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Curopalate

La dignitĂ© de curopalate (latin : curopalates ou curopalata, littĂ©ralement « soin du palais » ; grec : ÎșÎżÏ…ÏÎżÏ€Î±Î»ÎŹÏ„Î·Ï‚, Kouropalatēs) fut d’abord une fonction de la cour impĂ©riale byzantine avant de devenir l’un des titres les plus prestigieux du VIe au XIIe siĂšcle. RĂ©servĂ©e aux membres de la famille impĂ©riale et Ă  divers rois et princes du Caucase, elle finit par se dĂ©prĂ©cier et ĂȘtre relĂ©guĂ©e Ă  la fin des listes de prĂ©sĂ©ance avant de tomber en dĂ©suĂ©tude sous les PalĂ©ologues. L’épouse d’un curopalate portait le titre de kouropalatissa.

Historique de la dignité

solidus de Justin II
La dignité de curopalate prit une nouvelle importance lorsque Justinien Ier la conféra à son neveu et successeur, Justin II, représenté ici sur un solidus d'or.

La fonction apparaĂźt pour la premiĂšre fois sous la forme curapalati au Ve siĂšcle. Elle dĂ©signe alors un fonctionnaire subalterne qui a rang de vir spectabilis, quelquefois d’illustris (en), placĂ© sous l’autoritĂ© du castrensis palatii, administrateur du palais impĂ©rial[1]. Il y a tout lieu de croire qu’au cours du Ve siĂšcle, une nouvelle fonction de curopalate est crĂ©Ă©e, indĂ©pendante du castrensis palatii et dont la fonction principale est la protection du palais. Chef de la garde palatine, le nouveau curopalate est sous les ordres du maĂźtre des offices[2].

DĂ©jĂ , sous Justin Ier (nĂ© vers 450, emp. 518, mort 527), un curopalate, qui a rang de patrice, marie sa petite-fille au roi des Lazes, ce qui laisse supposer un personnage d’une certaine importance[2]. Celle-ci se confirme lorsque le successeur de Justin Ier, Justinien Ier (nĂ© vers 482, emp. 527, mort 565), confĂšre le titre Ă  son neveu et hĂ©ritier Justin II (emp. 565, mort 578)[3]. Il s’agit dĂ©jĂ  d’un titre plutĂŽt que d’une fonction, car si les empereurs de l’époque utilisent frĂ©quemment des membres de leur famille comme gĂ©nĂ©raux, ils se gardent cependant de leur confĂ©rer des dignitĂ©s allant de pair avec une autoritĂ© pouvant reprĂ©senter un danger. Les choses changent toutefois sous HĂ©raclius dont le pouvoir est mal assurĂ© au dĂ©part et qui utilise ses parents pour asseoir sa propre autoritĂ©. C’est ainsi qu’il confĂšre le titre de curopalate Ă  son frĂšre, ThĂ©odore, qui commande les armĂ©es contre les Perses et les Arabes[4]. LĂ©on III s’en sert pour parvenir au trĂŽne en s’alliant au stratĂšge du thĂšme des ArmĂ©niaques, Artabasde, Ă  qui il promet la main de sa fille et le titre de curopalate[5].

BientĂŽt, cette dignitĂ© est rĂ©servĂ©e aux membres de la famille impĂ©riale. On la trouve mentionnĂ©e dans le Klētorologion de PhilothĂ©e (recueil des dignitĂ©s et prĂ©sĂ©ances de la cour datant de 899) immĂ©diatement aprĂšs celles de cĂ©sar et de nobilissimus, deux titres Ă©galement rĂ©servĂ©s aux membres de la famille impĂ©riale[6] - [7]. Cette politique est maintenue par les dynasties suivantes. NicĂ©phore Phocas, par exemple, combla ses proches d’honneur : Bardas Phocas l'Ancien, son pĂšre, est crĂ©Ă© cĂ©sar, alors que LĂ©on, son frĂšre, devient curopalate et logothĂšte[8].

À partir du VIe siĂšcle, elle est Ă©galement confĂ©rĂ©e Ă  des membres d'autres familles rĂ©gnantes, notamment du Caucase. C’est ainsi que, de 580 Ă  1060, seize princes et rois du Caucase sont ainsi honorĂ©s, privilĂšge qui est Ă©galement Ă©tendu Ă  partir de 635 Ă  divers princes armĂ©niens[9] - [10].

Sous les derniers MacĂ©doniens, et surtout sous les Doukas, le relĂąchement de la bureaucratie byzantine conduit Ă  une dĂ©prĂ©ciation des titres en raison de concessions massives sous le rĂ©gime de la noblesse des fonctionnaires. Elle a alors cessĂ© d’ĂȘtre une fonction, les tĂąches qui l’accompagnaient ayant Ă©tĂ© progressivement transmises au protovestiarios, dont les fonctions ont Ă©galement Ă©voluĂ© Ă  partir du IXe siĂšcle vers le domaine militaire (conduite des armĂ©es, enquĂȘtes sur les conspirations, etc.)[11] - [12].

Alexis ComnĂšne (nĂ© vers 1057, emp. 1081, mort 1118) rĂ©forme le systĂšme en profondeur. Seules les trois plus hautes dignitĂ©s (cĂ©sar, nobĂ©lissime et curopalate) survivent Ă  cette rĂ©forme, tout en perdant de leur importance. Alexis a en effet crĂ©Ă© le nouveau titre de sĂ©bastokrator pour son frĂšre Isaac, lequel prend prĂ©sĂ©ance sur celui de cĂ©sar. La dignitĂ© de curopalate est dĂšs lors accordĂ©e, Ă  titre honorifique, Ă  des gĂ©nĂ©raux mĂȘme extĂ©rieurs Ă  la famille impĂ©riale[6]. Les procĂšs-verbaux du concile tenu aux Blachernes sous Manuel ComnĂšne en 1166 mentionnent les protocuropalates et les curopalates en toute fin de liste[13]. Il n’est donc pas surprenant qu’au XIe siĂšcle, ce titre ait Ă©tĂ© refusĂ© par Robert Guiscard au nom de son fils, BohĂ©mond, et par Roussel de Bailleul, que l’empereur tentait ainsi d’amener Ă  ne pas envahir les territoires de l’Italie du Sud[7]. Si le titre se maintient sous les PalĂ©ologues, il est rarement utilisĂ©[6].

Au XIe siĂšcle, la roga (pension annuelle) du curopalate est de 32 livres, soit 2 304 nomismata, Ă©quivalent Ă  7,83 kilogrammes d’or[14] - [Note 1].

Attributs du dignitaire

L'importance attachĂ©e Ă  cette dignitĂ©, comme la plupart de celles utilisĂ©es Ă  Byzance, a considĂ©rablement Ă©voluĂ© au cours des siĂšcles. C’est pourquoi il faut Ă©tablir une distinction entre « fonction » et « titre », ces derniers n’étant souvent que d’anciennes fonctions ayant perdu leur signification premiĂšre. Toutefois, la nomination de leur titulaire se faisait de façon diffĂ©rente. Les fonctions se faisaient par dĂ©livrance d’un acte de nomination (ÎŽÎčÎŹ Î»ÏŒÎłÎżÏ…), alors que les titres Ă©taient confĂ©rĂ©s par l’octroi d’insignes (ÎŽÎčÎŹ ÎČραÎČΔÎčώΜ – le sens premier du mot « brevet »)[15]. D’aprĂšs le Klētorologion de PhilothĂ©e, qui classe les titres selon dix-huit degrĂ©s de prĂ©sĂ©ance, les insignes d’un curopalate Ă©taient une tunique, un manteau et une ceinture de couleur rouge. Ils Ă©taient remis au titulaire en mĂȘme temps que son brevet directement des mains du basileus[16] - [17].

Principaux titulaires

Notes et références

Notes

  1. La valeur d’un pain Ă  Constantinople Ă©tait d’un follis, reprĂ©sentant 1/40e de nomisma ; cette pension reprĂ©sente donc un pouvoir d’achat de 663 552 pains. Source : Éric Limousin, « La monnaie », Documentation photographique, CNRS Éditions, no 8148 « Byzance. L’empereur, l’empire, l’État »,‎ 3e trimestre 2022, p. 52-53 (ISSN 0419-5361)

Références

  1. Bury 1911, p. 33.
  2. Bréhier 1970, p. 86.
  3. Kazhdan 1991, vol. 2, « Justin II », p. 1082.
  4. Bréhier 1970, p. 37.
  5. Ostrogorsky 1983, p. 184.
  6. Kazhdan 1991, vol. 2, « Kouropalates », p. 1157.
  7. Rosser 2006, p. 235.
  8. Bréhier 1970, p. 38.
  9. Toumanoff 1963, p. 202 et 388.
  10. Rapp 2003, p. 374.
  11. Kazhdan 1991, vol. 3, « Protovestiarios », p. 1749.
  12. Ostrogorsky 1983, p. 388.
  13. Bréhier 1970, p. 120.
  14. Éric Limousin, « L’administration », Documentation photographique, CNRS Éditions, no 8148 « Byzance. L’empereur, l’empire, l’État »,‎ 3e trimestre 2022, p. 51 (ISSN 0419-5361)
  15. Ostrogorsky 1983, p. 275.
  16. Bury 1911, p. 22.
  17. Bréhier 1970, p. 105-106.
  18. Bury 1911, p. 34.
  19. Martindale, Jones et Morris 1992, p. 164.
  20. Ostrogorsky 1983, p. 311.

Bibliographie

  • Louis BrĂ©hier, Le monde byzantin, vol. 2 : Les institutions de l’Empire byzantin, Paris, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanitĂ© », (1re Ă©d. 1949).
  • (en) John B. Bury, The Imperial Administrative System of the Ninth Century : With a Revised Text of the Kletorologion of Philotheos, Londres, Oxford University Press, .
  • (en) Catherine Holmes, Basil II and the Governance of Empire (976–1025), Oxford, Oxford University Press, , 625 p. (ISBN 978-0-19-927968-5, lire en ligne).
  • (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
  • (en) John Robert Martindale, Arnold Hugh Martin Jones et J. Morris (dir.), The Prosopography of the Later Roman Empire, vol. III : A.D. 527–641, Cambridge, Cambridge University Press, , 1626 p. (ISBN 978-0-521-20160-5, lire en ligne).
  • Georges Ostrogorsky (trad. de l'allemand), Histoire de l’État byzantin, Paris, Payot, , 649 p. (ISBN 2-228-07061-0).
  • (en) Stephen H. Rapp, Studies In Medieval Georgian Historiography : Early Texts And Eurasian Contexts, Louvain, Éditions Peeters, , 522 p. (ISBN 90-429-1318-5).
  • (en) John H. Rosser, The A to Z of Byzantium, Lanham, The Scarecrow Press, coll. « The A to Z Guide Series » (no 16), (ISBN 978-0-8108-5591-5).
  • (en) Cyrille Toumanoff, Studies in Christian Caucasian History, Washington, Georgetown University Press, .
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