionnel des anciens, les « probi homines », hommes de valeur, prudents et de bon conseil. Le terme prud'homme s'appliquait alors aux « défenseurs du métier[3] » qui intervenaient si un conflit surgissait entre artisans, il était tranché par leurs pairs : les prud'hommes.

C'est sous le règne de Philippe le Bel que furent constitués les premiers conseils de prud'hommes. En l'an 1296, le conseil de la ville de Paris créa vingt-quatre prud'hommes et les chargea d'assister le prévôt des marchands et les échevins afin de juger, en dernier ressort, les contestations qui pourraient s'élever entre les marchands et les fabricants qui fréquentaient les foires et les marchés établis à cette époque ; ils allaient, de plus, faire la visite chez les maîtres et peuvent être regardés, par-là, comme l'origine des gardes et jurés établis postérieurement dans chaque communauté d'arts et métiers. Pendant près de deux siècles, la ville de Paris posséda seule des prud'hommes.

Dans plusieurs villes maritimes, notamment à Marseille, il existe un conseil de prud'hommes dont l'origine paraît fort ancienne. Ce sont des prud'hommes pêcheurs qui jugent les contraventions en matière de pêche maritime et les différends entre marins à l'occasion de leur profession de pêcheurs. Cette catégorie de prud'hommes remonterait, croit-on, à l'époque du roi René, comte de Provence (1462). Des arrêts différents de , , et ont réglementé sans beaucoup la modifier cette institution qui traversa sans à-coups la Révolution de 1789, pour arriver telle quelle jusqu'à nos jours, telle qu'elle était dès le XVe siècle[4] - [5] - [6].

Au Moyen Âge comme sous l'Ancien Régime existent également des prud'femmes[7], l'un de leur rôle identifié est d'intervenir comme témoins lors de la signature d'un contrat d'apprentissage passé auprès d'une fileuse, seul métier où ce contrat requis[8]. En effet, les femmes sont présentes dans les corporations et certains métiers leur sont même réservés, par exemple dans le travail de la soie[9]. Comme les hommes, elles peuvent accéder au statut de maître, ce qui est en principe la condition à remplir pour participer aux scrutins professionnels. Cela explique que des femmes puissent diriger certaines corporations à forte main d'œuvre féminine, notamment dans le textile, et qu'y soient élues des prud'femmes[10].

Les prud'femmes disparaissent avec la suppression des corporations en 1791, lors de la Révolution française, en même temps que les conseils de prud'hommes, qui pour leur part sont rétablis sous Napoléon[7].

De l'Empire Ă  la IIIe RĂ©publique

C'est le qu'une loi créant un conseil de prud'hommes à Lyon est promulguée par Napoléon Ier puis complétée par un décret du : les employeurs y sont majoritaires. Des tribunaux favorisant la conciliation entre les fabricants de soie et les ouvriers lyonnais (canuts) existaient déjà et servirent d'exemple. À Paris, un conseil de prud'hommes pour les industries métallurgiques est créé en 1844, puis en 1847 des conseils de prud'hommes pour les tissus, pour les produits chimiques et pour les industries diverses.

La Deuxième République remanie la législation des prud'hommes par la loi du , qui confère à l'institution un élément fort de sa forme actuelle avec l'apparition du paritarisme (« employeurs » et « salariés » rendant ensemble les décisions). La loi de 1848 déclarait électeurs pour les conseils de prud'hommes tous les patrons, chefs d'atelier, contremaîtres, ouvriers et compagnons âgés de 21 ans et résidant depuis six mois au moins dans la circonscription du conseil de prud'hommes. Elle déclarait les mêmes éligibles, s'ils savaient lire et écrire et s'ils étaient domiciliés depuis un an au moins dans la circonscription du conseil.

Elle rangeait dans la classe des patrons les contremaîtres, les chefs d'atelier et tous ceux qui payaient patente depuis plus d'un an et occupaient un ou plusieurs ouvriers. La présidence donnait voix prépondérante : mais elle durait trois mois et était attribuée alternativement à un patron et à un ouvrier, élus chacun par leurs collègues respectifs. Les audiences de conciliation devaient être tenues par deux membres : l'un patron, l'autre ouvrier ; quatre prud'hommes patrons et quatre prud'hommes ouvriers devaient composer le bureau général ou de jugement.

La loi spécifiait que le nombre des prud'hommes ouvriers serait toujours égal à celui des prud'hommes patrons et disposait que chaque conseil aurait au moins 6 membres et 26 au plus. Il était procédé à deux élections : dans la première, ouvriers et patrons nommaient un nombre de candidats triple de celui auquel ils avaient droit ; dans la seconde, qui était définitive, les ouvriers choisissaient, parmi les candidats patrons, les prud'hommes patrons, et les patrons choisissaient à leur tour les prud'hommes ouvriers sur la liste des candidats ouvriers.

Ainsi, au cours du XIXe siècle, les conseils de prud'hommes s'ancrent dans le paysage judiciaire et social de la France. Leur nombre augmente – celui de Paris étant créé en 1844-1847 – pour dépasser les quatre-vingts au milieu du siècle. La procédure préalable de conciliation aboutit (à cette époque) dans 90 % des cas et les jugements s'efforcent de développer des jurisprudences sur la base des usages locaux. De ce fait, les prud'hommes suscitent l'intérêt du mouvement ouvrier : en 1848, tous les ouvriers deviennent électeurs et éligibles et, en 1880, le président et le vice-président sont élus selon le système de la parité. Une loi de 1905 supprime la voix prépondérante du président et transfère les appels des tribunaux de commerce aux tribunaux civils. Pendant leur deuxième siècle d'existence, les conseils de prud'hommes ont été étendus à de nouvelles professions, ouverts aux femmes (électrices depuis 1907, éligibles depuis 1908[11]) et aux étrangers ; ils sont devenus des éléments de la démocratie sociale.

En 1907, une loi est votée et met en place une véritable juridiction sociale, reconnue compétente en matière de contentieux individuels du travail. En 1908, un arrêté du 15 novembre 1908 (parfois appelé « Loi des prud’femmes ») instaure que les femmes sont désormais éligibles[12]. Clémence Jusselin fut la première prud-femme élue, le 30 novembre 1908[13].

De la IVe RĂ©publique Ă  nos jours

Une réforme mise en œuvre en 1979, la loi Boulin, généralise l'institution : tant sur le plan géographique que dans la couverture des branches d'activités ; une ultime mesure législative interviendra 3 ans plus tard pour réduire les mandats électoraux à 5 ans.

Il existait, jusqu'à fin 2008, 271 conseils de prud'hommes mais la réforme de la carte judiciaire menée par la ministre de la justice, Rachida Dati, a conduit à la fermeture de 63 d'entre eux. Seules 61 suppressions sont finalement exécutées, le Conseil d’État en ayant annulé deux.

Le recours aux conseils de prud’hommes est en baisse, passant de 187 651 saisines en 2014 Ă  127 000 en 2017. Une baisse attribuĂ©e notamment Ă  la loi travail, adoptĂ©e sous la prĂ©sidence de François Hollande, et aux ordonnances prises par son ministre de l’Économie Emmanuel Macron[14]. La sociologue HĂ©lène-Yvonne Meynaud identifie plusieurs facteurs expliquant ce retrait :

  • « la hausse constante des ruptures conventionnelles individuelles, qui se substituent Ă  la dĂ©marche prud’homale. Ces ruptures sont gĂ©nĂ©ralement nĂ©gociĂ©es selon les minima lĂ©gaux, le coĂ»t financier de la rupture Ă©tant reportĂ© de l’employeur vers PĂ´le emploi, qui verse des indemnitĂ©s de chĂ´mage. Le gouvernement a amplifiĂ© ce mouvement en crĂ©ant les ruptures conventionnelles collectives ; soixante ont Ă©tĂ© signĂ©es en 2018[14]. »
  • « Les dĂ©lais de prescription, la pĂ©riode pendant laquelle on peut agir, ont Ă©tĂ© raccourcis. Ils sont tombĂ©s de cinq Ă  deux ans en 2013, puis Ă  un an en 2017, quand il s’agit de contester la rupture du contrat de travail ou son exĂ©cution ; de cinq Ă  trois ans pour les conflits liĂ©s au salaire, et Ă  douze mois dans le cas d’une rupture conventionnelle[14]. »
  • « Si les lois ont simplifiĂ© la vie des employeurs, elles ont complexifiĂ© les dĂ©marches pour les salariĂ©s. La procĂ©dure est si compliquĂ©e qu’elle peut dissuader ceux qui souhaiteraient simplement rĂ©clamer des documents sociaux, des salaires impayĂ©s de quelques centaines d’euros[14]… »
  • « Obtenir les preuves de la qualitĂ© du travail, les attestations, les documents relève Ă©galement du parcours du combattant. Les donnĂ©es sociales qui Ă©taient auparavant transmises aux comitĂ©s d’entreprise et aux autres instances reprĂ©sentatives du personnel (IRP) sont dĂ©sormais dans la base informatisĂ©e de donnĂ©es Ă©conomiques et sociales (BDES). Elles y sont Ă©parpillĂ©es, et c’est au syndicaliste d’aller piocher et de reconstituer les statistiques nĂ©cessaires pour mettre en Ă©vidence des diffĂ©rences de traitement illicites, par exemple. (...) La loi sur le secret des affaires du 30 juillet 2018 vient encore complexifier l’exercice de la preuve, les documents qui peuvent prouver tel ou tel fait devenant parfois impossibles Ă  produire devant un tribunal, car dĂ©clarĂ©s confidentiels par l’entreprise[14]. »
  • « Autre grand frein au recours Ă  la justice prud’homale : un nouveau barème d’indemnisation fortement restreint[14]. »

Organisation

L'entrée du conseil de prud'hommes de la Seine.

La localisation géographique des conseils de prud'hommes est variable (selon la population, le tissu économique, etc.), mais la loi dispose qu'il doit en exister au moins un dans le ressort de chaque tribunal judiciaire. La liste des 216 conseils de prud'hommes est disponible sur un site gouvernemental[15].

Le litige est examiné par le conseil de prud'hommes où s'exécute le contrat de travail (sauf exceptions exhaustivement énumérées par la loi) ou celui dans la juridiction dont dépend le domicile du salarié.

Les litiges sont examinés dans la section correspondant au domaine de l'activité principale de l'employeur ou au statut dérogatoire du salarié (VRP, cadres) ; chaque conseil de prud’hommes comporte une formation de référé et (sauf exception) cinq sections :

La section se compose comme suit :

  • un bureau de conciliation et d'orientation : un conseiller salariĂ© et un conseiller employeur,
  • un bureau de jugement : deux conseillers salariĂ©s et deux conseillers employeurs.

La section peut être divisée en plusieurs chambres.

Le respect du paritarisme veut que les présidences et vice-présidences alternent, d'une année sur l'autre, entre le collège salariés et le collège employeurs pour ce qui est des conseils et des sections (ainsi, lorsque le président du conseil est un salarié, le vice-président est un employeur). Au cours de l'année, pour les audiences, la présidence échoit alternativement à chacun des collèges.

Conseillers prud'hommes

Le conseil de prud'hommes est une formation paritaire élue en deux collèges : par les salariés, d'une part, et par les employeurs, d'autre part. Chaque « collège » (employeurs et salariés inscrits sur les listes prud'homales) élit le même nombre de conseillers.

Le mandat de conseiller dure quatre ans [16] et il est renouvelable, pour un nouveau mandat complet, même à partir de la dixième année suivant la cessation de toute activité professionnelle (s'il existe une élection cette année-là). Les élections prud'homales constituaient, jusqu'à la loi du 20 août 2008 qui se fonde dorénavant sur les élections de représentants du personnel en entreprise, le principal test de représentativité pour les syndicats de salariés.

Les conseillers prud'hommes exercent à titre bénévole, mais ils sont :

  • soit indemnisĂ©s forfaitairement pour le temps passĂ© Ă  leurs fonctions, s'ils sont Ă©lus du collège employeurs ou s'ils sont Ă©lus du collège salariĂ©s et sans activitĂ© professionnelle (demandeurs d'emplois, retraitĂ©s, etc.),
  • soit normalement rĂ©munĂ©rĂ©s, s'ils sont en activitĂ© et Ă©lus du collège salariĂ©s ; l'employeur concernĂ© se fait alors rembourser par l'État le salaire ainsi maintenu et les cotisations sociales affĂ©rentes.

Les conseillers élus du collège des salariés peuvent exercer leurs fonctions durant leur temps de travail ou voir cette activité juridictionnelle assimilée à un temps de travail (cas des travailleurs dits « postés ») ; les salariés élus dans le collège employeurs (directeurs de ressources humaines, cadres dirigeants) sont impérativement inscrits à ce titre par leur employeur et ils s'accommodent de leurs conditions de rémunération et de temps de travail.

Durant leur mandat et jusqu'à six mois à compter de la fin de ce même mandat, les conseillers prud'homaux salariés ne peuvent être licenciés sans l'autorisation de l'inspection du travail (ils ont le statut de salariés protégés).

On reproche souvent Ă  cette juridiction le fait que les conseillers ne sont pas des professionnels du droit.

Les conseillers salariés bénéficient d'une absence de 6 jours ouvrables par année de mandat pour leur formation.

Les conseillers prud'hommes exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils s'abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions. Ils sont tenus au secret des délibérations. Leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions lorsque le renvoi de l'examen d'un dossier risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie[17].

Le président et le vice-président du conseil sont également élus de manière paritaire et collégiale, en assemblée générale, avec un mandat d'un an. Les fonctions sont attribuées en alternance aux deux collèges : une année sur deux le président est issu du collège des salariés, le vice-président du collège des employeurs.

Un conseiller prud'homme ne peut être un conseiller du salarié en exercice.

Insigne de la fonction

Insigne Juge prud'homal 1828 01
Insigne Juge prud'homal 1828 01

Par une ordonnance royale du 12 novembre 1828, Charles X octroie aux membres des conseils de prud'hommes, un insigne spécifique en forme d'étoile à huit pointes aux extrémités rondes, porté en sautoir à un ruban noir. Entre chacune de ces pointes se trouvent huit équerres saillantes contenant huit hexagrammes. L'une des faces de l'insigne représente "l'œil de la providence" rayonnant à la manière d'un Delta sous lequel est représentée une poignée de main spécifique en dessous de laquelle est représentée une balance dont l'axe central est entouré par deux serpents à la manière du caducée et l'inscription "Equité". L'autre face de l'insigne mentionne en haut la phrase latine "servat et conciliat"[18] (servir et concilier) puis "Conseil des Prud'hommes" puis laisse apparaître une équerre et un fil à plomb surplombant un coq et des lauriers.

Insigne Juge prud'homal 1828 02
Insigne Juge prud'homal 1828 02

Aujourd'hui, l'insigne est devenu une médaille ronde figurant une Marianne de profil, attachée à un ruban rouge et bleu. La médaille est de couleur or pour le président d'audience, de couleur argent pour le ou les assesseurs.

Élection ou nomination des conseillers prud'hommes

Les représentants des travailleurs se présentent sur des listes syndicales soumises au vote des salariés et des demandeurs d’emploi, y compris étrangers. Ceux du patronat sont élus par le collège des employeurs et des cadres dirigeants d’entreprise. Les juges bénéficient au sein de leur syndicat d’une formation solide, parfois considérée comme l'une des dernières écoles ouvrières[19].

Il est décidé de mettre un terme à l'élection prud'homale française qui se termine par un dernier mandat dont l'échéance arrive fin 2017. En décembre 2014, le Parlement, sous la présidence de François Hollande, supprime ce scrutin. À compter de 2017 débute une phase transitoire permettant la première nomination des conseillers prud'hommes. Ils seront dès lors nommés conjointement par le garde des sceaux, ministre de la Justice et le ministre chargé du Travail conformément à l'Ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud'hommes à partir de liste de candidature présentée par les organisations professionnelles représentatives, mais dont aucun scrutin ne vient déterminer la représentativité effective.

Selon l’avocate Rachel Spire, « l’activité syndicale n’est pas sans risque : plus de dix mille représentants de salariés sont licenciés chaque année. Parmi eux, des juges prud’homaux, qui, bien que protégés par la loi, subissent les mêmes discriminations »[19].

Parties et procédure

Il est Ă  noter qu'en 2011 les statistiques du ministère de la Justice montrent que les conseils de prud'hommes traitent 230 000 nouvelles affaires par an.

Similitudes avec les autres juridictions civiles

Le conseil de prud'hommes est une juridiction à part entière, avec tous les aspects attachés.

  • Comme certains autres juges, le conseiller prud'homme prĂŞte serment[20].
  • Sous la co-tutelle du premier prĂ©sident de la cour d'appel et du procureur de la RĂ©publique, le conseil de prud'hommes est dirigĂ© par un prĂ©sident et un vice-prĂ©sident (alternance annuelle employeur et salariĂ©) ; il en est de mĂŞme, dans les sections dotĂ©es d'un prĂ©sident et d'un vice-prĂ©sident. Le « bureau administratif » d'un conseil de prud'hommes est composĂ© de l'ensemble des prĂ©sidents et des vice-prĂ©sidents de section. Des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales ou de section peuvent ĂŞtre convoquĂ©es, Ă  titre extraordinaire, en plus de l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale annuelle ordinaire de chaque dĂ©but d'annĂ©e. Par ailleurs, une audience solennelle prĂ©sente, avant fin janvier, un bilan de l'activitĂ© juridictionnelle de l'annĂ©e Ă©coulĂ©e et proclame l'ouverture de la nouvelle annĂ©e judiciaire, ceci ayant pour corollaire la mise en place des nouveaux prĂ©sidents Ă©lus ou rĂ©Ă©lus.
  • Le conseil de prud'hommes juge « Au nom du peuple français ».
  • Le caractère contradictoire de la procĂ©dure est tout autant respectĂ© que devant les autres juridictions : les deux parties Ă©mettent tour-Ă -tour librement leurs arguments.
  • La procĂ©dure est ici qualifiĂ©e d'« orale » : en application des dispositions de l'article 16 du code de procĂ©dure civile qui Ă©dicte le principe du contradictoire, mĂŞme lorsque les parties ne sont pas reprĂ©sentĂ©es par un avocat ou un reprĂ©sentant syndical, elles doivent procĂ©der, en temps utile (largement avant le jour de l'audience de plaidoirie), Ă  un Ă©change des pièces qui seront versĂ©es aux dĂ©bats ; les parties peuvent produire des conclusions Ă©crites (non obligatoires) qui devront elles aussi ĂŞtre communiquĂ©es. Si une pièce est utilisĂ©e en dernière minute, sans avoir Ă©tĂ© communiquĂ©e, elle peut ĂŞtre Ă©cartĂ©e par le bureau de jugement (sauf si la partie adverse ne s'oppose pas Ă  sa production) ou bien le dĂ©bat est renvoyĂ© Ă  une autre audience.
  • Les conseillers prud'hommes agissent en toute indĂ©pendance. Cependant des antagonismes peuvent apparaĂ®tre : la proximitĂ© des instances syndicales et professionnelles des conseillers salariĂ©s et employeurs est parfois considĂ©rĂ©e comme susceptible d'interfĂ©rer avec cette indĂ©pendance, Ă  partir de l'allĂ©gation selon laquelle certains conseillers prud'hommes auraient un mandat dit « impĂ©ratif » de leur organisation, en contradiction avec le serment qu'ils ont prĂŞtĂ© ; cependant, les conseillers sont supposĂ©s juger « en droit », et non en fonction de convictions. Dans les faits et de manière statistique, aucune diffĂ©rence dans les dĂ©cisions n'est constatĂ©e entre les conseils dirigĂ©s par des conseillers proches de syndicats et les autres conseils.
  • Une procĂ©dure d'appel donne la possibilitĂ© aux parties d'un procès de contester un jugement pris en première instance et de demander son rĂ©examen par un tribunal d'un degrĂ© supĂ©rieur: la cour d'appel. La procĂ©dure d'appel se fonde en effet sur l'existence en France de diffĂ©rents degrĂ©s de juridictions [21].

Évaluation du conseil de prud'hommes

Les informations sont disponibles sur le répertoire[22] des informations publiques du ministère de la Justice dans la rubrique activité judiciaire.

Activité des conseils de prud'hommes

Affaires terminĂ©es : en 2015 le nombre d'affaires terminĂ©es s'est Ă©levĂ© Ă  194 231 (augmentation de 3,2 % par rapport Ă  2014) dont 33 277 rĂ©fĂ©rĂ©s[23]. Le nombre d'affaires nouvelles est de 184 096, en diminution de 1,9 % par rapport Ă  2014. 211 228 sont en cours au 31 dĂ©cembre 2015, soit une diminution de 5,5 % par rapport Ă  l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente. La durĂ©e des procĂ©dures est, en 2015, de 14 mois toutes affaires confondues et de 2 mois pour les rĂ©fĂ©rĂ©s.

19 930 personnes ont Ă©tĂ© admises Ă  l'aide juridictionnelle.

Appel

Interjeter appel ou non est une dĂ©cision qui doit ĂŞtre mĂ»rement rĂ©flĂ©chie. En effet, il faut analyser les motivations du jugement. Il faut ensuite Ă©tablir des motifs suffisants pour que l'appel soit jugĂ© recevable, et ĂŞtre assistĂ© d'un avocat ou d'un reprĂ©sentant syndical (en appel, cette assistance est obligatoire). Pour saisir la cour d’appel, il faut avoir la notification du jugement, et faire une dĂ©claration d’appel qui contient plusieurs mentions obligatoires, conformĂ©ment Ă  l’article 901 du code de procĂ©dure civile. Le dĂ©lai pour faire appel est d’un mois Ă  compter de la notification du jugement. En cas de rĂ©fĂ©rĂ© (procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e), le dĂ©lai pour faire appel est raccourci Ă  15 jours[24] - [25] - [26].

Nombreux appels – efficacité controversée des conseils de prud'hommes

Le taux d'appel des jugements de fond des conseils de prud'hommes était de 64,5 % en 2012 contre 5,9 % pour les tribunaux d'instance et 18,3 % pour les tribunaux de grande instance[27]. En 2014 le taux d'appel sur les jugements au fond est de 68,3 %[23]. Dans le rapport qu'il a remis à la ministre de la Justice en juillet 2014[28], le président de la chambre sociale de la Cour de cassation estime ce chiffre extrêmement élevé, « ce qui amène à s'interroger sur la pertinence même de la première instance[29]. » Ce chiffre doit toutefois être relativisé car l'essentiel du contentieux prud'homal est indemnitaire[30].

Le taux d'infirmation en appel des jugements de fond des conseils prud'homaux était de 71,7 % en 2012[27]. Ce taux d'infirmation est plus élevé que celui des autres juridictions de première instance (il est de 55 % pour les tribunaux d'instance, de 54 % pour les tribunaux de grande instance)[27]. Le rapport Lacabarats précise : « le taux de confirmation total des jugements des [Conseils de prud'hommes] (28,3 %) est très nettement inférieur à celui constaté pour les appels des autres juridictions (de 46 à 53,6 %). Il est d'ailleurs possible de se demander s'il n'y a pas une corrélation entre le taux d'appel et celui de confirmation totale[29]. »

Cependant, selon le Club Droits, Justice et Sécurités[31], « l’on peut dire, par ailleurs, que globalement le taux de confirmation et d’infirmation est identique en matière sociale et dans les autres matières (non précisé), étant par ailleurs souligné que comme précisé supra, les chefs de demandes sont multiples et qu’une décision peut être confirmée en son principe mais réformée sur certains détails des différents chefs[32]. »

Durée des procédures

Les conseils de prud’hommes sont pénalisés par le manque de moyens matériels et par la réduction du personnel fonctionnaire. En 2008, le tiers des conseils de prud’hommes a été supprimé en raison de la réforme de la carte judiciaire[19].

En 2010, la durĂ©e moyenne des affaires terminĂ©es hors rĂ©fĂ©rĂ© Ă©tait de 13,7 mois contre 7,2 mois au tribunal de commerce et 9,3 mois au tribunal de grande instance[33]. En 2012, la durĂ©e moyenne des affaires terminĂ©es hors rĂ©fĂ©rĂ© est de 15,5 mois et peut atteindre respectivement 21,4 et 22,9 mois dans certains conseils particulièrement engorgĂ©s comme Nanterre et Bobigny[34]. Toutefois, des dĂ©lais sont de onze mois pour le tribunal correctionnel, vingt et un mois pour le tribunal pour enfants, et plus de cinq ans pour les assises[19].

Le délai d'appel à Paris est de deux ans[34].

L'État a été condamné de façon répétée pour dysfonctionnement du service public de la justice. « À la suite d’une action menée par le Syndicat des avocats de France, 71 assignations ont été déposées à la date anniversaire de la réforme de la carte judiciaire, le 15 février 2011, par 71 salariés auxquels se sont joints le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature, la CGT, la CFDT, Solidaires, l'UNSA et l'Ordre des avocats. Nous dénoncions ces délais et demandions au tribunal de juger que l’État était coupable de déni de justice, notamment sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable ». Or, à 71 reprises, le tribunal a jugé l’État responsable. Et la motivation de ce jugement est extrêmement claire : « Si manifestement ces délais excessifs résultent du manque de moyens de la juridiction prud’homale, il n’est pas discutable qu’il revient à l’État de mettre en œuvre les moyens propres à assurer le service de la justice dans des délais raisonnables, faute de quoi il prive le justiciable de la protection juridictionnelle qui lui est due »[35]. »

Les juridictions civiles condamnent rĂ©gulièrement l’État, pour des montants de dommages et intĂ©rĂŞts compris entre 2 000 euros et 8 500 euros Ă  titre de dommages et intĂ©rĂŞts pour le prĂ©judice moral « rĂ©sultant notamment de l’attente d’une dĂ©cision et des tensions psychologiques entraĂ®nĂ©es par l’incertitude ou il s’est trouvĂ©, renforcĂ© par la perte de confiance dans les capacitĂ©s de la juridiction Ă  rĂ©pondre Ă  ses missions ».

Conseil supérieur de la prud'homie

Créé par une loi en 1982, le Conseil supérieur de la prud'homie[36] est un organisme consultatif appelé à formuler des avis, des suggestions et à effectuer des études sur l'organisation et le fonctionnement des conseils de prud'hommes[37]. Il élabore un recueil de déontologie des conseillers prud'hommes[38].

Outre le président, le Conseil supérieur de la prud'homie comprend cinq membres représentant l'État, onze membres représentant les salariés, désignés sur proposition des organisations syndicales les plus représentatives, onze membres représentant les employeurs[39]. Le président est nommé par arrêté conjoint du garde des Sceaux, ministre de la Justice et du ministre chargé du Travail. Le Conseil supérieur de la prud'homie constitue en son sein une commission permanente.

Notes et références

  1. « Le Conseil de Prud’hommes juge les litiges individuels au travail », sur Expert-Comptable en ligne (consulté le )
  2. Jean Dubois, Henri Mitterrand, Albert Dauzat, Dictionnaire étymologique et historique français, Paris, Larousse, , 1254 p. (ISBN 9 732035 857894[à vérifier : ISBN invalide]), p. 813
  3. Le terme prudhomme vient de l'ancien français homme prudent qui désignait des professionnels considérés comme de bon conseil sur management.journaldunet.com.
  4. (en-US) « Les Conseils de Prudhommes | Histoire et anecdotes » (consulté le )
  5. François Feral, « Un hiatus dans l'administration et la politique des pêches maritimes : les prud'homies de pêcheurs en Méditerranée », Norois, vol. 133, no 1,‎ , p. 355–369 (DOI 10.3406/noroi.1987.7433, lire en ligne, consulté le )
  6. Alexandra Gauthier, « Les prud'homies de pêcheurs », sur Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Corse (consulté le )
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Voir aussi

Ouvrage général

  • Jean PĂ©lissier, Alain Supiot et Antoine Jeammeaud, Droit du travail, Paris, Dalloz, coll. « PrĂ©cis droit privĂ© », , 1516 p. (ISBN 978-2-247-08039-7), « Les conseils de prud'hommes », p. 159-192

Rapports

Monographie

  • Jacques Villebrun et Guy-Patrice QuĂ©tant, TraitĂ© de la juridiction prud'homale, Paris, LGDJ, , 846 p. (ISBN 2-275-01605-8)

Articles connexes

Liens externes

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