Collage féministe
Un collage féministe est un moyen d'expression militant, consistant à coller sur les murs de l'espace public des messages féministes. Ce mode d'action est particulièrement utilisé afin de dénoncer les féminicides et violences sexistes et sexuelles, à travers l'action directe ou des collectifs le plus souvent autonomes et organisés en non-mixité ou en mixité choisie.
En France cet activisme est apparu à partir de 2016, sous forme de tags et d'affiches sobres,sous forme de collages de feuilles A4, et de s'étendre à plusieurs autres villes du monde. Cette forme d'activisme a été popularisé par le collectif Collages contre les féminicides, cofondé par marguerite Stern.
Concept
Les collages prennent la forme de phrases aux lettres noires inscrites sur des feuilles blanches et collées sur les murs[1] d'immeubles ou de maisons[2], parfois à des endroits jugés stratégiques[3]. Ils sont conçus pour attirer l'attention, faire réagir et sensibiliser le public aux violences faites aux femmes[4], plus particulièrement aux violences sexistes, sexuelles, mais aussi familiales et pédocriminelles[5].
Ils sont réalisés par des groupes de colleuses autonomes, généralement organisés en non-mixité ou en mixité choisie sans homme cisgenre[2] - [6]. Les participantes sont libres de créer leurs propres slogans[2], même s'ils peuvent être ensuite discutés au sein des groupes[5].
Histoire
En France, un collectif anonyme de femmes féministes, Insomnia, se lance en 2016 dans des actions de taggage et d'affichage pour dénoncer spécifiquement les propos sexistes, les féminicides et violences contre les femmes. Les affiches dénonçant les féminicides sont alors caractérisées par leur sobriété[7] - [8] - [9] - [10] - [11] - [12] - [13] - [14] - [15] - [16].
Les premiers collages féministes sous la forme de lettres noires sur fond blanc apparaissent en février 2019 à Marseille, à l'initiative de Marguerite Stern, militante féministe et ancienne Femen[3]. Son premier slogan dénonce la sexualisation de son corps par les hommes depuis son adolescence. En mars 2019, à la suite de l'assassinat de Julie Douib, Marguerite Stern réalise son premier collage dédié à un féminicide. Elle continue les collages à Marseille, avant d'aller à Paris et de les y importer[6] - [17]. En août 2019, le collectif Collages Féminicides Paris est créé. Marguerite Stern dit s'être retirée du collectif après un mois, en continuant à coller seule[18]. En , une divergence au sein des colleuses se manifeste : en réaction à un collage « Des sisters pas des cis terfs » du collectif Collages Féminicides de Montpellier, Marguerite Stern critique la place prise par les femmes trans dans le mouvement féministe et nie leur identité de femmes. Le collectif Collages Féminicides de Paris se désolidarise de ce point de vue, jugé transphobe[19], et il affirme ses positions en faveur de l'inclusivité et de l'intersectionnalité[6] - [20].
Les collages traitent parfois de sujets d'actualité, comme la nomination aux César de Roman Polanski en 2020, le choix de Gérald Darmanin comme ministre de l'Intérieur en France la même année[21], ou le confinement pendant la pandémie de Covid 19, associé à une nette augmentation des violences conjugales[22].
Ils sont le sujet du film documentaire Riposte féministe de Marie Perennès et Simon Depardon, présenté lors du Festival de Cannes 2022[23] puis sorti en salles en novembre de la même année.
Diffusion
Les collages féministes sont retrouvés dans plusieurs villes de France[3], mais aussi en Allemagne, en Italie, en Pologne, au Portugal, en Syrie, ou en Belgique[1]. En septembre 2020, on dénombre 200 villes en France présentant de tels collages[24]. Le concept est également repris par d'autres groupes militants dans le cadre d'autres luttes sociales : luttes LGBT+, antiracisme, validisme, génocide des Ouïghours[6].
En Israël, Illana Weizman est la fondatrice du groupe de colleuses de rues HaStickeriot[25].
Légalité
En France, le collage sur les murs ou le mobilier urbain est assimilé à de la dégradation légère de bâtiments selon l'article 322-1 du code pénal. Certains collages ont été suivis par des gardes à vue de colleuses[6].
Galerie : exemples de collages par ville
Notes et références
- Eva-Luna Tholance, « Les collages contre les féminicides s’exportent à l’étranger », sur Libération, (consulté le )
- Rachel Saadoddine, « "Coller, c'est libérateur et fort" : le mouvement féministe des collages de rue fête son premier anniversaire », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
- « « Aux femmes assassinées, la patrie indifférente » : les « colleuses » d’affiches veulent rendre visibles les victimes de féminicides », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- La Libre.be, « "Être une femme tue", "Elle le quitte, il la tue": des collages dans les rues de Bruxelles pour dénoncer les féminicides », sur LaLibre.be, (consulté le )
- Guy Pichard, « « À nos sœurs assassinées » : avec les colleuses, la parole féministe se déconfine sur les murs », sur Basta ! (consulté le )
- Faustine Kopiejwski, « 5 choses à savoir sur le mouvement Collages Féminicides - Les Inrocks », sur https://www.lesinrocks.com/ (consulté le )
- France info, édition du : « Paris : l'association antisexiste Insomnia s'en prend à des restaurants Bagelstein ? » (consulté le ).
- Virginie Cresci pour Les Inrockuptibles, édition du : « Insomnia, le nouveau collectif féministe qui lutte contre le marketing sexiste et homophobe » (consulté le ).
- Carole Boinet pour Les Inrockuptibles, édition du : « Qui est Insomnia, le nouveau collectif féministe anti-Bagelstein ? » (consulté le ).
- Agathe Ranc pour L'Obs, édition du : « Insomnia, le collectif féministe anti-Bagelstein qui tague les vitrines » (consulté le ).
- Boris Allin pour Libération, édition du : « Insomnia, en lutte contre les féminicides » (consulté le ).
- Dorian Cabrol pour Midi libre, édition du : « Des noms de femmes victimes de violences conjugales affichés dans les rues de Paris » (consulté le ).
- SR pour Le Progrès, édition du : « Violences faites aux femmes : Manon mise à l’affiche » (consulté le ).
- Violette Salle pour Aufeminin, édition du : « Pour combattre le féminicide, le collectif Insomnia a une réponse géniale » (consulté le ).
- Elvire Duvelle-Charles et Che Eduardo Lemiale pour StreetPress, édition du : « Des féministes organisent une campagne d'affichage sauvages contre les féminicides » (consulté le ).
- Katia Fache-Cadoret pour Marie Claire, archive d'avant : « Le collectif féministe insomnia affiche les noms des victimes de féminicides » (consulté le ).
- Louis-Valentin Lopez, « Marguerite Stern, 29 ans, féministe : des collages immédiats », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
- CheckNews, « Quel est le point de départ de la polémique sur la place des trans dans le féminisme ? », sur Libération, : « Je me suis retirée du mouvement au bout d'un mois, je n'avais pas envie qu'il y ait de leadeuse. »
- CheckNews, « Quel est le point de départ de la polémique sur la place des trans dans le féminisme ? », sur Libération, : « Je me suis retirée du mouvement au bout d'un mois, je n'avais pas envie qu'il y ait de leadeuse. ».
- « Le mouvement Collages féminicides se déchire sur la question trans », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- « À Laval, des affiches contre les ministres de la Justice et de l'Intérieur placardées dans des rues », sur France Bleu, (consulté le )
- « Les colleuses d’affiches antiféminicides s’adaptent au confinement », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- « Cannes 2022 : le couple qui met les « colleuses » en haut de l’affiche », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- « À Paris, la colère contre le sexisme s'affiche sur les murs », sur France 24, (consulté le )
- Caroline Six, « Pour la féministe israélienne Illana Weizman : « Notre #MeToo se produit en décalé, le débat s’ouvre enfin » - Elle », sur Elle, (consulté le )
Liens externes
- Site du collectif Collages féministes Lyon
- Denis Saint-Amand, « « Elle le quitte, il la tue ». Les collages féministes, une littérature sauvage », (consulté le )