Campagne libératrice de la Nouvelle-Grenade
La Campagne libĂ©ratrice de la Nouvelle-Grenade est une campagne militaire entreprise par SimĂłn BolĂvar au dĂ©but de l'annĂ©e 1819 pour libĂ©rer la Nouvelle-Grenade (actuelle Colombie) de la domination espagnole. La campagne cherche Ă se conformer aux dĂ©cisions prises lors du Congrès d'Angostura, au cours duquel il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de la crĂ©ation de la RĂ©publique de Colombie, État regroupant les anciennes colonies espagnoles de la Capitainerie gĂ©nĂ©rale du Venezuela, la Vice-royautĂ© de Nouvelle-Grenade et la Real Audiencia de Quito, territoires qui, Ă l'exception du sud et de l'est du Venezuela, sont alors sous domination espagnole. BolĂvar dĂ©cide que, Ă la suite de la retraite de Pablo Morillo dans ses quartiers d'hiver de Calabozo après la campagne d'Apure, le moment est opportun d'effectuer la pleine libĂ©ration de la Nouvelle-Grenade. La campagne dure 77 jours, du , lorsque BolĂvar expose son plan aux chefs de l'armĂ©e patriotique dans le village de Setenta, au 10 aoĂ»t de la mĂŞme annĂ©e, lorsque BolĂvar entre sans rĂ©sistance Ă Bogota, la capitale de la Nouvelle-Grenade.
Date | - |
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Lieu | Nouvelle-Grenade (Colombie actuelle) |
Issue |
Victoire des indépendantistes Création de la République de Colombie |
Nouvelle-Grenade Venezuela LĂ©gion britannique | Empire espagnol |
SimĂłn BolĂvar | JosĂ© MarĂa Barreiro |
4 300 soldats | 4 500 soldats |
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Première république (1810-1815)
ReconquĂŞte espagnole (1815-1819)
Campagne libératrice (1819)
Grande Colombie (1819-1824)
Batailles
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DĂ©but de la campagne
Au dĂ©but de l'annĂ©e 1819, JosĂ© MarĂa Barreiro qui commande les troupes royalistes en Nouvelle-Grenade, dispose d'au moins 4 500 hommes formĂ©s et Ă©quipĂ©s, sans compter les troupes de garnisons sur tout le territoire. Dans le mĂŞme temps, Simon BolĂvar ne peut rassembler qu'environ 2 200 soldats, organisĂ©s en quatre bataillons, trois rĂ©giments, un escadron et une compagnie d'artillerie qui manquait de canons. Ces soldats sont pour la plupart (Ă l'exception de la LĂ©gion britannique) crĂ©oles, mĂ©tis, mulâtres, zambos, noirs et indigènes, recrutĂ©s pour beaucoup d'entre eux dans les plaines du Venezuela. Le plan initial est de dĂ©placer l'armĂ©e de BolĂvar du Venezuela jusqu'au Casanare en Nouvelle-Grenade pour faire la jonction avec les hommes de Francisco de Paula Santander et d'entrer sur le territoire nĂ©ogrenadin par la route de Tunja pour combattre les troupes du vice-roi Juan de Sámano. Il est prĂ©vu une manĹ“uvre de diversion de JosĂ© Antonio Páez sur la ville de CĂşcuta, qui ne sera finalement pas effectuĂ©e, impliquant 1 000 cavaliers qui, de plus, doivent opĂ©rer dans la province de Barinas. Cette manĹ“uvre a pour but de tromper Morillo sur l'objet rĂ©el de la marche et attirer Ă CĂşcuta et Pamplona l'armĂ©e qui dĂ©fend les provinces centrales de la Nouvelle-Grenade. Il est Ă©galement prĂ©vu que la cinquième division de l'armĂ©e royaliste, sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Latorre, ne vienne pas en territoire nĂ©ogrenadin pour aider la troisième dĂ©jĂ en place[1].
Le , 2 186 soldats de l'armĂ©e patriote marchent de Mantecal jusqu'Ă Guasdualito, cette dernière, une ville frontière avec la Colombie, situĂ© au bord du rĂo Arauca. Il s'agissait de quatre bataillons d'infanterie : Rifles, commandĂ©e par le colonel Arturo Sandes ; Barcelona, dirigĂ©e par le colonel Ambrosio Plaza (es) ; Bravos de Páez menĂ©e par le colonel JosĂ© de la Cruz Carrillo et la LegiĂłn Británica, sous les ordres du colonel James Rooke qui comptait entre 160 et 200 hommes[2] et amène le total de l'effectif de tous les bataillons Ă 2 332 hommes. Par la suite, elle comptera 40 hommes d'artillerie disposant de 4 pièces sous le commandement du colonel BartolomĂ© Salom (es) et de 814 cavaliers, distribuĂ©s en trois bataillons : HĂşsares, Llano arriba et GuĂas sous le commandement entre autres des colonels Juan JosĂ© RondĂłn, Leonardo Infante, Lucas Carvajal et Guillermo Iribarren qui dĂ©sertera le 3 juin avec l'escadron hĂşsares.
Avance dans le territoire de Nouvelle-Grenade
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Carte de la campagne libératrice de la Nouvelle-Grenade
L'armĂ©e de BolĂvar franchit le rĂo Arauca le , entrant sur le territoire nĂ©ogrenadin dans ce qui est alors la province de Casanare. Elle arrive Ă Tame le 11 juin, oĂą elle rejoint le gĂ©nĂ©ral colombien Francisco de Paula Santander, qui y a rĂ©uni une armĂ©e de quelque 1 600 hommes d'infanterie et 600 cavaliers. Au moment de leur rencontre, les armĂ©es patriotes comptent un effectif de près de 4 300 soldats. Cependant, d'autres sources disent que le nombre total des troupes ne s'Ă©levait alors qu'Ă 2 500 hommes[3]. La route de Guasdualito Ă Tame, totalisant quelque 200 km, est rĂ©alisĂ©e en plein hiver et les troupes souffrent Ă cause de la crue des fleuves, des pluies constantes, des inondations, des pĂ©nuries alimentaires et de l'incapacitĂ© Ă obtenir du ravitaillement ; de plus les armes doivent ĂŞtre conservĂ©es au sec avec le peu de munitions dont ils disposent.
L'entrĂ©e des hauts plateaux de la Cordillère Orientale est gardĂ©e par des troupes de la Troisième Division, qui compte rien que dans la ville de Tunja 2 400 fantassins et 400 cavaliers commandĂ©s par le colonel d'artillerie JosĂ© MarĂa Barreiro[4]. Ă€ Tame, BolĂvar avait trois options pour marcher sur la ville de Tunja. La première par la saline de Cheeta, est le chemin le plus court et confortable pour les troupes grâce Ă l'existence de villages oĂą passer la nuit, mais aussi le plus surveillĂ© par les troupes royalistes postĂ©es dans la rĂ©gion et conscientes de la menace que constitue Santander Ă partir de la plaine orientale. La seconde voie passe par Labranzagrande pour prendre Sogamoso, oĂą se trouve le quartier gĂ©nĂ©ral royaliste. La troisième voie, le páramo de Pisba, est une route inhospitalière mais pas surveillĂ©e par les Espagnols, ce qui donnerait un effet de surprise sur les troupes royalistes.
Après quatre jours de repos à Tame, les troupes se déplacent dans des conditions hivernales sévères jusqu'à Pore, capitale de la province de Casanare, où elles arrivent le . Elles se trouvent alors au pied de la cordillère orientale des Andes colombiennes.
Bataille de Paya et passage des Andes
Depuis la ville de Pore, l'armée de libération poursuit sa marche dans la cordillère Orientale, arrivant au fort de Paya, où le 27 juin, l'avant-garde menée par Santander met en fuite les 300 soldats de la garnison royaliste qui se réfugient à Labranzagrande. Cet épisode est connu sous le nom de bataille de Paya[4].
Le 2 juillet, l'armĂ©e reprend la marche et franchit la cordillère des Andes Ă travers le páramo de Pisba le 5 juillet, l'avant-garde arrivant le mĂŞme jour Ă Socha oĂą BolĂvar la rejoint le lendemain avec l'armĂ©e principale. Durant cette traversĂ©e, plusieurs soldats meurent ou dĂ©sertent et beaucoup tombent malades. En outre, la cavalerie a Ă©tĂ© très diminuĂ©e, ce qui rĂ©duit la capacitĂ© de transport de troupes, de fournitures, d'armes et de munitions[4]. Dans la ville de Socha, l'armĂ©e libĂ©ratrice s'accorde quatre jours de repos pour se remettre du difficile voyage, reconstituer les rĂ©serves et rĂ©organiser les armes et les munitions.
Bataille de Gámeza
Le lendemain de l'arrivĂ©e Ă Socha, BolĂvar ordonne une inspection de la zone qui trouve un dĂ©tachement royaliste Ă Corrales de Bonza. JosĂ© MarĂa Barreiro, alors en poste Ă Sogamoso, est informĂ© de la prĂ©sence des troupes insurgĂ©es et ordonne leur recherche avec deux colonnes de 800 hommes chacune, sur les deux cĂ´tĂ©s de la rivière Sogamoso. Le 10 juillet, ils arrivèrent Ă Corrales et Ă Gámeza, respectivement sur les rives gauche et droite. Le 11 juillet, Ă Corrales, le colonel Justo Briceño (es) attaque les royalistes aux commandes d'un escadron, les forçant Ă se replier sur TĂłpaga et Ă Gámeza une compagnie de l'armĂ©e de libĂ©ration est attaquĂ©e par les Espagnols, se retirant avec de lourdes pertes. BolĂvar ordonna la contre-attaque de l'avant-garde dirigĂ©e par Santander, qui les oblige Ă se replier Ă©galement sur TĂłpaga, ouvrant la voie Ă Gámeza, oĂą ils retrouvent les Espagnols qui ont combattu Ă Corrales de Bonza. L'armĂ©e de BolĂvar, se rĂ©organise Ă son tour Ă Tasco sous le feu ennemi et est rapidement placĂ©e en formation de combat, mais l'armĂ©e royaliste voyant la supĂ©rioritĂ© de l'ennemi fuit la bataille et se replie sur une colline appelĂ©e El Molino oĂą des renforts sont attendus et oĂą ils ont une meilleure position pour se battre. Finalement, après huit heures d'actions, BolĂvar suspend l'attaque et se dĂ©place Ă Gámeza oĂą toute l'armĂ©e est rassemblĂ©e. Cette sĂ©rie d'actions militaires est connu historiquement comme la bataille de Gámeza.
Bataille du Pantano de Vargas
Après la bataille de Gámeza, l'armée libératrice, se replie à nouveau à Tasco le 12 juillet et entre à Corrales le 20 juillet en ordre de bataille à la recherche d'une rencontre avec Barreiro, mais celui-ci évite le combat et se poste dans les hauteurs. Dans ces circonstances, le matin du 25 juillet, Bolivar ordonne de reprendre la marche en direction de Paipa, avec l'intention de couper la communication de l'armée royaliste avec Bogotá : Barreiro comprend la menace et mobilise ses troupes pour l'arrêter, le rencontrant enfin au Pantamo de Vargas. Le jour de la bataille, le 25 juillet, Bolivar dispose d'environ 2 200 hommes. Les troupes patriotes attaquent les Espagnols de front, mais ceux-ci ont l'avantage du terrain et au moins 3 000 soldats, ce qui fait pencher la bataille en leur faveur. Bolivar place deux bataillons d'infanterie sous le commandement de José Antonio Anzoátegui sur la droite et le reste de l'infanterie sous le commandement de Santander sur la gauche, et à l'arrière la cavalerie sous son commandement. Barreiro organise ses forces en trois lignes en tirant parti de la pente. Les deux parties envoient des bataillons d'infanterie dans des attaques et contre-attaques successives. À la fin de la journée, au sein des deux armées, les dernières ressources sont lancées dans la bataille, et la balance penchant en faveur de l'espagnol, Bolivar attaque avec la cavalerie restée en réserve, placée sous le commandement du colonel Juan José Rondón. Les Espagnols, totalement désorganisés à ce moment, ne peuvent résister à la charge des lanciers tandis que l'infanterie gagne du terrain sur les royalistes, les forçant à battre en retraite. Le colonel James Rooke, commandant la Légion britannique, est blessé durant la bataille et meurt quelques jours plus tard[2].
Bataille de Boyacá
La victoire de la bataille du Pantano de Vargas empêche des renforts espagnols d'atteindre Bogota, très faiblement défendue. Au matin du 7 août, les forces de Bolivar, alors à Tunja, et l'armée espagnole se dirigent toutes deux vers Bogota. L'avant-garde des royalistes atteint Casa de Teja à 13h30, alors que l'arrière-garde se trouve encore à un kilomètre et demi derrière. Peu avant 14h, des éclaireurs des deux avant-gardes se repèrent mutuellement et l'avant-garde espagnole traverse le pont de Boyacá et prend ses positions tandis que les forces patriotes au grand complet atteignent Casa de Teja. L'arrière-garde royaliste est toujours derrière, aussi le général Anzoátegui ordonne-t-il de bloquer le passage entre les deux segments de l'armée adverse. L'arrière-garde espagnole, largement dépassée en nombre, bat en retraite vers une colline proche de Casa de Piedra.
Simon Bolivar ordonne alors une attaque de flanc sur l'arrière-garde ennemie avec deux bataillons attaquant par la droite et la Légion de volontaires britanniques par la gauche. Submergés, les Espagnols battent en retraite sans direction précise et Bolivar donne l'ordre à ses lanciers d'attaquer le centre de l'infanterie royaliste, tandis qu'un escadron de cavalerie espagnol fuit la bataille. Malgré une dernière résistance et exposé à un feu nourri, le colonel Barreiro, qui commande l'arrière-garde royaliste, offre alors sa reddition.
Pendant ce temps, un kilomètre et demi plus loin, l'avant-garde des patriotes, sous les ordres de Francisco de Paula Santander, entreprend de traverser la rivière Teatinos par un gué afin d'approcher par l'arrière son homologue espagnole. Une fois la manœuvre effectuée, l'avant-garde patriote engage le combat tandis que le reste de l'armée essaie de traverser le pont en menant une charge à la baïonnette. Les royalistes prennent la fuite en laissant leur colonel sur le champ de bataille. La bataille se termine vers 16h.
Environ 1 600 prisonniers sont faits à l'issue de cette bataille qui ouvre la route de Bogota aux patriotes et assure la libération du pays. Santander et Anzoátegui sont tous deux promus au grade de général de division après la bataille.
RĂ©sultat de la campagne
Lorsqu'il apprend la nouvelle de la défaite de ses troupes, le vice-roi de Nouvelle-Grenade Juan de Sámano fuit Bogota et parvient à s'échapper par Carthagène des Indes.
BolĂvar arrive Ă Santafe de Bogotá oĂą il entre sans rĂ©sistance le Ă 5:00 p.m. mettant fin Ă la campagne libĂ©ratrice de la Nouvelle-Grenade.
La bataille de Boyacá est un triomphe décisif sur le pouvoir espagnol en Nouvelle-Grenade. Bien que les royalistes restent puissamment implantés dans d'autres provinces de la vice-royauté comme à Santa Marta et Pasto, où ils résisteront durant plusieurs années, la capitale est tombée entre les mains des patriotes et a ainsi ouvert la voie à l'union de la Nouvelle-Grenade avec le Venezuela dans la République de Colombie.
Toutefois, les campagnes indépendantistes se poursuivent : Antonio José de Sucre marche au sud vers Pasto, l'Audiencia de Quito, la vice-royauté du Pérou et du Haut-Pérou, tandis que Bolivar a à faire à l'ouest du Venezuela, qui est encore sous le contrôle des royalistes avec 27 000 soldats prêts à l'affronter[5].
Références
- (es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Campaña Libertadora de Nueva Granada » (voir la liste des auteurs).
- (es) Lucas Morán Arce, Enciclopedia de Colombia, vol. 2, (ISBN 8439968612)
- (Morán Arce 1977, p. 351-352)
- (es) Coronel Guillermo Plazas Olarte - UK in Colombia, « Legión Británica en la Independencia de Colombia »
- (Morán Arce 1977, p. 352)
- (Morán Arce 1977, p. 353)
- Ensayos histĂłricos. Rufino Blanco-Fombona & Rafael RamĂłn Castellanos. Fundacion Biblioteca Ayacuch, 1981, p. 367.
« tropas realistas de Venezuela, ahora a espaldas de BolĂvar, llegan a 27.000 hombres, o un poco más. »