LuĂs Viana
LuĂs Viana, nĂ© le Ă Casa Nova (et baptisĂ© sous lâancienne graphie Luiz Vianna), mort en haute mer, dans lâocĂ©an Atlantique, le , Ă©tait un magistrat et homme politique brĂ©silien.
LuĂs Viana | |
LuĂs Viana. | |
Fonctions | |
---|---|
Gouverneur de Bahia (en) | |
â (4 ans, 2 mois et 21 jours) |
|
Prédécesseur | Rodrigues Lima (en) |
Successeur | Severino Vieira (pt) |
Sénateur fédéral brésilien | |
â (4 ans, 2 mois et 21 jours) |
|
Circonscription | Bahia |
â (4 ans, 3 mois et 20 jours) |
|
Circonscription | Bahia |
Députée à l'Assemblée provinciale de Bahia (en) | |
â (~ 3 ans) |
|
Biographie | |
Nom de naissance | Luiz Vianna |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Casa Nova, Bahia (Brésil) |
Date de décÚs | |
Lieu de décÚs | Océan Atlantique |
Nature du décÚs | Mort accidentelle |
Nationalité | Brésilienne |
Parti politique | Parti républicain fédéraliste de Bahia (PFR-Bahia) |
PÚre | José Manuel Viana |
MĂšre | InĂȘs Ribeiro Viana |
Enfants | LuĂs Viana Filho (en) (fils) |
DiplÎmé de | Faculté de droit de Recife (en) |
Profession | Magistrat |
Religion | Catholicisme |
RĂ©sidence | Salvador de Bahia |
Peu scrupuleux, membre dâabord du parti conservateur, puis, Ă la chute de lâEmpire, cofondateur dâune des deux factions rivales du camp rĂ©publicain, il fut Ă©lu gouverneur de lâĂtat de Bahia en 1896 et fut amenĂ©, par calcul politique et dans l'ambiguĂŻtĂ©, Ă conduire la guerre de Canudos contre la colonie religieuse du mĂȘme nom, qui se soldera par un bain de sang et un bilan estimĂ© de 30 000 morts.
Biographie
Formation et carriĂšre dans la magistrature
Fils de JosĂ© Manuel Viana, chef local du parti conservateur Ă Casa Nova, localitĂ© sise dans le nord de lâĂtat de Bahia, sur les rives du fleuve SĂŁo Francisco, et dâInĂȘs Ribeiro Viana, il fit des Ă©tudes secondaires dans la capitale de lâĂtat, puis des Ă©tudes de droit Ă la facultĂ© de droit de lâuniversitĂ© de Recife. Son diplĂŽme obtenu en 1869, et devenu un protĂ©gĂ© de JoĂŁo Mauricio Vanderlei, baron de Cotegipe, iI fut nommĂ© magistrat Ă Xique-Xique, dans le sertĂŁo bahianais, oĂč sa corruptibilitĂ© Ă©tait notoire[1].
En 1881, il fut mutĂ© vers Santa Cristina do Pinhal, puis vers ViamĂŁo, localitĂ©s situĂ©es toutes deux dans lâĂtat de Rio Grande do Sul, dans le sud du pays, mais retourna bientĂŽt Ă Bahia, pour y exercer les fonctions de juge, dâabord Ă Mata de SĂŁo JoĂŁo, ensuite dans la capitale Salvador, oĂč il sâĂ©leva jusquâau titre de conselheiro (litt. conseiller, actuel desembargador, juge de mainlevĂ©e) Ă la cour dâappel, dont il devint prĂ©sident.
Retour Ă Bahia et carriĂšre politique
Ă la chute de lâEmpire, et Ă la proclamation de la rĂ©publique, il sâengagea dans la sphĂšre politique et fut le porte-parole du sĂ©nat de Bahia et lâun des principaux fondateurs, en , avec JosĂ© Gonçalves da Silva et CĂcero Dantas Martins, du Parti rĂ©publicain fĂ©dĂ©raliste. Il prit part, en tant que sĂ©nateur provincial, Ă la constituante rĂ©publicaine de lâĂtat de Bahia, prĂ©sidant alors la Chambre. Ălu maire de Salvador, il fit un ample usage de la violence pour juguler toute forme dâopposition, et sa gestion municipale fut souvent entachĂ©e de favoritisme politique lors des adjudications de travaux publics[1]. Ses tentatives de renforcer sa mainmise sur lâĂtat de Bahia furent contrariĂ©es dans les campagnes par les coroneis (potentats ruraux, souvent de grands propriĂ©taires fonciers) de la faction gonçalviste adverse, en particulier Ă IlhĂ©us, dans les Lavras Diamantinas et dans le sertĂŁo du nord. Le principal de ces coroneis Ă©tait CĂcero Dantas, baron de Jeremoabo, gros propriĂ©taire terrien dans lâarriĂšre-pays bahianais, mais ayant, notamment par son mariage, acquis de lâentregent dans le RecĂŽncavo et dans la capitale Salvador.
Le gouverneur de Bahia, le conservateur JosĂ© Gonçalves da Silva, arrivĂ© au pouvoir en , sera destituĂ© en novembre de la mĂȘme annĂ©e, victime de la chute de Deodoro da Fonseca Ă la suite du coup de force de Floriano Peixoto dans la capitale fĂ©dĂ©rale Rio de Janeiro. Sur fond de fortes divergences entre ceux qui dĂ©siraient le renforcement de lâexĂ©cutif â en lâespĂšce : du pouvoir du gouverneur â, comme câĂ©tait le cas de Manoel Vitorino et de ses partisans, et ceux, dont Jeremoabo, qui souhaitaient un pouvoir accru pour le lĂ©gislatif, Viana, alors prĂ©sident de lâassemblĂ©e lĂ©gislative de Bahia, tenta de tirer son Ă©pingle du jeu, en obtenant dâabord la dĂ©mission formelle de Gonçalves, puis en devenant le successeur de celui-ci en vertu de sa qualitĂ© de prĂ©sident de lâassemblĂ©e, et enfin, en faisant nommer Ă ce poste, quâil avait laissĂ© ainsi vacant, lâamiral Joaquim Leal Ferreira. Cette tentative cependant Ă©choua, et de nouvelles Ă©lections sâensuivirent, dont sortit vainqueur le mĂ©decin et grand propriĂ©taire foncier Joaquim Mendes Rodrigues Lima, qui gouvernera lâĂtat de Bahia de 1892 Ă 1896[2].
Au cours de lâannĂ©e 1894 survint la scission du groupe oligarchique dominant, sĂ©parant ses principaux chefs en deux camps opposĂ©s. Cette scission, qui fut consommĂ©e au siĂšge du Parti RĂ©publicain FĂ©dĂ©raliste, donna lieu Ă la fondation dâune part du Parti RĂ©publicain FĂ©dĂ©ral de la Bahia (en abrĂ©gĂ© PRF-Bahia) le par LuĂs Viana et Rodrigues Lima, et dâautre part du Parti RĂ©publicain Constitutionnel (en abrĂ©gĂ© PRC) par JosĂ© Gonçalves da Silva et CĂcero Dantas Martins le de la mĂȘme annĂ©e. Des divergences politiques, portant sur la politique nationale et, au niveau de lâĂtat fĂ©dĂ©rĂ©, sur les intĂ©rĂȘts Ă©lectoraux, avaient existĂ© dĂšs la formation du Parti RĂ©publicain FĂ©dĂ©raliste. Gonçalves avait Ă©tĂ© destituĂ© du gouvernement de la Bahia par Floriano Peixoto, dâoĂč son antiflorianisme, opposĂ© au florianisme de LuĂs Viana, favorable quant Ă lui Ă ce que les militaires demeurassent Ă la prĂ©sidence du BrĂ©sil. Mais, au-delĂ de la divergence dâintĂ©rĂȘts sur le plan Ă©lectoraliste, les deux factions oligarchiques nâĂ©taient plus en mesure de maintenir une union de façade entre littoral et sertĂŁo, entre Ă©conomie rurale et Ă©conomie urbaine[3].
LuĂs Viana, Ă©lu Ă son tour gouverneur en mai 1896 sous les couleurs du PRF-Bahia, hĂ©ritera de son prĂ©dĂ©cesseur la gestion de ce qui est aujourdâhui considĂ©rĂ© comme un Ă©vĂ©nement majeur de lâhistoire du BrĂ©sil, la guerre de Canudos. Le chef de la communautĂ© religieuse rebelle de Canudos, le prĂ©dicateur laĂŻc AntĂŽnio Conselheiro, ou tout au moins les lieutenants de celui-ci, avait recherchĂ©, Ă la suite du schisme du parti rĂ©publicain, la protection de la faction vianiste, en escomptant sans doute que cette faction prĂźt le contrĂŽle de lâassemblĂ©e bahianaise et sâinstallĂąt au gouvernorat ; il nâest pas exclu que les conselheiristes, avant de fonder Canudos dans une fazenda abandonnĂ©e, aient jouĂ© le rĂŽle de fĂłsforos (rabatteurs de voix, litt. allumettes) pour le compte de Viana[4]. On aurait tort de chercher derriĂšre ces oppositions et ces accointances autre chose que de simples luttes de clan sans signification idĂ©ologique, quelque fĂ©roce que fĂ»t la haine que chacun des deux clans vouait Ă lâautre[5]. Lâalliance entre AntĂŽnio Conselheiro et Viana Ă©tait de nature opportuniste ; Viana ne sympathisa jamais vraiment avec les Canudenses, et ses rĂ©ticences Ă intervenir contre la colonie de Canudos nâĂ©tait quâun calcul politique destinĂ© Ă irriter Jeremoabo et son parti PRC ; Jeremoabo en effet, redoutant que Canudos ne menaçùt le statu quo social et Ă©conomique de sa rĂ©gion, Ă©tait devenu le plus grand ennemi dâAntĂŽnio Conselheiro et rĂ©clamait avec insistance une intervention armĂ©e.
Paradoxalement, aprĂšs sa prise de pouvoir comme gouverneur, ayant donc consolidĂ© son pouvoir sur Salvador et sur la Bahia, Viana nâavait plus besoin dĂ©sormais dâune base de partisans dans les campagnes du sertĂŁo et pouvait donc Ă prĂ©sent se permettre, hors considĂ©rations factionnalistes, de prĂȘter une oreille bienveillante aux continuelles instances des fazendeiros des environs de Canudos, lors mĂȘme quâils nâappartenaient pas Ă son parti. Cette volteface de Viana, inspirĂ©e par des motifs purement pragmatiques, visait de toute Ă©vidence Ă restaurer son prestige auprĂšs des grands propriĂ©taires ; Viana se trouvait donc dans lâimpossibilitĂ© politiquement de continuer Ă appuyer ses alliĂ©s du sertĂŁo, dâautant moins que ses opposants le mitraillaient dâaccusations selon lesquelles il exploitait le mouvement conselheiriste pour servir ses propres fins[1]. Du reste, bien quâayant dĂ©clenchĂ© les hostilitĂ©s contre Canudos, Viana Ă©chouera Ă sâassurer les faveurs des grands propriĂ©taires, et fera en , dans la derniĂšre phase de la guerre, des dĂ©clarations ambiguĂ«s, affirmant notamment quâil avait agi ainsi pour apaiser les prĂ©occupations des intĂ©rĂȘts agricoles rĂ©gionaux et dissiper leurs craintes, non pour combattre le monarchisme.
Le conflit de Canudos
LâĂ©lĂ©ment dĂ©clencheur des hostilitĂ©s fut la non livraison par un nĂ©gociant de Juazeiro dâun lot de bois dâĆuvre commandĂ© et dĂ»ment payĂ© par AntĂŽnio Conselheiro. De subsĂ©quentes rumeurs selon lesquelles les jagunços de Canudos se proposaient de mener en rĂ©torsion une expĂ©dition punitive contre Juazeiro provoquĂšrent un vent de panique chez les habitants de la ville et portĂšrent le juge Leoni, alliĂ© de Viana, Ă envoyer un tĂ©lĂ©gramme urgent demandant des troupes pour assurer la sĂ©curitĂ© de la population et enrayer lâexode dĂ©jĂ en cours. Le gouverneur Viana, qui depuis son entrĂ©e en fonction avait toujours trouvĂ© lâun ou lâautre prĂ©texte pour sâabstenir dâintervenir, Ă©tait Ă prĂ©sent, sous la pression politique, contraint dâagir et de dĂ©pĂȘcher vers Canudos un dĂ©tachement de la police dâĂtat de Bahia, lequel dĂ©tachement fut cependant repoussĂ© par les jagunços dâAntĂŽnio Conselheiro[6].
Ă la suite de lâĂ©chec de ce quâil est convenu de nommer la premiĂšre expĂ©dition de Canudos, le gouvernement de Viana fut vilipendĂ© dans lâassemblĂ©e de lâĂtat, oĂč il dut affronter des allĂ©gations suivant lesquelles il ne sâefforçait pas vraiment dâĂ©radiquer le problĂšme Canudos, mais se bornait Ă seulement disperser les jagunços. Viana, acculĂ© dans une position politique intenable et ne pouvant plus se dĂ©rober, fut contraint maintenant de solliciter une intervention militaire fĂ©dĂ©rale. Dans un entretien publiĂ© en aoĂ»t 1897 dans le journal carioca Gazeta de NotĂcias, il se targua dâavoir mis en garde le prĂ©sident de la rĂ©publique contre la horde fanatique de Canudos, qui ne reconnaissait pas les lois ni ne leur obĂ©issait, avait commis des actes dâextorsion, pratiquait la mendicitĂ©, et perpĂ©trait de nombreux vols dans les fermes avoisinantes[6]. Viana adressa par tĂ©lĂ©gramme une demande dâaide au vice-prĂ©sident Manuel Vitorino, lequel, le prĂ©sident Prudente Ă©tant souffrant, exerçait lâintĂ©rim ; Vitorino accĂ©da Ă cette demande, sans mĂȘme en rĂ©fĂ©rer au prĂ©sident en titre.
Il fallut quatre expĂ©ditions â outre la premiĂšre, composĂ©e dâun dĂ©tachement de police de lâĂtat de Bahia, trois autres encore, composĂ©es dâun corps expĂ©ditionnaire de lâarmĂ©e fĂ©dĂ©rale â pour venir Ă bout de la communautĂ© de Canudos. Y compris durant lâaffrontement armĂ© final, des sympathisants liĂ©s Ă la faction vianiste du PRF-Bahia approvisionnĂšrent en matĂ©riel les Canudenses, complĂ©tant ainsi ce que les forces du Conselheiro rĂ©ussissaient Ă prendre sur les trains de ravitaillement de lâarmĂ©e et sur les soldats morts ou blessĂ©s[7].
Ălections de 1899 et 1901
Il sut se maintenir lors des Ă©lections municipales de 1899, quoique toutes sortes de groupes dâintĂ©rĂȘts opposĂ©s au pouvoir Ă©tabli furent lancĂ©s contre les alliĂ©s du gouverneur Vianna, non sans les habituels Ă©chaufourrĂ©es, attaques dâĂ©tablissements commerciaux, et assassinats[8]. Lorsque le candidat par lui soutenu fut battu aux Ă©lections municipales de 1901, il refusa de sâincliner, en raison de quoi le prĂ©sident Campos Salles dut envoyer des troupes et bannir Vianna Ă Paris[9].
Par la suite, il prĂ©fĂ©ra sâĂ©loigner de la vie publique, pour cependant y revenir en 1911, se faisant Ă©lire sĂ©nateur de la RĂ©publique. Il pĂ©rit en haute mer dans le naufrage du navire Limburgia, qui devait le transporter en Europe pour un voyage.
Son fils et homonyme LuĂs Viana fut Ă©galement gouverneur de Bahia.
Les archives de Luis Viana, qui Ă©taient conservĂ©es dans la maison dâAristides Milton da Silveira, furent irrĂ©parablement dĂ©truites lors dâune crue de la riviĂšre ParaguaçĂș[10].
Références
- Robert Levine, Vale of Tears, p. 142.
- Le BrĂ©sil face Ă son passĂ©, actes du sĂ©minaire tenu en novembre 2002 Ă lâInstitut universitaire de France Ă Paris (lâHarmattan, 2005, (ISBN 2-7475-8077-6)), communication de Katia de QueirĂłs-Mattoso, p. 68.
- Ălvaro Pinto Dantas de Carvalho JĂșnior, CĂcero Dantas Martins â De BarĂŁo a Coronel., thĂšse de doctorat, Salvador 2000, p. 166.
- Robert Levine, Vale of Tears, p. 141.
- Robert Levine, Vale of Tears, p. 277, note 85.
- Robert Levine, Vale of Tears, p. 152.
- Robert Levine, Vale of Tears, p. 212.
- Robert Levine, Vale of Tears, p. 258, note 118.
- Robert Levine, Vale of Tears, p. 144.
- Robert Levine, Vale of Tears, p. 252, note 52.
Bibliographie
- (en) Robert M. Levine, Vale of Tears : Revisiting the Canudos Massacre in Northeastern Brazil, 1893-1897, Oakland (Californie), University of California Press, , 365 p. (ISBN 978-0520203433), p. 142-143 et passim.