CĂ©sar Zama
CĂ©sar Zama[1] (CaetitĂ©, 1837 â Salvador, 1906) Ă©tait un mĂ©decin, homme politique, journaliste, historien et Ă©crivain brĂ©silien.
CĂ©sar Zama | |
Fonctions | |
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Député provincial de la Bahia | |
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Député général (=national) pour la Bahia | |
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Membre de lâassemblĂ©e constituante | |
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Député fédéral pour la Bahia | |
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Biographie | |
Nom de naissance | Aristides CĂ©sar SpĂnola Zama |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Caetité (Bahia, Brésil) |
Date de décÚs | |
Lieu de décÚs | Salvador |
Nature du décÚs | Naturelle |
Nationalité | Brésilienne |
PĂšre | Cesare Zama |
MĂšre | Rita de Sousa SpĂnola Soriano |
Conjoint | HermĂnia Faria Rocha |
Enfants | NĂ©ant |
DiplÎmé de | Faculté de médecine de Salvador |
Profession | MĂ©decin de formation (nâexerça pas ou guĂšre) ; journaliste, Ă©crivain, historien. |
Religion | Catholique |
Résidence | Salvador (Brésil) |
MĂ©decin de formation, il ne pratiqua cependant guĂšre, mais sâimpliqua de bonne heure dans la politique et fut Ă©lu dĂ©putĂ© national pour la Bahia, dâabord sous lâEmpire, puis sous la RĂ©publique. Il sâengagea en faveur de lâabolition de lâesclavage, fut en plein rĂ©gime impĂ©rial un ardent dĂ©fenseur de la rĂ©publique, permit que fĂ»t accompli un premier pas en direction de lâĂ©galitĂ© lĂ©gale entre hommes et femmes, et lutta pour le rĂ©tablissement de la dĂ©mocratie constitutionnelle aprĂšs le coup de force de Deodoro da Fonseca en 1891 et contre les dĂ©rives autoritaires du marĂ©chal Floriano Peixoto dans les annĂ©es suivantes ; il sâopposa Ă Rui Barbosa sur nombre de sujets, notamment sur la gestion financiĂšre (dĂ©nonçant lâEncilhamento), sur le conflit de Canudos, et sur le suffrage censitaire. Dans la Bahia, oĂč il jouissait dâune grande considĂ©ration auprĂšs du peuple, il rĂ©ussit, en faisant assiĂ©ger par une foule de ses partisans le palais du gouverneur Ă Salvador, Ă Ă©vincer du pouvoir le gouverneur et grand propriĂ©taire foncier JosĂ© Gonçalves da Silva, qui avait ouvertement soutenu Fonseca.
DĂ©finitivement retirĂ© de la politique parlementaire en 1894, il se voua ensuite Ă lâĂ©criture dâarticles de presse et dâouvrages traitant de lâhistoire, tant contemporaine que de lâAntiquitĂ©.
Biographie
Enfance et jeunesse
La mĂšre de CĂ©sar Zama, Rita de Sousa SpĂnola Soriano, appartenait Ă une famille fortunĂ©e Ă©tablie Ă CaetitĂ©, dans le sud de la Bahia, famille dont procĂ©deront plusieurs personnalitĂ©s brĂ©siliennes connues, comme AnĂsio Teixeira, Aristides SpĂnola, entre autres. Rita de Sousa SpĂnola Ă©pousa en secondes noces Cesare Zama, mĂ©decin italien, originaire de la ville de Faenza, dans le nord de lâItalie, qui, sous le coup dâune accusation de conspiration, avait quittĂ© son pays en compagnie de son collĂšgue Libero BadarĂČ pour se rĂ©fugier au BrĂ©sil ; le Dr. Zama avait ensuite, le , prĂ©sentĂ© pour accrĂ©ditation ses diplĂŽmes de mĂ©decine Ă la session de la Chambre municipale de CaitetĂ©, ainsi que son attestation dâexamen lâautorisant Ă exercer la mĂ©decine au BrĂ©sil. Câest du reste dans lâexercice de sa profession que le Dr. Zama fut appelĂ© au chevet du premier mari de Rita de Souza SpĂnola et quâil fit sa connaissance. Cependant, le malade, qui avait eu sept enfants avec son Ă©pouse, succomba, et la veuve, riche et dâune famille patricienne traditionnelle, cĂ©da â chose fort rare dans lâarriĂšre-pays Bahianais â aux avances du mĂ©decin Ă©tranger et lâĂ©pousa. De ce mariage naquit Aristides CĂ©sar SpĂnola Zama, unique enfant du couple[2]. La famille de la femme toutefois rĂ©pudia cette alliance et se montra hostile Ă lâItalien, en raison notamment de sa personnalitĂ© et de son tempĂ©rament.
Le pĂšre de CĂ©sar Zama Ă©tait en effet rĂ©putĂ© badin, mais aussi atrabiliaire et dâune nature violente, et passait pour abuser de la confiance qui lui Ă©tait accordĂ©e de par son office et de sa connaissance intime des situations familiales. Sâil sâĂ©tait donc fait une multitude dâennemis, ce fut pourtant son esclave, du nom dâAntĂŽnio, qui Ă la suite dâune punition sâempara de lâarme de son maĂźtre et, au moment oĂč celui-ci se rendait au chevet dâun malade, lâassassina. Lâincident se produisit en 1840, au moment oĂč CĂ©sar Zama avait deux ans. Un charpentier du nom de FiĂșza fut injustement accusĂ© du crime et mourut des suites des tortures subies en prison. AprĂšs la dĂ©couverte du vĂ©ritable auteur, celui-ci fut pendu, mais dĂ©jĂ une rĂ©volte avait Ă©clatĂ© dans la ville, au cours de laquelle la potence dressĂ©e sur la grandâplace et aussi le pilori, vestiges de la domination portugaise, furent nuitamment incendiĂ©s et dĂ©truits[3]. Il sâagit dâailleurs de la derniĂšre exĂ©cution capitale accomplie dans la ville de CaetitĂ© ; la potence ne sera plus jamais Ă©rigĂ©e ensuite.
Ă nouveau veuve, Rita de Sousa SpĂnola, sans doute pour prĂ©server son enfant du scandale, sâen fut sâinstaller avec les enfants de ses deux mariages Ă Lençóis, dans les Lavras Diamantinas, et Aristides Cezar SpĂnola Zama sera envoyĂ© Ă Salvador pour y faire ses Ă©tudes dans les meilleures Ă©coles[4], probablement au collĂšge Bahiano, du renommĂ© baron de MacaĂșbas, ou au collĂšge SĂŁo JoĂŁo, câest-Ă -dire dans les mĂȘmes Ă©tablissements que frĂ©quentaient aussi plusieurs contemporains et compatriotes bahianais destinĂ©s comme lui Ă la cĂ©lĂ©britĂ© politique ou littĂ©raire : PlĂnio de Lima, Aristides de Souza SpĂnola, Joaquim Manoel Rodrigues Lima, Castro Alves et Ruy Barbosa.
Formation et débuts dans la politique
Dans la dĂ©cennie 1860, il sâinscrivit Ă la facultĂ© de mĂ©decine de Salvador, oĂč il sera le condisciple de Joaquim Manoel Rodrigues Lima. La guerre de la Triple Alliance Ă©clata alors quâil effectuait sa quatriĂšme annĂ©e Ă la facultĂ©, et Zama ainsi que Rodrigues Lima dĂ©cidĂšrent en 1865 de sâengager comme volontaires dans les hĂŽpitaux de campagne. Zama organisa alors un mouvement pour obtenir que les Ă©tudiants de quatriĂšme annĂ©e pussent bĂ©nĂ©ficier eux aussi de la perspective de se voir dĂ©cerner le diplĂŽme de mĂ©decine Ă lâissue du service militaire volontaire, comme cela avait Ă©tĂ© promis par lâempereur aux Ă©tudiants de cinquiĂšme annĂ©e. CĂ©sar Zama obtint gain de cause[3] - [5].
Revenu Ă CaetitĂ© au terme de sa formation mĂ©dicale, il nâexerça jamais la profession de mĂ©decin, mais se lança bientĂŽt dans la politique, comme nombre dâautres grands intellectuels bahianais de sa gĂ©nĂ©ration, en particulier Joaquim Manoel Rodrigues Lima et Aristides de Souza SpĂnola, ce dernier devenant dĂ©putĂ© gĂ©nĂ©ral (câest-Ă -dire national) pour la province de Bahia de 1878 Ă 1881, puis, sur dĂ©signation de lâempereur, prĂ©sident de la province de GoiĂĄs de Ă [6]. Quant Ă Cezar Zama, il sut se faire Ă©lire dĂ©putĂ© provincial â une premiĂšre fois en 1860, renouvelant ensuite plusieurs fois son mandat jusquâĂ 1865 â, et fut deuxiĂšme secretaire du comitĂ© de direction de lâAssemblĂ©e bahianaise en 1862. Ă partir de 1868, il sera Ă nouveau Ă©lu dĂ©putĂ© provincial pour plusieurs lĂ©gislatures, et ce jusquâen 1878.
Zama Ă©pousa Ă Salvador HermĂnia Faria Rocha, sĆur du gĂ©nĂ©ral Faria Rocha. Le couple habitait Praça da Piedade, dans le centre de Salvador, et resta sans enfants. Il gagna â et dĂ©pensa â pas mal dâargent, menait grand train, et offrait des repas raffinĂ©s et variĂ©s, auxquels il admettait les convives de son seul choix, sans considĂ©ration de position sociale ou de couleur de peau.
En 1878, toujours sous lâEmpire, il fut Ă©lu dĂ©putĂ© gĂ©nĂ©ral pour la Bahia ; ayant pu ensuite renouveler son mandat, il lui fut donnĂ© de prĂ©sider, conjointement avec un autre dĂ©putĂ©, lâultime session parlementaire de lâEmpire, avant quâil ne fĂ»t mis fin brutalement au rĂ©gime impĂ©rial par le coup dâĂtat rĂ©publicain de . Mais auparavant, sous lâEmpire, CĂ©sar Zama avait rejoint les rangs des abolitionnistes et des rĂ©publicains et se montra lâun des dĂ©putĂ©s les plus actifs, se signalant par sa prĂ©sence dâesprit et son sens de la repartie lors des divers grands dĂ©bats qui agitaient alors le pays â ainsi p.ex., lorsque le patron minier Valadares, interpellĂ© par Zama Ă propos de la loi dite des sexagĂ©naires, tenta de rĂ©futer les arguments de Zama en faveur de lâabolition en lui rĂ©torquant : « Votre Excellence est mĂ©decin, et donc parle sous le point de vue juridique de la mĂ©decine », Zama rĂ©pliqua : « Non. Je parle sous le point de vue juridique du Christ, qui prĂȘchait que tous les hommes sont Ă©gaux, et comme quelquâun qui ne tient pas un de ses semblables en esclavage. »[3]
Chute de lâEmpire et assemblĂ©e constituante
Au lendemain de la proclamation de la rĂ©publique, survenue le , Zama fonda Ă Salvador O Pequeno Jornal (journal Ă tendance politique qui combattait le gouverneur Manuel Vitorino, investi dans cette fonction par le marĂ©chal Deodoro da Fonseca, chef du gouvernement provisoire), et fut appelĂ© Ă siĂ©ger dans lâassemblĂ©e constituante convoquĂ©e en vue dâĂ©laborer la premiĂšre Carta magna de la RĂ©publique brĂ©silienne. Sâopposant Ă Joaquim Manoel Rodrigues Lima, il dĂ©fendit le point de vue que la souverainetĂ© nationale rĂ©sidait dans le congrĂšs constituant, lequel nâavait rien Ă voir avec le pouvoir exĂ©cutif, et voulut donc faire admettre, par voie dâamendement, que tout sĂ©nateur ou dĂ©putĂ© nommĂ© ensuite ministre nâeĂ»t point Ă renoncer Ă son siĂšge et que les ministres qui nâĂ©taient pas sĂ©nateurs ou dĂ©putĂ©s pussent participer aux sĂ©ances consacrĂ©es Ă la discussion du budget relatif Ă leur domaine de compĂ©tence respectif. Il proposa Ă©galement que le sĂ©nat fĂ»t renouvelĂ© tous les six ans et se fit lâavocat du suffrage des femmes, affirmant dans un de ses discours quâil « suffirait que lâun quelconque des pays importants dâEurope leur accorde (aux femmes) les droits politiques pour que nous les imitions. Nous avons un faible pour lâimitation » ; en consĂ©quence, il souscrit Ă lâamendement de Joaquim Saldanha Marinho tendant Ă concĂ©der le droit de vote aux femmes moyennant que celles-ci fussent dĂ©tentrices dâun diplĂŽme, employĂ©es dans la fonction publique, mariĂ©es, ou occupĂ©es Ă gĂ©rer leurs propres biens. Plus tard, il prĂ©senta, en association avec Saldanha, un autre amendement tendant Ă ce que les femmes ne pourraient exercer de droits politiques que lors dâĂ©lections municipales. Il sâopposa violemment Ă lâaccord commercial que le BrĂ©sil sâapprĂȘtait Ă signer avec les Ătats-Unis dâAmĂ©rique. Parmi les mesures prĂ©conisĂ©es par Zama figuraient encore : le droit de vote pour les Ă©tudiants de lâenseignement supĂ©rieur ayant atteint leurs 18 ans ; lâorganisation du pouvoir judiciaire de telle sorte quâil fĂ»t rĂ©gulĂ© par le lĂ©gislateur national et par celui des Ătats fĂ©dĂ©rĂ©s ; la cession aux Ătats fĂ©dĂ©rĂ©s de la compĂ©tence en matiĂšre de droit de base, lesdits Ătats fĂ©dĂ©rĂ©s restant tenus de maintenir lâinstitution du jury ; la nationalisation de la navigation de cabotage ; et la libertĂ© religieuse[7].
Action politique sous la RĂ©publique
La nouvelle constitution une fois promulguĂ©e le , CĂ©sar Zama fut Ă©lu et alla au mois de juin suivant exercer un mandat ordinaire Ă la Chambre des dĂ©putĂ©s. Durant la pĂ©riode anticonstitutionnelle (1891-1894) de la prĂ©sidence de Floriano Peixoto, Zama affronta ce dernier Ă plusieurs reprises et devint par lĂ mĂȘme un adversaire implacable de Rui Barbosa, quâil dĂ©nonça comme le grand responsable des mĂ©faits perpĂ©trĂ©s contre la nation et le peuple du BrĂ©sil, tels que lâEncilhamento (bulle financiĂšre), le suffrage censitaire et la sanglante guerre intĂ©rieure contre la communautĂ© religieuse de Canudos en 1896-97[8] ; en vĂ©ritĂ©, le Dr. CĂ©sar Zama fut le seul dĂ©putĂ© de la Chambre qui sâenhardit Ă analyser et Ă critiquer avec courage les actes du prĂ©sident en exercice et Ă faire obstacle Ă son pouvoir discrĂ©tionnaire. Cependant, redoutant quelque action violente de la part de celui qui entrerait dans lâhistoire du BrĂ©sil comme le marĂ©chal de fer, il nâapparaissait Ă la Chambre que revĂȘtu de lâuniforme militaire, Ă©tant en effet titulaire du grade de colonel honoraire, distinction qui lui avait Ă©tĂ© accordĂ©e par le gouvernement de la rĂ©publique, et de fait, nonobstant cette vigoureuse opposition contre sa politique, Floriano Peixoto, qui disposait des pleins pouvoirs, nâentreprit rien contre Zama et respecta lâimmunitĂ© de sa fonction. Cette courageuse attitude dâopposition franche et consĂ©quente au pouvoir en place lui vaudra Ă son retour Ă Bahia, au terme de la lĂ©gislature, une extraordinaire acclamation populaire.
En 1891, Zama rĂ©ussit Ă inciter le peuple de la capitale bahianaise Ă cerner la rĂ©sidence du gouverneur JosĂ© Gonçalves da Silva. Celui-ci en effet, nommĂ© Ă ce poste Ă la faveur de la dictature qui allait sâinstallant dans la rĂ©publique, sâĂ©tait applaudi du coup de force de Deodoro da Fonseca, le , et donnĂ© ouvertement son appui Ă la dissolution du congrĂšs. La rĂ©action qui sâensuivit, 20 jours plus tard, entraĂźna la dĂ©mission de Fonseca et la prise de pouvoir par le vice-prĂ©sident, le marĂ©chal Floriano Peixoto ; Ă la suite de cette reprise en mains par le groupe florianiste, les gouverneurs qui avaient soutenu Fonseca furent destituĂ©s, y compris JosĂ© Gonçalves. Dans la Bahia, lâopposition intrigua donc pour obtenir son Ă©viction en tant que gouverneur de la Bahia, et dans la matinĂ©e du , le tribun Cezar Zama, qui jouissait dâun grand ascendant sur le peuple, se plaça Ă la tĂȘte dâune foule de quelque 3 000 partisans pour exiger la dĂ©mission du gouverneur. Zama pouvait par ailleurs compter sur la sympathie des troupes fĂ©dĂ©rales stationnĂ©es Ă Salvador et sur la complicitĂ© du bataillon de police, alors sous les ordres dâun officier de lâarmĂ©e. Le gouverneur sâĂ©tait rendu au SecrĂ©tariat dâĂtat, hĂ©bergĂ© dans le mĂȘme bĂątiment que le SĂ©nat bahianais, sur la Praça da Piedade, pour y organiser sa dĂ©fense ; cependant, ses ordres ne furent pas exĂ©cutĂ©s par le commandant de la police, lequel ordonna au contraire de fermer les portes de la caserne. Un officier pourtant, le lieutenant Machado, qui avait sous ses ordres la garde du quartier commercial, sâĂ©vertua Ă accomplir son devoir et se dirigea, Ă la tĂȘte dâune vingtaine de soldats, vers le commissariat central de police, situĂ© sur la mĂȘme Praça da Piedade, afin de dĂ©fendre lâautoritĂ© menacĂ©e. AttaquĂ© par la masse insurgĂ©e, le lieutenant rĂ©sista aussi longtemps que dura sa provision de munitions, et nâabandonna sa position que lorsque le feu fut mis Ă lâĂ©difice. Ces Ă©changes de coups de feu avaient fait plusieurs morts et blessĂ©s. Jusque-lĂ , le gouverneur avait rĂ©pondu aux Ă©missaires de Cezar Zama et de ses compagnons quâil nâavait garde de dĂ©missionner et quâil ne cĂ©derait Ă aucune imposition. Le mouvement sĂ©ditieux prit fin lorsque, peu aprĂšs, le Dr. JosĂ© Gonçalves se rĂ©signa enfin Ă prĂ©senter sa dĂ©mission devant le SĂ©nat bahianais, passant le pouvoir Ă son supplĂ©ant lĂ©gal, lâamiral Joaquim Leal Ferreira, ce dernier convoquant alors de nouvelles Ă©lections pour le gouvernorat. La dictature cependant sâexacerba par la suite[9].
Câest Joaquim Manuel Rodrigues Lima qui fut retenu comme candidat au gouvernorat de la Bahia, en vue de la premiĂšre Ă©lection pour ce poste de lâhistoire brĂ©silienne. Dans son journal dâopposition, CĂ©sar Zama, pourtant son adversaire, Ă©crivit sur lui des lignes Ă©logieuses, et parallĂšlement, Rodrigues Lima nâavait aucune peine Ă reconnaĂźtre la valeur de son compatriote du sertĂŁo ; Ă©lu et investi gouverneur le , Rodrigues Lima fit approuver Ă lâassemblĂ©e de lâĂtat de la Bahia une loi faisant obligation Ă lâimprimerie de lâĂtat fĂ©dĂ©rĂ© de publier les Ćuvres de Zama.
LâinimitiĂ© de Rui Barbosa lui valut non seulement les discours O Jogador (âle Joueurâ â ses adversaires, qui sâappliquaient sans cesse Ă ternir son image, tentant en effet de le faire passer pour un joueur invĂ©tĂ©rĂ©) ou Resposta a CĂ©sar Zama (en 1896), mais aussi une rĂ©fĂ©rence ironique de la part de lâĂ©crivain Machado de Assis, solidaire avec Barbosa . Ce dernier se plut Ă transformer lâĂ©lection pour le sĂ©nat, Ă laquelle lui-mĂȘme concourait, et lâĂ©lection pour la Chambre, oĂč Zama sollicitait la faveur des Ă©lecteurs, en vĂ©ritable plĂ©biscite, forçant la Bahia Ă choisir entre eux deux. Barbosa lâemporta, et allait passer dĂ©sormais pour le hĂ©raut du droit au BrĂ©sil[3].
Cette lĂ©gislature Ă©coulĂ©e, le Dr. CĂ©sar Zama ne revint plus jamais par la suite Ă la Chambre ; laissant une rĂ©putation de tribun impavide, il sâĂ©tait acquis une popularitĂ© extraordinaire dans sa rĂ©gion, par la maniĂšre souveraine dont il sâĂ©tait impliquĂ© dans les luttes politiques du moment.
ActivitĂ©s dâĂ©criture
LibĂ©ral et progressiste, Zama professait des opinions hardies et novatrices, sans jamais sâaliĂ©ner lâestime des grandes personnalitĂ©s des milieux juridiques. Son mandat parlementaire terminĂ©, il se voua dĂ©sormais dâune part Ă lâenseignement du latin, dont il Ă©tait fin connaisseur, ainsi quâen tĂ©moignent ses discours Ă la Chambre fĂ©dĂ©rale (et livrant accessoirement, pour les colonnes dâun journal carioca, une rubrique quotidienne en latin macaronique, que le public goĂ»ta fort), et dâautre part Ă lâĂ©criture politique et historique.
Il collabora à des journaux de Bahia et de Rio de Janeiro, en produisant une série de billets sur la langue latine et des articles de dénonciation politique[2].
Lâouvrage intitulĂ© Libelo republicano â ComentĂĄrios sobre a Campanha de Canudos quâil rĂ©digea alors et fit paraĂźtre en 1899, sous le pseudonyme de Wolsey, renfermait, deux ans aprĂšs la fin des combats contre les insurgĂ©s conselheiristes, une analyse fĂ©roce et un rĂ©quisitoire virulent contre la campagne de Canudos, dĂ©finie par lui comme un « carnage dantesquement terrifiant qui ensanglanta le sertĂŁo bahianais ». Lâouvrage sera ainsi le premier livre au BrĂ©sil Ă dĂ©noncer le massacre par lequel se termina cette guerre, Ă©pilogue sanglant qualifiĂ© par lâauteur de « summum de la perversitĂ© humaine » ; au cours de ce conflit, lâon vit, selon son expression, lâinstitution conçue pour dĂ©fendre le peuple brĂ©silien â les forces armĂ©es â ĂȘtre employĂ©e Ă assassiner ce mĂȘme peuple. Zama y dĂ©nonce avec vĂ©hĂ©mence le gouvernement, qui dĂ©pensa de fortes sommes dâargent pour le transport dâimmigrants Ă©trangers et pour lâacheminement de troupes et dâarmes, et massacra des milliers de personnes dans sa tentative dâen finir avec le « pacifisme qui rĂ©gnait parmi la population de Belo Monte » ; il observe que Canudos Ă©tait aprĂšs la capitale Salvador la ville la plus peuplĂ©e de la Bahia, arrivant Ă compter 5 200 habitants entre 1894 et 1897, et situe lâorigine de la guerre de Canudos dans la haine que vouait LuĂs Viana Ă deux de ses anciens camarades de parti, devenus adversaires, JosĂ© Gonçalves et le baron de Jeremoabo. Le livre rĂ©unissait en outre un ensemble dâĂ©crits de Zama fustigeant la gestion entachĂ©e dâirrĂ©gularitĂ©s de Rui Barbosa lorsque celui-ci Ă©tait Ă la tĂȘte de lâĂ©conomie brĂ©silienne, ainsi que contre dâautres malversations qui sĂ©vissaient Ă cette Ă©poque[10].
Pourtant, câest sans doute en tant quâhistorien que Zama fut le plus mĂ©ritoire. Le mĂ©morialiste bahianais Pedro Celestino da Silva dira de lui quâil « nâĂ©tait pas seulement Ă©rudit, mais possĂ©dait aussi lâintuition du passĂ© ». Ses principaux ouvrages dâhistoire sont[11] : Os TrĂȘs Grandes Oradores da Antiguidade, Ă©tude biographique et politique des 3 grands orateurs de lâAntiquitĂ©, savoir PĂ©riclĂšs, DĂ©mosthĂšne et CicĂ©ron ; Os TrĂȘs Grandes CapitĂŁes da Antiguidade (litt. les Trois Grands Capitaines de lâAntiquitĂ©), monographies sur Alexandre, Hannibal et CĂ©sar ; et Os Reis de Roma (litt. les Rois de Rome), Ă©tudes historiques. Ă signaler encore, dans le domaine de la littĂ©rature latine, Prosadores e Poetas latinos.
Citations
Quelques phrases marquantes de CĂ©sar Zama :
- Il a toujours existĂ© des fous et il en existera toujours : je suis qualifiĂ© comme tel par les adversaires⊠Heureusement, je suis vieux dĂ©jĂ et ne tarderai pas Ă trouver dans la tombe lâoubli des vivants âŠ
- Bella matribus detestada[12] ! FlĂ©au horrible de lâhumanitĂ©, que la civilisation moderne nâest pas parvenue encore Ă extirper, maudite guerre ! Qui parvient mĂȘme Ă renverser lâordre et les lois de la nature !
- Celui qui cependant, comme nous, Ă©crit, non une apologie, mais une histoire rĂ©elle dâun homme, est obligĂ© de dire ce qui dans sa conviction est la vĂ©ritĂ©, lumiĂšre Ă©ternelle et divine, que nous devons tous essayer de voir (phrase figurant dans sa biographie dâAlexandre).
- Nous respectons les lois du pays, et davantage encore les lois morales, lesquelles, quoique non Ă©crites, nâĂ©pargnent pas pour autant Ă leurs transgresseurs la rĂ©probation gĂ©nĂ©rale. Si nous nous soumettons aux abus, qui quotidiennement se multiplient parmi nous, câest parce que nous nâavons pas les moyens et les ressources pour rĂ©agir contre leurs auteurs ; toutefois, nous nâabdiquerons jamais de l'ultime droit des vaincus â celui de protester avec Ă©nergie contre les dĂ©molisseurs de la patrie et de la rĂ©publique.
- Dieu nous a faits rationnels et pensants ; nous exerçons un droit inhĂ©rent Ă notre nature. Seuls les vers de terre tolĂšrent dâĂȘtre Ă©crasĂ©s sous les pieds sans protester.
Hommages
Une rue de Salvador a Ă©tĂ© nommĂ©e en son honneur. Ă Rio de Janeiro, une avenue et une rue du quartier de Lins de Vasconcelos portent son nom. En contrepoint de lâimposant Forum Ruy Barbosa de Salvador, le plus grand forum de la Bahia hors de la capitale, sis dans sa ville natale CaetitĂ©, porte le nom de Forum CĂ©sar Zama, de mĂȘme que la bibliothĂšque municipale de la ville[3].
Notes et références
- Cezar Zama, selon la graphie ancienne.
- Helena Lima Santos, Caetité, pequenina e ilustre, Tribuna do Sertão, Brumado, 1996, 2e éd.
- AndrĂ© Koehne, Cezar Zama: a verdade, dans Caderno de Cultura Caetiteense, vol. 3. Dâautres versions de cet homicide cependant circulent. Lâune dâelles tient que le Dr. Faenza Zama, dans un moment de colĂšre mal contenue, frappa au visage le vieux FiĂșza, menuisier qui Ă©tait Ă son service. Celui-ci se retira en se promettant solennellement quâil le tuerait. Dans cette intention, il se mit Ă chasser quotidiennement dans les terrains broussailleux longeant la route. Quelque temps aprĂšs, le mĂ©decin fut appelĂ© en urgence auprĂšs dâun malade et sây rendit accompagnĂ© dâun esclave qui lui servait de valet. Ă mi-trajet, Zama se souvint avoir oubliĂ© un instrument chirurgical et envoya le valet le lui chercher. Peu aprĂšs, Zama fut assassinĂ© par un tir bien ajustĂ© parti dâun endroit dissimulĂ© par une clĂŽture de pierres. Le vieux FiĂșza, au mĂȘme moment, Ă©tait en train de chasser, ou peut-ĂȘtre Ă©tait Ă lâaffĂ»t de la victime. Ayant entendu le coup de feu, et voulant savoir dâoĂč il provenait, il Ă©mergea des broussailles porteur, malencontreusement, de sa carabine. AussitĂŽt, le valet, revenu entre-temps, et les passants se saisirent de lui. InterrogĂ©, il indiqua quâil sâĂ©tait promis de tuer le Dr. Faenza, pour venger son honneur outragĂ©, mais quâil nâavait pu le faire jusque-lĂ . Soumis Ă la torture, il continua tout dâabord de clamer son innocence, mais ne put rĂ©sister au garrot et aux aiguilles sous les ongles, et finit par sâaccuser du crime, Ă la suite de quoi il fut condamnĂ© Ă lâunanimitĂ© Ă la peine capitale. Cependant, la tradition rapporte que le Dr. Faenza avait cruellement chĂątiĂ© le valet pour vol et que peu avant lâexĂ©cution de la sentence un enfant surprit un dialogue entre le valet et sa vieille mĂšre, esclave elle aussi, oĂč elle rĂ©primandait son fils dâavoir tuĂ© son maĂźtre. Le valet apprĂ©hendĂ©, soumis Ă interrogatoire et torturĂ©, avoua le crime, expliquant que, retournĂ© chercher lâinstrument, il se saisit aussi du revolver du Dr. Zama, sâavança dans les broussailles jusquâau lieu oĂč se trouvait son maĂźtre et put facilement, Ă lâabri du mur de clĂŽture, perpĂ©trer son forfait ; et en effet, lâarme dĂ©chargĂ©e, et dĂ©jĂ assez rouillĂ©e, y fut retrouvĂ©e.
- Integração (revue), n° 37, année VI, janvier/février 1998.
- Selon une autre source, il se serait inscrit en mĂ©decine en 1852 (câest-Ă -dire Ă lâĂąge de 14 ans), pour se diplĂŽmer docteur en sciences mĂ©dico-chirurgicales en 1858, et aurait participĂ© Ă la guerre de la Triple Alliance non pendant ses Ă©tudes, mais plusieurs annĂ©es aprĂšs lâobtention de son diplĂŽme.
- Le poĂšte PlĂnio de Lima, quant Ă lui, mourut trop jeune.
- Cf. Notice biographique sur le site du Centro de Pesquisa e Documentação de História Contemporùnea do Brasil, p. 2.
- Marieta Lobão Gumes, Caetité e o Clã dos Neves, éd. Mensageiro da Fé, Salvador, 1975.
- Le mĂ©decin, Ă©crivain et historien AfrĂąnio Peixoto a fait le rĂ©cit minutieux de ce siĂšge, dĂ©peignant Zama comme un orateur capable dâengager le peuple Ă tenir tĂȘte aux troupes. Sur cet Ă©pisode, voir aussi Ălvaro Pinto Dantas de Carvalho JĂșnior, O BarĂŁo de Jeremoabo e a PolĂtica do seu Tempo, Ă©d. EGB, Salvador, 2006 (ISBN 85-7505-147-4)
- AntĂŽnio Loureiro de Souza, Baianos Ilustres, sans Ă©d, Salvador, 1949.
- Pedro Celestino da Silav, NotĂcias HistĂłricas e GeogrĂĄficas do MunicĂpio de CaetitĂ©, dans Revista do Instituto GeogrĂĄfico e HistĂłrico da Bahia, nÂș 58, Salvador, 1932.
- Latin : « Guerres, détestées des mÚres ! »
Liens externes
- http://br.geocities.com/caetitecultura/caderno3index.html "Caderno de Cultura Caetiteense 3"
- http://www.lidora.info/acadcaetiteenseletras/index_historia_zama.html
- Notice biographique sur le site du Centro de Pesquisa e Documentação de História Contemporùnea do Brasil.