Aqueduc de Valens
Lâaqueduc de Valens (en turc : Valens Su Kemeri ou BozdoÄan Kemeri, littĂ©ralement : « aqueduc du faucon gris » ; en grec ancien : áŒÎłÏÎłáœžÏ ÏοῊ áœÎŽÎ±ÏÎżÏ, AgĆgĂłs tou hĂœdatos, littĂ©ralement : « ce qui apporte lâeau ») est un aqueduc romain, principale source dâapprovisionnement en eau de Constantinople (aujourdâhui Istanbul en Turquie). ComplĂ©tĂ© sous lâempereur Valens (r. 364 â 378) vers la fin du IVe siĂšcle, il fut utilisĂ© tant par les Byzantins que par les Ottomans et demeure aujourdâhui lâun des monuments emblĂ©matiques de la ville.
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Type | |
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Style |
Coordonnées |
41° 00âČ 58âł N, 28° 57âČ 20âł E |
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Emplacement
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La section pont-aqueduc la plus spectaculaire enjambe le boulevard AtatĂŒrk dans le district de Fatih[N 1] entre les collines aujourdâhui occupĂ©es par lâuniversitĂ© dâIstanbul et la mosquĂ©e Fatih. La section encore existante fait 921 mĂštres de long, soit 50 mĂštres de moins que lâoriginale et sâĂ©lĂšve Ă une hauteur de 20 mĂštres[1]. Le boulevard AtatĂŒrk passe aujourdâhui sous ses arcades.
Histoire
Sous Constantin Ier et Théodose Ier
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La construction dâun systĂšme dâadduction dâeau pour la ville qui sâappelait encore Byzance avait dĂ©jĂ commencĂ© sous lâempereur Adrien[2]. Toutefois, lorsque Constantin Ier (r. 306-337) dĂ©cida de faire de la ville la nouvelle capitale de lâempire, le systĂšme dut ĂȘtre complĂštement repensĂ© pour faire face Ă lâaugmentation de la population[3]. Lâaqueduc de Valens qui captait lâeau sur les pentes des collines entre KaÄitlhane et la mer de Marmara [4] devint lâune des composantes dâun vaste rĂ©seau dâaqueducs et de canaux qui sâĂ©tendait sur quelque 250 kilomĂštres, le plus Ă©tendu de lâAntiquitĂ©, sâĂ©tendant jusquâaux collines de Thrace et alimentant en eau la capitale. ArrivĂ©e dans la citĂ©, lâeau Ă©tait recueillie dans trois rĂ©servoirs Ă ciel ouvert et plus de cent citernes souterraines comme la citerne-basilique la citerne dâAspar, ou la citerne de ThĂ©odose, le tout ayant une capacitĂ© de plus dâun million de mĂštres cubes[5].
On ignore la date prĂ©cise Ă laquelle commença la construction de lâaqueduc. On sait toutefois quâil fut terminĂ© en 368 pendant le rĂšgne de lâempereur Valens (coempereur 364-378) dont il porte le nom. La section la plus spectaculaire, le pont-aqueduc, traverse la vallĂ©e se trouvant entre ce qui Ă©taient les troisiĂšme et quatriĂšme collines de Constantinople oĂč se trouvaient respectivement le Capitolium et lâĂ©glise des Saints-ApĂŽtres[6]. Selon la tradition, cette partie surĂ©levĂ©e aurait Ă©tĂ© construite avec les pierres provenant du mur de ChalcĂ©doine, citĂ© grecque de Bithynie, aprĂšs que ceux-ci aient Ă©tĂ© rasĂ©s lors de la rĂ©volte de lâusurpateur Procope (326-366)[6]. La structure fut officiellement inaugurĂ©e par le prĂ©fet de la ville Clearchus qui fit bĂątir un Nymphaeum majus[N 2] situĂ© dans le forum de ThĂ©odose dont lâeau Ă©tait fournie par lâaqueduc[6].
AprĂšs lâimportante sĂ©cheresse qui dĂ©vasta la rĂ©gion en 382, lâempereur ThĂ©odose (r. 379 â 395) fit construire une nouvelle section (Aquaeductus Theodosiacus) dont lâeau provenait de la rĂ©gion au nord-est de la ville, aujourdâhui connue sous le nom de forĂȘt de Belgrade[3].
Pendant lâEmpire byzantin
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Par la suite, de nouveaux travaux furent exĂ©cutĂ©s sous ThĂ©odose II (r. 408 â 450) qui limita la distribution de lâeau de lâaqueduc au Nymphaeum, aux bains de Zeuxippe et au Grand Palais de Constantinople[3]. Lâaqueduc, possiblement aprĂšs avoir Ă©tĂ© endommagĂ© par un tremblement de terre, fut restaurĂ© sous Justinien Ier (r. 527 â 565) qui le relia Ă la citerne de la basilique de Illus[N 3] que lâon identifie de nos jours avec la citerne Philoxenos ; il fut Ă nouveau rĂ©parĂ© sous Justin II (r. 565 â 578) en 576, lâempereur faisant ajouter une canalisation distincte[6] - [7].
Lâaqueduc fut coupĂ© par les Avars durant le siĂšge de 626 et lâapprovisionnement en eau ne fut rĂ©tabli quâaprĂšs la grande sĂ©cheresse de 758 par lâempereur Constantin V (r. 741-775)[6]. Pour ce faire lâempereur utilisa une imposante main dâĆuvre venue de toute la GrĂšce et de lâAnatolie sous la direction de lâarchitecte Patrikios[6].
Par la suite, divers travaux furent effectuĂ©s sous les empereurs Basile II (r. 960 â 1025) en 1019 et sous Romain III Argyre (r. 1028 â 1034)[4] - [8].
Le dernier empereur Ă y faire exĂ©cuter des travaux fut Andronic Ier ComnĂšne (r. 1183 -1185)[7]. Si aucune rĂ©paration ne fut effectuĂ©e pendant lâempire latin ou pendant la restauration palĂ©ologienne, câest sans doute que pendant cette pĂ©riode la population de la ville sâĂ©tait rĂ©duite Ă entre 40 000 et 50 000 habitants et la demande en eau Ă©tait moins considĂ©rable[4]. NĂ©anmoins, selon Ruy Gonzales de Clavijo, diplomate castillan qui visita Constantinople en route vers Timour en 1403, lâaqueduc Ă©tait toujours en activitĂ© Ă cette Ă©poque[6].
Sous les Ottomans
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AprĂšs la chute de Constantinople en 1453, le sultan Mehmet II (r. 1444 â 1446 ; 1451 â 1481) fit restaurer lâensemble du rĂ©seau qui fut utilisĂ© pour lâadduction dâeau aux palais Eskui Sarayi (le premier palais construit sur la troisiĂšme colline) et le Topkapi Sarayi, connectant cet aqueduc Ă une nouvelle ligne venant du nord-est. Le tremblement de terre de 1509 causa des dommages considĂ©rables, faisant tomber les arcs prĂšs de la mosquĂ©e de Èehzade qui devait ĂȘtre construite peu aprĂšs. Ceci donna naissance Ă la lĂ©gende urbaine selon laquelle les arcs auraient Ă©tĂ© dĂ©molis pour permettre une meilleure vue de la mosquĂ©e. Les rĂ©parations au systĂšme dâadduction continuĂšrent sous Beyazid II (r. 1481 â 1512) qui ajouta un nouveau tronçon[8].
Vers le milieu du XVIe siĂšcle, SĂŒleyman Ier (r. 1520 â 1566) fit reconstruire les arcs (maintenant ogivaux) des piliers 47 Ă 41 (comptĂ©s Ă partir de lâouest) prĂšs de la mosquĂ©e Èehzade et fit ajouter par lâarchitecte impĂ©rial Minar Sinan deux nouveaux tronçons venant de la forĂȘt de Belgrade (Belgrad Ormam)[4]. La capacitĂ© accrue permit de distribuer lâeau au quartier de KirkçeÈme (littĂ©ralement : quarante fontaines), situĂ© le long de lâaqueduc du cĂŽtĂ© de la Corne dâOr et qui devait son nom aux nombreuses fontaines quây avait fait Ă©riger Suleyman[4].
Sous le sultan Mustafa II (r.1695 â 1703), cinq arcs (# 41â45) furent restaurĂ©s en respectant la forme originelle. Une inscription sur le site datant de 1696/1697 commĂ©more lâĂ©vĂšnement. Son successeur, Ahmed III (r. 1703 â 1736), fit Ă son tour de nouvelles rĂ©parations sur le rĂ©seau[8].
En 1912, un tronçon de 50 mĂštres de lâaqueduc fut dĂ©moli prĂšs de la mosquĂ©e Fatih ; Ă la mĂȘme pĂ©riode, un nouveau Taksim (littĂ©ralement : division) fut Ă©rigĂ© Ă la fin du tronçon est[4].
Description
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La section pont-aqueduc de lâaqueduc de Valens a une longueur de 971 mĂštres et une hauteur maximum de 29 mĂštres (63 mĂštres au-dessus du niveau de la mer) avec une pente constante de 1:1000[6]. Les arcs 1 Ă 40 et 46 Ă 51 furent construits sous Valens, les arcs 41 Ă 45 sous Mustafa II et les arcs 52 et 56 sous Suleyman[9]. Les arcs 18 Ă 73 sont Ă deux niveaux, les autres Ă un seul[6] - [9].
La structure originelle formait une ligne parfaitement droite, mais durant la construction de la mosquĂ©e Fatih, on ignore pour quelle raison, on y fit une courbe[10]. La maçonnerie est irrĂ©guliĂšre et utilise une combinaison de pierres de taille et de briques[6]. La premiĂšre rangĂ©e dâarcs est construite avec des blocs de pierre bien Ă©quarris alors que la rangĂ©e supĂ©rieure prĂ©sente de quatre Ă sept rangs de pierre alternant avec un lit de matĂ©riel plus petit (opus caementitium) fixĂ© avec des serre-joints de fer[10]. La largeur de lâaqueduc varie entre 7,75 mĂštres et 8,24 mĂštres[6]. Les piliers ont une Ă©paisseur de 3,70 mĂštres et les arcs de la partie infĂ©rieure ont un diamĂštre de 4 mĂštres[10]. Des relevĂ©s gĂ©ophysiques effectuĂ©s en 2009 ont permis de trouver les fondations des piliers qui se trouvent approximativement Ă entre 5,4 et 6,0 mĂštres sous terre[11].
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Lâeau arrive par deux conduites venant lâune du nord-est et lâautre du nord-ouest lesquelles se rejoignent en dehors des murs prĂšs de la porte dâAndrinople (Edirne Kapi)[1]. Un centre de distribution est situĂ© prĂšs de lâextrĂ©mitĂ© est de lâaqueduc; un autre prĂšs de Hagia Sophia. Lâeau alimente la zone couverte par le palais impĂ©rial[10]. Le dĂ©versement quotidien Ă©tait dans les annĂ©es 1950 de 6,120 mĂštres cubes[10]. Pendant la pĂ©riode byzantine, deux importantes voies de circulation se croisaient sous la section est de lâaqueduc[10].
Bibliographie
- (fr) Janin, Raymond. Constantinople Byzantine (2 ed.). Paris, Institut Français d'Etudes Byzantines, 1964. ISSN 0402-8775.
- (en) Mamboury, Ernest. The Tourists' Istanbul. Istanbul, Ăituri Biraderler Basımevi, 1953.
- (en)Evans, J.A.S. (1996). The Age of Justinian: The Circumstances of Imperial Power. Routledge, 1996. (ISBN 978-0-415-02209-5).
- (fr) Eyice, Semavi . Istanbul. Petite Guide a travers les Monuments Byzantins et Turcs . Istanbul, Istanbul Matbaası, 1955.
- (en) Freely, John. Blue Guide Istanbul. W. W. Norton & Company, 2000. (ISBN 0-393-32014-6).
- (en)GĂŒlersoy, Ăelik . A Guide to Istanbul. Istanbul. Istanbul KitaplıÄı, 1976. OCLC 3849706.
- (de) MĂŒller-Wiener, Wolfgang . Bildlexikon zur Topographie Istanbuls: Byzantion, Konstantinupolis, Istanbul bis zum Beginn d. 17 Jh. TĂŒbingen, Wasmuth, 1977. (ISBN 978-3-8030-1022-3).
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Valens Aqueduct » (voir la liste des auteurs).
Notes
- CĆur historique de la ville comprenant lâensemble de Constantinople conquis par Mehmet II en 1453.
- Ă lâorigine un bassin dĂ©diĂ© aux nymphes, le nymphĂ©e devint Ă lâĂ©poque romaine une fontaine publique monumentale, ornĂ©e de sculptures et de jeux d'eau. Il se composait d'un ou plusieurs bassins entourĂ©s d'une façade ornementale Ă Ă©tages multiples.
- Illus était un magister militum qui joua un rÎle important sous les empereurs Léon Ier et Zénon. Justinien agrandit une citerne existante construite par Constantin placée sous le portique de la basilique (Janin [1964] p. 173)
Références
- Mamboury (1953) p. 196
- Evans (1996) p. 30
- Mamboury (1953) p. 193
- Mamboury (1995) p. 202
- Evans (1996) p. 31
- MĂŒller-Wiener (1977) p. 273
- Mamboury (1953) p. 194
- MĂŒller-wiener (1977) p. 274
- Eyce (1944) p. 78
- Mamboury (1953) p. 203
- "GPR Surveying of Valens Aqueduct". (en turc). Tespit Engineering. Retrieved 25 May 2013.
Voir aussi
Liens internes
Liens externes
- (en) Karaback, Yasin. « BozdoÄan Su Kemeri/Kitabe (The Valens Aqueduct) » (avec sous-titres en anglais). [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=Mjrx_zBymX0.
- (en) âByzantine water system ». YouTube [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=1RGTsilyX2I.