Spectrovenator
Spectrovenator ragei
Zaher et al., 2020
Zaher et al., 2020
Spectrovenator est un genre Ă©teint de dinosaures thĂ©ropodes de la famille des Abelisauridae ayant vĂ©cu au CrĂ©tacĂ© infĂ©rieur (BarrĂ©mien â Aptien) dans ce qui est aujourdâhui le BrĂ©sil. Ses restes furent dĂ©couverts dans la Formation de QuiricĂł qui affleure prĂšs de la ville de Coração de Jesus dans le nord de lâĂtat du Minas Gerais. Son unique espĂšce, Spectrovenator ragei, a Ă©tĂ© dĂ©crite et nommĂ©e en 2020 par Hussam Zaher, Diego Pol, Bruno A. Navarro, Rafael Delcourt et Alberto B. Carvalho, Ă partir dâun squelette articulĂ© composĂ© dâun crĂąne complet, dâune partie des vertĂšbres cervicales, dorsales et caudales, le bassin, et les membres postĂ©rieurs. Ce spĂ©cimen gisait sous le squelette du titanosaure Tapuiasaurus dĂ©crit en 2011. Il est le premier abĂ©lisauridĂ© du CrĂ©tacĂ© infĂ©rieur connu par un crĂąne complet. Celui-ci est dĂ©pourvu de certaines des spĂ©cialisations liĂ©es Ă une stratĂ©gie alimentaire particuliĂšre qui caractĂ©risent les abĂ©lisauridĂ©s plus tardifs, comme la prĂ©sence dâune articulation intramandibulaire cinĂ©tique et la projection dorsale en forme de bouton des pariĂ©taux[1].
Ătymologie
Le nom de genre vient du latin spectre (« fantĂŽme ») et venator (« chasseur ») et fait rĂ©fĂ©rence Ă la dĂ©couverte inattendue du spĂ©cimen sous lâholotype du titanosaure Tapuiasaurus macedoi alors que ce dernier Ă©tait partiellement prĂ©parĂ© sur le terrain. LâĂ©pithĂšte spĂ©cifique « ragei » rend hommage au Dr Jean-Claude Rage pour son importante contribution Ă la connaissance de la palĂ©obiogĂ©ographie des vertĂ©brĂ©s continentaux du MĂ©sozoĂŻque[1].
Description
Le crĂąne de Spectrovenator a souffert de diverses dĂ©formations dâorigines tectoniques. Il a Ă©tĂ© comprimĂ© antĂ©ro-postĂ©rieurement pour le cĂŽtĂ© gauche et latĂ©ro-mĂ©dialement pour le cĂŽtĂ© droit. De plus, une partie du carrĂ© gauche a Ă©tĂ© cassĂ© et dĂ©placĂ© antĂ©rieurement[1]. Ce crĂąne ne mesure que 21,6 cm de longueur (mesure prise sur la partie gauche du crĂąne) alors que la mandibule gauche, moins dĂ©formĂ©e, a une longueur de 26 cm[2]. Ces dimensions sont relativement modestes pour un abĂ©lisauridĂ© mais le stade ontogĂ©nĂ©tique de cet individu (spĂ©cimen juvĂ©nile ou adulte de petite taille) nâest pas prĂ©cisĂ© dans lâarticle scientifique dĂ©crivant lâanimal.
Spectrovenator est caractĂ©risĂ© par les autapomorphies suivantes : un maxillaire dont le rameau postĂ©rieur est ornĂ© de rainures orientĂ©es verticalement (Ă lâexception dâune rĂ©gion lisse antĂ©rieure Ă la suture maxillaire-jugal), un jugal dont la surface latĂ©rale est rugueuse exceptĂ©e dans sa partie ventrale qui est lisse, un processus postĂ©rieur du jugal ventralement courbĂ©, une crĂȘte nucale Ă la marge dorsale fine et lisse, un dentaire Ă la marge ventrale relativement droite et pourvu dâun profond sillon sur la face latĂ©rale, un surangulaire Ă bord dorsal lĂ©gĂšrement convexe, et la prĂ©sence dâune crĂȘte longitudinale le long de lâextrĂ©mitĂ© postĂ©roventrale de la branche mandibulaire[1].
Spectrovenator possĂšde Ă©galement dâautres caractĂšres crĂąniens dĂ©jĂ signalĂ©s chez certains abĂ©lisauridĂ©s. La fenĂȘtre antĂ©orbitaire est plus longue que haute. Le rameau antĂ©rieur du lacrymal participe Ă la marge postĂ©rodorsale de la fenĂȘtre antĂ©orbitaire. Sur le toit crĂąnien, une fenĂȘtre est prĂ©sente entre le frontal, le lacrymal et le postorbitaire comme câest Ă©galement le cas chez Rugops, Ekrixinatosaurus et Arcovenator. Les naseaux sont fourchus antĂ©rieurement, avec un processus maxillaire long et aigu comme chez Rugops. Les naseaux sont concaves transversalement et portent une sĂ©rie de grands foramens et dâinvaginations situĂ©s mĂ©dialement Ă la saillie ornementĂ©e qui forme le bord latĂ©ral de lâos, comme chez Rugops et Skorpiovenator. Certains auteurs ont reliĂ© ces foramens Ă la prĂ©sence dâune couverture tĂ©gumentaire comme des Ă©cailles ou dâautres structures kĂ©ratinisĂ©es. Dâautres chercheurs ont Ă©mis lâhypothĂšse que ces foramens, de par leur symĂ©trie et leur disposition, pouvaient correspondre au passage des vaisseaux sanguins latĂ©raux nasaux et supra-orbitaux, ainsi quâau nerf trijumeau[1].
La denture du Spectrovenator se compose de 4 dents prĂ©maxillaires, 18 dents maxillaires, et 16 dents dentaires. Les plus grandes dents supĂ©rieures sont les 6e Ă 8e dents maxillaires. Les dents prĂ©maxillaires sont moins recourbĂ©es que les dents maxillaires et possĂšdent des denticules de mĂȘme tailles sur leurs deux tranchants. Chez les dents maxillaires, les denticules du bord postĂ©rieur sont plus petits que ceux du bord antĂ©rieur. Ces derniers sont de mĂȘme taille que ceux des dents prĂ©maxillaires. Les plus grandes dents dentaires se trouvent Ă©galement au milieu de la mandibule. Les dents dentaires postĂ©rieures ont leurs extrĂ©mitĂ©s plus recourbĂ©es que celle des dents les plus antĂ©rieures[1].
Le squelette postcrĂąnien, briĂšvement dĂ©crit, se distingue par un mĂ©tatarse gracile et proportionnellement plus allongĂ© que chez les autres abĂ©lisauridĂ©s. Pour le reste il prĂ©sente des caractĂšres typiques du groupe parmi lesquels des vertĂšbres cervico-dorsales Ă Ă©pipophyses allongĂ©es et Ă lames Ă©pipophysaires-prĂ©zygapophysaires bien dĂ©veloppĂ©es, des cĂŽtes cervicales distalement bifurquĂ©es, des vertĂšbres caudales aux apophyses transverses Ă©largies antĂ©ropostĂ©rieurement, un processus prĂ©acĂ©tabulaire de lâilion dirigĂ© antĂ©roventralement et Ă la marge antĂ©rieure irrĂ©guliĂšre, et une crĂȘte cnĂ©miale du tibia avec une extrĂ©mitĂ© distale Ă©largie[1].
Ăvolution crĂąnienne des abĂ©lisauridĂ©s
Spectrovenator montre une morphologie plĂ©siomorphe de la rĂ©gion temporale, avec la prĂ©sence dâune surface pariĂ©tale relativement large entre les fosses supratemporales, et un processus squamosal du postorbitaire Ă©troit et allongĂ©. Ă lâinverse, les abĂ©lisauridĂ©s plus dĂ©rivĂ©s montrent une sĂ©rie de modifications (tel une crĂȘte pariĂ©tale plus Ă©troite et un processus squamosal du postorbitaire court et profond) produisant des fenĂȘtres infra et supra temporales plus grandes pour lâinsertion de muscles mandibulaires plus puissants[1]. La mandibule du Spectrovenator diffĂšre Ă©galement de celle des abĂ©lisauridĂ©s dĂ©rivĂ©s. La hauteur de la fenĂȘtre mandibulaire y est beaucoup plus faible. Le processus postĂ©ro-ventral du dentaire possĂšde un contact Ă©tendu avec le rameau antĂ©rieur de lâangulaire le long de la marge antĂ©ro-ventrale de la fenĂȘtre mandibulaire[1]. Lâarticulation entre le dentaire et le surangulaire, bien que Ă©crasĂ©e et quelque peu dĂ©formĂ©e, nâa pas la condition typique prĂ©sente chez les abĂ©lisauridĂ©s dĂ©rivĂ©s chez qui lâextrĂ©mitĂ© antĂ©rieure du surangulaire prend la forme dâun petit condyle qui vient se loger dans une cavitĂ© du processus dorsal du dentaire[1] - [3]. Certains chercheurs ont interprĂ©tĂ© cette structure comme Ă©tant une articulation intramandibulaire cinĂ©tique inhabituelle qui serait liĂ©e Ă une stratĂ©gie alimentaire spĂ©cialisĂ©e distincte de celles des autres thĂ©ropodes[3]. Lâabsence de cette caractĂ©ristique chez Spectrovenator suggĂšre que les abĂ©lisauridĂ©s plus anciens auraient conservĂ©s une stratĂ©gie dâalimentation plus gĂ©nĂ©ralisĂ©e. LâĂąge CrĂ©tacĂ© infĂ©rieur (BarrĂ©mien-Aptien) du Spectrovenator indique Ă©galement que la stratĂ©gie dâalimentation hautement modifiĂ©e que lâon pensait caractĂ©ristique du groupe dans son ensemble serait en fait limitĂ©e aux abĂ©lisauridĂ©s dĂ©rivĂ©s, et doit avoir surgi pendant le CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur (aprĂšs le CĂ©nomanien), et fut peut-ĂȘtre influencĂ© par une augmentation de la taille corporelle dans lâĂ©volution tardive du groupe[1].
Phylogénie
Les analyses phylogĂ©nĂ©tiques rĂ©alisĂ©es par Zaher et ses collĂšgues identifient le Spectrovenator comme un membre basal des Abelisauridae. Il est rĂ©cupĂ©rĂ© comme le groupe frĂšre dâun clade contenant le genre Rugops et tous les taxons plus dĂ©rivĂ©s[1]. Ci-dessous une version simplifiĂ©e du cladogramme proposĂ© par Zaher et al. :
Paléoécologie
Dans la rĂ©gion de Coração de Jesus, la Formation de QuiricĂł atteint 100 m dâĂ©paisseur et se prĂ©sente comme une succession de sĂ©diments variĂ©s, composĂ©s dâargiles grĂ©seuses, siltites, calcaires et schistes prĂ©sentant des intercalations grĂ©seuses[4] - [5]. Lâenvironnement de dĂ©pĂŽt correspond Ă la marge dâun lac peu profond bordĂ© de sĂ©diments alluviaux, sous un climat semi-aride[4]. LâĂąge de la Formation de QuiricĂł fut considĂ©rĂ© comme datant de lâAptien mais un Ăąge plus proche de la limite BarrĂ©mien-Aptien a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© par la suite[5]. Le squelette de Spectrovenator a Ă©tĂ© retrouvĂ© sous la sĂ©rie cervicale du titanosaure Tapuiasaurus [4] - [6] - [1]. Cependant, les palĂ©ontologues ne savent pas encore si la mort des deux animaux est liĂ©e ou si lâassociation de leur cadavre est purement fortuite[4]. Mis Ă part Tapuiasaurus et Spectrovenator, la rĂ©gion de Coração de Jesus a Ă©galement livrĂ©e un thĂ©ropode Noasauridae indĂ©terminĂ© reprĂ©sentĂ© par divers Ă©lĂ©ments dâun membre postĂ©rieur (tibia, fibula, astragale, calcaneum, plusieurs mĂ©tatarses et phalanges dont une griffe)[7]. Ailleurs dans cette formation, les environs de Campo Azul et Olhos-d'Ăgua ont livrĂ© quelques ossement dâun sauropode Rebbachisauridae et des dents de thĂ©ropodes Carcharodontosauridae et Abelisauridae[8].
Notes et références
Références
- (en) H. Zaher, D. Pol, B.A. Navarro, R. Delcourt et A.B. Carvalho, « An Early Cretaceous theropod dinosaur from Brazil sheds light on the cranial evolution of the Abelisauridae », Comptes Rendus Palevol, vol. 19(6),â , p. 101-115 (DOI 10.5852/cr-palevol2020v19a6, lire en ligne)
- (en) H. Zaher, D. Pol, B.A. Navarro, R. Delcourt et A.B. Carvalho, « An Early Cretaceous theropod dinosaur from Brazil sheds light on the cranial evolution of the Abelisauridae. Appendix 1 â Supplementary material », Comptes Rendus Palevol, vol. 19(6),â , p. 1-60 (lire en ligne)
- (en) G.V. Mazzetta, R.A. Fariña et S.F. VizcaĂno, « On the palaeobiology of the South American horned theropod Carnotaurus sastrei Bonaparte », Gaia, vol. 1,â , p. 185-192 (lire en ligne)
- (pt-BR) R.A. Pires-Domingues, « Paleogeografia do alto de Paracatu: o registro geolĂłgico dos bone-beds de dinossauros da bacia Sanfranciscana », ThĂšse. Instituto de GeociĂȘncias da Universidade de SĂŁo Paulo,â (DOI 10.11606/D.44.2009.tde-09092009-103909, lire en ligne)
- (en) H. Zaher, D. Pol, A.B. Carvalho, P.M. Nascimento, C. Riccomini, P. Larson, R. Juarez-Valieri, R. Pires-Domingues, N.J. da Silva Jr. et D. de Almeida Campos, « A Complete Skull of an Early Cretaceous Sauropod and the Evolution of Advanced Titanosaurians. Text S1 », PLoS ONE, vol. 6(2),â , e16663 (PMID 21326881, PMCID 3034730, DOI 10.1371/journal.pone.0016663)
- (pt-BR) R.R. Da Silva, « Descrição osteolĂłgica e posicionamento filogenĂ©tico de um terĂłpode (Dinosauria, Saurischia) do CretĂĄceo Inferior da Bacia Sanfranciscana, municĂpio de Coração de Jesus, Minas Gerais, Brasil », ThĂšse. Instituto de BiociĂȘncias da Universidade de SĂŁo Paulo,â (DOI 10.11606/D.41.2013.tde-22072013-110420, lire en ligne)
- (en) J.C. Carvalho et R.M. Santucci, « New dinosaur remains from the QuiricĂł Formation, Sanfranciscana Basin (Lower Cretaceous), Southwestern Brazil », Cretaceous Research, vol. 85,â , p. 20-27 (DOI 10.1016/j.cretres.2017.12.017)
Liens externes
- Ressource relative au vivant :