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Arcadius (empereur romain)

Arcadius (en grec ancien : ገρÎșÎŹÎŽÎčÎżÏ‚ Arkadios; titre complet en latin : Arcadius Flavius Pius Felix ; vers 377 – 1er mai 408) est auguste (empereur) dans la partie orientale de l’Empire romain de 383 Ă  408. Il est le fils aĂźnĂ© de l’empereur ThĂ©odose Ier, dernier auguste Ă  rĂ©gner sur l’Empire romain unifiĂ©, et de la premiĂšre Ă©pouse de celui-ci, Aelia Flacilla. Arcadius rĂšgne sur la partie orientale de l’empire alors que son frĂšre cadet, Honorius, rĂšgne sur la partie occidentale. ArrivĂ© au trĂŽne en bas Ăąge, de physique ingrat et de caractĂšre faible et hĂ©sitant, il est dominĂ© tour Ă  tour par des ministres tout puissants et par son Ă©pouse, Aelia Eudoxia.

Flavius Arcadius
Empereur romain d'Orient
Image illustrative de l’article Arcadius (empereur romain)
Buste d'Arcadius.
RĂšgne
- (~13 ans)
Période Théodosienne
Précédé par Théodose Ier
Suivi de Théodose II
Biographie
Nom de naissance Flavius Arcadius
Naissance - Hispanie
DĂ©cĂšs (~31 ans)
PÚre Théodose Ier
MĂšre Aelia Flacilla
Fratrie Honorius
PulchĂ©rie (en)
Galla Placidia
Épouse Eudoxie
Descendance Théodose II
Pulchérie

Pendant son rĂšgne, l’empire doit faire face Ă  une rĂ©bellion des Wisigoths conduits par Alaric en 395 dans les Balkans ainsi qu’à une invasion des Huns qui ravagent la Syrie et l’Asie mineure. TrĂšs pieux, il devient pourtant la cible du patriarche de Constantinople Jean Chrysostome, lequel accuse l’impĂ©ratrice de se substituer Ă  son Ă©poux et de faire preuve d’un luxe ostentatoire. La querelle parvient jusqu’au pape Ă  Rome et ne fait qu’accroĂźtre les tensions entre les deux empires. Il revient Ă  son dernier prĂ©fet du prĂ©toire, Anthemius, de tenter de rĂ©parer les relations entre l’Est et l’Ouest pendant qu’Arcadius s’efface de la vie publique jusqu’à sa mort en 408[1].

Contexte historique

L'Empire romain vers 400, montrant la division entre Orient et Occident ainsi que leurs provinces et diocĂšses respectifs.

Lorsque l’empereur Jovien (r. 363-365) mourut subitement le il appartint Ă  l’armĂ©e de lui choisir un successeur[2]. AprĂšs quelques hĂ©sitations, le choix se porta, le , sur Valentinien, Pannonien comme son prĂ©dĂ©cesseur et chrĂ©tien modĂ©rĂ©, reconnu pour son Ă©nergie et son honnĂȘtetĂ©[3]. Ce compromis fut accueilli de diverses façons au sein de l’armĂ©e et on exigea de lui qu’il s’adjoigne un coempereur[4] - [5]. Valentinien obtempĂ©ra tout en choisissant quelqu’un dont il pouvait ĂȘtre certain de la loyautĂ© absolue : son frĂšre Valens (r. 364-378) qui reçut charge de la prĂ©fecture du prĂ©toire d’Orient. C’était la premiĂšre fois depuis la tĂ©trarchie que chaque partie de l’empire avait son propre Auguste[6]. Valentinien Ă©tablit le siĂšge de son gouvernement Ă  TrĂšves, ne visitant jamais Rome ; Valens pour sa part divisa son temps entre Antioche et Constantinople[7].

Tout comme celui de son frĂšre Ă  l’Ouest, le rĂšgne de Valens devait ĂȘtre principalement consacrĂ© Ă  combattre les ennemis aux frontiĂšres : les Goths en Europe (premiĂšre campagne : 367-369; deuxiĂšme campagne : 376-378) et les Perses (373) en Asie mineure. C’est du reste en combattant les Goths qu’il devait trouver la mort le au cours de la bataille d’Andrinople (prĂšs de la ville moderne d'Édirne en Turquie). Valens ne laissant pas d’hĂ©ritier mĂąle, son collĂšgue d’Occident, Gratien (r. 367 – 383), se tourna alors vers un gĂ©nĂ©ral espagnol, ThĂ©odose avec qui il avait participĂ© Ă  la campagne contre les Goths sur le Rhin en 370 et contre les Sarmates sur le Danube en 372-373[8] - [9]. Il lui confia l’Orient de mĂȘme que les diocĂšses de Dacie et de MacĂ©doine qui faisaient jusque-lĂ  partie de son propre domaine[9].

ThĂ©odose fut le dernier empereur Ă  rĂ©gner seul sur l'Empire romain, de sa victoire sur l’usurpateur EugĂšne le Ă  sa mort le [10] - [11]. Lorsque Gratien fut assassinĂ© par l’usurpateur Magnus Maximus en 383 et que ce dernier envahit l’Italie, Valentinien II et sa cour alors situĂ©e Ă  Milan durent se rĂ©fugier Ă  Thessalonique dans la partie orientale de l’empire gouvernĂ©e par ThĂ©odose. Ce dernier promit d’aider Valentinien qui dut en retour lui donner la main de sa sƓur. Avant de partir en campagne, ThĂ©odose associa son fils aĂźnĂ© Arcadius au trĂŽne, lui donnant la charge de la prĂ©fecture du prĂ©toire d’Orient et l’Illyrie. ThĂ©odose dĂ©fit Magnus Maximus et rĂ©tablit Valentinien II sur le trĂŽne, mais l’éloigna de l’Italie (oĂč lui-mĂȘme resta jusqu’en 391) pour l’établir Ă  Vienne en Gaule pendant qu'il faisait venir son deuxiĂšme fils, Honorius, pour prendre charge des prĂ©fectures du prĂ©toire d’Italie et des Gaules. À sa mort, le , l’empire se retrouva dĂ©finitivement rĂ©gi par deux Augustes. Il ne devait retrouver son unitĂ© (thĂ©orique) que lorsque Romulus Augustulus (r. 475-476) fut dĂ©mis de ses fonctions par le chef barbare Odoacre en 476 et ses pouvoirs retournĂ©s Ă  l’empereur ZĂ©non (r. 474-475 et 476-491).

Biographie

Enfance et caractùre d’Arcadius

Arcadius Ă©tait nĂ© en 377 en Hispanie, donc avant que son pĂšre, ThĂ©odose le Jeune, ait Ă©tĂ© appelĂ© par l’empereur d’Occident Gratien Ă  succĂ©der Ă  l’empereur d’Orient Valens. Sa mĂšre, Aelia Flaccilla, Ă©tait la premiĂšre Ă©pouse de ThĂ©odose et comme lui Ă©tait nĂ©e en Hispanie. Elle devait mourir vers 385/386 aprĂšs lui avoir donnĂ© un second fils, Honorius (r. 393 – 423), nĂ© en 384.

Arcadius eut comme premiers tuteurs le rhĂ©teur paĂŻen et plus tard prĂ©fet de Constantinople Themistios, ainsi que le moine ArsĂšne de ScĂ©tĂ©. Tant Arcadius qu’Honorius souffrirent du fait que le dĂ©cĂšs de leur pĂšre les laissait trop jeunes au pouvoir, Arcadius n’ayant que dix-sept ou dix-huit ans, Honorius sept[12].

À cet Ăąge, Arcadius aurait dĂ» en principe pouvoir rĂ©gner seul. Toutefois, il Ă©tait de caractĂšre trop faible et d’esprit trop influençable pour prendre la direction des affaires[13]. Parlant de lui, l’épistolier et philosophe grec SynĂ©sios de CyrĂšne (vers 370 – 413) le comparera Ă  une mĂ©duse[14]. Son aspect physique (de petite taille, de teint basanĂ© foncĂ©, d’aspect chĂ©tif, aussi lent dans sa parole que dans ses mouvements) trahissait un caractĂšre aussi mĂ©diocre que son intelligence[15].

Influence de Rufinus (392-395)

L’entrĂ©e d’Alaric Ă  AthĂšnes d’aprĂšs le tableau d’un auteur inconnu.

Le [N 1], Ă  l’occasion de la cĂ©lĂ©bration de ses quinquennalia, ThĂ©odose Ă©leva son fils Arcadius Ă  la dignitĂ© de coempereur (Auguste)[16]. La mĂȘme annĂ©e, l’empereur Gratien Ă©tait tuĂ© Ă  Lyon lors de la rĂ©bellion de Magnus Maximus, comes de Bretagne acclamĂ© empereur par ses troupes[17] - [18]. Quatre ans plus tard, Maximus envahissait l’Italie et l’empereur Valentinien II (r. 375-392) venait se rĂ©fugier Ă  Thessalonique auprĂšs de ThĂ©odose, lequel accepta de l’aider Ă  reprendre son trĂŽne, exigeant en contrepartie la main de sa sƓur, Galla. En 388, ThĂ©odose partit pour l’Italie, confiant la garde d’Arcadius Ă  son prĂ©fet du prĂ©toire, Eutolmius Tatianus. AprĂšs avoir remis Valentinien II sur le trĂŽne et l’avoir Ă©loignĂ© de l’Italie, ThĂ©odose s’installa Ă  Milan oĂč il devait rester jusqu’en 391, tentant de remettre de l’ordre dans la rĂ©gion et nommant pour ce faire ses propres administrateurs dans les postes de commande, dont le nouveau magister militum in praesentialis, le gĂ©nĂ©ral franc Arbogast qui se vit confier la tutelle du jeune Valentinien[19].

Il Ă©tait depuis peu de retour Ă  Constantinople lorsque Valentinien II mourut, soit qu’il se fĂ»t agi d’un suicide, soit d’un meurtre commanditĂ© par Arbogast[N 2]. Arbogast espĂ©rait peut-ĂȘtre se voir promu Auguste en Occident par ThĂ©odose en dĂ©pit de ses origines franques. Aucune rĂ©action cependant ne vint de Constantinople oĂč la mort de l’empereur ne fut connue qu’en juin. Le gouvernement ne pouvant fonctionner sans Auguste, Arbogast dĂ©cida au mois d’aoput de faire nommer empereur EugĂšne (r. 392-394), homme estimĂ© pour sa vaste culture hellĂšne[11]. La rĂ©action de ThĂ©odose se fit attendre jusqu’en janvier 393 lorsqu’il Ă©leva son fils Honorius au rang d'Auguste d'Occident, rejetant ainsi la nomination d’EugĂšne[20]. ThĂ©odose se donna plusieurs mois pour assembler une nouvelle armĂ©e, composĂ©e cette fois encore de Goths ; il quitta Constantinople en 394, laissant la direction des affaires Ă  Arcadius assistĂ© du nouveau prĂ©fet du prĂ©toire, Flavius Rufinus, haut fonctionnaire ambitieux et sans scrupule qui avait rĂ©ussi Ă  remplacer Tatianus, l’accusant ainsi que son fils Proculus de malversation fiscale. La rencontre entre les armĂ©es d’EugĂšne et de ThĂ©odose eut lieu les 5 et Ă  la bataille de la RiviĂšre Froide (bataille du Frigidus)[21]. EugĂšne fut vaincu ; fait prisonnier par ThĂ©odose, il fut dĂ©capitĂ© le jour mĂȘme. Arbogast et son gĂ©nĂ©ral en chef, Nicomaque Flavien, se donnĂšrent la mort quelques jours plus tard[22]. Honorius, encore enfant, put alors prendre sa place comme Auguste de la partie occidentale de l’empire et ThĂ©odose le confia peu avant sa mort Ă  la garde du commandant en chef de son armĂ©e, le Vandale Stilicon[23].

Au moment de la mort de ThĂ©odose, le 17 janvier 395, les vĂ©ritables maitres du pouvoir Ă©taient donc l’influent prĂ©fet du prĂ©toire Rufinus en Orient et le gĂ©nĂ©ral Stilicon en Occident. ThĂ©odose avait bien spĂ©cifiĂ© de son vivant que son fils aĂźnĂ©, Arcadius, gouvernerait les prĂ©fectures du prĂ©toire d’Orient et l’Illyrie et que son cadet, Honorius, serait en charge des prĂ©fectures d’Italie et de Gaule. Mais selon Stilicon, ThĂ©odose sur son lit de mort lui aurait confiĂ© la tutelle de ses deux fils. En Orient, Rufinus refusa d’accepter cette version des faits[13]. Or si Rufinus contrĂŽlait l’administration civile de la partie orientale de l’empire, Stilicon avait sous ses ordres la presque totalitĂ© des armĂ©es aussi bien d’Orient que d’Occident, rĂ©unies par ThĂ©odose pour rĂ©primer la rĂ©bellion d’EugĂšne.

L’absence de ces armĂ©es mobiles, stationnĂ©es avec Stilicon Ă  l’Ouest, constituait une invitation aux Huns de l’Est pour envahir la prĂ©fecture d’Orient en traversant le Caucase et l’ArmĂ©nie pendant que les Huns de l’Ouest envahissaient le nord de la Thrace oĂč Ă©taient Ă©tablis les Wisigoths.

À la cour d’Arcadius, l’ambitieux prĂ©fet du prĂ©toire Rufinus avait un ennemi en la personne du praepositus sacri cubiculi (chambellan) d’Arcadius, un eunuque ĂągĂ© du nom d’Eutrope, aussi intelligent, peu scrupuleux et ambitieux que Rufinus. Eutrope savait que Rufinus ambitionnait de marier sa fille Ă  Arcadius pour se rapprocher du trĂŽne et que s’il rĂ©ussissait ce serait la fin de sa propre carriĂšre. Aussi, saisissant l’occasion d’une absence de Rufinus Ă  Antioche, il introduisit dans le palais une jeune barbare d’une incroyable beautĂ© (dont le nom germanique inconnu fut modifiĂ© en celui d’Eudoxia). Lorsque Rufinus revint d’Antioche, Arcadius et Eudoxia Ă©taient dĂ©jĂ  unis, leur mariage ayant Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ© le 27 avril 395[24] - [25].

À peu prĂšs Ă  la mĂȘme pĂ©riode, les Wisigoths s’étaient donnĂ© un nouveau chef en la personne du jeune Alaric (r. 395-410). Ayant constatĂ© que le gros des troupes mobiles de l’Est Ă©tait encore en Italie sous le commandement de Stilicon et furieux contre ce dernier qui lui avait Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rĂ© comme magister militum (gĂ©nĂ©ral en chef) aprĂšs la bataille de la RiviĂšre froide, Alaric envahit la MĂ©sie et la Thrace, s’avançant jusqu’aux murailles de Constantinople[26]. Stilicon, se considĂ©rant toujours comme protecteur des deux Augustes, se hĂąta de venir avec les armĂ©es conjuguĂ©es de l’Est et de l’Ouest au secours d’Arcadius. Rufinus considĂ©ra la chose comme une intrusion dans les affaires d’Orient et exigea d’Arcadius qu’il ordonne Ă  Stilicon de se retirer et de retourner en Occident avec les armĂ©es de l’Ouest. Stilicon se trouvait devant un dilemme : ou bien chasser les Wisigoths de Thessalie pour le plus grand bien de la partie orientale de l’empire ou bien accĂ©der au vƓu d’Arcadius, maintenant en Ăąge de gouverner, respectant ainsi les souhaits du dĂ©funt ThĂ©odose. ConformĂ©ment Ă  son mandat de protecteur d’Arcadius (et constatant probablement qu’il serait difficile Ă  ce stade de chasser les Wisigoths bien installĂ©s), il choisit de retourner en Italie, renvoyant Ă  Constantinople les unitĂ©s orientales de son armĂ©e sous le commandement d’un Wisigoth passĂ© au service de Rome : GaĂŻnas. Sa revanche ne devait pas tarder. À la tĂȘte des troupes d’Orient, GaĂŻnas se dirigea vers Constantinople oĂč il s’arrĂȘta au Champ de Mars, Ă  proximitĂ© de la Porte d’Or[N 3]. Rufinus accompagnait l’empereur espĂ©rant probablement ĂȘtre fait coempereur Ă  cette occasion. À la fin de la revue alors qu’il cherchait des appuis pour son Ă©lĂ©vation, un groupe de soldats de GaĂŻnas s’approchĂšrent et le poignardĂšrent Ă  mort[27] - [25].

Influence d’Eutrope (395-399)

Buste d’Eutrope rĂ©alisĂ© vers 450 Ă  ÉphĂšse.

Eutrope put ainsi remplacer Rufinus comme principal conseiller d’Arcadius. Peu enclin Ă  voir revenir quelqu’un qui pourrait avoir plus d’influence que lui auprĂšs de l’empereur, il laissa Stilicon retourner en Italie, laissant ainsi le champ libre Ă  Alaric qui avec ses Wisigoths continua sa progression vers le Sud, exigeant un tribut d’AthĂšnes, dĂ©truisant Corinthe et pillant mĂ©thodiquement le PĂ©loponnĂšse[25].

L’influence d’Eutrope devait durer quatre annĂ©es pendant lesquelles il chercha Ă  renforcer le pouvoir de la bureaucratie civile et Ă  diminuer celui des militaires, notamment en faisant exiler deux des principaux gĂ©nĂ©raux de l’armĂ©e, le magister militum praesentialis Timasius sous prĂ©texte de haute trahison et le magister utriusque militiae Abundantius dont il voulait s’approprier les domaines[28] - [29].

En dĂ©pit de ses dĂ©fauts, Eutrope semble avoir Ă©tĂ© un bon administrateur, restaurant les finances du gouvernement d’Orient et faisant nommer comme patriarche le brillant prĂ©dicateur d’Antioche Jean Chrysostome qui devait rĂ©former en profondeur l’Église grecque et ĂȘtre particuliĂšrement aimĂ© de la population[30]. Bien qu’il n’ait pas eu d’expĂ©rience militaire, Eutrope fit rĂ©former l’état-major des armĂ©es[29]. De plus, alors que d’autres militaires d’expĂ©rience avaient tentĂ© en vain de faire Ă©chec aux Huns qui ravageaient l’ArmĂ©nie romaine, il mena campagne contre eux, les pourchassant Ă  travers l’ArmĂ©nie jusqu’à ce qu’ils aient quittĂ© le territoire de l’empire[30].

Cette brillante victoire lui valut d’ĂȘtre nommĂ© consul en 399. Bien que largement honorifique maintenant, cette fonction Ă©tait la plus haute que pouvait confĂ©rer l’empire et les empereurs eux-mĂȘmes ne dĂ©daignaient pas de l’assumer Ă  l’occasion. Le fait qu’elle soit confĂ©rĂ©e non seulement Ă  un non-Romain, mais de surcroĂźt Ă  un eunuque, non seulement horrifia la population de Constantinople[31], mais ne fut pas reconnue par l’Auguste d’Occident[32].

GaĂŻnas, maintenant magister militum, qui estimait ne pas avoir Ă©tĂ© suffisamment rĂ©compensĂ© pour avoir Ă©cartĂ© Eutrope, dĂ©cida de tenter sa chance. Les Ostrogoths qui avaient Ă©tĂ© installĂ©s en Asie mineure par ThĂ©odose se rĂ©voltĂšrent sous la conduite de leur chef Tribigild. L’empereur envoya contre eux une premiĂšre force sous le commandement d’un gĂ©nĂ©ral nommĂ© LĂ©on qui fut dĂ©faite. Arcadius envoya alors contre eux une deuxiĂšme force commandĂ©e par GaĂŻnas. Ce dernier prit le parti de ses anciens compatriotes et informa l’empereur que les Goths ne pouvant ĂȘtre vaincus, il se devait de cĂ©der Ă  leurs demandes, la premiĂšre Ă©tant le renvoi d’Eutrope. Arcadius cĂ©da d’autant plus facilement qu’Eutrope s’était rĂ©cemment aliĂ©nĂ© les faveurs de l’impĂ©ratrice Eudoxie et Ă©tait dĂ©testĂ© par une bonne partie de la classe sĂ©natoriale[29]. S’alliant alors ouvertement avec Tribigild, GaĂŻnas entra Ă  Constantinople avec ses troupes, stationnant les troupes goths de Tribigild Ă  l’extĂ©rieur des murs. Son pouvoir ne dura que quelques mois. BientĂŽt la population se sentit menacĂ©e par la prĂ©sence de tant de barbares Ă  ses portes. L'opposition religieuse entre les Goths ariens et la population orthodoxe de la capitale Ă©tait attisĂ©e par le patriarche Jean Chrysostome. Le 12 juillet 400, incitĂ©e par l'impĂ©ratrice Eudoxie qui y voyait une chance de s’affirmer, la population constantinopolitaine massacra un contingent de 7 000 soldats de GaĂŻnas, lequel, pris de panique, se retira en Thrace[33].

Influence d’Aelia Eudoxia (399-404)

Jean Chrysostome affrontant l’impĂ©ratrice dans un tableau de Jean-Paul Laurens.

Les sources se font rares Ă  partir de cette pĂ©riode et il est difficile de savoir qui prĂ©cisĂ©ment contrĂŽla l’empire d’Orient jusqu’à la mort d’Arcadius[34]. Il est certain toutefois que le patriarche Jean Chrysostome et l’impĂ©ratrice Eudoxia prirent le devant de la scĂšne. D’une Ă©blouissante beautĂ© et dotĂ©e d’une forte personnalitĂ©, Eudoxia avait la rĂ©putation d’avoir une cohorte d’amants dont un, connu seulement sous le nom de Jean, Ă©tait probablement le pĂšre de son fils ThĂ©odose, hĂ©ritier du trĂŽne[35]. Ses relations avec l’empereur se dĂ©tĂ©riorĂšrent rapidement au point que le dĂ©saccord au sein du couple impĂ©rial Ă©tait de notoriĂ©tĂ© publique[35].

L’impĂ©ratrice et ses dames d’honneur ne cachaient ni la dĂ©pravation de leurs mƓurs, ni leur goĂ»t immodĂ©rĂ© pour le luxe ostentatoire. Cela au grand dĂ©plaisir du patriarche Jean Chrysostome, homme austĂšre et ascĂ©tique, qui ne cessait dans ses sermons de critiquer les femmes riches et la conduite frivole que dĂ©notaient leur façon de s’habiller, leurs bijoux et leur utilisation de produits de beautĂ©[36] - [37], remarques que l’impĂ©ratrice ne manquait pas de croire dirigĂ©es contre elle[38]. La tension monta entre les deux lorsqu’en 401, Jean Chrysostome, qui soupçonnait l’impĂ©ratrice d’avoir utilisĂ© son influence pour s’approprier les biens de l’épouse d’un sĂ©nateur dĂ©chu, la compara dans un sermon Ă  JĂ©zabel, l’infĂąme Ă©pouse du roi Achab de la Bible[39]. Eudoxia rĂ©pliqua en appuyant ouvertement l’évĂȘque SĂ©vĂ©rien de Gabala (aujourd’hui JablĂ©, en Syrie) en difficultĂ© avec le patriarche. Comme le patriarche Ă©tait trĂšs populaire dans la population, des Ă©meutes s’ensuivirent; l’empereur et l’impĂ©ratrice durent faire marche arriĂšre et prier Chrysostome de lever l’excommunication qu’il avait prononcĂ©e contre son collĂšgue[39] - [40].

Dans son zĂšle rĂ©formateur Jean Chrysostome avait entrepris de redresser les mƓurs du clergĂ© non seulement Ă  Constantinople, mais aussi en Thrace et en Anatolie, bien au-delĂ  de son territoire de juridiction, se crĂ©ant ainsi nombre d’ennemis dont le patriarche d’Alexandrie, ThĂ©ophile[41]. En 402, l’impĂ©ratrice crut pouvoir se venger en convoquant ThĂ©ophile Ă  Constantinople aprĂšs que quelques moines que ThĂ©ophile avait excommuniĂ©s eurent fait appel de cette sentence auprĂšs du patriarche. Une fois ThĂ©ophile arrivĂ©, un concile fut convoquĂ© en 403, lequel convainquit Jean Chrysostome d’hĂ©rĂ©sie. Arcadius qui penchait probablement en faveur du patriarche dut exiler celui-ci, mais des Ă©meutes furent dĂ©clenchĂ©es et il dut le rappeler presque immĂ©diatement. Finalement Chrysostome cĂ©da et partit de lui-mĂȘme en exil en 404, ce qui provoqua de graves difficultĂ©s entre l’Est et l’Ouest, l’empereur Honorius, le pape Innocent et de nombreux Ă©vĂȘques d’Occident appuyant ouvertement le patriarche[42] - [43].

La revanche de l’impĂ©ratrice devait ĂȘtre de courte durĂ©e. Le 6 octobre de la mĂȘme annĂ©e, l’impĂ©ratrice devait dĂ©cĂ©der des suites d’une fausse couche[43].

Influence d’Anthemius (404-408)

Section du mur de ThĂ©odose construit sous la supervision d’Anthemius.

À la mort de l’impĂ©ratrice, il semble qu’à partir de 405, lorsqu’il devint prĂ©fet du prĂ©toire d’Orient, ce fut Anthemius qui prit charge de la gestion de l’empire.

Il Ă©tait le petit-fils de Flavius Philippus qui avait lui-mĂȘme Ă©tĂ© prĂ©fet d’Orient en 346. D’abord comes sacrarum largitionum (comte des largesses sacrĂ©es) vers 400, il deviendra magister officiorum (maitre des offices = chef de la chancellerie impĂ©riale) en 404[44]. Il occupait cette position lorsque survinrent les Ă©meutes qui suivirent la dĂ©position du patriarche Jean Chrysostome[45].

En 405 il avait Ă©tĂ© nommĂ© consul pour l’empire d’Occident alors que Stilicon Ă©tait son vis-Ă -vis pour l’empire d’Occident et l’annĂ©e suivante il fut Ă©levĂ© au rang de patricien[46]. Il devait dĂ©tenir la prĂ©fecture du prĂ©toire pendant prĂšs de dix annĂ©es consĂ©cutives, chose exceptionnelle Ă  l’époque[34].

Jusqu’à la mort d’Arcadius, il dut s’employer Ă  rĂ©parer les dommages causĂ©s aux relations entre l’Est et l’Ouest par le bannissement de Jean Chrysostome et l’exaspĂ©ration de son ex-collĂšgue, le consul Stilicon, concernant les relations des deux empires avec Alaric et ses Wisigoths.

L’entente entre GaĂŻnas et Alaric avait causĂ© un profond malaise Ă  Constantinople contre les Goths et l’ancien officier supĂ©rieur de GaĂŻnas, Stilicon. Probablement encouragĂ© par ce Jean qui Ă©tait l’amant de l’impĂ©ratrice Eudoxia, Alaric avait abandonnĂ© son poste de magister militum per Illyricum pour aller attaquer Milan. Stilicon rĂ©ussit Ă  dĂ©livrer Milan en 402 et Ă  nĂ©gocier le dĂ©part d’Alaric et de ses hommes hors de l’Italie. Cet Ă©pisode avait suffisamment traumatisĂ© le gouvernement pour que la dĂ©cision soit prise de transfĂ©rer la capitale de l’empire de l’Ouest de Milan Ă  Ravenne. Alaric toutefois Ă©tait simplement retournĂ© dans le diocĂšse d’Illyricum[N 4]. Stilicon persuada alors Alaric de s’emparer de la prĂ©fecture d’Illyricum pour l’Ouest. Au dĂ©but de 407, Alaric s’était dĂ©jĂ  emparĂ© de l’Épire et attendait les troupes promises par Stilicon. C’est alors que nombre de tribus germaniques traversĂšrent le Rhin et que des rĂ©voltes Ă©clatĂšrent en Bretagne et en Gaule. Stilicon dut abandonner ses projets de conquĂȘte et dĂ©dommager Alaric pour son effort de guerre[42] - [47].

Peu aprĂšs, le 1er mai 408, Arcadius mourait, remplacĂ© par son fils ĂągĂ© de sept ans, ThĂ©odose II[48]. Prince faible, comme son pĂšre, ThĂ©odose II demeurera toujours sous l'influence de son entourage, celle d’AnthĂ©mius d’abord qui restera en poste jusqu’en 414, celle de sa sƓur PulchĂ©rie de 414 Ă  421 par la suite. Puis, ce sera le tour de Cyrus de Panopolis, prĂ©fet de Constantinople qui cumulera Ă©galement la charge de prĂ©fet du prĂ©toire d’Orient entre 426 et 431. Enfin ce sera celle de Nomus, maĂźtre des offices de 443 Ă  446, et celle de son ami l'eunuque Chrysaphios.

Généalogie théodosienne

Empire romain Valentinien Ier
321 - †375
Justine
Théodose l'Ancien
Thermantia
Aelia Galla
Empire romain Théodose Ier
379 - †395
Aelia Flacilla
Honorius
Athaulf
roi des Wisigoths
411 - †415
Galla Placidia
388 - †450
Empire romain d'Occident Constance III
†421
Empire romain d'Orient Arcadius
395 - †408
Eudoxie
Marie
fille de Stilicon et Serena
Empire romain d'Occident Honorius
395 - †423
Thermantia
fille de Stilicon et Serena
Serena
Stilicon
Théodose
Honoria
Empire romain d'Occident Valentinien III
419 - †455
Empire romain d'Orient Théodose II
401 - †450
Eudocie
Pulchérie
Empire romain d'Orient Marcien
450 - †457
Marie
Eucher
Thermantia
Licinia Eudoxia
Empire romain d'Occident PĂ©trone Maxime
†455
Genséric
roi des Vandales
428 - †477
Empire romain d'Occident Olybrius (empereur)
†472
Galla Placidia la Jeune
Eudoxia
Hunéric
roi des Vandales
477 - †484
Anicia Juliana
∞ Areobindus
Hildéric
roi des Vandales
523 - 530
IrĂšne
niĂšce d'Anastase Ier
Anicius Olybrius
Famille impériale byzantine


Notes et références

Notes

  1. La Prosopography of the Later Roman Empire (PLRE) donne comme date le 19 janvier, Ă©galement mentionnĂ©e dans la Chronicon Paschale; toutefois les deux sources qu’elle mentionne, Socrate de Constantinople et la Consularia Constantinopolitana, toutes deux contemporaines, citent le 19 janvier.
  2. Parmi les auteurs anciens, Socrate, Zosime et Orosius penchent pour un meurtre; Sozomen donne les deux versions, alors que le Fasti Vindobonenses priores penche pour le suicide. Parmi les auteurs modernes, on privilégie cette derniÚre thÚse.
  3. Traditionnellement, c’est lĂ  que l’empereur attendait les armĂ©es victorieuses.
  4. AprĂšs la mort de ThĂ©odose en 395 on distingua un « diocĂšse d’Illyricum » (nouveau nom du "diocĂšse de Pannonie") rattachĂ© Ă  la prĂ©fecture italienne et une « prĂ©fecture du prĂ©toire d’Illyricum » partie intĂ©grante de l’empire d’Orient; les deux empires se disputeront ce territoire jusqu’en 437 alors que, faisant partie de la dot de Licinia Eudoxia, Valentinien III reconnaisse la souverainetĂ© de l’Empire d’Orient (Pour une explication plus complĂšte, voir Morrisson (2004) p. 304 et sq.)

Références

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  5. Roberts (2001) « Valentinian I », para 6.
  6. Ce qui ne veut pas dire que l’empire Ă©tait divisĂ© : les lois promulguĂ©es par l’un des deux Ă©taient Ă©galement valides dans l’autre partie de l’empire; l’avĂšnement d’un nouvel Auguste devait ĂȘtre reconnu par l’autre; Ă  la mort de l’un des deux, l’Auguste survivant devenait le seul empereur jusqu’à la nomination du successeur de l’Auguste dĂ©cĂ©dĂ© ou renversĂ©. Voir Ă  ce sujet la prĂ©face de J.B. Bury, « A History of the Late Roman Empire from Arcadius to Irene (395 – 800).
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Voir aussi

Sources primaires

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    • Livres XXIII-XXV : ExpĂ©dition contre les Perses et mort de Julien. Court rĂšgne et mort de Jovien ;
    • Livre XXVI : Valentinien Ier et Valens se partagent l'empire ;
    • Livres XXVII-XXX : ExpĂ©ditions de Valentinien et mort de l'empereur ; rĂšgne de Valens en Orient.
  • (en) Gregory of Tours. The History of the Franks Translated with an introduction by Lewis Thorpe. England, Penguin Classics, 1974 (ISBN 978-0-14-044295-3).
  • (la) (fr) Hydace, Chronique. ƒuvre numĂ©risĂ©e et traduite par Marc Szwajcer. [en ligne].
  • Jean Chrysostome. Ses lettres et homĂ©lies publiĂ©es dans divers ouvrages sont une source d’information sur la vie quotidienne Ă  Constantinople et sur celle de la cour.
  • Socrate de Constantinople, Histoire ecclĂ©siastique, livres VII, Texte grec de G.C. Hansen (GCS) – Traduction par Pierre PĂ©richon, et Pierre Maraval, coll. « Sources chrĂ©tiennes », no 506, Éditions du Cerf, Paris, 2007.
  • SynĂ©sios de CyrĂšne. De la royautĂ© (De regno). Tome 2 des Opuscules. Les Belles Lettres, Paris, 2004-2008.
  • (la) Zozime, "Historia Nova", livre 5 [en ligne] https://www.tertullian.org/fathers/zosimus05_book5.htm.

Sources secondaires

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