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T2K

T2K (Tokai to Kamioka) est une expĂ©rience de physique des particules situĂ©e au Japon, dans laquelle collaborent de nombreux pays, avec une forte contribution de l'Europe (50 % des collaborateurs). Il s'agit d'une expĂ©rience d'oscillation de neutrinos mesurant un faisceau de neutrinos muoniques Ă  courte (280 m) et Ă  longue distances (295 km). Elle prend la suite de l'expĂ©rience K2K. L'accĂ©lĂ©rateur J-PARC basĂ© Ă  Tokai produit le faisceau, qui pointe vers le dĂ©tecteur lointain Super-Kamiokande. Le faisceau est hors axe de 2,5°, permettant d'avoir un spectre plus piquĂ© et Ă  une Ă©nergie plus appropriĂ©e aux oscillations, et Ă©galement de rĂ©duire le bruit de fond. Le but principal de T2K est de mesurer l'oscillation des neutrinos muoniques en neutrinos Ă©lectroniques afin de mesurer Ξ13, le dernier paramĂštre de la Matrice PMNS non mesurĂ©.

Objectifs physiques

Le but de l'expĂ©rience T2K est d'avoir une comprĂ©hension plus complĂšte des paramĂštres d'oscillation. Les expĂ©riences prĂ©cĂ©dentes ont observĂ© la disparition des neutrinos muoniques, expliquĂ©e par leur oscillation en neutrinos tau. Mais, l'oscillation vers les neutrinos Ă©lectroniques n'a jamais Ă©tĂ© observĂ©e, l'angle de mĂ©lange Ξ13 dont dĂ©pend sa probabilitĂ© Ă©tant trop petit, voire nul. Or, la nullitĂ© de cet angle aurait de grandes consĂ©quences en physique, que ce soit thĂ©orique pour l'expliquer ou cosmologique, le neutrino ayant un rĂŽle dĂ©terminant dans l'histoire de l'Univers. T2K espĂšre donc ĂȘtre la premiĂšre expĂ©rience Ă  le mesurer.

Si ce dernier était trouvé à une valeur suffisamment élevé, l'expérience entrerait dans une deuxiÚme phase, avec un faisceau plus intense, afin de chercher si la symétrie CP est conservée dans le secteur leptonique. Elle comparerait pour ce faire les oscillations de neutrinos et d'anti-neutrinos.

Les mesures trĂšs prĂ©cises des paramĂštres de mĂ©lange Δm23 et Ξ23 constituent des objectifs secondaires de T2K.

Production des Neutrinos

J-PARC

J-PARC est un nouvel accĂ©lĂ©rateur de particules plus puissant que (en)KEK utilisĂ© dans l'expĂ©rience K2K. Le synchrotron est finalement capable d'accĂ©lĂ©rer des protons de 30 GeV /C (50 GeV /C prĂ©vu initialement). Les protons en collision sur une cible de carbone produiront des pions qui se dĂ©sintĂšgrent en muons et en neutrinos muoniques. La puissance du faisceau devrait ĂȘtre de 0,75 MW et fournir 110 fois plus d'Ă©vĂ©nements de neutrinos que K2K. Le tube de dĂ©sintĂ©gration de pions doit ĂȘtre suffisamment long pour que le maximum de pions se dĂ©sintĂšgrent en muons et neutrinos muoniques et suffisamment court pour que ces muons ne se dĂ©sintĂšgrent pas Ă  leur tour en Ă©lectrons, neutrinos Ă©lectroniques et antineutrinos muoniques, ce qui apporterait d'une part une pollution de neutrino Ă©lectronique au faisceau de neutrinos muoniques et d'autre part une pollution d'antineutrinos muoniques et rĂ©ciproquement selon la polarisation du champ magnĂ©tique de la corne magnĂ©tique.

Hors axe

Le faisceau de neutrinos Ă  J-PARC est conçu de sorte qu'il forme un angle de 2.5° par rapport au dĂ©tecteur lointain Super Kamiokande. Cela rĂ©duit le flux de neutrinos qui atteignent le dĂ©tecteur, mais offre un spectre d'Ă©nergie plus appropriĂ© aux oscillations de neutrino. Hors axe, l'Ă©nergie de pointe est faible, les Ă©nergies plus Ă©levĂ©es Ă©tant supprimĂ©es. À la distance entre Tokai et Kamioka, l'oscillation maximale des neutrinos devrait se produire Ă  des Ă©nergies infĂ©rieures Ă  1 GeV.

DĂ©tecteur proche

Le détecteur proche (ND280) est un détecteur segmenté composé de plusieurs sous-détecteurs. Il comprend un trajectomÚtre, un calorimÚtre et un détecteur de pions entourés par l'aimant de l'expérience UA1 et d'un détecteur de muons afin de contrÎler le faisceau. ND280 sera en mesure de mesurer le spectre d'énergie de faisceau de neutrinos, son flux, le contenu en saveur, et les sections efficaces d'interaction avant l'oscillation des neutrinos.

TrajectomĂštre

Il est composĂ© de 3 TPCs et de 2 FGDs entrelacĂ©s.

La chambre à projection temporelle (Time Projection Chamber ou TPC) sera capable de mesurer le moment (moment d'une force (mécanique) des particules produites dans le détecteur. Les détecteurs à grains fins (Fine-Grained Detector ou FGD) constitueront la cible des interactions des neutrinos et pourront mesurer la courte trace du proton de recul. Le second FGD est partiellement composé d'eau afin de pouvoir comparer les sections efficaces du détecteur proche et du détecteur lointain (Super-Kamiokande, composé exclusivement d'eau) sur des noyaux équivalents.

Ce trajectomÚtre détectera les courants quasi-élastiques afin de mesurer le flux et le spectre des neutrinos muoniques avant oscillation, des autres courants chargés afin d'évaluer les erreurs de reconstruction de l'énergie dans Super-Kamiokande, des courants neutres et de la contamination du faisceau en neutrinos électroniques qui constituent les bruits de fond principaux de l'expérience.

Pi Zero

Le détecteur Pi Zero est composé de couches de scintillateurs et de plomb utilisé pour mesurer les pions neutres produits dans les interactions de courant neutre.

Super Kamiokande

Détection des électrons et des muons dans le détecteur Super-Kamiokande.

Le dĂ©tecteur Super-Kamiokande se situe Ă  1 000 m sous terre dans la mine Mozumi, sous le mont Ikeno, proche du quartier de Kamioka de la ville d’Hida. C’est un rĂ©servoir cylindrique en acier inoxydable d’environ 40 m de hauteur et de diamĂštre, rempli avec 50 000 tonnes d’eau et instrumentĂ© au moyen d’approximativement 13 000 tubes photomultiplicateurs (PMT). Son principe de dĂ©tection est basĂ© sur l’effet Cherenkov; lorsque des particules chargĂ©es se dĂ©placent dans l’eau Ă  une vitesse supĂ©rieure Ă  celle de la lumiĂšre dans ce milieu, elles Ă©mettent un cĂŽne de lumiĂšre dite "Cherenkov" et celui-ci peut ĂȘtre identifiĂ© par le dĂ©tecteur. Son but est de mesurer les muons et les Ă©lectrons produits dans les interactions quasiĂ©lastiques Ă  courant chargĂ© (CCQE) des neutrinos muoniques et des neutrinos Ă©lectroniques, respectivement. En raison de leur masse relativement Ă©levĂ©e, les muons conservent gĂ©nĂ©ralement leur direction sans ĂȘtre dĂ©viĂ©s et, ainsi, produisent un cĂŽne de lumiĂšre Cherenkov bien dĂ©fini, observĂ© par les PMTs comme un cercle net et prĂ©cis. À l’opposĂ©, les Ă©lectrons, Ă  cause de leur petite masse, sont plus susceptibles d’ĂȘtre diffusĂ©s et ils produisent, presque toujours, des cascades Ă©lectromagnĂ©tiques, observĂ©es par les PMTs comme un cercle dont le bord est flou et mal dĂ©limitĂ©. L’énergie du neutrino est calculĂ©e Ă  partir de la direction et l’énergie du lepton chargĂ© produit dans l’interaction CCQE. C’est de cette façon que les spectres d’énergie des neutrinos muoniques et neutrinos Ă©lectroniques sont dĂ©terminĂ©s, permettant ainsi la mesure des paramĂštres d’oscillation pertinents pour la disparition des neutrinos muoniques et l’apparition des neutrinos Ă©lectroniques[1] - [2].

Histoire

T2K succĂšde Ă  l’expĂ©rience KEK to Kamioka (K2K), qui opĂ©ra de 1999 Ă  2004. Dans l’expĂ©rience K2K, un faisceau de neutrinos muoniques Ă©tait produit par un accĂ©lĂ©rateur sur le site KEK Ă  Tsukuba (Japon) et envoyĂ© vers le dĂ©tecteur Super-Kamiokande, situĂ© Ă  250 km de lĂ . Les rĂ©sultats de l’expĂ©rience K2K confirmĂšrent la disparition des neutrinos muoniques Ă  un niveau de confiance de 99.9985% (4.3 σ) et Ă©taient consistants avec les prĂ©cĂ©dentes mesures des paramĂštres d’oscillation rĂ©alisĂ©es par le dĂ©tecteur Super-Kamiokande pour les neutrinos atmosphĂ©riques[3] - [4].

La construction de la ligne de faisceau de neutrinos a commencĂ© en 2004 et a Ă©tĂ© mise en service avec succĂšs en 2009. La construction de la totalitĂ© du dĂ©tecteur INGRID et celle de la plus grande partie du dĂ©tecteur ND280 (sans la composante baril du calorimĂštre Ă©lectromagnĂ©tique, “barrel ECAL”) a Ă©tĂ© finalisĂ©e en 2009. La partie manquante du calorimĂštre a Ă©tĂ© installĂ©e en automne 2010. Le grand dĂ©tecteur Super-Kamiokande, en service depuis 1996 afin d’étudier le temps de vie du proton et les oscillations de neutrinos atmosphĂ©riques, solaires et d’accĂ©lĂ©rateurs, fait office de dĂ©tecteur lointain pour l’expĂ©rience T2K[1].

T2K a commencĂ© Ă  prendre des donnĂ©es de neutrinos pour une analyse de physique en , initialement avec un dĂ©tecteur ND280 incomplet, puis, Ă  partir de , dans sa configuration finale. La prise de donnĂ©es a Ă©tĂ© interrompue pendant un an en raison du SĂ©isme de la cĂŽte Pacifique du Tohoku en . Depuis, la puissance du faisceau de proton, et par consĂ©quent l’intensitĂ© du faisceau de neutrinos n’a cessĂ© d’augmenter, atteignant en une puissance de 515 kW et un total de 3.64×1021 protons accumulĂ©s sur la cible [5], avec 55% de donnĂ©es en mode neutrino et 45% en mode anti-neutrino.

En , la collaboration T2K a publiĂ© des rĂ©sultats qui contraignent fortement la phase ÎŽCP. Les rĂ©sultats rejettent avec un niveau de confiance de 95% l’hypothĂšse de non-violation CP (incluant la possibilitĂ© que ÎŽCP soit Ă©gal Ă  π)[6] - [7]. Ces rĂ©sultats rejettent Ă©galement, Ă  un niveau d’importance de 3σ (99.7%) presque la moitiĂ© des valeurs possibles de ce paramĂštre et fournissent une bonne indication que la violation CP pourrait ĂȘtre importante dans le secteur neutrino[6] - [8].

Projets futurs

Il est prĂ©vu que l’expĂ©rience T2K poursuive ses opĂ©rations en l’état actuel jusqu’à fin 2020. En 2021, une mise Ă  niveau majeure de la ligne de faisceau des neutrinos et du dĂ©tecteur proche ND280 sera effectuĂ©e. De 2022 Ă  2026, les donnĂ©es en neutrinos seront prises dans le cadre de la seconde phase de l’expĂ©rience T2K (T2K-II)[9]. En 2025, le successeur de l’expĂ©rience T2K sera mis en marche; il s’agit de l’expĂ©rience Hyper-Kamiokande (HK) qui fonctionnera avec le nouveau dĂ©tecteur Cherenkov lointain, contenant 250’000 tonnes d’eau - le dĂ©tecteur Hyper-Kamiokande[10] - [11]. La construction d’un autre dĂ©tecteur Cherenkov Ă  eau, se trouvant Ă  une distance intermĂ©diaire d’environ km est Ă©galement considĂ©rĂ©e pour l’expĂ©rience HK[11].

T2K-II

La phase II de l’expĂ©rience T2K devrait commencer en 2022 et durer jusqu’en 2025 ou 2026, suivie par la mise en service de l’expĂ©rience HK. Les objectifs physiques de T2K-II consistent en une mesure des paramĂštres d’oscillation Ξ23 et Δm(su) avec une prĂ©cision de 1.7° et 1% respectivement, ainsi qu’une confirmation au niveau de 3σ ou plus de l’asymĂ©trie matiĂšre-antimatiĂšre dans le secteur neutrino pour un large panel de vraies valeurs possibles de ÎŽCP – le paramĂštres responsables de l’asymĂ©trie CP (matiĂšre-antimatiĂšre). Afin d’atteindre ces objectifs, les erreurs statistiques et systĂ©matiques doivent ĂȘtre rĂ©duites, ce qui implique une mise Ă  niveau consĂ©quente de la ligne de faisceau et du dĂ©tecteur ND280, ainsi que des amĂ©liorations du software et des mĂ©thodes d’analyse[9].

Mise Ă  jour du faisceau

La stratĂ©gie de mise Ă  jour du faisceau requiert l’arrĂȘt de l’accĂ©lĂ©rateur circulaire principal de J-PARC durant une annĂ©e en 2021, suivi par une augmentation graduelle constante de la puissance du faisceau de proton jusqu’à ce que l’expĂ©rience HK dĂ©bute. La puissance du faisceau devrait atteindre 750 kW en 2022, puis s’élever Ă  1,3 MW d’ici Ă  2029[12].

En , la puissance du faisceau de protons a atteint 515 kW avec 2.7x1014 protons par impulsion et 2.48 secondes entre chaque impulsion (cycle de rĂ©pĂ©tition). Afin d’atteindre 750 kW, le cycle de rĂ©pĂ©tition sera rĂ©duit Ă  1.32 s avec 2.0x1014 protons par impulsion, tandis que pour une puissance de 1,3 MW, le cycle de rĂ©pĂ©tition sera rĂ©duit jusqu’à 1.16 s et le nombre de protons par impulsion augmentĂ© Ă  3.2x1014. En plus d’augmenter la puissance du faisceau de protons primaire, le courant dans les cornes magnĂ©tiques qui focalisent les particules secondaires possĂ©dant une charge Ă©lectrique choisie (les pions, les kaons, etc.), sera Ă©galement augmentĂ© de 250 kA Ă  320 kA. Cela aura pour effet d’augmenter le nombre de neutrinos du bon signe (neutrinos lorsque le faiseau est en mode neutrino et anti-neutrinos lorsqu’il est en mode anti-neutrino) de 10% et de rĂ©duire le nombre de neutrinos de mauvais signe (anti-neutrinos lorsque le faiseau est en mode neutrino et neutrinos lorsqu’il est en mode anti-neutrino) d’environ 5-10%[12] - [13].

La rĂ©duction du cycle de rĂ©pĂ©tition demandera une sĂ©rie de mises Ă  jour du hardware qui seront toutes effectuĂ©es durant l’arrĂȘt de 2021. Celles-ci incluent une mise Ă  jour importante de l’alimentation Ă©lectrique de l’anneau principal et une mise Ă  jour mineure de l’alimentation Ă©lectrique des cornes magnĂ©tiques. L’augmentation du courant des cornes magnĂ©tiques demandera une alimentation Ă©lectrique supplĂ©mentaire (troisiĂšme). Par ailleurs, afin d’atteindre la puissance maximale du faisceau de protons, le perfectionnement de la capacitĂ© de refroidissement des composants de la ligne de faisceau secondaire, tels que la cible en graphite, les cornes magnĂ©tiques et l’absorbeur de faisceau ("beam dump"), ainsi qu’une plus grande quantitĂ© d’eau de refroidissement Ă  disposition seront nĂ©cessaires[12] - [13].

Amélioration de ND280

Schéma de la partie interne du détecteur ND280 aprÚs la mise à niveau prévue.

Le design actuel du dĂ©tecteur ND280 est optimisĂ© pour la dĂ©tection et la reconstruction des leptons (muons et Ă©lectrons) dirigĂ©s vers l’avant (par rapport Ă  la direction du faisceau de neutrinos) mais il a un certain nombre de limitations, comme la faible efficacitĂ© de reconstruction des particules produites presque perpendiculaires et vers l’arriĂšre par rapport Ă  la direction du neutrino impliquĂ© dans l’interaction, ainsi qu’un seuil de quantitĂ© de mouvement trop Ă©levĂ© pour reconstruire une bonne partie des pions produits et des nuclĂ©ons Ă©jectĂ©s (protons et neutrons) lors de cette mĂȘme interaction. En ce qui concerne les interactions Ă  courant chargĂ© quasi-Ă©lastiques (CCQE), reprĂ©sentant le type d’interaction dominant dans le dĂ©tecteur proche ND280, la cinĂ©matique du lepton produit suffit Ă  reconstruire l’énergie initiale du neutrino. Cependant, d’autres types d’interactions dans lesquelles des particules supplĂ©mentaires (pions, kaons, nuclĂ©ons) ont Ă©tĂ© manquĂ©es, peuvent ĂȘtre reconstruites Ă  tort comme CCQE et peuvent introduire un biais dans le spectre d’énergie reconstruite du neutrino. C’est pourquoi il est essentiel d’optimiser le dĂ©tecteur afin de le rendre sensible Ă  ces particules supplĂ©mentaires et aux effets nuclĂ©aires.

Trois mesures principales doivent ĂȘtre prises afin de rĂ©pondre Ă  ces problĂšmes:

  • Le dĂ©tecteur doit dĂ©tecter de maniĂšre efficace les nuclĂ©ons qui rĂ©sultent des interactions de neutrinos avec le noyau. Pour cela, le seuil de dĂ©tection doit ĂȘtre abaissĂ©.
  • Les traces formant un grand angle avec la direction du neutrino initial ou orientĂ©es dans le sens inverse du neutrino initial doivent ĂȘtre bien reconstruites. Cet objectif peut ĂȘtre atteint en augmentant l’ouverture angulaire du dĂ©tecteur et en amĂ©liorant l’efficacitĂ© avec laquelle les traces dirigĂ©es vers l’arriĂšre sont identifiĂ©es par rapport Ă  celles dirigĂ©es vers l’avant, Ă  l’aide d’informations temporelles.
  • Enfin, le volume fiducial total (la masse disponible pour les interactions de neutrinos) de la partie du dĂ©tecteur ND280 dĂ©diĂ©e au tracking (Ă  la reconstruction des traces), caractĂ©risĂ©e par une meilleure capacitĂ© de reconstruction que les autres parties, doit ĂȘtre agrandie afin d’augmenter le taux des interactions de neutrinos.

La mise Ă  niveau du dĂ©tecteur ND280 rĂ©pond Ă  ces exigences en remplaçant une partie du sous-dĂ©tecteur POD par trois types de nouveaux sous-dĂ©tecteurs. La partie existante en aval, qui consiste en deux dĂ©tecteurs Ă  scintillation Ă  grains fins (FGDs) et trois chambres Ă  dĂ©rive (TPCs) intercalĂ©s, conservera sa structure en sandwich et continuera de dĂ©tecter les leptons et les hadrons de grande impulsion dirigĂ©s vers l’avant. La partie en amont, qui contient actuellement le sous-dĂ©tecteur P0D sera remplacĂ© par trois nouveaux sous-dĂ©tecteurs: une cible Ă  scintillateur 3D (Super Fine-Grained Detector ou SuperFGD), deux nouveaux TPCs au-dessus et au-dessous du SuperFGD (High-Angle TPCs ou HATPCs) et six dĂ©tecteurs Ă  temps de vol (TOF) entourant la nouvelle structure. Chacun de ces sous-dĂ©tecteurs est dĂ©crit briĂšvement ci-dessous[14].

SuperFGD

Le SuperFGD est un dĂ©tecteur de m x m x 0,5 m constituĂ© d’approximativement 2 million de cubes scintillants en polystyrĂšne d’cm3. Chaque cube est traversĂ© par trois fibres optiques orthogonales afin de dĂ©tecter la lumiĂšre Ă©mise par les particules produites durant les interactions dans la cible. Chaque fibre optique traverse toute une rangĂ©e de cubes jusqu’à atteindre l’extĂ©rieur du dĂ©tecteur oĂč elle est connectĂ©e Ă  un SiPM. Lorsqu’une interaction se produit dans un certain cube, le signal enregistrĂ© dans une seule fibre permet de dĂ©terminer uniquement deux des trois coordonĂ©es (X, Y et Z) de ce cube. En combinant les informations des trois fibres optiques, il est possible d’identifier exactement le cube dans lequel l’interaction s’est produite. Ce systĂšme de lecture, diffĂ©rent de celui des FGDs actuels, est qualifiĂ© de “quasi-3D”. GrĂące Ă  cette configuration de lecture, la dĂ©tection des traces courtes est amĂ©liorĂ©e de façon presque uniforme dans toutes les directions. Du fait de sa gĂ©omĂ©trie et de son couplage avec les TOF et les HATPCs, le SuperFGD est capable de dĂ©tecteur des neutrons rapides, ce qui pourrait ĂȘtre utile pour la reconstruction de l’énergie des antineutrinos.[14]

HATPC

Les chambres Ă  dĂ©rive pour les traces ayant des angles importants (HATPCs) entoureront le SuperFGD dans le plan perpendiculaire au faisceau de neutrino entrant. Leur design est similaire Ă  celui des TPCs existants, puisque tous deux utilisent la technologie des modules MicroMegas pour la reconstruction des traces. La principale caractĂ©ristique innovante des HATPCs, en dehors du fait qu’ils couvrent des angles Ă©levĂ©s, rĂ©side dans l’utilisation de la technologie de MicroMegas rĂ©sistifs. Celle-ci consiste Ă  appliquer une couche de matĂ©riau rĂ©sistif afin d’augmenter la capacitĂ© de partage de charge des modules MicroMegas. Cela rĂ©duit le nombre de canaux de lecture et permet d’atteindre une rĂ©solution spatiale aussi bonne que celle des TPCs actuels[14].

TOF

Les six dĂ©tecteurs Ă  temps de vol (TOF) entourant les HATPCs et SuperFGD sont une sĂ©rie de couches de scintillateurs plastiques conçus afin d’identifier le sens dans lequel une particule se dĂ©place au moyen d’une mesure du temps de vol de chaque trace les traversant avec une rĂ©solution en temps de 600 ps. La capacitĂ© de dĂ©terminer le sens des traces s’est montrĂ©e critique dans ND280 afin de rĂ©duire le bruit de fond gĂ©nĂ©rĂ© en dehors des dĂ©tecteurs internes actifs[14].

Impact sur la physique des oscillations de neutrinos

L’impact que la mise Ă  niveau de ND280 aura sur les analyses de T2K est double. PremiĂšrement, une augmentation des statistiques grĂące Ă  la cible SuperFGD de 2 tonnes permettra de quasiment doubler la quantitĂ© de donnĂ©es dans certains Ă©chantillons. DeuxiĂšmement et principalement, la nouvelle configuration permettra une meilleure dĂ©tection des particules supplĂ©mentaires dans l’état final aprĂšs l’interaction, i.e. les particules qui rĂ©sultent des interactions de neutrinos avec le noyau et/ou des effets nuclĂ©aires: les particules Ă©mises Ă  un angle Ă©levĂ© grĂące Ă  l’acceptance angulaire augmentĂ©e et les particules moins Ă©nergĂ©tiques, grĂące aux seuils de dĂ©tection moins Ă©levĂ©s. L’amĂ©lioration de l’angle d’incidence du dĂ©tecteur est importante afin de couvrir presque le mĂȘme espace de phase que celui disponible dans le dĂ©tecteur lointain (SK). De plus, les particules d’état final permettront d’explorer les effets nuclĂ©aires qui sont essentiels afin de contraindre les effets systĂ©matiques dans l’analyse d’oscillation. C’est une Ă©tape importante Ă©galement pour la transition Ă  l’utilisation de models semi-inclusifs ou exclusifs dans la physique des oscillations de neutrinos, Ă  l’opposĂ© des modĂšles actuels qui sont inclusifs et utilisent uniquement le lepton d’état final dans leurs prĂ©dictions[14].

Expérience Hyper-Kamiokande

L’expĂ©rience Hyper-Kamiokande (HK), qui succĂ©dera Ă  l’expĂ©rience T2K, utilisera le systĂšme mis Ă  niveau de l’accĂ©lĂ©rateur et de la ligne de faisceau de neutrinos actuellement utilisĂ©s, ainsi que le dĂ©tecteur proche avec l’ensemble de ses amĂ©liorations. En dehors de ça, un nouveau dĂ©tecteur lointain, le dĂ©tecteur Hyper-Kamiokande, et Ă©ventuellement un nouveau dĂ©tecteur intermĂ©diaire seront construits. Une partie des travaux de mise Ă  jour concernant le faisceau et le dĂ©tecteur ND280 seront rĂ©alisĂ©s avant le dĂ©but de la phase II de l’expĂ©rience T2K. L’expĂ©rience HK devrait commencer Ă  opĂ©rer en 2027 environ[11] - [15] - [16].

DĂ©tecteur Hyper-Kamiokande

Le dĂ©tecteur Hyper-Kamiokande sera un dĂ©tecteur Ă  eau Cherenkov, 5 fois plus grand (258 kton d’eau) que le dĂ©tecteur Super-Kamiokande. Ce sera un cylindre de 74 mĂštres de diamĂštre et de 60 mĂštres de hauteur avec 40000 tubes photomultiplicateurs de 50 cm de diamĂštre et 6700 tubes photomultiplicateurs de 20 cm de diamĂštre. Il se situera Ă  km au sud du dĂ©tecteur Super-Kamiokande dans la mine de Tochibora, Ă  650 mĂštres sous le sommet de la montagne Nijuugo, au mĂȘme angle dĂ©saxĂ© (2.5°) par rapport au centre du faisceau de neutrinos et Ă  la mĂȘme distance (295 km) du point de production du faisceau Ă  J-PARC. La construction du dĂ©tecteur HK devrait commencer en 2020 et le dĂ©but de la prise de donnĂ©es est prĂ©vue pour 2027[11] - [15].

Détecteur Cherenkov à eau intermédiaire

Le dĂ©tecteur Cherenkov Ă  eau intermĂ©diaire (IWCD) se situera Ă  une distance de 0.7–2 km du point de production des neutrinos. Ce sera probablement un cylindre rempli d’eau d’un diamĂštre de 10 m et d’une hauteur de 50 m contenant une strucutre instrumentĂ©e haute de 10 m qui comprendrait environ 30000 tubes photomultiplicateurs de 20 cm de diamĂštre. La structure sera dĂ©placĂ©e verticalement par un systĂšme de grues, permettant ainsi de mesurer des interactions de neutrinos Ă  diffĂ©rents angles dĂ©saxĂ©s, allant de 1° Ă  4°, ce qui donnera lieu Ă  des spectres d’énergie diffĂ©rents. En combinant les rĂ©sultats de diffĂ©rents angles dĂ©saxĂ©s, il est possible d’extraire les rĂ©sultats pour un spectre de neutrinos quasiment monochromatique sans avoir besoin de se baser sur des modĂšles thĂ©oriques d’interactions de neutrinos pour en reconstruire l’énergie. L’utilisation du mĂȘme type de dĂ©tecteur que le dĂ©tecteur lointain, avec presque la mĂȘme ouverture angulaire et la mĂȘme gamme de quantitĂ© de mouvement, permet de comparer les rĂ©sultats des deux dĂ©tecteurs sans dĂ©pendre de simulations de la rĂ©ponse du dĂ©tecteur. Ces deux caractĂ©ristiques, l’indĂ©pendence par rapport aux interactions de neutrinos et celle par rapport aux modĂšles de rĂ©ponse du dĂ©tecteur, permettront de minimiser les erreurs systĂ©matiques dans l’analyse d’oscillation. Un autre avantage d’un tel design de dĂ©tecteur rĂ©side en la possibilitĂ© de rechercher un motif d’oscillation de neutrinos stĂ©riles pour diffĂ©rents angles dĂ©saxĂ©s et d’obtenir un Ă©chantillon plus pur d’interactions de neutrinos Ă©lectroniques, dont la fraction augmente lorsqu’on s’éloigne de l’axe[11].:47–50[17] - [18]

Il est prĂ©vu que l’IWCD soit finalisĂ© en 2024 et commence Ă  prendre des mesures en 2025, mĂȘme avant la mise en route de l’expĂ©rience HK[19].

Voir aussi

Liens externes

Notes et références

  1. T2K Collaboration, « The T2K Experiment », Nuclear Instruments and Methods in Physics Research Section A: Accelerators, Spectrometers, Detectors and Associated Equipment, vol. 659, no 1,‎ , p. 106–135 (DOI 10.1016/j.nima.2011.06.067, Bibcode 2011NIMPA.659..106A, arXiv 1106.1238)
  2. The Super-Kamiokande Collaboration, « The Super-Kamiokande detector », Nuclear Instruments and Methods in Physics Research Section A: Accelerators, Spectrometers, Detectors and Associated Equipment, vol. 501, nos 2–3,‎ , p. 418–462 (DOI 10.1016/S0168-9002(03)00425-X, Bibcode 2003NIMPA.501..418F)
  3. Yuichi Oyama, Nuclear Science and Safety in Europe, coll. « NATO Security through Science Series », , 113–124 p. (ISBN 978-1-4020-4963-7, DOI 10.1007/978-1-4020-4965-1_9, arXiv hep-ex/0512041), « Results from K2K and status of T2K »
  4. K2K Collaboration, « Measurement of neutrino oscillation by the K2K experiment », Physical Review D, vol. 74, no 7,‎ , p. 072003 (DOI 10.1103/PhysRevD.74.072003, Bibcode 2006PhRvD..74g2003A, arXiv hep-ex/0606032)
  5. « T2K experiment official page - T2K Run 10 »
  6. « Constraint on the matter–antimatter symmetry-violating phase in neutrino oscillations », Nature, vol. 580,‎ , p. 339–344 (DOI 10.1038/s41586-020-2177-0, arXiv 1910.03887, lire en ligne)
  7. (en) Adrian Cho, « Skewed neutrino behavior could help explain matter’s dominion over antimatter », Science | AAAS,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  8. https://www.bbc.com/news/science-environment-52297058
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