Be Here Now
Be Here Now est le troisiÚme album studio du groupe de rock anglais Oasis. Sorti le chez Creation Records, cet album était trÚs attendu, à la fois par les critiques et les fans, du fait du succÚs des deux premiers albums du groupe, Definitely Maybe (1994) et (What's the Story) Morning Glory? (1995). La sortie de l'album fut précédée d'une grande effervescence dans la presse musicale et grand public. L'entreprise chargée du management du groupe, Ignition, était consciente des dangers d'une surexposition et contrÎla fortement l'accÚs des médias à l'album avant sa sortie. Les passages radio étant limités, les journalistes devaient observer le silence. Cette tactique eut pour résultat d'éloigner une partie des journalistes, mais aussi des personnes de l'industrie du disque liées au groupe. La restriction à l'accÚs à l'album avant sa sortie officielle alimenta de nombreuses spéculations autour de celui-ci au sein de la scÚne musicale britannique.
Sortie | |
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Enregistré |
Novembre 1996 â Avril 1997 Studios Abbey Road, AIR, Orinoco et Master Rock, Londres ; Studios Ridge Farm, Surrey |
Durée | 71:33 |
Genre | Britpop |
Producteur | Owen Morris, Noel Gallagher |
Label | Creation Records |
Albums de Oasis
Singles
- D'You Know What I Mean?
Sortie : 7 juillet 1997 - Stand by Me
Sortie : 22 septembre 1997 - All Around the World
Sortie : 12 janvier 1998 - Don't Go Away
Sortie : 19 février 1998 (Japon uniquement[1])
Be Here Now est devenu l'album Ă s'ĂȘtre vendu le plus rapidement au Royaume-Uni Ă l'Ă©poque, avec 424 000 exemplaires vendus dĂšs le jour de sa sortie, et plus d'un million en deux semaines[2]. MalgrĂ© un accueil critique extrĂȘmement positif Ă sa sortie, l'album est aujourdâhui considĂ©rĂ© par la presse, le public et la plupart des membres d'Oasis comme trop complaisant. Le producteur Owen Morris a dĂ©clarĂ© que les sessions dâenregistrements avaient Ă©tĂ© Ă©maillĂ©es de conflits et entachĂ©es par la drogue, et que le groupe nâĂ©tait lĂ que pour lâargent[3]. En 2008, l'album s'Ă©tait vendu Ă huit millions d'exemplaires dans le monde.
GenĂšse
Contexte
En 1996, aprĂšs les cartons de leurs deux derniers opus Definitely Maybe et (What's the Story) Morning Glory?, Oasis est selon le guitariste Noel Gallagher « le plus grand groupe de rock de la Terre [âŠ] plus populaire que Dieu, si jâose dire[4] ». Il en rĂ©sulte une frĂ©nĂ©sie mĂ©diatique autour du groupe, dont les membres deviennent des habituĂ©s des grands mĂ©dias britanniques, avec tous les risques que cela peut comporter[5].
Ă cette Ă©poque, les membres du groupe sĂ©journent en compagnie de Johnny Depp et Kate Moss dans la villa de Mick Jagger Ă Moustique. Câest au cours de leur dernier sĂ©jour sur lâĂźle que Noel Ă©crit la plupart des chansons prĂ©sentes sur Be Here Now[6]. En panne dâinspiration, il nâavait Ă©crit quâun seul riff au cours des six mois suivant la sortie de Morning Glory. Il finit par sâimposer une discipline et passe ses journĂ©es isolĂ© dans une piĂšce pour composer, ne sortant que pour dĂ©jeuner et dĂźner[7]. « La plupart des chansons ont Ă©tĂ© Ă©crites avant le renouvellement de notre contrat avec notre label, se souvient Noel. Jâai Ă©crit les paroles en deux semaines, pendant mes vacances[8]. » Le producteur du groupe, Owen Morris, rejoindra ensuite Noel avec un 8-pistes Tascam pour enregistrer des dĂ©mos accompagnĂ©es d'une boĂźte Ă rythmes et d'un clavier[9].
En , Oasis joue deux concerts devant 250 000 personnes Ă Knebworth House, dans le Hertfordshire. Plus de 2 500 000 fans avaient demandĂ© des billets[10]. Ces concerts marquent lâapogĂ©e dâOasis, mais la presse musicale et le groupe savent quâils sont au sommet de leur gloire et quâils ne peuvent que redescendre[4]. Ă cette Ă©poque, les relations au sein du groupe sont Ă©maillĂ©es de conflits. Le , le chanteur Liam Gallagher refuse de chanter pour une reprĂ©sentation au Royal Festival Hall Ă Londres pour MTV Unplugged, prĂ©textant un mal de gorge[11]. Il assiste cependant au concert, provoquant Noel depuis le balcon supĂ©rieur. Quatre jours plus tard, Liam refuse de partir avec le groupe pour une tournĂ©e amĂ©ricaine, se plaignant de devoir acheter une maison avec sa petite amie de lâĂ©poque, Patsy Kensit. Il rejoint le groupe quelques jours plus tard Ă New York pour un concert important aux MTV Video Music Awards, mais il fait exprĂšs de chanter faux en crachant de la biĂšre et de la salive pendant la reprĂ©sentation[12].
MalgrĂ© de nombreuses querelles internes, la tournĂ©e se poursuit jusquâĂ Charlotte, en Caroline du Nord, oĂč Noel finit par perdre patience avec Liam et annonce qu'il quitte le groupe. « Ă vrai dire, je nâavais plus envie de continuer, se remĂ©more-t-il. Je n'Ă©tais pas prĂȘt Ă faire partie dâun groupe oĂč tout le monde se dĂ©testait[4]. » Noel rejoindra Oasis quelques semaines plus tard, mais lâentourage du groupe commence Ă sâinquiĂ©ter. Ă cette Ă©poque, le groupe dispose dâassez de chansons enregistrĂ©es sous forme de dĂ©mos pour constituer un album, et les frĂšres Gallagher estiment qu'ils devraient partir en studio le plus rapidement possible. Dans une interview en 2007, le manager du groupe Marcus Russell dĂ©clare : « Avec le recul, nous nâaurions pas dĂ» aller en studio si rapidement. Il aurait Ă©tĂ© plus judicieux dâattendre quelques mois, de faire une pause. Mais Ă l'Ă©poque, nous pensions que câĂ©tait la bonne chose Ă faire. Si tu es un groupe et que tu as une douzaine de chansons que tu trouves gĂ©niales, pourquoi ne pas les enregistrer[4] ? »
Dans une interview en 2006, Noel reconnaĂźt que le groupe aurait dĂ» se sĂ©parer pendant un an ou deux au lieu d'aller en studio[13]. Cependant, Owen Morris Ă©crira plus tard : « Nous avons tous fait lâerreur â et jâinclus le management du groupe â de ne pas enregistrer Be Here Now durant l'Ă©tĂ© 1996. Lâenregistrement aurait Ă©tĂ© bien diffĂ©rent : heureux, probablement. » Il a dĂ©crit les dĂ©mos de Moustique comme Ă©tant les derniers bons enregistrements quâil a faits avec Noel et a dĂ©clarĂ© que leurs relations s'Ă©taient dĂ©gradĂ©es aprĂšs le concert Ă Knebworth[9].
Enregistrement et production
Lâenregistrement dĂ©bute le aux studios Abbey Road, Ă Londres[14]. Selon Morris, la premiĂšre semaine est « absolument horrible », au point quâil conseille Ă Noel dâabandonner lâenregistrement : « Il a haussĂ© les Ă©paules et mâa rĂ©pondu que tout allait bien se passer. Alors on a continuĂ©. » Ă l'Ă©poque, Liam Ă©tait sous le feu des tabloĂŻds. Le , il est arrĂȘtĂ© aux Q Awards pour possession de cocaĂŻne. Le battage mĂ©diatique qui en rĂ©sulte pousse le management du groupe Ă dĂ©mĂ©nager lâenregistrement dans un studio moins facilement accessible aux paparazzis. « On avait pas mal de contacts qui suivaient Oasis », se souvient Dominic Mohan, rĂ©dacteur en chef du Sun Showbiz. « Je ne sais pas sâils dealaient de la drogue, mais certains dâentre eux Ă©taient un peu louches[4]. »
La photographe officielle d'Oasis, Jill Furmanovsky, est elle aussi victime de lâemballement mĂ©diatique et devient la proie de journalistes de tabloĂŻds vivant au-dessus de son appartement : « Ils croyaient que le groupe sâĂ©tait planquĂ© chez moi. » Dans une ambiance paranoĂŻaque, les membres du groupe prennent leurs distances avec leur entourage le moins proche. Selon Johnny Hopkins, lâattachĂ© de presse du label dâOasis Creation Records, « certaines personnes Ă©taient Ă©vincĂ©es de lâentourage dâOasis, des gens qui les connaissaient avant quâils ne soient cĂ©lĂšbres plutĂŽt que parce quâils Ă©taient cĂ©lĂšbres ». Hopkins compare la situation Ă une cour mĂ©diĂ©vale, avec des rois, des courtisans et des bouffons. « Dans une telle situation, n'importe qui perdrait le sens des rĂ©alitĂ©s », ajoute-t-il[4].
Le , Oasis sâinstalle dans les studios Ridge Farm, dans la campagne du Surrey. MalgrĂ© un regain dâĂ©nergie initial, les premiers enregistrements sont entachĂ©s par la consommation gĂ©nĂ©ralisĂ©e de drogues. « La premiĂšre semaine, quelquâun a essayĂ© de choper 30 grammes dâherbe mais il sâest retrouvĂ© avec 30 grammes de cocaĂŻne, se souvient Morris. Ăa rĂ©sume un peu tout[4]. » Noel nâest mĂȘme pas prĂ©sent pendant lâenregistrement des voix de Liam. Morris trouvait les nouvelles compositions mĂ©diocres, mais quand il donnait son avis, Noel lâinterrompait : « Alors je retournais me poudrer le nez. » Au dĂ©part, Morris souhaitait simplement rĂ©utiliser les pistes des dĂ©mos puis overdubber la batterie, les voix et la guitare rythmique, mais le 8-pistes quâil avait utilisĂ© lâavait contraint Ă employer la technique du ping-pong. Il Ă©tait donc impossible de transfĂ©rer ces pistes sans la boĂźte Ă rythmes[9].
Noel voulait que lâalbum ait un son aussi dense et « colossal » que possible : il nâĂ©tait pas rare quâil superpose de nombreuses pistes de guitare, parfois jusquâĂ dix couches de guitares identiques, afin dâobtenir plus de volume sonore[4]. Alan McGee, le patron du label Creation, se rendit au studio pendant la phase de mixage de lâalbum : « Je passais au studio, et il y avait tellement de cocaĂŻne [âŠ] Owen Ă©tait incontrĂŽlable alors que câĂ©tait lui le responsable. La musique Ă©tait assourdissante[6]. » Ce Ă quoi Morris a rĂ©pondu : « Alan McGee Ă©tait le patron du label. Pourquoi nâa-t-il pas pris de mesures Ă l'encontre du producteur âincontrĂŽlableâ ? CâĂ©tait clairement lui, le patron du label, qui Ă©tait responsable. » Morris a aussi dĂ©clarĂ© que lui-mĂȘme et le groupe avaient dĂ» faire face Ă des difficultĂ©s personnelles la veille de la visite de McGee[9].
Caractéristiques artistiques
Musique et paroles
Comme sur les deux prĂ©cĂ©dents albums du groupe, les chansons de Be Here Now prennent souvent des allures dâhymnes de stade. Les structures sont conventionnelles[15] et respectent gĂ©nĂ©ralement le format couplet â refrain â couplet â refrain â pont â refrain caractĂ©ristique du genre. Dans une chronique pour Nude as the News, Jonathan Cohen remarque que lâalbum est « quasiment interchangeable avec Definitely Maybe ou sa suite Ă succĂšs, (Whatâs the Story) Morning Glory?[16] ». Noel avait dĂ©clarĂ© quâil composerait trois albums dans ce style gĂ©nĂ©rique[15]. Cependant, les chansons de Be Here Now se distinguent de par leur longueur : D'You Know What I Mean? sâĂ©tire sur presque huit minutes tandis quâAll Around the World, avec ses trois changements de tonalitĂ©[16], dĂ©passe les neuf minutes[15]. Avec ses nombreux overdubs de guitare, la production est plus complexe et plus riche quâauparavant[17]. Alors que sur Definitely Maybe, Morris avait prĂ©fĂ©rĂ© se dĂ©barrasser des overdubs superflus, celui-ci semble avoir « encouragĂ© avec enthousiasme » leur utilisation excessive sur Be Here Now. My Big Mouth contiendrait ainsi une trentaine de pistes de guitare[6]. Les parties de guitare sont dĂ©crites comme « rudimentaires » par Rolling Stone[18]. Parmi les expĂ©rimentations faites en studio, on peut citer le sample ralenti issu de Straight Outta Compton de NWA prĂ©sent dans DâYou Know What I Mean?[19], ainsi que la prĂ©sence d'harmonies vocales psychĂ©dĂ©liques et d'un mellotron sur Magic Pie. Noel a « fait glisser [s]es coudes sur le clavier, et ça a fait ce son de dingue qui a fait rigoler tout le monde[7] ». Avec sa production trĂšs riche en frĂ©quences aiguĂ«s, lâalbum Ă©voque aussi bien les groupes signĂ©s chez Creation vers la fin des annĂ©es 1980 (comme My Bloody Valentine) que lâalbum Raw Power des Stooges, connu pour sa production brute[19].
En ce qui concerne les mĂ©lodies vocales, Noel confirme son attrait pour les « refrains chantĂ©s Ă tue-tĂȘte », mais le journaliste Paul Du Noyer estime que « contrairement aux disques prĂ©cĂ©dents, certaines chansons arrivent Ă dĂ©passer leur statut dâhymne pour piliers de bar[15] ». Phil Sutcliffe Ă©crit dans Q que les paroles de Noel sur Be Here Now se caractĂ©risent par leur « optimisme bĂ©at, entrecoupĂ© dâune flopĂ©e de rĂ©fĂ©rences aux Beatles et aux annĂ©es 1960, dâune chanson dâamour mal dĂ©grossie pour Meg, et dâautres tĂ©moignages de son incapacitĂ© Ă exprimer ses Ă©motions avec la moindre profondeur[7] ».
Les paroles sont par ailleurs qualifiĂ©es dâinĂ©gales, « insipides » ou « avisĂ©es » selon les morceaux[16], mais Du Noyer remarque que Noel se dĂ©crit lui-mĂȘme dans ses paroles comme un « philosophe amateur [âŠ], souvent romantique au point dâen ĂȘtre miĂšvre ». Du Noyer reconnaĂźt aussi que malgrĂ© leur romantisme exacerbĂ©, les morceaux Donât Go Away et The Girl in the Dirty Shirt « tĂ©moignent dâune compassion et dâune sensibilitĂ© dont ne saurait faire preuve le premier nigaud venu ». Il ajoute que « malgrĂ© une tendance Ă se perdre dans des considĂ©rations mĂ©taphysiques, Noel Ă©crit des paroles simples et efficaces de par leur sincĂ©ritĂ©, poĂ©tiques sans en faire trop[15] ». Pour le journaliste Paul Lester, des titres de chansons comme Stand by Me ou Donât Go Away peuvent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s comme une sĂ©rie de suppliques de la part de Noel, adressĂ©es aussi bien Ă ses proches quâĂ son public[19].
Les parties vocales de Liam sont trÚs appréciées par Du Noyer, pour qui son chant « punk et geignard est immédiatement reconnaissable[15] ». Selon Lester, malgré son statut de « porte-parole » de Noel, Liam est « la voix de tous les jeunes hommes issus de la classe ouvriÚre, aspirant au succÚs et à une vie meilleure[19] ».
Pochette de l'album
La photo qui illustre lâalbum a Ă©tĂ© prise en Ă Stocks House dans le Hertfordshire, Ă lâancienne rĂ©sidence de Victor Lownes, le responsable des Playboy Clubs au Royaume-Uni jusqu'en 1981. Dans celle-ci, les membres du groupe posent devant lâhĂŽtel, entourĂ©s de divers accessoires. Au centre de la photo, une Rolls-Royce flotte dans la piscine. Le photographe Michael Spencer Johns a dĂ©clarĂ© quâil Ă©tait initialement question de photographier chaque membre du groupe dans diffĂ©rents endroits Ă travers le monde mais que face aux coĂ»ts prohibitifs, la sĂ©ance photo a dĂ» ĂȘtre transfĂ©rĂ©e Ă Stocks House. Spencer se souvient que le shooting a « sombrĂ© dans le chaos ». Il ajoute : « Ă vingt heures, tout le monde Ă©tait au bar, le plateau avait Ă©tĂ© envahi par des Ă©coliers, et lâĂ©quipe technique nâarrivait pas Ă faire marcher le gĂ©nĂ©rateur. On aurait dit un mĂ©lange entre Alice au pays des merveilles et Apocalypse Now. » En rĂ©ponse aux suppositions des critiques quant Ă la signification des objets prĂ©sents sur la pochette, Johns a rĂ©pondu que Gallagher avait simplement choisi ce qui lui plaisait dans la boutique d'accessoires de la BBC. Parmi ces objets, on peut citer le globe gonflable faisant rĂ©fĂ©rence Ă la pochette de Definitely Maybe, ainsi que la Rolls-Royce, une idĂ©e dâArthurs[20]. La date sur le calendrier indiquait la date de sortie de lâalbum et variait selon les pays. Selon le journaliste John Harris, cela avait pour but dâencourager les fans Ă acheter lâalbum le jour de la sortie en leur donnant lâimpression de participer Ă un Ă©vĂ©nement historique[6].
Parution et réception
Promotion
AprĂšs leur premiĂšre Ă©coute de Be Here Now chez Noel Gallagher, Alan McGee, lâattachĂ© de presse de Creation Johnny Hopkins et la responsable marketing Emma Greengrass avaient tous des doutes quant Ă la valeur artistique de lâalbum, mais ils dĂ©cidĂšrent de les garder pour eux. Un employĂ© de Creation se souvient de « beaucoup de hochements de tĂȘte et de tapes dans le dos[21] ». McGee a depuis reconnu quâil avait initialement beaucoup de rĂ©serves par rapport Ă lâalbum : « Je lâai Ă©coutĂ© en studio et je me souviens avoir dit : « On ne va en vendre que sept millions dâexemplaires. » [âŠ] Je trouvais que lâalbum sonnait trop agressif[21]. » Il dĂ©clara pourtant quelques jours plus tard dans la presse que lâalbum se vendrait Ă vingt millions dâexemplaires. InquiĂ©tĂ©s par les dĂ©clarations grandiloquentes de McGee, Oasis et leur agence de management Ignition dĂ©cidĂšrent conjointement de lâempĂȘcher de prendre part Ă la campagne de promotion de lâalbum. Afin dâĂ©viter les fuites et la surmĂ©diatisation, Ignition dĂ©cida de ne pas diffuser de musique ou dâinformations au-delĂ du cercle restreint des personnes impliquĂ©es dans la sortie de lâalbum, lâobjectif Ă©tant de prĂ©senter le disque comme un « recueil ordinaire de chansons ». Ă cet Ă©gard, le modeste budget marketing consacrĂ© Ă lâalbum fut mis au service dâune campagne de promotion discrĂšte : les affiches dans la rue et les encarts dans la presse furent prĂ©fĂ©rĂ©s aux panneaux dâaffichage et aux publicitĂ©s tĂ©lĂ©visĂ©es. « On voulait que la sortie de lâalbum reste discrĂšte. On ne voulait surtout pas perdre le contrĂŽle de la bĂȘte », observa Greengrass[21].
Cependant, la mainmise dâIgnition se retourna contre eux : en plus de gĂ©nĂ©rer une hype inattendue, cette tentative de contrĂŽler lâaccĂšs Ă lâalbum fut mal perçue et Ă©loigna les membres de la presse et des mĂ©dias, ainsi que la plupart de lâĂ©quipe de Creation. Quand DâYou Know What I Mean? fut choisi comme premier single, Ignition dĂ©cida de retarder le plus possible les diffusions radio afin dâĂ©viter une mĂ©diatisation trop prĂ©coce. NĂ©anmoins, trois stations de radio brisĂšrent lâembargo, ce qui fit paniquer Ignition. « Cela faisait six mois quâon avait ces foutues rĂ©unions secrĂštes, et ils ont fait foirer tout notre plan. Putain, quel cauchemar ! » se souvient Greengrass[21]. Dix jours avant la sortie de lâalbum, BBC Radio 1 reçut un CD contenant trois chansons Ă diffuser sous condition que lâanimateur Steve Lamacq parle par-dessus les morceaux, afin dâempĂȘcher les auditeurs de les copier illĂ©galement. Le lendemain de la diffusion, Lamacq reçut un coup de tĂ©lĂ©phone de la part dâIgnition lâinformant quâil nâaurait pas le droit de diffuser dâautres chansons parce quâil nâavait pas assez parlĂ© par-dessus les morceaux : « La nuit suivante, jâai dĂ» dĂ©clarer Ă lâantenne que nous nâaurions pas le droit de passer dâautres morceaux. CâĂ©tait complĂštement absurde[6]. » Selon John Andrews, le directeur marketing de Creation, tout le monde dans le label dĂ©testait Oasis Ă cause de cette campagne de promotion : « Leur Ă©quipe nous disait : « DĂ©solĂ©, vous nâavez pas le droit de venir au bureau entre telle heure et telle heure. Vous nâavez pas le droit de mentionner le mot Oasis. » On se croyait dans une dictature[21]. » Un employĂ© se souvient dâun incident oĂč « quelquâun est venu vĂ©rifier nos tĂ©lĂ©phones parce quâils pensaient que The Sun nous avait mis sur Ă©coute[21]. »
Peu de temps avant la sortie, Hopkins commença Ă distribuer des cassettes de lâalbum Ă la presse musicale. selon le journaliste de Select Mark Perry, Hopkins demanda Ă chaque journaliste de signer un contrat contenant une clause stipulant que le ou la destinataire de la cassette ne devait parler de lâalbum Ă personne, mĂȘme pas Ă sa compagne ou son compagnon. « En gros, on nâavait pas le droit de parler du disque avec notre copine au lit[21]. » Selon un article dans le Mail on Sunday, le manager du groupe Marcus Russell avait « lâesprit vif comme lâĂ©clair et un sens de lâorganisation digne de Winston Churchill. » Dans une interview en 1999, Greengrass reconnaĂźt : « Avec le recul, je me rends compte quâon a fait beaucoup de choses ridicules. Maintenant, quand on a des rĂ©unions [pour Oasis], on se dit : « Câest sur Internet, ça se vend Ă la sauvette au Camden Market⊠Peu importe. » Je pense quâon a appris la leçon[21]. » Mark Perry ajoute : « Il me semble assez clair, surtout aprĂšs avoir Ă©coutĂ© lâalbum, quâils avaient tous Ă©tĂ© pris dâune folie des grandeurs cocaĂŻnĂ©e qui confinait Ă lâabsurde. Je me souviens de moi en train de rire Ă lâĂ©coute dâAll Around the World tellement câĂ©tait ridicule⊠et pas dĂ©plaisant, dâailleurs. Je me disais clairement quâils sâĂ©taient fait des montagnes de coke pendant lâenregistrement[21]. »
SuccĂšs critique et commercial
Be Here Now sort le jeudi au Royaume-Uni. La date de sortie avait Ă©tĂ© avancĂ©e de peur que des exemplaires importĂ©s de lâalbum, destinĂ©s au marchĂ© amĂ©ricain, ne soient disponibles en Grande-Bretagne avant la date de sortie officielle[6]. Afin de ne pas attirer les camĂ©ras avec une ouverture exceptionnelle des magasins Ă minuit, Ignition avait fait signer des contrats aux dĂ©taillants stipulant quâils ne devaient pas vendre le disque avant huit heures[21]. MalgrĂ© tout, les camĂ©ras Ă©taient lĂ Ă lâheure prĂ©vue, arrivĂ©es juste Ă temps pour filmer les premiĂšres ventes initialement timides. Ce n'est qu'Ă la mi-journĂ©e que les ventes dĂ©collent : plus de 424 000 exemplaires de Be Here Now sont ainsi Ă©coulĂ©s le jour de sa sortie. En fin de journĂ©e le samedi suivant, les ventes sâĂ©lĂšvent Ă 663 389 exemplaires, ce qui en fait Ă lâĂ©poque le meilleur dĂ©marrage de l'histoire du Royaume-Uni pour un album musical[27]. Aux Ătats-Unis, Be Here Now dĂ©bute en deuxiĂšme place des charts, nâarrivant pas Ă dĂ©trĂŽner lâalbum No Way Out de Puff Daddy. Les 152 000 ventes de la premiĂšre semaine, loin des 400 000 prĂ©vues, sont toutefois considĂ©rĂ©es comme dĂ©cevantes[28].
Ă sa sortie, les critiques de Be Here Now sont unanimement positives. Selon Harris, il faut remonter Ă Sgt. Pepperâs Lonely Hearts Club Band pour retrouver un tel enthousiasme de la part de la presse[6]. Q dĂ©crit l'album comme Ă©tant « lâincarnation musicale de la cocaĂŻne », et la plupart des premiĂšres chroniques saluent lâalbum pour sa longueur, son ampleur et son ambition. Les critiques de lâalbum prĂ©cĂ©dent dâOasis, (Whatâs the Story) Morning Glory?, avaient Ă©tĂ© plutĂŽt nĂ©gatives Ă sa sortie, et la presse musicale britannique fut prise de court par le succĂšs de lâalbum, « un disque Ă©norme qui a dĂ©fini toute une Ă©poque », selon les mots du journaliste de Select Alexis Petridis. Ce dernier pense que les premiĂšres critiques Ă©logieuses de Be Here Now Ă©taient une concession faite Ă l'opinion publique, comme un aveu dâĂ©chec de la part de la presse[29].
Postérité
Ă la fin de lâannĂ©e 1997, Be Here Now sâĂ©tait vendu Ă huit millions dâexemplaires Ă travers le monde, la plupart des ventes ayant eu lieu au cours des deux premiĂšres semaines de sortie du disque. Une fois lâalbum diffusĂ© sur les stations de radio britanniques, les ventes commencĂšrent Ă diminuer. Pour les fans, le disque nâĂ©tait pas Ă la hauteur de Morning Glory : en 1999, selon un article de Melody Maker, Be Here Now Ă©tait lâalbum le plus revendu dans les boutiques dâoccasion[21]. Dans le documentaire de John Dower Live Forever: The Rise and Fall of Brit Pop sorti en 2003, le journaliste Jon Savage estime que Be Here Now marque la fin du mouvement britpop. Selon lui, bien que lâalbum ne soit pas « aussi dĂ©sastreux que tout le monde le dit », ce disque Ă©tait supposĂ© ĂȘtre « le chef-dâĆuvre du genre[30] ». Dans un article publiĂ© dans Q, Keith Cameron abonde dans le mĂȘme sens : « Parce quâil nâĂ©tait absolument pas Ă la hauteur des attentes, Be Here Now a tuĂ© la britpop et laissĂ© la place Ă de nouvelles tendances, une Ăšre oĂč la musique Ă©tait plus ambitieuse et moins ampoulĂ©e[4]. » Le journaliste du Irish Times Brian Boyd Ă©crit : « Aussi dĂ©mesurĂ© et cramĂ© que le groupe lâĂ©tait Ă lâĂ©poque, lâalbum fait preuve de cette arrogance insupportable si caractĂ©ristique des cocaĂŻnomanes[31]. » Le journaliste Garry Mulholland conclut que mĂȘme si lâalbum nâaurait jamais pu combler les attentes fĂ©briles qui le prĂ©cĂ©daient, cela nâenlĂšve rien au fait que « ce troisiĂšme opus dâOasis nâest rien dâautre quâun gros bruit dĂ©nuĂ© de sens[4] ».
Les frĂšres Gallagher ont des opinions divergentes sur lâalbum. En , Noel estime que la production est « fade » et que certains morceaux sont « de la grosse merde[4] ». Il dĂ©clarera plus tard : « Ce nâest pas parce que vous vendez beaucoup de disques que vous ĂȘtes forcĂ©ment bon. Regardez Phil Collins[32]. » Dans Live Forever: The Rise and Fall of Brit Pop, il renie lâalbum et attribue ses dĂ©fauts Ă la consommation de drogues et Ă lâindiffĂ©rence du groupe pendant lâenregistrement. Dans le mĂȘme documentaire, Liam dĂ©fend le disque : « Ă lâĂ©poque on le trouvait gĂ©nial, et je le trouve toujours aussi gĂ©nial aujourdâhui. Ce nâĂ©tait pas Morning Glory, câest tout[30]. » Dans une interview en 2006, il ajoute : « Sâil [Noel] ne lâaime pas vraiment, il nâaurait pas dĂ» sortir ce putain dâalbum en premier lieu [âŠ] Je ne sais pas ce qui lui prend. Câest un super album, mec, et moi jâen suis fier. Il est juste un peu long[33]. » Noel a constatĂ© que de nombreux fans d'Oasis, ainsi que des musiciens renommĂ©s comme Marilyn Manson, tiennent toujours cet album en haute estime[34].
Fiche technique
Liste des chansons
Toutes les chansons sont écrites et composées par Noel Gallagher.
RĂ©Ă©dition de 2016
Dans le cadre d'une campagne promotionnelle intitulĂ©e Chasing the Sun, l'album est rĂ©Ă©ditĂ© le . La version deluxe 3 CD inclut une version remasterisĂ©e de l'album, les sept faces B issues des trois singles britanniques, des dĂ©mos â y compris les sessions Ă Moustique â, des enregistrements live et une version remixĂ©e de D'You Know What I Mean?
Crédits
Oasis
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Musiciens additionnels et production
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Classements et certifications
Classements hebdomadaires
Classement musical | Meilleure position |
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Allemagne (Media Control AG)[35] | 2 |
Australie (ARIA)[36] | 1 |
Autriche (Ă3 Austria Top 40)[37] | 3 |
Belgique (Flandre Ultratop)[38] | 1 |
Belgique (Wallonie Ultratop)[39] | 2 |
Canada (RPM)[40] | 1 |
Danemark (Tracklisten)[41] | 1 |
Espagne (PROMUSICAE)[42] | 3 |
Ătats-Unis (Billboard 200)[43] | 2 |
Europe (European Top 100 Albums)[42] | 1 |
Finlande (Suomen virallinen lista)[44] | 1 |
France (SNEP)[45] | 1 |
Hongrie (MAHASZ)[46] | 13 |
Irlande (IRMA)[42] | 1 |
Islande (TĂłnlist)[47] | 1 |
Italie (FIMI)[42] | 1 |
Japon (Oricon)[48] | 3 |
Malaisie (IFPI)[42] | 2 |
NorvĂšge (VG-lista)[49] | 1 |
Nouvelle-ZĂ©lande (RIANZ)[50] | 1 |
Pays-Bas (Mega Album Top 100)[51] | 1 |
Portugal (AFP)[42] | 3 |
Royaume-Uni (OCC)[52] | 1 |
SuĂšde (Sverigetopplistan)[53] | 1 |
Suisse (Schweizer Hitparade)[54] | 2 |
Annexes
Bibliographie
- (en) David Cavanagh, The Creation Records Story : My Magpie Eyes Are Hungry for the Prize, Londres, Virgin Books, , 785 p. (ISBN 0-7535-0645-9)
- (en) John Harris, Britpop! : Cool Britannia and the Spectacular Demise of English Rock, Londres, Da Capo Press, , 464 p. (ISBN 0-306-81367-X)
Liens externes
- Be Here Now sur YouTube (streaming sous licence)
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Be Here Now (album) » (voir la liste des auteurs).
- (en) « The Official Oasis Website - Oasis Be Here Now reissue » [archive du ]
- (en) « Adele's 25 just went platinum in 24 hours - Music Business Worldwide », (consulté le )
- (en) « Be Here Now â was it really so bad? » [archive du ], sur q4music.com (consultĂ© le ) : « La seule raison pour laquelle on Ă©tait lĂ , c'Ă©tait l'argent. Noel s'Ă©tait mis en tĂȘte que Liam Ă©tait un chanteur de merde, Liam s'Ă©tait mis en tĂȘte que les chansons de Noel Ă©taient de la merde, mais on y est allĂ©s quand mĂȘme. RĂ©sultat : des tonnes de drogue, de grosses disputes, une ambiance pourrie et des enregistrements de merde. »
- (en) Keith Cameron, « Last Orders », Q,â
- (en) Stephen Thompson, « Oasis Be Here Now » [archive du ], sur The A.V. Club, (consulté le )
- (en) John Harris, Britpop! : Cool Britannia and the Spectacular Demise of English Rock, Londres, Da Capo Press, , 464 p. (ISBN 0-306-81367-X)
- (en) Phil Sutcliffe, « "Piece of piss!": The Oasis Diaries », Q,â
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