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Œ

Œ, minuscule œ, est une voyelle et un graphème utilisé en latin médiéval et moderne, ainsi qu’en français, en anglais, en vieux norrois et dans plusieurs langues utilisant l’alphabet général des langues camerounaises comme le kom, le koonzime, le guemzek, le mbuko et le merey, ou des langues comme le mbandja ou le mono en République démocratique du Congo. Il est appelé en français o-e entrelacé[1], o e-dans-le-o[2], o e-dans-l’o[3], ou par simplification, « e-dans-l’o »[4]. D’autres noms plus informels sont : o-e lié, o-e collé[5]. Dans le contexte anglophone, on l’appelle ethel ou œthel[6] (du vieil anglais éðel, terme aussi utilisé pour la rune ōthalan). Dans l’ordre alphabétique français, le Œ est classé comme la suite d’un O et d’un E indépendants.

E dans l’o, O e-dans-l’o, O-e entrelacé
Œ œ
Œ œ
Graphies
Capitale Œ
Bas de casse œ
Lettre modificative
Utilisation
Alphabets anglais, français, guemzek, kom, koonzime, latin, mbandja, mbuko, merey, mono, vieux norrois

Linguistique

Historique

La lettre est à l’origine une ligature de o et e. Lors de la traduction en français des noms de caractères Unicode, les traducteurs ont opté pour le terme technique « digramme soudé oe »[7].

En latin

La combinaison forme une diphtongue en latin, notée [oe̯] dans l’alphabet phonétique international. Elle a été utilisée pour les emprunts de mots grecs contenant la diphtongue « οι » (oi) et pour quelques mots maternels : foedus, foeteo, coepi, coetus, moenia. En latin, on devrait écrire les deux voyelles séparément, mais la ligature a été utilisée dans les textes médiévaux et plus anciens, en partie parce que la diphtongue notée par oe s’est monophtonguée en [eː] dès les premiers textes littéraires.

En français

En français, l’utilisation de la ligature œ n’est pas esthétique mais linguistique, contrairement à d’autres ligatures (par exemple, ) : œ et oe ne se lisent pas de la même manière, la deuxième forme notant un hiatus (cœlacanthecoefficient). Si le digramme œu français se prononce [ø] ou [œ], les œ des mots provenant du grec devraient se prononcer [e] ou [ɛ] (œsophage : « ésophage », Œdipe : « Édipe », œstrogène : « èstrogène », etc.) ; l’usage courant, sans doute sous l’influence des mots courants d'origine latine œil, œuf, bœuf, etc. (où œ est toujours écrit avec u, sauf le mot œil et leurs dérivés) préfère la plupart du temps [ø], mais pas dans tous les cas (fœtus, cœlacanthe).

On énonce parfois une « règle » voulant qu'« en français, la ligature œ se prononce comme « eu » lorsqu’elle est suivie d’une voyelle, et comme « é » lorsqu’elle est suivie d’une consonne ». Il s’agit là d’un procédé mnémotechnique, qui peut être utile, mais reste susceptible d’exceptions et, surtout, sans aucune valeur linguistique. La seule règle rigoureuse est celle de l’étymologie latine (prononciation : /ø/ ou /œ/) ou grecque (prononciation : /e/ ou /ɛ/) dans tous les cas. Une exception est le mot fœtus, qui vient de latin fetus et est écrit avec œ par une erreur étymologique. Aussi œ se prononce /ø/ ou /œ/ dans certains mots venant des langues germaniques: œrsted, lœss.

Exemples de mots français contenant « œ »
Cacographies

Certains mots français comportent les lettres « o » et « e » non ligaturées et sont néanmoins parfois écrits avec un « œ » par erreur :

Il faut aussi éviter d'imposer la ligature dans des noms propres qui ne les prennent pas dans la langue d'origine, par exemple Goethe, Monroe, Schoenberg.

En anglais

L’anglais transcrit par la ligature œ les emprunts au latin eux-mêmes dérivés de mots grecs comportant la diphtongue οι. Mais il fait de plus en plus appel dans ce cas à une graphie simplifiée par la lettre e, surtout aux États-Unis. Par exemple, on écrit aujourd’hui federal plutôt que fœderal en anglais britannique, tandis que l’anglais des États-Unis fait couramment usage de la graphie simplifiée diarrhea, là où l’on écrivait classiquement diarrhœa. Pour les mots qui ne sont pas passés à e, l'usage courant préfère aujourd’hui le digramme oe, suivi par les dictionnaires les plus récents.

En anglais, la prononciation de œ ou oe est généralement /iː/ en syllabe accentuée et /ɛ/ en syllabe non accentuée.

En vieux norrois

La ligature œ est utilisée dans la graphie savante moderne du vieux norrois, pour représenter la voyelle longue /øː/, par opposition au caractère spécial ø, qui représente la voyelle brève /ø/.

Métaphonie « ö », digramme « oe » et ligature « œ » en allemand

On fait classiquement la distinction entre la notion de métaphonie (Umlaut) et de tréma, qui ont des fonctions et des origines différentes. L'ancien allemand était écrit avec l'alphabet gothique. À l'origine, le signe métaphonique était un e gotique placé au-dessus de la lettre ayant subi la métaphonie. Ce e gotique a été ensuite simplifié en une sorte de double accent aigu. Puis, le passage à l'alphabet latin, l'imprimerie et la disparition de la notion de tréma en allemand standard ont conjointement conduit au remplacement de ce double accent aigu par un double point, confondu avec le tréma français[11]. Il n'y a donc qu'un seul graphème ö sur les claviers d'ordinateurs. Dans l'écriture manuscrite, il n'est pas rare de voir le signe traditionnel remplacé par des doubles points ou des doubles ronds.

La ligature œ n'est pas utilisée en allemand moderne (hormis quelques mots empruntés du français: Œuvre, Cœur). Elle est cependant utilisée dans les textes en moyen haut-allemand[12]. Le graphème œ représente alors le phonème [øː] long, le graphème ö, le phonème [œ] bref. Quand le français utilise la ligature œ pour transcrire classiquement des mots d'emprunts au grec, l'allemand moderne utilise la lettre ö : [ø] comme dans Ösophagus ([øˈzoːfaɡʊs] ) et [œ] comme dans Östrogene ([œstʁoˈɡeːnə] ). L'allemand transcrit aussi parfois les mots empruntés au grec avec le graphème e (voire oe), c'est pourquoi on trouve fréquemment les graphies Oesophagus[13] ou Estrogene[14]. Les mots d'emprunts au latin sont aussi écrits avec un ö, par exemple, föderal ([fødeˈʁaːl] ). En allemand le mot Fetus de fetus a comme en français subi une hypercorrection car il est souvent mal transcrit Fötus. Rares sont ceux qui prononcent le mot Fetus.

Le digramme oe est toléré quand le graphème ö n'est pas disponible, par exemple dans l’édition, par absence de la touche correspondante sur un clavier informatique, ou bien dans les mots croisés. Ainsi, on écrira Gaeste au lieu de Gäste, Wueste au lieu de Wüste ou bien hoeren au lieu de hören. Ce digramme est cependant à éviter parce que son utilisation provoque des cacographies : le oe de certains mots correctement écrits comme soeben ([zoˈeːb] ), Poet ([poˈeːt] ), ou poetisch ([poˈeːtɪʃ] ), n’est pas une métaphonie et se prononce [oˈeː] ou [oˈʔeː], c'est-à-dire se prononce en deux syllabes différentes, la première avec [o] et la seconde avec [eː]. À l’inverse, la graphie de certains noms, en particulier de certains noms de famille, est invariable.

Cette utilisation du « e » est courante lors des transcriptions des mots en alsacien. Par exemple, la flammekueche, le baeckeoffe ou le château du Haut-Kœnigsbourg proviennent respectivement de l'allemand flammeküche, bäckeoffe et Hoch-Königsburg. La tendance de la ligature est mitigée en Alsace : bien que les noms connus préfèrent la ligature (« Haut-Kœnigsbourg ») pour se calquer sur la tendance française, les noms plus locaux (comme le nom de famille « Goerger ») tendent à dissocier les deux lettres, vraisemblablement pour la cohérence : la ligature « æ » est très rare en français (parfois utilisée pour des locutions latines comme « ex æquo »), et la ligature « ᵫ » n'est pas employée en français.

Alphabet phonétique international

Le caractère œ représente dans l’alphabet phonétique international la voyelle moyenne inférieure antérieure arrondie, et ɶ la voyelle basse antérieure arrondie.

Représentation informatique et obtention

Les dispositions de clavier AZERTY et QWERTY par défaut sous Windows ne comportent pas l’Œœ. Les dispositions francophones complètes l’ont en Alt Gr sur la touche O, comme le BÉPO, voire en accès direct, comme la disposition Latin-9 sous Xorg[15].

Codes, entités, raccourcis et touches

En fonction des systèmes d’exploitation, des programmes et des dispositions de clavier, le caractère peut être obtenu soit directement par le clavier, soit par correction automatique, soit par une séquence affichée en tant qu’entité ou remplacée immédiatement par un éditeur d’entrée, soit par un raccourci clavier, soit encore par un code tapé sur le pavé numérique.

L’Œ/œ dans les jeux de caractères et les systèmes d’exploitation
Œœ
ISO 6937234250
ISO/CEI 8859-15188189
UnicodeU+0152U+0153
UTF-80xC5 0x920xC5 0x93
HTMLŒœ
entité XML ou SGMLŒœ
LaTeX{\OE} ou \OE{}{\oe} ou \oe{}
Microsoft WordCtrl+& OCtrl+& o
Alt codes WindowsAlt+0140Alt+0156
azerty Mac
oss_latin9 Linux
Maj+Alt+oAlt+o
BépoMaj+AltGr+oAltGr+o
Canadien - CSA MacMaj+Alt+qAlt+q
Canadien Multilingue Standard WindowsMaj+Ctrl_Droit+eCtrl_Droit+e
latin 9 Linux (obsolète)Maj+²²
latin 9 Linux (oss_latin9)AltGr+Maj+oAltGr+o
Linux Clavier be (Belge)AltGr+Maj+oAltGr+o
Linux, systèmes Unixtouche compose+o e

Historique

Alors que sur les machines à écrire mécaniques l’e dans l’o pouvait être obtenu grâce au demi-retour arrière, l’informatique tarda longtemps à prendre ce caractère en charge. Aucune variante nationale d’ISO 646 n’avait de place pour lui, tandis que l’æ (et l’Æ) était dans les variantes danoise et norvégienne de cette norme.

Sa première apparition dans un jeu de caractères ISO eut lieu en 1983 quand ISO/CEI 6937 fut publiée. Mais ce n’était pas une raison suffisante pour un grand constructeur français de l’implémenter dans ses imprimantes ; voire, trois ans plus tard, une des équipes de l’entreprise, dont était issu l’un des deux représentants de la France dans le groupe de travail de la future norme ISO/CEI 8859-1, prit la décision de s’opposer à ce que l’œ/Œ fasse partie du nouveau jeu de caractères. Le représentant québécois du Canada avait beau rappeler que cette lettre est nécessaire, les deux Français firent cause commune pour faire remplir les deux places prévues avec deux symboles mathématiques (× et ÷) proposés par le représentant de l’Allemagne, rédacteur d’une autre norme qui devait permettre de moduler l’espacement des lettres[16]

Cette mise à l’écart de l’e dans l’o laisse automatiquement une trace dans Unicode où – pour assurer une certaine rétrocompatibilité – les 256 premiers points de code sont calqués sur les encodages préexistants US-ASCII et Latin-1. Notre digramme soudé prééminent a ainsi fini dans le bloc « Latin étendu A », construit en gardant un œil sur ISO/CEI 6937. Quand en 1993 ISO/CEI 10646 fusionna avec Unicode qui devint ainsi la référence officielle (version 1.1), Latin-1 était entré dans les habitudes, et sa complétion n’était pas encore à l’ordre du jour.

En 1998 l’introduction du symbole monétaire de l’euro fut l’occasion de remettre à plat le jeu de caractères codé sur un octet pour l’Europe occidentale et d’y admettre finalement les trois caractères français manquants (l’Ÿ aussi avait été exclu de Latin-1), donnant naissance à Latin-9. Entre-temps Microsoft avait comblé les lacunes et ajouté au fur et à mesure d’autres caractères utiles dans sa page de code Windows 1252, moins à l’étroit grâce au fait d’utiliser pour des caractères graphiques le deuxième bloc de caractères de contrôle.

Notes et références

  1. « O-E entrelacé » est l’appellation scolaire, utilisée aujourd’hui [2018] dans l’enseignement primaire en France.
  2. À l’oral, sauf en langage poétique (Serge Gainsbourg chante ainsi « E dans l'A », dans « Elaedansla Téïtéïa ») on évite l’élision devant les noms de lettres ; ainsi on dit « le a », non « l’a » ; « le e », non « l’e » ; « le x », non « l’x », toujours en marquant un coup de glotte entre les deux voyelles.
  3. « la lettre œ / le « Volkstrauertag » », sur Karambolage, Arte (consulté le ).
  4. Tous ces noms avec « dans » s’écrivent avec traits d’union, car les mots changent de sens : ce n’est pas « un e dans un o », entendu que le e est à l’intérieur du o, mais bien un o et un e soudés ensemble. Règles du trait d’union : « Grammaire : Trait d’union (généralités) », Reverso.
  5. Portail linguistique du Canada.
  6. Druide.com.
  7. En optant pour « digramme soudé oe », la traduction française (officielle mais non d’Unicode) des tableaux de codes d’Unicode a ainsi évité de se laisser embarquer par le groupe de travail de l’ISO/IEC 10646 qui avait insisté pour écarter la proposition d’Unicode d’appeler cette lettre letter oe, en mettant ligature oe à la place ; or, comme il l’a fait aussi pour l’Æ, il s’est fait vertement reprendre par le Danemark, qui a ensuite obtenu d’Unicode que le nom en letter ae soit rétabli. Sur cela, le GT de la 10646 entra dans une telle colère qu’Unicode s’est vu obligé de s’engager à ne plus jamais changer aucun nom de caractère, aussi erroné soit-il (même une faute de frappe, « brakcet » au lieu de bracket, a dû être conservée à cause de cela [corrigée seulement par l’ajout de noms alternatifs]).
  8. Arranger et Jost-Kotik 2011.
  9. Informations lexicographiques et étymologiques de « lœss » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  10. Le Petit Larousse 2005, Le Petit Robert, le Dictionnaire d’orthographe et expression écrite de Jouette, le Trésor de la langue française informatisé donnent tous uniquement l’orthographe « lœss ».
  11. ISO/CEI 8859-1
  12. Par exemple, la Chanson des Nibelungen.
  13. Speiseröhre
  14. Estrogene
  15. Disponible aussi pour Windows grâce au travail de Patrick Lamaizière : « Disposition de clavier style « Xorg fr-latin9 » pour Windows NT, 2000, XP, Vista, Seven (30/06/2012 : ajout 64 bits »), à la page Logiciels. (consulté le ).
  16. Jacques André, « ISO-Latin-1, norme de codage des caractères européens ? trois caractères français en sont absents ! - CG_1996___25_65_0.pdf », (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

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Articles connexes

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