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Ultima verba

On appelle Ultima verba (en latin « derniers mots ») les dernières paroles d'un mourant.

Principe

De nombreux ultima verba sont devenus célèbres, comme ceux de Jules César (« toi aussi, mon fils ! »), constituant au fil des siècles un genre littéraire à part entière, particulièrement illustré sous la Révolution française ou pendant la période romantique. Parfois imaginés par l'entourage du mourant ou soigneusement préparés des années à l'avance, les derniers mots de plusieurs grands intellectuels sont devenus des adages. Mark Twain ironisait « Les gens célèbres devraient toujours faire attention à leurs derniers mots. Les écrire sur un morceau de papier et les faire lire à leurs amis. Il ne faut certainement pas attendre la fin de sa vie pour ce genre de chose... ». Les condamnations à mort fournissent toutefois l'occasion d'ultima verba préparés et facilement authentifiables[1].

On notera que certains auteurs ont volontairement évité ce lieu commun, tel Karl Marx déclarant à sa femme de chambre qui lui proposait de noter ses dernières paroles « Allez, sortez !… Les dernières paroles sont pour les imbéciles qui n’en ont pas dit assez ».

Les ultima verba sont généralement courts et chargés de symbole (ils tiennent alors de l'apophtegme[1]), mais aussi parfois empreints d'humour, volontaire ou non.

Ultima verba célèbres

Socrate, buvant le poison : « Criton, nous devons un coq à Esculape. Payez cette dette, ne soyez pas négligents. » (J-L. David, La Mort de Socrate, 1787).

Antiquité

  • « Criton, nous devons un coq Ă  Esculape. Payez cette dette, ne soyez pas nĂ©gligents. » -- Socrate, condamnĂ© au suicide en -399.
  • « Ne dĂ©range pas mes cercles ! » -- Archimède, rĂ©primandant un soldat romain en -212.
  • « Toi aussi, mon fils ! » -- Jules CĂ©sar, assassinĂ© par son fils adoptif en - 44 av. J.-C.
  • « La pièce est terminĂ©e, vous pouvez applaudir. » -- L'empereur Auguste, 14.
  • « Ça ne fait pas mal. » -- Arria, femme du sĂ©nateur romain Caecina Paetus condamnĂ© Ă  se suicider, venant elle-mĂŞme de se poignarder Ă  mort pour encourager son mari Ă  l'imiter sans peur, en 42.
  • « Quel grand artiste pĂ©rit avec moi ! » -- L'empereur NĂ©ron, mort en 68.

Moyen-Ă‚ge

  • « J’ai passĂ© toute ma vie le sabre Ă  la main, mais aujourd'hui je meurs dans mon lit, comme un chameau. » -- Khalid ibn al-Walid, gĂ©nĂ©ral du prophète Mahomet, un des rares militaires historiques n'ayant jamais perdu une bataille de toute sa carrière. Mort en 642.

XVIe siècle

  • « Je dĂ©sire aller en enfer et pas au ciel. J’y apprĂ©cierai la compagnie des papes, des princes et des rois, alors qu’au ciel ne s’y trouvent que les mendiants, les moines et les apĂ´tres. » -- Nicolas Machiavel, 1527.
  • « Je n’ai rien, je dois beaucoup, je lègue le reste aux pauvres … La farce est finie : tirez le rideau. » -- François Rabelais, 1553.
  • « Adieu, mes chers amis : je m’en vais le premier pour vous prĂ©parer la place. » -- Pierre de Ronsard, 1585.
  • « Ce n’est pas la mort que je crains, mais de mourir. » -- Michel de Montaigne, 1592.
  • « La bataille fait rage : portez mon armure et battez mon tambour de guerre ; n'annoncez pas ma mort. » -- Le gĂ©nĂ©ral Yi Sun-sin, blessĂ© Ă  mort au combat en 1598.

XVIIe siècle

  • « Tout ce que je possède pour un instant de plus » -- La reine Élisabeth Ire d'Angleterre, 1603.
  • « J’ai dĂ©jĂ  un pied dans l’étrier. » -- Miguel de Cervantès, 1616.
  • « Ne me parlez plus, votre mauvais style me dĂ©goĂ»te ! » -- François de Malherbe, 1628, interrompant son confesseur.
  • « … Eh bien, Dante m’emmerde ! » -- Lope de Vega, 1635.
  • « Je m’en vais ou je m’en va… L’un et l’autre se dit ou se disent. » -- le grammairien Vaugelas, 1650.
  • « Je lègue tous mes biens Ă  mon Ă©pouse, Ă  condition qu’elle se remarie. Ainsi, il y aura tout de mĂŞme un homme qui regrettera ma mort. » -- Scarron, 1660.
  • « Que Dieu ne m'abandonne jamais. » -- Blaise Pascal, 1662.

XVIIIe siècle

  • « Je m'en vais, mais l'État demeurera toujours. » -- Louis XIV, 1715.
  • « Ne pleurez pas pour moi : je vais lĂ  oĂą la musique est nĂ©e. » -- Jean-SĂ©bastien Bach, 1750.
  • « Je ne sens autre chose qu’une difficultĂ© d’être. Je ne croyais pas faire tant de façons pour mourir. » -- Fontenelle, mourant centenaire en 1757.
  • « Je meurs en adorant Dieu, en aimant mes amis, en ne haĂŻssant pas mes ennemis, en dĂ©testant la superstition. » -- Voltaire, 1778.
    • Sacha Guitry lui prĂŞte d'autres mots : « Je m’arrĂŞterais de mourir, s’il me venait un bon mot ou une bonne idĂ©e. »
  • « Vous voyez comme le ciel est pur et serein. J’y vais… » -- Jean-Jacques Rousseau, 1778.
  • « Je vois que vous avez fait trois fautes d'orthographe » -- Le marquis de Favras, lisant sa condamnation Ă  mort en 1790.
  • « Pardonnez-moi, monsieur. Je ne l'ai pas fait exprès. » -- Marie-Antoinette d'Autriche, au bourreau dont elle venait de marcher sur le pied, en 1793.
  • « Peuple, je meurs innocent ! », puis aux bourreaux « Messieurs, je suis innocent de tout ce dont on m'inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français » -- Louis XVI, guillotinĂ© en 1793.
  • « HĂ©las ! je n’ai rien fait pour la postĂ©ritĂ© ; et pourtant, j’avais quelque chose lĂ ... » -- AndrĂ© ChĂ©nier, se frappant le front en montant Ă  l'Ă©chafaud, 1794.

XIXe siècle

  • « C'est bien. » -- Emmanuel Kant, 1804.
  • « Je sens que je quitte la terre et non la vie. » -- Bernardin de Saint-Pierre, 1814.
  • « Je ne veux rien, Ă  part la mort. » -- Jane Austen, 1817.
  • « Au ciel, j'entendrai. » -- Beethoven, souffrant de surditĂ© depuis de longues annĂ©es, 1832.
  • « Plus de lumière ! » (« Mehr Licht ! ») -- Goethe, 1832.
  • « Encore cinq ans et je serais devenu un grand artiste. » -- HokusaĂŻ, 1849.
  • « Maintenant, je suis Ă  la source du bonheur. » -- FrĂ©dĂ©ric Chopin, 1849.
  • « Appelez Bianchon ! Seul Bianchon peut me sauver ! » -- HonorĂ© de Balzac, citant le nom du mĂ©decin qu'il avait imaginĂ© dans ses romans. Mort en 1850.
    • Robert Sabatier lui prĂŞte d'autres mots : « Huit jours avec de la fièvre ! J’aurais encore eu le temps d’écrire un livre. »
  • « Le soleil est Dieu. » -- le peintre Joseph Mallord William Turner, mort en 1851.
  • « C'est ici le combat du jour et de la nuit… Je vois de la lumière noire. » -- Victor Hugo, mort en 1885.
  • « J’irai sous la terre et toi, tu marcheras dans le soleil. » -- Arthur Rimbaud, mort en 1891.
  • « Ou c'est ce papier peint qui disparaĂ®t, ou c'est moi. » -- Oscar Wilde, mort en 1900.
    • Jean-Loup Chiflet lui prĂŞte d'autres mots, après lecture de la note du mĂ©decin : « Je meurs vraiment au-dessus de mes moyens ».

XXe siècle

  • « Mozart ! » -- Le compositeur Gustav Mahler, mort en 1911.
  • « Est-ce que personne ne comprend ? » -- l'Ă©crivain James Joyce, 1941.
  • « En 39 ans, c’est tout ce que j’ai fait. » -- Dylan Thomas, 1953.
    • Ben Schott lui prĂŞte d'autres mots : « J'ai bu dix-huit whiskies secs. Je crois que c'est un record. »[2]
  • « Et maintenant, foutez-moi la paix ! » -- Paul LĂ©autaud, 1956.
  • « Je suis tellement las de tout cela. » -- Winston Churchill, 1965.
  • « Buvez Ă  ma santé ! » -- Pablo Picasso, 1973.
  • « Il ne suffit pas d'ĂŞtre un grand homme, il faut l'ĂŞtre au bon moment. » -- Georges Pompidou, 1974.
  • « T'inquiète. Regarde : il n'est mĂŞme pas chargĂ©. » -- Terry Kath, avant de se tirer accidentellement une balle dans la tĂŞte en 1978.
  • « J'ai l'impression qu'il y a une histoire d'amour entre l'infirmière et le grand Noir qui fait le mĂ©nage... »[3] -- Jacques Tati, 1982.

XXIe siècle

Ultima verba célèbres dans la fiction

Bibliographie

  • Marie-Claire Thomine, « Le bon mot sur l’échafaud. Quand les ultima verba sont plaisanteries… », Actes du colloque "Juges et criminels dans la narration brève du XVIe siècle",‎ (lire en ligne).
  • (en) Samuel Arthur Bent, Familiar Short Sayings of Great Men, Chatto and Windus, .
  • Ben Schott, Les MiscellanĂ©es de Mr Schott, Bloomsbury Publishing, , "Ultima verba", p. 76.
  • Miguel S. Ruiz, Last words, last words... Out ! : Dernières paroles Ă©tonnantes (ou pas) des hommes et femmes cĂ©lèbres (ou pas), BoD, , 161 p..
  • Paul Morand, L'Art de mourir, Cahiers Libres, .

Liens externes

Voir aussi

Notes et références

  1. Marie-Claire Thomine, « Le bon mot sur l’échafaud. Quand les ultima verba sont plaisanteries… », Actes du colloque "Juges et criminels dans la narration brève du XVIe siècle",‎ (lire en ligne).
  2. Ben Schott, Les Miscellanées de Mr Schott, Bloomsbury Publishing, .
  3. Jean Lebrun, « La société des vivants et des morts : oraisons funèbres et derniers mots », sur France Inter, .
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