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Arc en mitre

L'arc en mitre, ou arc en fronton, ou arc angulaire est un arc composé de deux droites inclinées formant un angle.

L'arc angulaire a été utilisé dès l'Antiquité. On en trouve des exemples dans l'architecture romaine, à Constantinople, Ancône… Dans l'architecture chrétienne, il apparaît dans les architectures wisigothique, mérovingienne, carolingienne, ottonienne, saxonne, romane, gothique (où il connaît une grande expansion avec l'architecture en briques de la région toulousaine), néoromane, néogothique et Art déco.

L'arc en mitre est un des éléments constitutifs du « triplet » qui est une arcature (aveugle ou non) constituée d'un arc en mitre encadré de deux arcs en plein cintre, symbolisant la Trinité chrétienne et que l'on retrouve dans l'architecture wisigothique, mérovingienne et romane.

Un arc en mitre, sous sa forme la plus simple, est constitué de deux voussoirs droits posés en angle.

Certains arcs de décharge, destinés à répartir les charges de maçonnerie de chaque côté d'un linteau ou d'un arc, affectent la forme d'un arc en mitre (deux pierres disposées en angle)[1].

L'arc en mitre dans l'architecture wisigothique

L'arc en mitre orne les murs de la chapelle de São Frutuoso de Montélios près de Braga au Portugal. Cette chapelle wisigothique présente le même plan en croix que le mausolée de Galla Placidia à Ravenne[2] à la différence que les murs extérieurs de ses absides sont ornés de triplets constitués d'un arc en mitre encadré de deux arcs en plein cintre.

São Frutuoso de Montelios.
Montelios : à droite, vue partielle d'un triplet.

L'arc en mitre dans l'architecture mérovingienne

Un triplet constitué d'un arc en plein cintre et de deux arcs en mitre orne le baptistère mérovingien Saint-Jean de Poitiers (au niveau de la façade sud-ouest du baptistère, entre les oculi et le fronton[3]).

L'arc en mitre dans l'architecture carolingienne

En Allemagne, l'arc en mitre figure à l'abbaye de Lorsch (VIIIe siècle), où la Torhalle ou « porte triomphale » est ornée d'une rangée d'arcs en mitre supportés par des pilastres cannelés surmontés de chapiteaux ioniques[4]

Baptistère de Poitiers.
L'abbaye de Lorsch (VIIIe siècle).

L'arc en mitre dans l'architecture ottonienne

L'église Saint-Cyriaque de Gernrode, témoin de l'architecture ottonienne construit entre 960 et 1000 en Basse-Saxe, présente des arcs en mitre au niveau d'une des deux tours circulaires flanquant la façade ouest ainsi que de curieux arcs en mitre au-dessus des chapiteaux surmontant les piliers séparant la nef centrale des bas-côtés.

Gernrode : tour circulaire.
Gernrode : nef.

L'arc en mitre dans l'architecture saxonne

En Grande-Bretagne, les baies et décors en arc angulaire sont caractéristiques des petites églises saxonnes (900-1050), les édifices plus grands ayant été reconstruits à la période normande.

St-Peter, Barton-on-Humber.
Earls Barton Church.

L'arc en mitre dans l'architecture romane

Saint-Géraud d'Aurillac.

À l'époque romane, l'arc en mitre apparaît de nouveau en tant qu'élément central du triplet.

On le retrouve ainsi en Drôme provençale sur la façade du prieuré du Val des Nymphes, près de La Garde-Adhémar, chapelle typique de l'art roman provençal inspiré de l'antique. L'arc en mitre est ici supporté par des pilastres cannelés ornés de chapiteaux à feuilles d'acanthe.

Le triplet incluant l'arc en mitre orne à la même époque le fond du transept de nombreuses églises romanes auvergnates[5] :

  • collégiale Saint-Victor et Sainte-Couronne d'Ennezat

L'arc en mitre dans l'architecture gothique méridionale

Clocher des Jacobins de Toulouse, illustration du Dictionnaire de Viollet-le-Duc.
Basilique Saint-Sernin de Toulouse.

À Toulouse et dans sa région où la pierre manque, l'architecture romane et l'architecture gothique utilisent intensivement la brique.

L'arc en mitre a acquis dans ce style « gothique de la brique » méridional une grande vogue que Viollet-le-Duc[8] explique par une plus grande facilité de mise en œuvre : l'arc en mitre[9] permet d'utiliser un module unique de brique et il n'est pas nécessaire de mouler des briques en claveaux comme pour les arcatures en plein cintre (comparer les arcs du dernier étage du clocher des Jacobins et les arcatures de la balustrade supérieure sur l'illustration du Dictionnaire de Viollet-le-Duc).

Il faut cependant remarquer que cette solution technique de l'arc en mitre n'a pas été adoptée par les autres styles relevant du « gothique de la brique » comme celle de Flandre (Bruges, Poperinge, Rubrouck…) ou encore le « style gothico-mudéjar de la brique » en Espagne.

L'arc en mitre caractérise donc par excellence le « clocher toulousain » en brique, qu'il soit octogonal ou qu'il s'agisse d'un clocher-mur. Ce modèle du « clocher toulousain » s'est également imposé dans des régions voisines où la construction en pierre prédomine pourtant : le Lauragais, l'Ariège, le Couserans

  • Beaumont-de-Lomagne.
    Beaumont-de-Lomagne.
  • Bessières (Haute-Garonne).
    Bessières
    (Haute-Garonne).
  • Grenade(Haute-Garonne).
    Grenade
    (Haute-Garonne).
  • Lombez.
    Lombez.
  • L'église Saint-Jacques, Montauban.
    L'église Saint-Jacques, Montauban.
  • Notre-Dame de la Visitation, Montech.
    Notre-Dame de la Visitation, Montech.
  • Montricoux.
    Montricoux.
  • Rieux.
    Rieux.
  • Saint-Félix-Lauragais.
    Saint-Félix-Lauragais.
  • Clocher des Augustins, Toulouse.
    Clocher des Augustins, Toulouse.
  • Église des Jacobins, Toulouse.
    Église des Jacobins, Toulouse.

L'arc en mitre dans l'architecture moderne

En 1858, Viollet-le-Duc publie le modèle de l'arc en mitre dans son Dictionnaire. Le courant éclectique et le retour à des formes médiévales (le style troubadour) vont le remettre au goût du jour, non seulement dans la région toulousaine, mais aussi dans le reste de la France. Émile Boeswillwald, disciple de Viollet-le-Duc, va contribuer à répandre ce vocabulaire architectural : église de Masny (Aisne), 1863, de style hispano-mauresque et néoroman.

Dès 1845, le choix des architectes de recourir à ces formes d'une culture locale se voit conforté par la volonté des communautés, qui préfèrent parfois se passer des aides officielles plutôt que de renoncer à ce qui constitue une véritable identité culturelle[10].

Architecture néo-romane

Triplet d'arcs en mitre ornant le transept de l'église Saint-Géry de Limelette (Belgique).
  • Auvergne
  • Languedoc toulousain
    • Le clocher de l'église Saint-Médard de Fenouillet dans la banlieue de Toulouse, reconstruit en 1927 en style néo-roman, est surmonté d'une frise d'arcatures en mitre.
  • Belgique
    • L'arc en mitre est également présent dans l'architecture néo-romane de Belgique. On le retrouve par exemple à Limelette où il orne les fenêtres de l'église Saint-Géry, détruite par un bombardement en 1944 et reconstruite en style néoroman en 1953-1955 par l'architecte Max Manfroid. À Limelette, chacun des bras du transept est percé d'un triplet de fenêtres à arc en mitre logé sous un large arc en mitre fait de moellons posés sur champ, auquel des blocs de grès ferrugineux confèrent une belle polychromie.
  • Basilique Notre-Dame des Miracles de Mauriac.
    Basilique Notre-Dame des Miracles de Mauriac.
  • Mauriac.
    Mauriac.
  • Fenouillet.
    Fenouillet.

Architecture néogothique

  • Toulouse
    • Église paroissiale Saint-Joseph de Toulouse (près du pont des Demoiselles), reprenant le clocher octogonal à arcs en mitres, réputée dans l'architecture gothique méridionale.
    • L'architecture civile à Toulouse au XIXe siècle a souvent recours à des pastiches néogothiques : exemple, le 3, rue Théodore-Ozenne utilise plusieurs arcs en ogive et une double baie avec arcs en mitre.
  • Loiret
    • L'église Sainte-Jeanne d'Arc de Gien (Loiret) est un exemple remarquable de l'utilisation de l'arc en mitre. L'église originelle du XVe siècle, détruite à la Révolution, reconstruite en 1830, avait été à nouveau détruite par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, à l'exception du clocher du XVe siècle. Elle fut reconstruite en briques (1950-1954) par les architectes Paul et Jean Gélis (la famille Gélis est par ailleurs parmi les plus importants briquetiers de la région de Toulouse) qui la dotèrent de hautes baies terminées par des arcs en mitre qui ne sont pas sans présenter quelque harmonie avec les gâbles des lucarnes de l'architecture locale.
  • Drôme
    • L'église Saint-Pierre de Bourg-les-Valence a une nef entièrement remaniée au XIXe siècle, de quatre travées dont chacune est éclairée, côté nord, par trois baies en mitre, tandis que les bas-côtés ont également des baies en mitre doubles.
  • Rue Théodore-Ozenne à Toulouse (début du XXe siècle).
    Rue Théodore-Ozenne à Toulouse (début du XXe siècle).
  • À gauche, derrière le château de Gien, l'église Sainte-Jeanne d'Arc.
    À gauche, derrière le château de Gien, l'église Sainte-Jeanne d'Arc.
  • Église Saint-Pierre, Bourg-lès-Valence.
    Église Saint-Pierre, Bourg-lès-Valence.

Architecture Art déco

Basilique de Koekelberg.

Par sa simplicité géométrique et sa facilité de mise en œuvre, l'arc en mitre a été fréquemment utilisé par l'architecture religieuse Art déco :

Cette basilique, qui mêle les styles Art déco et néo-byzantin, utilise massivement l'arc en mitre tant au niveau des fenêtres et de la décoration intérieure de la nef que du narthex-portail.

Arc en mitre et gâble

L'arc en mitre ne doit pas être confondu avec le gâble qui est un pignon ou couronnement triangulaire qui surmonte l'arc d'un portail ou d'une baie.

Certains clochers romans limousins sont ornés de fenêtres surmontées d'un gâble, tels le clocher de l'église de Saint-Léonard-de-Noblat et celui de l'église Saint-Pierre d'Uzerche en Limousin.

  • Saint-Léonard-de-Noblat.
    Saint-Léonard-de-Noblat.
  • Saint-Pierre d'Uzerche.
    Saint-Pierre d'Uzerche.

Notes

  1. Oda van de Castyne, L'Architecture privée en Belgique dans les centres urbains aux XVIe et XVIIe siècles, Palais des Acad, , 356 p. (lire en ligne).
  2. Xavier Barral i Altet, Haut Moyen Âge, Taschen, p. 111.
  3. Xavier Barral i Altet, Haut Moyen Âge, p. 89.
  4. Xavier Barral i Altet, Haut Moyen Âge, p. 151.
  5. Bernard Craplet, Auvergne romane, Abbaye de La Pierre-qui-Vire, Zodiaque, , page 32.
  6. Pierre Moulier, Églises romanes de Haute-Auvergne, Créer, 2001.
  7. Georges Jousse, Ebreuil, la puissante abbaye royale d'Auvergne, Paris, Imestra Editions, .
  8. Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle, Paris, Bance-Morel, 1854-1868.
  9. Viollet-le-Duc ne nomme pas l'arc en mitre : « […] les quatre autres étages, semblables entre eux, sont ajourés d'arcatures fermées, non point par des archivoltes, mais par des imbrications formant des angles droits au sommet » (description du clocher des Jacobins de Toulouse).
  10. Bruno Foucart et Françoise Hamon, L'Architecture religieuse au XIXe siècle, PUPS, .
  11. Pierre Moulier, La Basilique Notre-Dame des Miracles de Mauriac, Créer, .

Voir aussi

Article connexe

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