AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Adarnassé IV

AdarnassĂ© IV (ადარნასე IV ; mort en 923), ou AdarnassĂ© II, est un monarque gĂ©orgien de la dynastie des Bagratides qui rĂšgne Ă  la fin du IXe siĂšcle et au dĂ©but du Xe siĂšcle. Fils du curopalate David Ier d'IbĂ©rie, il gouverne comme duc de Tao infĂ©rieur (881-923), roi des GĂ©orgiens (888-923) et curopalate d'IbĂ©rie (891-923) et rĂ©tablit la monarchie gĂ©orgienne en 888, plus de trois siĂšcles aprĂšs l'abolition du royaume d'IbĂ©rie par la Perse sassanide.

Adarnassé IV
Titre
Curopalate d'Ibérie
–
Monarque LĂ©on VI (891-912)
Alexandre (912-913)
Constantin VII (913-923)
Prédécesseur Gourguen Ier
Successeur Achot II
Roi des GĂ©orgiens
–
Prédécesseur Création
Successeur David II
Duc de Tao inférieur
–
Prédécesseur David Ier
Successeur David II
Biographie
Date de décÚs
PÚre David Ier d'Ibérie
Enfants David
Achot
Bagrat
Soumbat
Famille Bagratides
Religion Église orthodoxe gĂ©orgienne

Il succĂšde Ă  son pĂšre sur le duchĂ© de Tao infĂ©rieur, une marche aux frontiĂšres entre Byzance et la Transcaucasie, quand celui-ci est assassinĂ© par NarsĂšs Mampali en 881. Quand celui-ci se met en tĂȘte d'une force d'invasion byzantine pour envahir le Caucase, AdarnassĂ© le dĂ©fait en 888 et devient le premier souverain Ă  prendre le titre de « Roi des GĂ©orgiens Â», afin de signaler son indĂ©pendance de l'empire byzantin. Avec l'aide de l'ArmĂ©nie voisine, il consolide son pouvoir et obtient le contrĂŽle sur la Karthli, ainsi que la reconnaissance byzantine en 891 aprĂšs avoir tuĂ© Gourguen Ier. Le rĂšgne d'AdarnassĂ© IV est marquĂ© par un changement de l'orientation politique de la GĂ©orgie, qui quitte la sphĂšre d'influence byzantine pour rejoindre l'ArmĂ©nie et, par extension, un califat abbasside en dĂ©clin. Ainsi, le roi s'implique souvent dans les affaires intĂ©rieures de l'ArmĂ©nie et aide le roi Smbat Bagratouni Ă  consolider son propre pouvoir.

Une guerre contre l'Abkhazie pro-byzantine en 904 voit un Adarnassé puissant qui tente d'annexer la Géorgie occidentale, menant à une division avec l'Arménie. Ce conflit diplomatique escalade vers une guerre ouverte en 905, une tentative d'assassinat sur Smbat Bagratouni, et le refus d'Adarnassé de venir en aide à l'Arménie lors de l'invasion sajjide d'Yusuf Ibn Abi'l-Saj, une invasion qui culmine avec la mort de Smbat en 914. Dans les derniÚres années de son rÚgne, il change de nouveau son alliance géopolitique et s'allie à Byzance pour placer Achot II sur le trÎne arménien.

AdarnassĂ© IV (aussi connu comme AdarnassĂ© II en tant que souverain du Tao) est le fondateur du royaume des GĂ©orgiens, l'État prĂ©cĂ©dant le royaume de GĂ©orgie jusqu'en 1008, et l'ancĂȘtre direct des Bagrations qui gouvernent la GĂ©orgie jusqu'au XIXe siĂšcle.

Biographie

Jeune duc

Carte du Tao

Adarnassé Bagration est né dans la seconde moitié du IXe siÚcle[Notes 1] - [1], seul fils connu du curopalate David Ier, souverain d'Ibérie depuis 876[2]. Son pÚre est formellement un sujet de l'Empire byzantin, comme le suggÚre son titre conféré par l'empereur Basile Ier, et gouverne les terres géorgiennes de Tao et d'Ibérie, faisant de lui le dirigeant d'une grande partie des terres géorgiennes pendant cinq ans. Celui-ci profite des campagnes de Byzance vers l'Italie pour affirmer son indépendance et s'allie ainsi avec Achot Bagratouni, gouverneur de l'Arménie voisine, et le Califat abbasside dans une stratégie diplomatique risquée[Notes 2] - [3]. En 881[4], à l'instigation de Byzance et du puissant noble Liparit Baghvachi[Notes 3] - [5], un conflit éclate entre David et NarsÚs Mamphali, un jeune cadet de la dynastie des Bagrations. David est assassiné et NarsÚs capture ses territoires[4].

Liparit Baghvachi et Achot d'ArmĂ©nie parviennent Ă  expulser NarsĂšs, qui prend refuge Ă  Constantinople, autorisant le jeune AdarnassĂ© de succĂ©der Ă  son pĂšre en tant que duc de Tao infĂ©rieur[6]. Byzance refuse de le reconnaĂźtre comme aĂźnĂ© des Bagrations et donne le titre de curopalate[Notes 4] Ă  son cousin Gourguen, continuant la politique romaine de diviser la balance de pouvoir en Transcaucasie, mais avec la raison officielle Ă©tant le jeune Ăąge du nouveau duc[7]. AdarnassĂ© inaugure son rĂšgne en faisant construire la cathĂ©drale de Bana (ƞenkaya moderne en Turquie) avec l'aide de l'architecte KvirikĂ©, qu'il nomme par la suite comme premier Ă©vĂȘque de Bana[Notes 5] - [8]. MalgrĂ© le fait que les domaines d'AdarnassĂ© au sud du Tao sont Ă  la frontiĂšre de l'Empire byzantin, il poursuit une politique largement indĂ©pendante[Notes 6] - [4].

Victoire sur Byzance

En 884, Achot Bagratouni se fait couronner comme roi d'Arménie, déclarant son indépendance vis-à-vis de Byzance et son alliance avec le Califat abbasside[9]. Cela pousse Constantinople à lancer une invasion de la Transcaucasie pour rétablir son ordre[10] et en 887, le prince Bagrat Antchabadzé, en exil en GrÚce depuis l'assassinat de son oncle Démétrius II d'Abkhazie, envahit avec une marine byzantine la cÎte géorgienne de la Mer Noire, tue l'usurpateur qui rÚgne à sa place et se fait proclamer roi d'Abkhazie, retournant ce royaume sous le contrÎle de l'empire[8]. En 888, NasrÚs débarque à son tour en Abkhazie afin d'envahir l'Ibérie avec des troupes abkhazes[7].

AprĂšs avoir ravagĂ© de nombreuses provinces gĂ©orgiennes sans forte opposition, NarsĂšs, renforcĂ© par des nobles locaux[11] le chef tribal ossĂšte Baqarat[12], s'en prend au SamtskhĂ© et au Tao[8]. AdarnassĂ© prend la tĂȘte d'une rĂ©sistance et est rejoint par Achot d'ArmĂ©nie, le curopalate Gourguen[Notes 7] - [7] et Liparit Baghvachi[13] mais ses troupes restent considĂ©rablement moins nombreuses que les forces pro-byzantines[11]. Les deux armĂ©es s'affrontent aux rives du Mtkvari dans la province de SamtskhĂ© et AdarnassĂ© inflige une dĂ©faite dĂ©cisive aux envahisseurs[12]. NasrĂšs prend refuge dans la ville d'Aspindza, oĂč il est capturĂ© et exĂ©cutĂ© sous les ordres d'AdarnassĂ©[7]. La victoire de 888 met fin Ă  l'invasion byzantine de la Transcaucasie et sĂ©cure l'indĂ©pendance de l'ArmĂ©nie et des terres gĂ©orgiennes, tout en solidifiant la domination de la branche des Bagrations de Tao infĂ©rieur sur l'IbĂ©rie[14]. Liparit sĂ©cure quant Ă  lui sa reconnaissance par AdarnassĂ© comme duc de Kldekari et forme une puissante principautĂ© qui sera la source d'instabilitĂ© civile jusqu'au XIIe siĂšcle.

Consolidation du pouvoir

Ruines de la cathédrale de Bana

La victoire d'AdarnassĂ© change le cours de l'histoire gĂ©orgienne quand, en 888[15], il adopte le titre de áƒ„áƒáƒ áƒ—áƒŁáƒ”áƒšáƒ—áƒ მეჀე (k'art'ouelt'a mephe), ou « Roi des GĂ©orgiens »[14]. Cette dĂ©cision est non seulement une rĂ©pĂ©tition de la dĂ©cision similaire par Achot d'ArmĂ©nie de 884[7], elle symbolise le retour de la monarchie royale en GĂ©orgie, abolie lors de la conquĂȘte par la Perse sassanide en 523, plus de trois siĂšcles auparavant[6]. La proclamation d'un royaume des GĂ©orgiens formalise ainsi la prĂ©tention d'AdarnassĂ© et de sa lignĂ©e sur la Karthli[Notes 8], la province au cƓur de la GĂ©orgie moderne et alors au centre des ambitions de l'Abkhazie, l'ArmĂ©nie, la KakhĂ©tie, l'Émirat de Tiflis et Byzance[16]. Une inscription sur le monastĂšre de Samtavro indique qu'AdarnassĂ© se serait fait couronnĂ© Ă  Mtskheta, la capitale religieuse de la GĂ©orgie, par le catholicos ArsĂšne Ier dans un geste symbolique, malgrĂ© le fait que Mtskheta tombe au-dehors des frontiĂšres de son royaume[17].

L'importance géopolitique du geste d'Adarnassé est aussi remarquée par l'historiographie moderne : en prenant le titre de roi, il proclame son indépendance vis-à-vis le pouvoir autocratique de Byzance, qui ne permet pas de monarque au sein de l'empire autre que l'empereur[16]. Cela signifie aussi une nouvelle direction de la politique extérieure des Bagrations, Adarnassé s'alliant avec l'Arménie et, par extension, avec le califat abbasside, malgré la décadence de ce dernier[18]. Tandis que l'indépendance du Royaume des Géorgiens est reconnu par ses voisins[19], le statut des relations entre Adarnassé et l'Arménie n'est pas clair : selon l'historien HovhannÚs V de Draskhanakert, la politique d'Adarnassé ne fait que suivre celle d'Achot d'Arménie, marquant une vassalité du nouveau roi envers son voisin arménien, mais Roïn Metreveli assume que les relations sont basées sur une reconnaissance bilatérale[Notes 9] et le roi géorgien utilise la diplomatie arabo-arménienne pour déclarer son indépendance[14]. Il reste à noter qu'Achot et ses descendants utilisent toutefois le titre de « Roi des rois des Arméniens et des Géorgiens », un symbole de la suprématie arménienne sur la région, tandis que les inscriptions contemporaines ne nomment Adarnassé que comme « roi »[20] - [Notes 10] - [21].

Il est possible qu'Adarnassé se fasse couronner au monastÚre de Samtavro

Adarnassé IV entame une politique d'expansion vers le sud, fortifiant la ville de Chavchétie et attachant de nombreuses provinces byzantines à son royaume, jusqu'à Erzurum. Les territoires du roi incluent alors une partie de la Karthlie, la Klardjétie et le Tao et prétend au pouvoir sur la totalité de l'est et du sud de la Géorgie[Notes 11] - [22]. Il se peut que cette expansion se fait avec l'accord de Constantinople, qui accepte la nouvelle situation en Transcaucasie et tente une réconciliation diplomatique. Ainsi, en 891, quand Adarnassé entre en conflit avec le curopalate Gourguen, Byzance ne vient pas assister ce dernier[7].

Adarnassé IV et le duc Bagrat d'Artanoudji s'allient contre Gourguen, qui dirige alors la province voisine de Samtskhé[12]. En 891, les deux camps s'affrontent lors de la Bataille de Mglinavi dans la vallée d'Artanoudji, qui voit une défaite rapide de Gourguen et l'annexion de ses domaines à l'Artanoudji. Le roi prend en otage le curopalate[11] mais celui-ci meurt de ses blessures[12]. L'empire byzantin le reconnaßt alors non seulement comme roi des Géorgiens[23], mais aussi comme curopalate d'Ibérie, sans pour autant changer l'orientation pro-arménienne d'Adarnassé[22]. Les fils de Gourguen héritent néanmoins du duché de Tao supérieur, officiellement soumis au royaume des Géorgiens mais préservant un large degré d'autonomie[24].

Alliance avec l'Arménie

L'alliance entre AdarnassĂ© IV et l'ArmĂ©nie se voit en 891, Ă  la suite de la mort d'Achot Ier Bagratouni quand le roi des GĂ©orgiens participe aux funĂ©railles de son alliĂ©. En visitant l'ArmĂ©nie, il rend d'abord visite au sparapet Abas, frĂšre du dĂ©funt roi et gouverneur de Kars qui annonce lui-mĂȘme ses prĂ©tentions sur le trĂŽne armĂ©nien, mais celui-ci, craignant le support d'AdarnassĂ© envers l'hĂ©ritier lĂ©gitime Smbat Bagratouni, l'emprisonne et ne le libĂšre qu'Ă  la suite d'une nĂ©gociation diplomatique des GĂ©orgiens[25]. À Erazgavors, AdarnassĂ© rencontre un Smbat en deuil et l'engage Ă  prendre activement contrĂŽle de son royaume afin d'Ă©viter sa division[26] : il le vĂȘtit des habits royaux et le couronne[Notes 12], formalisant la reconnaissance de Smbat Ier comme roi lĂ©gitime d'ArmĂ©nie par le Royaume des GĂ©orgiens[16].

Adarnassé est emprisonné à la citadelle de Kars deux fois en 891.

Sur son chemin de retour, Adarnassé est à nouveau capturé par Abas, qui l'enferme dans la citadelle de Kars[16]. Le catholicos arménien Georges II de Garni tente de négocier sa liberté en offrant deux villes stratégiques à Abas, tandis qu'Adarnassé lui offre son fils aßné David Bagration comme otage à sa place, en vain[25]. Finalement, le roi Smbat assiÚge Abas[26], avant d'échanger sa liberté pour celle de son propre fils cadet Abas et pour le contrÎle sur le Vaspourakan[Notes 13] - [25].

En 895, Ahmad ibn Isa al-Shaybani, gouverneur arabe de Diyar Bakr, envahit le sud de l'Arménie[18]. Smbat et Adarnassé forment ensemble une force de 60 000 à 100 000 hommes pour contenir l'envahisseur, mais celui-ci parvient à les vaincre à la suite de la trahison du général Gagik Aboumravan Arçrouni[22]. En 896, Muhammad Ibn Abi'l-Saj, émir sajide d'Azerbaïdjan, envahit à son tour l'Arménie et réclame le soutien d'Adarnassé, qui refuse et vient de nouveau à l'aide de Smbat quand celui-ci perd Kars[27]. Quand l'émir meurt de maladie en 901 et est remplacé par Devdad Ibn Muhammad qui fait la paix avec les chrétiens[Notes 14], Adarnassé participe à un banquet célébratoire avec son homologue arménien à Erazgavors[27]. En 899, par acte d'amitié et pour confirmer les relations entre les deux rois, Smbat couronne à son tour Adarnassé comme roi des Géorgiens[22].

La situation change toutefois progressivement en Transcaucasie. Le prince Phadla Ier de KakhĂ©tie et son successeur KvirikĂ© Ier deviennent de plus en plus puissant en GĂ©orgie orientale et poussent une politique amicale avec les Arabes de Tiflis et d'AzerbaĂŻdjan, tandis que les petits nobles de Karthli profitent de l'attention d'AdarnassĂ© vers le sud pour obtenir une large autonomie qui fait perdre le contrĂŽle de facto de la rĂ©gion par le royaume des GĂ©orgiens[12]. Aux alentours de 900, AdarnassĂ© IV, voyant l'incapabilitĂ© de l'ArmĂ©nie de faire face proprement aux envahisseurs arabes et de faire balance aux pouvoirs croissants de la KakhĂ©tie et de l'Abkhazie, commence lui-mĂȘme Ă  avoir des ambitions sur la domination totale de la Transcaucasie[28].

Guerre contre l'Abkhazie

Étendue du royaume d'Abkhazie

L'influence de Smbat sur le royaume d'AdarnassĂ© le place sur un chemin de collision direct avec l'Abkhazie, dont le roi Constantin III demeure un alliĂ© fidĂšle de Byzance[18]. Au cƓur du conflit est la domination sur la Karthli, centre stratĂ©gique de la Transcaucasie et officiellement sous la gouvernance d'AdarnassĂ©. En 904[16], l'Abkhazie envahit la Karthli et une large armĂ©e capture la citadelle cruciale d'OuplistsikhĂ©, avant de dĂ©vaster le reste de la province[12]. AdarnassĂ© et Smbat forment un front uni d'opposition[22] pour dĂ©fendre le Gougark, une province armĂ©no-gĂ©orgienne au sud de la Karthli[18], oĂč le roi gĂ©orgien fait camp avec son homologue armĂ©nien[28].

Afin d'Ă©viter une invasion totale de l'ArmĂ©nie, Smbat dĂ©cide d'entrer en nĂ©gociations avec Constantin III, sans pour autant consulter AdarnassĂ©[28]. Durant un tour de pourparlers, celui-ci engage des soldats armĂ©niens pour capturer Constantin III et le prendre en otage, avant de l'envoyer auprĂšs de Smbat[28]. Le roi d'Abkhazie est alors emprisonnĂ© Ă  Ani[16], mettant fin Ă  une guerre Ă©phĂ©mĂšre mais dĂ©cisive : la Karthli retourne dans les territoires d'AdarnassĂ©, tandis que le trĂŽne d'Abkhazie devient vacant de fait. À KoutaĂŻssi, une faction de nobles abkhazes tentent de prendre le pouvoir par un coup d'État, une manƓuvre rapidement soutenue par AdarnassĂ© IV[29].

BientÎt, le manque de pouvoir en Abkhazie ouvre les portes à Adarnassé de créer un pouvoir important en Transcaucasie en prenant contrÎle de son voisin et tentant d'unifier la Géorgie[29]. Le roi Smbat, qui craigne une Géorgie unifiée indépendante plus qu'une Abkhazie pro-byzantine[29], décide de faire un accord avec Constantin III qui voit, aprÚs quatre mois de captivité[16], sa liberté et l'annexion de la Karthli à l'Abkhazie[12] en échange d'une influence arménienne sur Koutaïssi et la nomination de gouverneurs arméniens dans les provinces abkhazes[Notes 15] - [28].

L'annexion de la Karthli par l'Abkhazie change la balance de pouvoir en Transcaucasie jusqu'à l'unification du royaume de Géorgie en 1008[1]. Adarnassé voit ce geste comme une trahison de Smbat, condamnant ainsi la proche alliance entre les deux rois[22].

Rupture de l'alliance

Saint Gobron

En 905, AdarnassĂ© IV commence Ă  dĂ©velopper un plan pour envahir l'ArmĂ©nie, tuer le roi Smbat et dĂ©poser sa lignĂ©e du trĂŽne afin d'annexer son royaume Ă  la nouvelle GĂ©orgie[30] - [31]. Il est ainsi rejoint par des grands nobles armĂ©niens qui lui proposent de prendre la couronne armĂ©nienne[32], dont un certain Hassan, un nakharar puissant d'ArmĂ©nie occidentale[33]. Il envahit la province du Chirak[34], avant de capturer la citadelle d'Ani avec l'aide d'Hassan[33]. Smbat alors en voyage en Tachir, AdarnassĂ© prend Erazgavors, la capitale armĂ©nienne, et envoie un bataillon pour assassiner le roi armĂ©nien, une tentative qui Ă©choue quand des nobles changent leur alliance et alertent Smbat[35]. AdarnassĂ© est rapidement contraint d'abandonner ses conquĂȘtes et se rĂ©fugie dans ses domaines du Tao infĂ©rieur, oĂč il est dĂ©fait lors d'une bataille[35]. Il offre en gage de paix son fils aĂźnĂ© David comme otage Ă  la cour armĂ©nienne et celui-ci aide Smbat Ă  identifier ses traĂźtres[35]. Smbat fait alors exĂ©cuter de nombreux nobles et envoie en exil en Abkhazie et Ă  Byzance d'autres[35].

En 905[36], Yusuf Ibn Abi'l-Saj[Notes 16], émir sajide d'Azerbaïdjan, se révolte contre son suzerain abbasside et Smbat est instruit par le calife Al-Muktafi de mettre un terme à la rébellion[37]. L'émir parvient toutefois à pénétrer en territoire géorgien et soumet la Kakhétie[38] et l'émirat de Tiflis, avant de dévaster une premiÚre fois l'Arménie[39]. Quand Smbat demande l'aide d'Adarnassé, celui-ci refuse et s'allie avec le Sajide[16], qui expulse les Abkhazes de la Karthli[Notes 17] (retournant la province sous le contrÎle d'Adarnassé[40])[22] - [37]. En 907, Adarnassé se retrouve à nouveau du cÎté des envahisseurs quand ceux-ci ravagent l'Arménie une nouvelle fois[33].

En 909[33], Yusuf retourne pour dévaster la Transcaucasie et attaque le Samtskhé et la Djavakhétie[37], deux provinces faisant officiellement parti du Royaume des Géorgiens mais sous la direction du puissant duc Achot d'Artani[Notes 18] - [41]. En 912, il assiÚge Qoueli, qui est défendue par l'armée arménienne[42] et, par manque de défense géorgienne, une milice menée par un jeune Gobron : celui-ci est éventuellement capturé et martyrisé par les Sajides avec 133 de ses troupes, tandis qu'Adarnassé tente en vain d'acheter leur liberté[Notes 19] - [41]. Tandis que le roi géorgien ne s'implique pas dans ce conflit et soutient Yusuf, les nombreuses invasions mÚnent à une famine dévastatrice dans ses domaines d'Adjarie et de Chavchétie[37].

En 914, Yusuf se dirige vers l'ArmĂ©nie, forçant Smbat de se rĂ©fugier vers l'Abkhazie. Mais il est capturĂ© sur son chemin[16] par les troupes d'AdarnassĂ©, qui le livrent Ă  l'Ă©mir[22]. Smbat est assassinĂ© et AdarnassĂ© envahit l'ArmĂ©nie, empĂȘchant le jeune Achot II de prendre la couronne[40]. Yusuf expulse Ă©ventuellement AdarnassĂ© de Karthli[22], mais le roi parvient Ă  imposer sa domination sur le monde chrĂ©tien de Transcaucasie[40].

Fin de rĂšgne

Yusuf fait de l'oncle de Smbat, Achot le Sparapet, roi d'ArmĂ©nie en 914, tandis que le nouveau calife Al-Muqtadir accepte la nouvelle situation en Transcaucasie, pardonne Yusuf et reconnaĂźt le sparapet comme roi. AdarnassĂ©, toujours alliĂ© au Sajide, protĂšge d'abord l'usurpateur contre Achot II, fils de Smbat, qui mĂšne une guerre de rĂ©sistance. Mais craignant la puissance d'Yusuf, le roi gĂ©orgien change de nouveau son allĂ©geance et se dirige vers l'ArmĂ©nie avec une large armĂ©e et couronne en 915 Achot II comme roi d'ArmĂ©nie[43] - [34] - [44] avec l'aide du nouveau roi Georges II d'Abkhazie[45]. AdarnassĂ© monte Ă  la tĂȘte d'une rĂ©sistance chrĂ©tienne transcaucasienne qui tente d'expulser les musulmans mais les ravages causĂ©s par le conflit sur les provinces armĂ©niennes poussent le catholicos HovhannĂšs V Ă  supplier AdarnassĂ© de faire retraite, une demande acceptĂ©e par le roi gĂ©orgien[46].

Monnaie d'Yusuf Ibn Abi'l-Saj

Achot II, aidĂ© par une force byzantine, capture finalement le pouvoir en 921-922[18] et la balance gĂ©opolitique rĂ©gionale change de nouveau : l'ArmĂ©nie d'Achot II et la GĂ©orgie d'AdarnassĂ© IV s'alignent vers Byzance et l'Abkhazie, mettant un terme Ă  l'influence abbasside sur la rĂ©gion. Quand un complot d'assassinat d'Achot II est rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre prĂ©parĂ© par l'Abkhazie, AdarnassĂ© et Achot font guerre contre Georges II[18].

En 918, Gourguen II Bagration devient duc de Tao supérieur et son ambition l'oppose à Adarnassé et Achot[40] quand il s'allie à Abas Bagratouni[47]. Gourguen est vaincu lors d'une bataille en 922[47] mais cela ne suffit pas à atténuer ses aspirations et il grandit considérablement son pouvoir aprÚs la mort d'Adarnassé[48]. Dans les derniers mois de son rÚgne, Sahak Sevada, roi de Gardman, envahit les territoires d'Adarnassé et ce dernier parvient à l'expulser avec l'aide d'Achot II[47].

Ses domaines s'étendant jusqu'à Erzurum aprÚs avoir reçu de nombreux territoires byzantins en présents, Adarnasse IV consacre la fin de son rÚgne à construire de nombreuses églises à travers son royaume[22]. Il meurt finalement en 923[1], laissant le royaume des Géorgiens à son fils aßné David[22]. Byzance, au lieu de solidifer le rÚgne de ce dernier, continue son ancienne politique de division et offre le titre de curopalate au second fils d'Adarnassé, Achot. Bagrat Bagration, troisiÚme fils, devient quant à lui magistros[22].

Famille

Adarnassé IV donne naissance à plusieurs enfants, dont :

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

  • Marie-FĂ©licitĂ© Brosset, Histoire de la GĂ©orgie depuis l'AntiquitĂ© jusqu'au XIXe siĂšcle. Volume I, Saint-PĂ©tersbourg, AcadĂ©mie impĂ©riale des Sciences de Russie, , 694 p. [dĂ©tail des Ă©ditions]
  • Marie-FĂ©licitĂ© Brosset, Additions et Ă©claircissements Ă  l'Histoire de la GĂ©orgie depuis l'AntiquitĂ© jusqu'en 1469 de J.-C., Saint-PĂ©tersbourg, AcadĂ©mie impĂ©riale des Sciences, , 505 p. (lire en ligne)
  • Kalistrat Salia, Histoire de la nation gĂ©orgienne, Paris, Nino Salia, , 551 p.
  • (ka) Nikoloz Berdzenichvili, áƒĄáƒáƒ„áƒáƒ áƒ—áƒ•áƒ”áƒšáƒáƒĄ ისჱორიის საკითჼები [« Questions sur l'histoire de la GĂ©orgie »], vol. 4, Tbilissi, Metsniereba,‎
  • (ka) Gouram MaĂŻsouradzĂ©, ნარკვევები áƒĄáƒáƒ„áƒáƒ áƒ—áƒ•áƒ”áƒšáƒáƒĄáƒ და სომჼეთის ურთიერთობის ისჱორიიდან IV-XII ქქ-ლი [« Recherches sur l'histoire des relations entre la GĂ©orgie et l'ArmĂ©nie aux IVe – XIIe siĂšcles »], Tbilissi, Metsniereba,‎ , 272 p. (ISBN 99928-963-2-9).
  • (ka) Chota BadridzĂ©, áƒĄáƒáƒ„áƒáƒ áƒ—áƒ•áƒ”áƒšáƒáƒĄ ისჱორია [« Histoire de la GĂ©orgie »], vol. 1, Tbilissi, Iberia,‎ , 168 p..
  • (ka) RoĂŻn Metreveli et al., áƒ„áƒáƒ áƒ—áƒŁáƒšáƒ˜ დიპლომაჱიის ისჱორიის ნარკვევები [« Recherches sur l'histoire diplomatique gĂ©orgienne »], Tbilissi, UniversitĂ© d'Etat de Tbilissi IvanĂ© Djavakhichvili,‎ , 549 p. (ISBN 5-511-00896-6).
  • (en) Donald Rayfield, Edge of Empires, a History of Georgia, Londres, Reaktion Books, , 482 p. (ISBN 9781780230702)
  • (en) Nodar Assatiani et Otar Djanelidze, History of Georgia, Tbilissi, Publishing House Petite, , 488 p. [dĂ©tail des Ă©ditions] (ISBN 978-9941-9063-6-7)
  • (en) Joan Mervyn Hussey, The Cambridge Medieval History, vol. 9, t. 1, Londres, Cambridge University Press,
  • (en) Stephen H. Rapp, Studies in Medieval Georgian Historiography: Early Texts and Eurasian Contexts, Louvain, Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, , 519 p. (ISBN 90-429-1318-5)
  • (en) Ronald Grigor Suny, The Making of the Georgian Nation, Indianapolis, Indiana University Press, (1re Ă©d. 1988), 396 p. (ISBN 0-253-35579-6)
  • (en) Nicholas Matheou, From Constantinople to the Frontier: The City and the Cities, Boston, Brill, , 520 p. (ISBN 978-90-04-30773-5)
  • (en) Antony Eastmond, Royal Imagery in Medieval Georgia, University Park, Pennsylvania State University, , 271 p. (ISBN 0-271-01628-0)

Notes et références

Notes

  1. Il est encore mineur en 881.
  2. L'historien Roïn Metreveli analyse la situation géopolitique en Transcaucasie au IXe siÚcle en soulignant que tandis que David Ier et Achot d'Arménie poussent une orientation pro-arabe, le puissant royaume d'Abkhazie est solidement pro-byzantin.
  3. Celui-ci encourage David Ier à entrer en conflit, avec le but de sécuriser son indépendance.
  4. Le titre de curopalate est accordé par Byzance depuis 588 à un prince géorgien reconnu par Constantinople comme gouverneur légitime de l'Ibérie et est souvent utilisé comme outil pour diviser les dynasties locales.
  5. Bana devient l'un des principaux centres religieux de Géorgie jusqu'au XVIe siÚcle. Le roi Bagrat IV s'y fait couronner en 1027 et le roi Vakhtang IV y est enterré en 1446. Tandis que certains historiens ne font d'Adarnassé que le reconstructeur d'une cathédrale datant du VIIe siÚcle, une grande partie de l'historiographie moderne s'accorde avec les sources géorgiennes.
  6. Les Chroniques gĂ©orgiennes lui donnent le titre de მეჀე (mephe ou « roi ») dĂšs 881, une remarque sur son niveau d'autonomie plus que sur sa vraie titulature.
  7. Bien que Gourguen dirige l'Ibérie en tant que gouverneur byzantin, il est l'une des victimes de l'invasion de NasrÚs.
  8. La Karthli est le centre historique de la Géorgie, incluant la capitale de l'ancien royaume d'Ibérie (Tbilissi) et le centre religieux de la Géorgie (Mtskheta).
  9. Tandis que Smbat d'ArmĂ©nie couronne AdarnassĂ© en 899, AdarnassĂ© couronne lui-mĂȘme Smbat en 891 et son fils Achot II en 915.
  10. Au XIe siÚcle, les monarques géorgiens deviennent « roi des rois des Géorgiens et des Arméniens » à leur tour.
  11. La GĂ©orgie occidentale (l'Egrissi) Ă©tant sous le contrĂŽle du royaume d'Abkhazie.
  12. Le couronnement d'un roi armĂ©nien est traditionnellement la fonction du Catholicos de l'Église d'ArmĂ©nie.
  13. Selon Jean l'Historien, le prince Achot-Sargis Arçrouni de Vaspourakan, qui n'a alors que 14 ans, est aussi offert en otage par Smbat.
  14. Devdad ne rĂšgne que 5 mois avant d'ĂȘtre dĂ©trĂŽnĂ©.
  15. L'accord est mis en force avec le mariage de la sƓur de Constantin III Ă  un fils de Smbat. Il se peut que le mariage entre la fille d'AdarnassĂ© et Constantin III se dĂ©roule durant la mĂȘme Ă©poque.
  16. Nommé Abdoul Qassim ibn Saj dans les sources géorgiennes.
  17. Les Chroniques géorgiennes mentionnent le siÚge d'Ouplistsikhé par les musulmans.
  18. Un fils du Gourguen d'Ibérie tué par Adarnassé en 891.
  19. Le SiĂšge de Qoueli, qui dure 28 jours, et le martyre de Saint Gobron est racontĂ© dans un ouvrage de Saint Étienne de Tbeti.

Références

  1. Brosset 1849, p. 280.
  2. (en) « ADARNASE [X] », sur Foundation for Medieval Genealogy (consulté le )
  3. Metreveli 1998, p. 188-189.
  4. Brosset 1849, p. 271.
  5. Metreveli 1998, p. 189.
  6. Badridzé 1994, p. 92.
  7. Rayfield 2012, p. 68.
  8. Brosset 1849, p. 273.
  9. Maïsouradzé 2002, p. 134.
  10. Metreveli 1998, p. 190.
  11. Brosset 1849, p. 281.
  12. Brosset 1849, p. 274.
  13. Mervyn Hussey 1966, p. 613.
  14. Metreveli 1998, p. 191.
  15. Salia 1980, p. 141.
  16. Assatiani et Djanelidze 2009, p. 68.
  17. Berdzenichvili 1967, p. 268-269.
  18. Suny 1994, p. 31.
  19. Badridzé 1994, p. 93.
  20. Matheou 2016, p. 351.
  21. Maïsouradzé 2002, p. 137.
  22. Rayfield 2012, p. 69.
  23. Eastmond 1998, p. 6.
  24. Rapp 2003, p. 359.
  25. Brosset 1851, p. 162.
  26. Metreveli 1998, p. 192.
  27. Brosset 1851, p. 163.
  28. Metreveli 1998, p. 193.
  29. Metreveli 1998, p. 194.
  30. Metreveli 1998, p. 194-195.
  31. Maïsouradzé 2002, p. 143-144.
  32. Brosset 1851, p. 164-165.
  33. Metreveli 1998, p. 195.
  34. Maïsouradzé 2002, p. 144.
  35. Brosset 1851, p. 165.
  36. Brosset 1851, p. 164.
  37. Brosset 1849, p. 276.
  38. Brosset 1849, p. 275-276.
  39. Brosset 1849, p. 275.
  40. Metreveli 1998, p. 196.
  41. Brosset 1849, p. 276-277.
  42. Brosset 1849, p. 277.
  43. Maïsouradzé 2002, p. 138.
  44. Suny 1994, p. 349.
  45. Brosset 1851, p. 165-166.
  46. Brosset 1851, p. 166.
  47. Brosset 1851, p. 169.
  48. Metreveli 1998, p. 197.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.