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Tessère

Dans l'antiquité romaine, une tessère (en latin tessera) était une sorte de jeton servant entre autres de billet d'entrée pour les spectacles.

Tamponné dans un tesson d'argile, un numéro d'entrée et de rangée étaient inscrits pour les spectateurs assistant à un événement dans un amphithéâtre ou une arène. Par exemple, au-dessus des portes du Colisée à Rome, des nombres correspondant à ceux tamponnés sur la tessère du spectateur étaient gravés. Les Tesserae frumentariae et nummariae étaient des jetons donnés à certains moments par les magistrats romains aux citoyens, en échange d'une quantité fixe reçue de blé ou d'argent[1].

Histoire

Grèce antique

Aureus de l'empereur romain Macrin montrant l'empereur donnant des tesserae au peuple.
Tessère romaine comparée à une pièce d'un cent.

Dans l'Héliée, selon les juges requis, un nombre égal de tablettes était enlevé, par tirage, d'un ensemble de cent caisses. Chaque tablette tirée était assignée à un tribunal. Ensuite, toutes les tablettes se plaçaient dans la deuxième série de caisses. Toutes les tablettes de juges assignées à un tribunal déterminé étaient placées dans la caisse qui portait la lettre correspondant à ce tribunal. Des bâtons permettaient de distinguer la charge du juge, car ils étaient de la même couleur que le linteau de la porte du tribunal assigné au juge. Le juge le remettait après son entrée au tribunal et recevait une tessère ou un mot de passe officiel (sýmbolon) en échange. La tessère servait ensuite à réclamer le paiement du triobole (monnaie de trois oboles).

Rome antique

Dans la Rome antique, la tessère est le nom donné à quelques petites plaques de diverses formes et destinées à des usages très variés. C'est également le nom donné aux dés[2]. Pour les Romains, les tessères étaient des sauf-conduits militaires pour permettre le passage de personnes par des lieux concrets ou des villes, mais ils n'avaient pas la valeur d'amitié ou d'hospitalité comme dans le cas des tessères celtibères. Elles ont eu une fonction importante dans le domaine militaire, en portant des ordres ou des mots de passe. Il existait également un soldat chargé des tessères dans le domaine militaire appelé tesserarius[3] - [4], qui avait des fonctions très importantes puisqu'il transmettait les ordres, par exemple dans le but de confondre l'ennemi. En principe, il s'agissait de monnaies cassées et chacune des parties en possédaient un morceau. Plus tard, la plèbe romaine pouvait aussi utiliser des tesserae, par exemple, pour avoir accès à la distribution de blé ou encore aux théâtres et aux jeux du cirque.

Espagne antique

Les pactes d'hospitalité (hospititum) sont une coutume très commune entre les peuples de la Celtibérie. Ils sont sacrés et inviolables. Dans les époques les plus anciennes, ils sont antérieurement verbaux (en présence de témoins et avec un rite druidique amenant les dieux comme garants), mais avec l'élaboration d'une tessère le pacte restait scellé, c'est en quelque sorte un document similaire à ce que sont aujourd'hui les contrats signés devant un notaire. La relation était basée sur un engagement juridique, entre un individu et une ville ou entre des communautés sur le long terme car la transmission de la tessère à travers les générations permettait de maintenir la relation ou l'accord. Au début de la conquête romaine de l'Hispanie, les tessères se sont généralisées, souvent sur un support de bronze et écrites dans un alphabet ibérique. Cet héritage écrit, avec les bronzes de Botorrita (une série de plaques de bronze du Ier siècle av. J.-C. trouvées à Contrebia Belaisca, Cabezo de las Mina, près de l'actuelle Botorrita, dans les environs de Saragosse), est l'une des sources documentaires principales pour l'étude des modes de vie, de coutumes, des noms de villes et des rites de ces époques.

Les formes sont très variées : des mains entrelacées, géométriques[5] et, surtout, zoomorphes : cheval, sanglier, un poisson, porc, colombe, taureau... Il existe aussi des tessères formées de deux parties semblables et complémentaires, qui s'emboîtent chacune l'une dans l'autre, et dans quelques cas, elles permettent de compléter l'inscription d'un pacte. Les tessères les plus connues dans ce domaine sont la tessère géométrique de La Custodia (Viana, Navarre), la tessère de Folgoso do Courel (Lugo) et la tessère cantabre de Monte Cildá (Palencia)[6].

Description

Ce mot, qui vient probablement de la même racine que le grec Tessares, ne devait désigner à l'origine que des objets carrés, rectangulaires ou cubiques ; puis on l'a, dès l'Antiquité, appliqué à des objets de toutes formes qui servaient aux mêmes usages. On désigne ainsi sous ce nom :

  • des carreaux de pierre entrant dans la composition d'un carrelage. Les diminutifs tessella et tesserula ont Ă©tĂ© appliquĂ©s aux petits dĂ©s cubiques dont l'assemblage formait une mosaĂŻque.
  • des tessères Ă  jouer dont :
    • des dĂ©s cubiques, semblables aux dĂ©s modernes, et dont les six faces portaient six valeurs, de 1 Ă  6, reprĂ©sentĂ©es chacune par des points gravĂ©s en creux. Dans les exemplaires connus, le point est souvent entourĂ© d'un cercle ou de deux cercles concentriques, et les valeurs indiquĂ©es sur deux faces opposĂ©es et parallèles sont rĂ©parties de façon Ă  donner toujours le total de sept. On appelait l'as unio, le deux binio, le trois trinio, le quatre quaternio, le cinq quinio et le six senio. Il existe cependant certains dĂ©s antiques oĂą les points sont remplacĂ©s par des lettres. L'usage le plus rĂ©pandu Ă©tait de jouer avec trois dĂ©s, mais depuis le commencement de l'Empire au moins on jouait souvent avec deux dĂ©s au lieu de trois.
    • des polyèdres Ă  vingt faces, dont chacune porte une des lettres de l'alphabet, soit grec, soit latin, depuis A jusqu'Ă  Y (ou V).
    • des polyèdres Ă  dix-neuf faces, dont chacune porte un chiffre romain depuis I jusqu'Ă  X, et au-delĂ  de dix en dix jusqu'Ă  C (mais le nombre LXXX manque, et le nombre XX revient deux fois)
    • des polyèdres Ă  dix-huit faces, formĂ©es en abattant les arĂŞtes d'un dĂ© cubique par un plan oblique. Les six faces carrĂ©es du cube primitif sont remplies par six couples de lettres latines ND, NG, NH, LS, SZ, TA. Dans les douze pans coupĂ©s sont gravĂ©s des points reprĂ©sentant des nombres depuis 1 jusqu'Ă  12.
    • des bâtonnets de jeu. GĂ©nĂ©ralement en os, longs de 8 Ă  10 cm, leur extrĂ©mitĂ© supĂ©rieure se termine par une sorte de petit disque ou de bouton, qui permettait de les saisir plus facilement, peut-ĂŞtre parce qu'on devait les tirer d'un sac ou d'une urne. Chacun porte un mot gravĂ© sur sa face antĂ©rieure, parfois un adjectif favorable, parfois un vocatif injurieux ou ironique.
    • des pions de jeu de forme ronde. Certains ne portent ni chiffres, ni inscriptions, ni sujets figurĂ©s d'aucun genre, et sont des pions de la forme la plus simple. D'autres sont gravĂ©s au droit une figure, Ă  l'avers une inscription, un chiffre romain et un chiffre grec, qui servaient Ă  un jeu qui a Ă©tĂ© en faveur dans tout le monde romain depuis le commencement de l'Empire jusqu'Ă  la fin.
  • des plombs de commerce. FixĂ©s ou suspendus Ă  une marchandise, ils jouent le rĂ´le de cachets ou de sceaux. Leur forme la plus ordinaire, Ă  l'Ă©poque impĂ©riale, est celle d'un bouton, dont la queue a Ă©tĂ© perforĂ©e pour donner passage Ă  la ficelle. Ces pièces Ă©taient fixĂ©es sur des sacs ou des ballots de marchandises expĂ©diĂ©es, soit par des particuliers, soit par un des nombreux bureaux de l'administration impĂ©riale.
  • des jetons de prĂ©sence ou d'identitĂ©, signe de reconnaissance. Ă€ Rome, ils datent de l'Ă©poque impĂ©riale (les plus anciens sont contemporains d'Auguste), et leur usage a Ă©tĂ© empruntĂ© Ă  la Grèce. CoulĂ©es en plomb, ces tessères eurent plusieurs usages :
    • Distributions de blĂ© : lors d'une frumentatio (distribution rĂ©gulière) ou d'un congiaire (distribution extraordinaire), l'identitĂ© du citoyen inscrit pour y participer Ă©tait toujours attestĂ©e par un jeton, en Ă©change duquel il emportait son dĂ». On distingue les tesserae frumentariae, donnant droit Ă  une certaine quantitĂ© de blĂ©, et les tesserae nummariae, donnant droit Ă  une certaine somme d'argent. Aux congiaires particuliers des empereurs, depuis Auguste jusqu'Ă  Claude, se rapportent des jetons en bronze, qui offrent au droit l'image du prince et au revers un chiffre indiquant sans doute une section de l'annone (les effigies des empereurs disparaissent de ces jetons après Commode). Les jetons de plomb servent, Ă  la mĂŞme Ă©poque, pour les frumentationes rĂ©gulières et pour les congiaires donnĂ©s par des membres de la famille impĂ©riale. Aux distributions des empereurs et de l'État il faut ajouter celles qui furent faites par les soins des municipalitĂ©s ou par de riches particuliers.
    • Spectacles : pendant tout l'Empire on distribua rĂ©gulièrement Ă  la classe pauvre des jetons d'entrĂ©e pour les spectacles publics. La direction de ce service appartenait, sous les premiers empereurs, aux prĂ©teurs, qualifiĂ©s, dans cette fonction spĂ©ciale, de curatores ludorum. Ă€ partir de Claude, les jeux donnĂ©s par les empereurs eux-mĂŞmes furent placĂ©s sous la surveillance de procuratores. Les plombs trouvĂ©s Ă  Rome mentionnent plusieurs personnages qui ont Ă©tĂ© revĂŞtus de l'une ou de l'autre charge. Un grand nombre des plombs portent des inscriptions qui en rendent l'attribution certaine, suivant qu'elles concernent le théâtre, la gladiature ou les chasses de l'amphithéâtre. Les courses du cirque forment aussi une sĂ©rie très abondante. Les types sont en rapport avec cette destination ; ce sont toujours des figures empruntĂ©es aux jeux publics, gladiateurs, cochers, chevaux, animaux sauvages, etc.
    • Loteries : les tesserae missiles sont des bons de loterie lancĂ©s Ă  la foule pendant le spectacle. Faits de bois, ils avaient souvent une forme ronde.
    • Associations municipales de jeunes gens : ces associations Ă©mirent des tessères qui Ă©taient des jetons d'entrĂ©e pour les jeux dont elles faisaient les frais. Quelques-unes cependant ont pu servir Ă  des distributions de vivres, payĂ©es sur leur caisse particulière.
    • Corporations : les collèges et les sodalitĂ©s ont employĂ© des tessères de plomb soit pour constater la prĂ©sence de leurs membres, soit pour les convier aux grandes fĂŞtes civiles et religieuses de l'État, ou aux anniversaires qui leur Ă©taient chers Ă  divers titres. ReprĂ©sentant les attributs des mĂ©tiers manuels, embarcations des bateliers, sacs des portefaix, poissons des pĂŞcheurs, vĂ©hicules des voituriers, amphores des marchands de vin, etc., elles indiquent le mois et le jour de la fĂŞte oĂą on devait les utiliser, ou encore le nom de la personne qui avait fourni les fonds nĂ©cessaires, et quelquefois la mesure de blĂ© ou de vin Ă  recevoir.
    • Tessères des particuliers : certains jetons ont jouĂ©, dans diverses exploitations, le rĂ´le d'une monnaie fiduciaire qui n'Ă©tait d'aucune valeur au-dehors, mais qui, Ă  dĂ©faut de la monnaie divisionnaire, trop rare dans la caisse, facilitait les comptes des gens de service pour les petits paiements.
    • Tessera hospitalis, tessère d'hospitalitĂ©, signe d'identitĂ© : ces tessères permettaient de reconnaĂ®tre un hĂ´te, auquel on Ă©tait liĂ© par un contrat privĂ© ou public
    • Tessera militaris : tessère qu'un chef de troupe faisait circuler de main en main parmi ses soldats, pour qu'ils pussent se reconnaĂ®tre entre eux et, en cas de doute, distinguer l'ami de l'ennemi ; c'Ă©tait donc, comme les autres tessères, un signe d'identitĂ© ; il Ă©tait utile surtout pendant les gardes de nuit. Le chef y inscrivait le mot d'ordre qui, le plus souvent, n'allait pas au-delĂ  d'une formule très courte, facile Ă  retenir, destinĂ©e Ă  ĂŞtre Ă©changĂ©e Ă  voix basse par les sentinelles ; quelquefois cependant la tessère pouvait porter aussi l'indication d'un mouvement Ă  exĂ©cuter. Dans les lĂ©gions romaines, c'Ă©tait le lĂ©gat qui donnait le mot d'ordre ; la tessère, remise par lui aux tribuns, Ă©tait communiquĂ©e ensuite Ă  chaque manipule et Ă  chaque turme par un sous-officier affectĂ© spĂ©cialement Ă  ce service et dĂ©signĂ© sous le nom de tesserarius. Après avoir fait le tour de toutes les compagnies, elle revenait aux tribuns par la mĂŞme voie.

Notes et références

Annexe

Fond antique

XIXe siècle

Ouvrage

  • (es) Aureliano Fernández-Guerra y Orbe, Una nueva tĂ©sera de hospitalidad en las ruinas de Clunia : BoletĂ­n de la Real Academia de la Historia, t. 12, (lire en ligne)

Articles

  • (es) Eduardo Peralta Labrador, « La tĂ©sera cántabra de Monte Cildá (Olleros de Pisuerga, Palencia) », Revistas CientĂ­ficas Complutenses, Complutum, no 4,‎ , p. 223-226 (ISSN 1131-6993, lire en ligne, consultĂ© le )
  • (es) Luciano PĂ©rez Vilatela, « Aspectos de la tĂ©sera latina de Fuentes Claras », Revista de filologĂ­a, Alazet, no 5,‎ , p. 127-150 (ISSN 0214-7602, lire en ligne, consultĂ© le )
  • (es) Francisco Javier Rubio Orecilla, « La tĂ©sera celtibĂ©rica de SasamĂłn (K14.1) », Revista de lingĂĽĂ­stica y filologĂ­a clásica, Emerita, vol. 72, no 1,‎ , p. 121-154 (ISSN 0013-6662, lire en ligne, consultĂ© le )

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