Matrice PMNS
La matrice PMNS, ou Matrice Pontecorvo-Maki-Nakagawa-Sakata (parfois sans le P de Pontecorvo) dĂ©signe les travaux de JirĆ Maki (sv), Masami Nakagawa (ja) et ShĆichi Sakata qui expliquent l'oscillation de neutrinos prĂ©dite par Bruno Pontecorvo en 1957. Câest une matrice unitaire (hormis dans le mĂ©canisme de see-saw) servant de matrice de passage entre deux bases orthonormĂ©es de l'espace des Ă©tats des neutrinos : d'une part la base des Ă©tats propres (eigenstate) de saveur et d'autre part celle des Ă©tats propres d'Ă©nergie ou de masse (eigenmass) des neutrinos. Dans les rĂ©actions faisant intervenir les neutrinos, ceux-ci sont produits dans un Ă©tat de saveur bien dĂ©fini (neutrino-Ă©lectron, par exemple). Comme cet Ă©tat se dĂ©compose comme une superposition d'Ă©tats propres du Hamiltonien, de masses diffĂ©rentes, il n'est pas stationnaire mais Ă©voluera au cours du temps pour donner lieu au phĂ©nomĂšne d'oscillation de neutrinos.
Historique
En 1955, dans leur analyse de la dĂ©sintĂ©gration du mĂ©son Ξ, Murray Gell-Mann et Abraham Pais proposent le concept dâoscillation de particule neutre (en), qui sâapplique Ă une particule et son antiparticule, qui explique aussi le comportement du kaon[1]. Deux ans plus tard, Pontecorvo Ă©tudie les rĂ©sultats dâune expĂ©rience menĂ©e par Raymond Davis Jr. (qui prĂ©figure l'expĂ©rience Homestake) dans laquelle un antineutrino devrait induire la dĂ©sintĂ©gration du chlore Cl37 en argon Ar37[2] et en dĂ©duit que lâoscillation de Gell-MannâPais sâapplique au neutrino[3] - [4].
Dans la suite de ses rĂ©flexions, Pontecorvo s'interroge sur la dĂ©sintĂ©gration du pion. Selon lui, si le pion ne se dĂ©sintĂšgre jamais en crĂ©ant dâĂ©lectron (il crĂ©e un muon), câest quâil existe une forme de neutrino que lâon ne connaĂźt pas. Lâarticle quâil publie en 1960 sur ce sujet amĂšne Ă une expĂ©rience rĂ©alisĂ©e au laboratoire national de Brookhaven qui met au jour la saveur muonique du neutrino[5] ; l'Ă©tat connu du neutrino auparavant devient la saveur Ă©lectronique. Leon Lederman, Melvin Schwartz et Jack Steinberger qui ont mis lâexpĂ©rience au point seront rĂ©compensĂ©s par le prix Nobel de physique en 1988. Rebondissant sur cette dĂ©couverte, Maki, Nakagawa et Sakata supposent dans un article publiĂ© en 1962[6] que ce que l'on observe du neutrino nâest en fait quâune superposition de plusieurs Ă©tats de masses propres diffĂ©rentes : la saveur[6]. Ils Ă©laborent alors une premiĂšre version de la matrice MNS qui dĂ©crit les deux saveurs connues[6] - [4].
La prĂ©diction en 1973 des futurs Nobels Makoto Kobayashi et Toshihide Maskawa dâune troisiĂšme gĂ©nĂ©ration de leptons conduit Ă lâextension de la matrice MNS Ă la matrice PMNS aujourdâhui connue.
Principe
La premiÚre matrice MNS découle de ces équations tirées de leur article de 1962 :
Il s'agit d'une simple rotation dans le plan entre les bases et . En prenant en compte les trois gĂ©nĂ©rations de leptons, la matrice sâĂ©crit :
- .
Sur la gauche est reprĂ©sentĂ© un vecteur de neutrinos selon leurs saveurs, et Ă droite la matrice PMNS et le vecteur des masses propres de neutrinos. La matrice PMNS dĂ©crit la probabilitĂ© quâa un neutrino donnĂ© de saveur α de se retrouver avec une masse propre i. Ces probabilitĂ©s sont proportionnelles Ă |Uαi|2. Les Ă©tats propres de saveur sont donc reliĂ©s aux Ă©tats propres de masse suivant la relation :
La matrice PMNS se décompose de la maniÚre suivante :
oĂč et . Il s'agit donc presque de la combinaison de trois matrices de rotation, si ce n'est l'angle ÎŽ qui traduit la violation de la symĂ©trie CP.
Supposons qu'un neutrino soit émis à l'instant 0, par exemple dans la réaction suivante dite de capture électronique :
Ă l'instant initial, la particule Ă©mise est un neutrino-Ă©lectron, dont l'Ă©tat s'Ă©crit :
Ătant donnĂ© que la masse d'un neutrino est proche de zĂ©ro, l'essentiel de son Ă©nergie est cinĂ©tique :
Ă un instant quelconque l'Ă©tat du neutrino devient :
à partir de cette derniÚre relation nous pouvons voir que la probabilité de voir une oscillation, égale à , augmente avec l'augmentation de la différence du carré des masses des neutrinos, et diminue avec l'énergie des neutrinos.
De nombreuses paramétrisations existent[7] mais les difficultés inhérentes à la détection de neutrinos rendent le travail de détermination des coefficients bien plus complexe que celui pour la matrice CKM des quarks. Il en résulte que la forme de paramétrisation la plus répandue est celle qui emploie les angles de mélange (Ξ12, Ξ23 et Ξ13) et une phase de violation de la symétrie CP[8]. Expérimentalement, les angles sont définis approximativement en 2012 comme étant de 34 degrés pour Ξ12, 45 degrés pour Ξ23 et 9 degrés pour Ξ13.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « PontecorvoâMakiâNakagawaâSakata matrix » (voir la liste des auteurs).
- (en) Murray Gell-Mann et Abraham Pais, « Behavior of Neutral Particles under Charge Conjugation », Physical Review, vol. 97, no 5,â , p. 1387-1389 (lire en ligne).
- (en) Raymond Davis, Jr., « Attempt to Detect the Antineutrinos from a Nuclear Reactor by the Cl37(ÎœÌ , e-)A37 Reaction », Physical Review, vol. 97, no 3,â , p. 766-769 (lire en ligne).
- (ru) B. Pontecorvo, « Mesonium and anti-mesonium », Zh. Eksp. Teor. Fiz., vol. 33,â , p. 549â551.
- (en) Marek Zralek, « 50 Years of Neutrino Physics », Acta Physica Polonica B, vol. 41, no 12,â , p. 2563-2582 (lire en ligne). arXiv:1012.2390
- (en) Gordon T. Danby et al., « Observation of High-Energy Neutrino Reactions and the Existence of Two Kinds of Neutrinos », Physical Review Letters, vol. 9, no 1,â , p. 36-44 (lire en ligne).
- (en) Z. Maki, M. Nakagawa et S. Sakata, « Remarks on the Unified Model of Elementary Particles », Progress of Theoretical Physics, vol. 28,â , p. 870 (DOI 10.1143/PTP.28.870, Bibcode 1962PThPh..28..870M, lire en ligne).
- (en) J.W.F. Valle, « Neutrino physics overview », Journal of Physics: Conference Series (en), vol. 53,â , p. 473 (DOI 10.1088/1742-6596/53/1/031, Bibcode 2006JPhCS..53..473V, arXiv hep-ph/0608101). arxiv:hep-ph/0608101
- (en) Ubaldo Dore et Lucia Zanello, « Bruno Pontecorvo and neutrino physics », arXiv,â , p. 1-47 (lire en ligne).