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Complexe simplicial

En mathĂ©matiques, un complexe simplicial est un objet gĂ©omĂ©trique dĂ©terminĂ© par une donnĂ©e combinatoire et permettant de dĂ©crire certains espaces topologiques en gĂ©nĂ©ralisant la notion de triangulation d'une surface. Un tel objet se prĂ©sente comme un graphe avec des sommets reliĂ©s par des arĂȘtes, sur lesquelles peuvent se rattacher des faces triangulaires, elles-mĂȘmes bordant Ă©ventuellement des faces de dimension supĂ©rieure, etc.

Exemple d'un complexe simplicial.

Cette structure est particuliÚrement utile en topologie algébrique, car elle facilite le calcul des groupes d'homologie de certains espaces comme les polyÚdres et certaines variétés topologiques qui admettent une décomposition en complexe simplicial.

La structure de complexe simplicial est enrichie dans celle d'ensemble simplicial, puis généralisée par celle de CW-complexe en autorisant des rattachements de faces non combinatoires.

Approche géométrique

DĂ©finition

La dĂ©finition de complexe simplicial gĂ©omĂ©trique[1] fait appel Ă  celle de simplexe affine. Dans un espace affine rĂ©el de dimension n, un simplexe est dĂ©fini comme l'enveloppe convexe d'un ensemble de n+1 points dont aucun ne peut ĂȘtre obtenu comme barycentre des autres. Ces points sont appelĂ©s les sommets du simplexe. L'ensemble des sommets peut ĂȘtre dĂ©duit du simplexe comme Ă©tant l'ensemble de ses points extrĂ©maux. Par exemple, un triangle ou un tĂ©traĂšdre sont des simplexes, ayant respectivement 3 et 4 sommets. Un segment est aussi un simplexe dont les deux sommets sont ses extrĂ©mitĂ©s.

Les faces d'un simplexe sont les enveloppes convexes des sous-ensembles des sommets. Le terme « face » comprend donc ici les sommets (singletons), les arĂȘtes, les faces triangulaires et ainsi de suite en dimension supĂ©rieure.

Un complexe simplicial géométrique est un ensemble K de simplexes d'un espace affine tel que :

  • toutes les faces de chaque simplexe de K appartiennent aussi Ă  K ;
  • l'intersection de deux simplexes non disjoints doit exactement ĂȘtre une de leurs faces communes. Elle est l'enveloppe convexe de leurs sommets communs.

L'exemple le plus simple d'un complexe simplicial est l'ensemble des faces d'un simplexe. Ainsi, un triangle est composĂ© de trois sommets, trois cĂŽtĂ©s et une surface intĂ©rieure. Dans l'espace, un tĂ©traĂšdre est composĂ© de quatre sommets, de six arĂȘtes, de quatre faces triangulaires et d'un volume intĂ©rieur.

PolyĂšdre et triangulation

Le polyÚdre associé à un complexe simplicial géométrique K est simplement la réunion de tous les simplexes qu'il contient. Il est noté |K|. La donnée d'un complexe simplicial et d'un homéomorphisme entre son polyÚdre et un espace topologique X constitue une triangulation de X.

Ainsi un cube ne se prĂ©sente pas naturellement comme un complexe simplicial, notamment parce que ses faces ne sont pas triangulaires, mais il admet plusieurs triangulations possibles parce que chaque face peut ĂȘtre divisĂ©e en deux triangles.

Application simpliciale

Une application simpliciale entre deux complexes simpliciaux est une application continue entre leurs polyĂšdres qui associe aux sommets de chaque simplexe des sommets d'un mĂȘme simplexe (sans ĂȘtre nĂ©cessairement injective) et dont la restriction Ă  chaque simplexe est affine. Une telle application est donc complĂštement dĂ©terminĂ©e par les images des sommets.

Ces applications simpliciales permettent d'approcher n'importe quelle application continue entre deux espaces triangulés.

Approche combinatoire

Puisque chaque simplexe est entiĂšrement dĂ©terminĂ© par l'ensemble de ses sommets, un complexe simplicial gĂ©omĂ©trique peut ĂȘtre identifiĂ© Ă  l'aide d'un objet combinatoire associĂ© : le complexe simplicial abstrait.

DĂ©finition

Un complexe simplicial abstrait est la donnée d'un ensemble V (dont les éléments sont appelés sommets) et d'un ensemble Σ de parties finies non vides (les faces) de V qui soit stable par sous-parties non vides. Autrement dit, toute partie non vide d'une face est aussi une face. Il est en général requis que tout sommet appartienne à un nombre fini non nul de faces.

Les faces de cardinal 2 sont aussi appelĂ©es arĂȘtes en rĂ©fĂ©rence au vocabulaire de la thĂ©orie des graphes. Par analogie, pour tout entier n, une face de dimension n (dite aussi n-face) est une face de cardinal n + 1.

Si la dimension des faces est bornĂ©e, la dimension d'un complexe simplicial est la dimension maximale des faces. Dans le cas contraire, cette dimension est infinie. Le f-vecteur d'un complexe simplicial abstrait de dimension d est par dĂ©finition la suite finie (f0 = 1, f1, 
, fd + 1) oĂč fn + 1 est le nombre de n-faces. Une caractĂ©risation des suites finies d'entiers qui sont des f-vecteurs est donnĂ©e par le thĂ©orĂšme de Kruskal-Katona.

Un complexe de dimension 0 est donc simplement un ensemble sans structure additionnelle. Un complexe de dimension 1 est un graphe.

La relation de sous-complexe est définie par l'inclusion de l'ensemble des sommets et l'inclusion de l'ensemble des faces.

Cas particuliers et opérations

  • Sur tout ensemble X sans structure additionnelle, il existe un unique complexe simplicial (combinatoire) de dimension 0. Il s'agit de l'ensemble des singletons de X. Sa rĂ©alisation topologique est X muni de la topologie discrĂšte.
  • Sur tout ensemble fini non vide V de cardinal n + 1, il existe un unique complexe simplicial de dimension n, dĂ©fini par l'ensemble des sous-parties finies de V. Sa rĂ©alisation topologique est un simplexe de dimension n.
  • Plus gĂ©nĂ©ralement, pour tout ensemble V et pour tout entier naturel n, l'ensemble đ’«n(V) des parties de V de cardinal au plus n + 1 forme un complexe simplicial de dimension n.
  • Pour tout entier naturel n, le n-squelette d'un complexe simplicial (V, ÎŁ) est dĂ©fini par l'ensemble des faces de dimension infĂ©rieure ou Ă©gale Ă  n. Autrement dit, ÎŁn = ÎŁ ⋂ đ’«n(V).
  • La restriction d'un complexe simplicial Ă  un sous-ensemble de sommets est dĂ©fini par l'ensemble des faces incluses dans ce sous-ensemble. Autrement dit, ÎŁ|W = đ’«(W) ⋂ ÎŁ.
  • La rĂ©union de deux complexes simpliciaux ayant des ensembles de sommets disjoints est dĂ©finie par les rĂ©unions de faces (αâˆȘÎČ) oĂč α et ÎČ sont des faces respectives des complexes initiaux.
  • La subdivision barycentrique (en) d'un complexe simplicial K = (V, ÎŁ) a pour sommets les faces de K et pour faces les ensembles finis non vides de faces de K totalement ordonnĂ©s par l'inclusion. La subdivision barycentrique d'un triangle plein est ainsi composĂ©e de sept sommets, de douze arĂȘtes et de six faces triangulaires.

Réalisation géométrique

Étant donnĂ© un complexe simplicial K = (V ; ÎŁ), sa rĂ©alisation gĂ©omĂ©trique (notĂ©e |K|) est un espace topologique construit par recollement de simplexes, qui Ă©tendent en toute dimension la suite : segment, triangle, tĂ©traĂšdre


Constructions

Puisque l'intersection de deux simplexes du complexe doit ĂȘtre une de leurs faces communes, un point de |K| est identifiĂ© de façon unique comme barycentre de certains sommets de V (il y aurait plusieurs barycentres possibles si les simplexes s'inter-pĂ©nĂ©traient). Une premiĂšre mĂ©thode de construction est donc l'ensemble des coordonnĂ©es barycentriques :

oĂč Supp(λ), le support de λ, est l'ensemble des sommets de V oĂč λ est non nulle, ie les sommets qu'elle utilise pour barycentrer.

Reste Ă  munir |K| d'une topologie. Si l'ensemble V des sommets est de cardinal s fini, |K| est une partie de l'hypercube [0,1]s et hĂ©rite de sa topologie. Si V est infini, la topologie Ă  considĂ©rer n'est pas la topologie produit mais la topologie cohĂ©rente ou topologie faible. L'adjectif « faible Â» (en anglais : weak) se retrouve dans le « W Â» de CW-complexe. ConcrĂštement, on souhaite que les faces de jointure soient des fermĂ©s non ouverts de |K|, ce qui amĂšne Ă  dĂ©finir sa topologie par ses fermĂ©s :

Une autre méthode consiste à définir une union disjointe de tous les simplexes à l'aide de coordonnées barycentriques puis à la quotienter de façon à réaliser le recollement, autrement dit :

L'intĂ©rĂȘt de cette seconde mĂ©thode est qu'elle s'Ă©tend Ă  la rĂ©alisation des ensembles simpliciaux.

Propriétés

Cette topologie confĂšre Ă  |K| une structure de CW-complexe. En particulier, un complexe simplicial est un espace topologique sĂ©parĂ© et mĂȘme normal. Une partie de cet espace est fermĂ©e si et seulement si son intersection avec chaque cellule (ici les cellules sont les n-faces) est fermĂ©e.

  • Un complexe simplicial de dimension 0 est un espace topologique discret.
  • Un complexe simplicial de dimension 1 est un graphe.
  • Un complexe simplicial de dimension 2 est un espace triangulĂ©.
  • Plus gĂ©nĂ©ralement, en toute dimension, on appelle triangulation d'un espace topologique un homĂ©omorphisme entre cet espace et un complexe simplicial. Bien sur, tout espace topologique n'est pas triangulable.

Cette construction historique est assez restrictive :

  • Dans cette construction, les sommets d'une face sont distincts ; de plus, deux faces ne peuvent pas avoir exactement les mĂȘmes sommets. Il faut par exemple au minimum 14 triangles, 21 arĂȘtes et 7 sommets pour trianguler un tore (ce qui donne le polyĂšdre de CsĂĄszĂĄr). D'oĂč l'idĂ©e de lever ces restrictions. Cela mĂšne Ă  la structure de ∆-complexe. Avec cette nouvelle structure, deux triangles suffisent pour reprĂ©senter un tore, une sphĂšre ou un plan projectif. le calcul des groupes d'homologie s'en trouve grandement simplifiĂ©.

∆-complexe

Les ∆-complexes gĂ©nĂ©ralisent les complexes simpliciaux avec une construction similaire Ă  celle des CW-complexes.

On appelle simplexe standard ∆n de dimension n l'enveloppe convexe dans ℝn des points , , ..., , oĂč et oĂč , le 1 Ă©tant placĂ© Ă  la i-Ăšme position. L'ordre des sommets du simplexe standard a ici une importance capitale : non seulement, il oriente le simplexe lui-mĂȘme mais en plus, il fournit automatiquement une orientation automatique de toutes les faces ; Le signe de l'orientation intervient dans la dĂ©finition du bord ci-dessous.

Pour dĂ©finir un ∆-complexe, on commence par prendre la rĂ©union disjointe d'une famille de simplexes standards disjoints (de dimension variable) . On quotiente alors l'espace topologique obtenu par une relation d'Ă©quivalence que l'on dĂ©finit de la façon suivante : On choisit arbitrairement une collection de familles de faces de mĂȘme dimension (une dimension par famille de faces), chaque face faisant partie de l'un des simplexes dont on vient de faire la rĂ©union disjointe (rien n'empĂȘche de prendre plusieurs faces du mĂȘme simplexe). On identifie alors toutes les faces de chaque famille en utilisant les applications linĂ©aires prĂ©servant l'ordre des sommets. Notez qu'un effet collatĂ©ral est l'identification de certains sommets.

Les ∆-complexes peuvent sembler plus gĂ©nĂ©raux que les complexes simpliciaux mais en fait tout ∆-complexe est homĂ©omorphe Ă  un complexe simplicial. Il suffit en effet d'effectuer deux subdivisions barycentrique successives pour transformer un ∆-complexe en complexe simplicial.

Exemples

  • Le tore - Il est possible de trianguler le tore avec un sommet s, trois arĂȘtes a,b,c et deux faces R et V. On part de la reprĂ©sentation classique du tore par un carrĂ© dont on recolle les cĂŽtĂ©s opposĂ©s et on coupe ce carrĂ© en deux pour obtenir des triangles. On obtient ainsi une structure de ∆-complexe. La bouteille de Klein peut aussi ĂȘtre triangulĂ©e de la mĂȘme façon, mais en inversant le sens d'une des connexions entre les deux triangles.
  • Le ruban de Moebius - Le ruban de Moebius diffĂšre du tore de deux maniĂšres. D'une part, on ne recolle qu'un bord du carrĂ©, le deuxiĂšme bord reste libre. D'autre part, on fait pivoter avant de recoller. D'oĂč le diagramme ci-contre. Cette fois, on a deux sommets s et t, quatre arĂȘtes a, b, c et d et toujours deux faces R et V.
  • Le plan projectif - Le plan projectif est plus difficile Ă  visualiser vu qu'il ne se plonge pas dans l'espace usuel. On l'obtient en recollant les bords du ruban de Moebius suivant le diagramme. Il existe une autre façon de recoller qui elle donne une bouteille de Klein. (Dans ce cas il n'y aura qu'un seul sommet comme pour le tore.) Ici, on a deux sommets s et t, trois arĂȘtes a, b, c et deux faces R et V.
  • Le tore
    Le tore
  • Le ruban de Moebius
    Le ruban de Moebius
  • Le plan projectf
    Le plan projectf

Homologie simpliciale

ConsidĂ©rons un ∆-complexe X = (A0, 
 , An) oĂč A0 est l'ensemble des sommets et An l'ensemble des n-faces.

Pour chaque entier naturel n, on note ∆n(X) le groupe abĂ©lien libre de base An. Les Ă©lĂ©ments de ∆n(X) seront appelĂ©s les n-chaines. En d'autre termes, une n-chaine est une combinaison linĂ©aire Ă  coefficients entiers de n-faces du complexe X.

On définit le bord d'un simplexe de la façon suivante :

Par exemple :

  • Le bord d'un segment est Ă©gal Ă  son extrĂ©mitĂ© moins son origine : ∂[a, b] = [b] – [a] ;
  • le bord d'un triangle est Ă©gal Ă  la somme des trois cĂŽtĂ©s avec un signe moins tenant compte de l'orientation : ∂[a, b, c] = [a, b] – [a, c] + [b, c] ;
  • le bord d'un tĂ©traĂšdre est donnĂ© par la formule : ∂[a, b, c, d] = [b, c, d] – [a, c, d] + [a, b, d] – [a, b, c].

Par linĂ©aritĂ©, le bord se prolonge en un morphisme de groupes ∂n de ∆n(X) vers ∆n–1(X). On a ∂n–1∘∂n = 0 et l'on obtient ainsi un complexe de chaĂźnes. Les groupes d'homologie de l'espace X sont les Hk(X) = ker ∂k / lm ∂k+1.

MĂȘme si ce n'est pas Ă©vident a priori, si deux ∆-complexes sont homĂ©omorphes et plus gĂ©nĂ©ralement, s'ils ont le mĂȘme type d'homotopie, alors leurs groupes d'homologie sont identiques.

Calculs effectifs

On peut vĂ©rifier sur quelques exemples que le calcul des groupes d'homologie d'un espace triangulĂ© par un ∆-complexe est un jeu d'enfants.

Homologie du tore

Dans le cas du tore T, , et . L'application est nulle (voir le schéma). D'autre part et .

Vu que , on a . D'autre part et , ce qui donne et .

On peut interprĂ©ter les choses ainsi : signifie que T est connexe. signifie que T se referme sur lui-mĂȘme dans deux directions diffĂ©rentes. signifie que T enferme un volume.

Homologie du ruban de Moebius

Dans le cas du ruban de Moebius, M, , et .

et donc .

On a et . Finalement .

est injective donc .

Homologie du plan projectif

Dans le cas du plan projectif, P, , et .

et donc .

On a et . Finalement . il y a une petite finesse ici, c n'est pas dans mais 2c y est.

est injective donc .

Résultats généraux

  • est un groupe abĂ©lien libre engendrĂ© par les composantes connexes de X.
  • Si X a plusieurs composantes connexes .
  • Si X est connexe, est l'abĂ©lianisĂ© du groupe fondamental .
  • En notant la sphĂšre de dimension n, on a , et dans tous les autres cas.

Notes et références

  1. (en) Glen E. Bredon (en), Topology and Geometry [dĂ©tail de l’édition], Definition IV.21.1 sur Google Livres.

Voir aussi

Bibliographie

Lien externe

Victor Mouquin, « Complexes simpliciaux et triangulation », sur EPFL,

Article connexe

Topologie numérique

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