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Code pénal de 1791

Le code pénal de 1791 a été le premier code pénal français, adopté pendant la Révolution par l'Assemblée nationale législative, entre le 25 septembre et le 6 octobre 1791. La Constitution de 1791 avait été adoptée le 3 septembre. Inspiré des principes de Beccaria, il a été remplacé en 1810 par le code pénal impérial.

Code pénal
Présentation
Langue(s) officielle(s) français
Adoption et entrée en vigueur
Adoption entre le 25 septembre
et le 6 octobre 1791
Abrogation 1er janvier 1811

L'adoption de ce code a de facto abrogé toutes les ordonnances criminelles et tous les édits royaux antérieurs pris en matière criminelle.

Présentation générale

Dans l'esprit de la DĂ©claration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, il s'appuyait en particulier sur le principe de lĂ©galitĂ©, et autres principes fondamentaux du droit Ă©noncĂ©s par Beccaria. L'appendice insiste ainsi sur la non-rĂ©troactivitĂ© des lois. La fonction du juge Ă©tait inspirĂ©e de lĂ©gicentrisme : il ne devait que qualifier le fait au regard du droit, puis, par un raisonnement logique, dĂ©duire de la loi la sanction appropriĂ©e. On rompait par lĂ  avec les procĂ©dures plus arbitraires de l'Ancien RĂ©gime. Ainsi, l'article 2 prĂ©cisait: « La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu'il puisse jamais ĂŞtre exercĂ© aucune torture envers les condamnĂ©s. Â»

Suivant le code de 1791, les peines afflictives et infamantes étaient, dans l'ordre de sévérité :

  • la mort
  • les fers, pour une durĂ©e maximale de 24 ans (remplacĂ©e par la « rĂ©clusion en maison de force » pour les femmes)
  • la gĂŞne, pour une durĂ©e maximale de 20 ans
  • la dĂ©tention, pour une durĂ©e maximale de 6 ans

Venait ensuite le bannissement, qui n'Ă©tait qu'une peine infamante (mais non afflictive).

Toutes ces peines (Ă  l'exception de la peine de mort et de la dĂ©portation) entrainaient la « dĂ©chĂ©ance de tous les droits attachĂ©s Ă  la qualitĂ© de citoyen actif Â» (une sorte de privation des droits civiques), et ce jusqu'Ă  rĂ©habilitation (titre IV, art. 1).

La notion d'homicide involontaire est introduite (titre II, section I, art. 1), empêchant toute condamnation criminelle, mais permettant le versement de dommages et intérêts (titre II, section I, art. 2). De même, la légitime défense annule toute condamnation criminelle en cas d'homicide.

Le code distingue ensuite entre meurtre (homicide sans prĂ©mĂ©ditation) et assassinat (prĂ©mĂ©ditĂ©). Il punit le viol de six annĂ©es de fer (ibid., art. 29). L'art. 32 punit quiconque ayant « volontairement dĂ©truit la preuve de l'Ă©tat civil d'une personne [d'une] peine de douze annĂ©es de fers Â». La peine la plus grave est de 24 ans (applicable pour le vol avec violence commis avec circonstances aggravantes, art. 5 section II). La perpĂ©tuitĂ© et la marque au fer rouge (une fleur-de-lys sous l'Ancien RĂ©gime), abolis par le Code de 1791, seront rĂ©introduits par le Code pĂ©nal de 1810.

Le code est en rupture par rapport aux lois antérieures :

« Le Code pénal de 1791, en effet, rompt avec l’Ancien Régime et les « crimes imaginaires » dénoncés par le rapporteur, Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau. Il est donc expurgé des crimes jugés par les défuntes officialités tels le sacrilège, le blasphème, la sodomie, la bestialité, le suicide et l’inceste. »

— Anne-Marie Sohn, Compte-rendu de Fabienne Giuliani, Les liaisons interdites. Histoire de l’inceste au XIXe siècle[1]

Le rapporteur de la loi, Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, affirma en effet que le Code pĂ©nal n’a mis hors-la-loi que les « vrais crimes Â», et non pas les « dĂ©lits factices, crĂ©Ă©s par la superstition, la fĂ©odalitĂ©, la fiscalitĂ© et le despotisme »[2]. L'absence de la mention de la sodomie, considĂ©rĂ©e jusque-lĂ  comme un crime, ou tout autre terme dĂ©signant les rapports homosexuels, fonde ainsi la dĂ©pĂ©nalisation de l'homosexualitĂ© en France. Cette dĂ©pĂ©nalisation dans le Code pĂ©nal de 1791 influença directement ou indirectement (par son successeur, le Code pĂ©nal de 1810) plusieurs pays voisins (notamment les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne et l'Italie, et plusieurs États allemands — la Bavière, le grand-duchĂ© de Bade, le Wurtemberg, le royaume de Hanovre et le duchĂ© de Brunswick — qui adoptèrent le modèle juridique français de non-criminalisation de l’homosexualitĂ© dans le cadre privĂ©[3], avant l’unification en 1871 et la gĂ©nĂ©ralisation du paragraphe 175 du Code pĂ©nal allemand Ă  tout l’Empire).

Au sujet du blasphème, l'historien Jacques de Saint Victor écrit :

« Dans son Rapport sur le code pĂ©nal, le constituant Lepeletier de Saint-Fargeau se montra très inspirĂ© par la lecture des Ă©crits du « siècle de Montesquieu et de Beccaria », selon le mot de Voltaire. Il affirma vouloir faire « disparaitre cette foule de crimes imaginaires qui grossissaient les anciens recueils de nos lois Â». Et il prĂ©cisa, Ă  propos du nouveau Code pĂ©nal : «  Vous n'y trouverez plus ces grands crimes d'hĂ©rĂ©sie, de lèse-majestĂ© divine, de sortilège, de magie [...] pour lesquels, au nom du ciel, tant de sang a souillĂ© la terre...  Â» En abolissant le dĂ©lit de blasphème, la France fut la première nation d'Europe Ă  dissocier aussi nettement le droit de la religion. Cette audace, elle la devait essentiellement au procès La Barre. Mais l'Ă©volution rapide de la conception du blasphème de la part des juristes des Lumières — il fallait protĂ©ger selon eux la sociĂ©tĂ© sans prĂ©tendre sauver l'âme du blasphĂ©mateur — avait rendu tout au long du siècle cette abolition pour ainsi dire logique. »

— Jacques de Saint Victor, Blasphème. Brève histoire d’un « crime imaginaire »[4]

Plan du Code et articles importants

Titre Premier – Des peines en général

  • Art. 1 : Les peines qui seront prononcĂ©es contre les accusĂ©s trouvĂ©s coupables par le jury, sont la peine de mort, les fers, la rĂ©clusion dans la maison de force, la gĂŞne, la dĂ©tention, la dĂ©portation[5], la dĂ©gradation civique, le carcan.
  • Art. 2 : La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu'il puisse jamais ĂŞtre exercĂ© aucune torture envers les condamnĂ©s.
  • Art. 3 : Tout condamnĂ© aura la tĂŞte tranchĂ©e.
  • Art. 14 : Tout condamnĂ© Ă  la peine de la gĂŞne sera enfermĂ© seul dans un lieu Ă©clairĂ©, sans fers ni liens ; il ne pourra avoir pendant la durĂ©e de sa peine, aucune communication avec les autres condamnĂ©s ou avec des personnes du dehors.

Titre II – De la récidive

  • Article 1 : Quiconque aura Ă©tĂ© repris de justice pour crime, s'il est convaincu d'avoir, postĂ©rieurement Ă  la première condamnation, commis un second crime emportant l'une des peines des fers, de la rĂ©clusion dans la maison de force, de la gĂŞne, de la dĂ©tention, de la dĂ©gradation civique ou du carcan, sera condamnĂ© Ă  la peine prononcĂ©e par la loi contre ledit crime ; et, après l'avoir subie, il sera transfĂ©rĂ©, pour le reste de sa vie, au lieu fixĂ© pour la dĂ©portation des malfaiteurs.
  • Article 2 : Toutefois, si la première condamnation n'a emportĂ© autre peine que celle de la dĂ©gradation civique ou du carcan, et que la mĂŞme peine soit prononcĂ©e par la loi contre le second crime dont le condamnĂ© est trouvĂ© convaincu, en ce cas le condamnĂ© ne sera pas dĂ©portĂ© ; mais, attendu la rĂ©cidive, la peine de la dĂ©gradation civique ou carcan sera convertie dans celle de deux annĂ©es de dĂ©tention.

Titre III – De l'exécution des jugements contre un accusé contumax

  • Article 1 : Lorsqu’un accusĂ© aura Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  l'une des peines Ă©tablies ci-dessus, il sera dressĂ© dans la place publique de la ville oĂą le jury d'accusation aura Ă©tĂ© convoquĂ©, un poteau auquel on appliquera un Ă©criteau indicatif des noms du condamnĂ©, de son domicile de sa profession, du crime qu'il a commis et du jugement rendu contre lui.
  • Article 2 : Un Ă©criteau restera exposĂ© aux yeux du peuple pendant douze heures, si la condamnation emporte la peine de mort ; pendant six heures, si la condamnation emporte la peine des fers ou de la rĂ©clusion dans la maison de force ; pendant quatre heures, si la condamnation emporte la peine de la gĂŞne ; pendant deux heures, si la condamnation emporte la peine de la dĂ©tention, et de la dĂ©gradation civique ou du carcan.

Titre IV – Des effets des condamnations

  • Article 1 : Quiconque aura Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  l'une des peines des fers, de la rĂ©clusion dans la maison de force, de la gĂŞne, de la dĂ©tention, de la dĂ©gradation civique ou du carcan, sera dĂ©chu de tous les droits attachĂ©s Ă  la qualitĂ© de citoyen actif, et rendu incapable de les acquĂ©rir.

Il ne pourra être rétabli dans ses droits, ou rendu habile à les acquérir, que sous les conditions et dans les délais qui seront prescrits au titre de la réhabilitation.

  • 8 articles en tout.

Titre I – Crimes et attentats contre la chose publique

  • Section I – Des crimes contre la sĂ»retĂ© extĂ©rieure de l'État.
  • Section II – Des crimes contre la sĂ»retĂ© intĂ©rieure de l'État.
  • Section III – Crimes et attentait contre la constitution
  • Section IV – DĂ©lits des particuliers contre le respect et l'obĂ©issance dus Ă  la loi et Ă  l'autoritĂ© des pouvoirs constituĂ©s pour la faire exĂ©cuter.
  • Section V – Crimes des fonctionnaires publics dans l'exercice des pouvoirs qui leur sont confiĂ©s.
  • Section VI – Crimes contre la propriĂ©tĂ© publique.

Titre II – Crimes contre les particuliers

SECTION I – Crimes et attentats contre les personnes.

  • Article 1 : En cas d'homicide commis involontairement, s'il est prouvĂ© que c'est par un accident qui ne soit l'effet d'aucune sorte de nĂ©gligence ni d'imprudence de la part de celui qui l'a commis, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu Ă  prononcer aucune peine ni mĂŞme aucune condamnation civile.
  • Article 2 : En cas d'homicide commis involontairement, mais par l'effet de l'imprudence ou de la nĂ©gligence de celui qui l'a commis, il n'existe point de crime, et l’accusĂ© sera acquittĂ© ; mais en ce cas, il sera statuĂ© par les juges sur les dommages et intĂ©rĂŞts, et mĂŞme sur les peines correctionnelles, suivant les circonstances.
  • Article 3 : Dans le cas d'homicide lĂ©gal, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu Ă  prononcer aucune peine ni aucune condamnation civile.
  • Article 4 : L'homicide est commis lĂ©galement, lorsqu'il est ordonnĂ© par la loi, et commandĂ© par une autoritĂ© lĂ©gitime.

SECTION II – Crimes et délits contre les propriétés.

Appendice

Pour tout fait antérieur à la publication du présent Code, si le fait est qualifié crime par les lois actuellement existantes, et qu'il ne le soit pas par le présent décret ; ou si le fait est qualifié crime par le présent Code, et qu'il ne le soit pas par les lois anciennes, l'accusé sera acquitté, sauf à être correctionnellement puni s'il y échoit.

Si le fait est qualifié crime par les lois anciennes et par le présent décret, l'accusé qui aura été déclaré coupable, sera condamné aux peines portées par le présent Code.

Les dispositions du présent Code n'auront lieu que pour les crimes qui auront été poursuivis par voie de jurés.

Références

  1. Sohn 2015.
  2. RĂ©venin 2005.
  3. Beachy 2014.
  4. de Saint Victor 2016.
  5. Dans des lieux appelés respectivement maison de gêne et maison de détention.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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